Monsieur le rapporteur, avec le paragraphe III de votre amendement n° 25, vous ouvrez une brèche par le seul biais de la dérégulation et vous mettez en péril le maintien de ce type de gestion. Ce qui fonctionne bien, dans l'intérêt des usagers, ne reçoit pas votre accord, et vous militez pour la seule défense des intérêts des actionnaires : c'est tout à fait clair.
Tout le monde, y compris la Commission de Bruxelles - sauf vous peut-être -, s'accorde à penser qu'il existe un besoin important de planification dans ce domaine. L'activité d'approvisionnement en gaz a besoin d'être régulée. Les investissements sont insuffisants ; il est nécessaire de les programmer massivement et sur le long terme.
Comment cette politique serait-elle compatible avec le démantèlement que vous programmez ? Vous savez pertinemment qu'il est nécessaire d'ajuster l'offre à la demande et que votre système de segmentation des activités ne peut en aucun cas répondre à cette logique. Le pouvoir omnipotent du marché est en parfaite contradiction avec la nécessaire couverture programmée des besoins.
Par ailleurs, le monopole légal de Gaz de France sur la distribution publique et le devenir des contrats de concession accordés par les collectivités locales risquent de se heurter au Conseil constitutionnel.
Comment comprendre alors que vous refusiez d'examiner la fusion d'EDF, numéro un mondial de la production d'électricité, et de GDF, premier opérateur européen du gaz, alors que cette alliance permettrait la constitution d'un groupe de dimension européenne ? Apparemment, pour vous, c'est la nature publique de ces opérateurs qui en constitue le seul obstacle.
Pourtant, cette fusion aurait l'avantage, de notre point de vue, de répondre aux objectifs d'une politique énergétique à l'échelon tant national qu'européen. Comme je le disais ce matin à propos de ce qui se passe au sommet européen sur l'énergie, cette opération permettrait de créer, en matière d'infrastructures de transport, une Europe de l'énergie.
On pourrait ainsi créer des groupements d'intérêt économique, où chaque opérateur national apporterait ses infrastructures et conserverait des parts à la hauteur de ses apports.
Le système que vous proposez, aux antipodes de tout cela, ne peut pas répondre aux enjeux énergétiques.
Le marché et les opérateurs privés ne prennent en considération que des impératifs de rentabilité financière, pardonnez-nous de vous le rappeler !
Cette vision à court terme, pour répondre aux nécessités de profit maximum également à court terme, est en contradiction totale avec les besoins objectifs à long terme de ce secteur.
Vous souhaitez que rien ne puisse échapper au secteur privé.
Il existe un principe fondamental de notre Constitution selon lequel les missions de service public doivent être accomplies par des entreprises publiques.
Après avoir privatisé la maison mère, en quelque sorte, il vous sera plus simple de démanteler le reste des services, comme ceux de la distribution. Certes, vous opérez par étapes, parce que vous savez l'attachement de nos concitoyens à leurs services publics. Mais l'on ne s'y trompe pas, la tactique est pernicieuse !
Il est vrai que vous êtes aujourd'hui pris par le temps ! Mais nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de regarder un peu plus loin et d'examiner ce que cela augure pour l'avenir.