Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 20 octobre 2006 à 15h15
Secteur de l'énergie — Article 6

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Le III de l'article 6 du projet de loi tire les conséquences de la séparation juridique entre les activités de gestion de réseau de distribution d'électricité ou de gaz naturel et les activités de production ou de fourniture, en renforçant les mesures d'indépendance fonctionnelle.

Cet amendement vise à supprimer les modifications proposées, qui vont toutes dans le sens d'une stricte autonomie d'action des gestionnaires de réseau vis-à-vis de la société mère.

En avril 2006, déjà, la Commission européenne considérait qu'EDF et GDF enfreignaient les dispositions des directives européennes de 2003, dans la mesure où « les GRD ne disposaient pas de pouvoirs de décisions effectifs, indépendamment de l'entreprise verticalement intégrée, et concernant les éléments d'actifs nécessaires pour exploiter, entretenir ou développer le réseau ».

En réponse aux griefs soulevés par la Commission, le présent projet de loi tend à adapter notre législation à la réglementation européenne et, du même coup, à porter gravement atteinte au caractère intégré de l'entreprise.

Certes, il est proposé que le conseil d'administration ou de surveillance exerce un contrôle sur l'élaboration et l'exécution du budget du gestionnaire de réseau, mais aussi sur sa politique de financement et d'investissement. Toutefois, la consultation préalable des instances dirigeantes de la société mère n'est plus obligatoire s'agissant des décisions d'investissement sur les réseaux.

Nous avons donc conçu sur la stratégie d'investissement des gestionnaires de distribution certaines interrogations, qui sont d'autant plus légitimes que les entreprises privatisées, en changeant de statut, devront répondre avant tout à une logique économique et concurrentielle, bien éloignée des impératifs de sûreté de la distribution, de sécurité des personnes et de respect de l'environnement, notamment.

Nous savons tous que, dans la course à la rentabilité, les investissements lourds à long terme, qui sont pourtant nécessaires à l'entretien et au développement des réseaux, se verront sacrifiés.

La fin de la péréquation imposera de juger de la rentabilité de chaque prestation, pour chaque particulier, pour chaque entreprise. La demande des collectivités de raccordement au réseau de distribution de gaz sera entendue, à condition que les retours sur investissements soient bien réels et importants de surcroît.

Aucune réponse n'a été apportée aux questions relatives au maillage et à l'aménagement du territoire, c'est-à-dire aux réseaux secondaires.

Comment le Gouvernement pourra-il apporter une quelconque garantie alors que, en choisissant de privatiser GDF et d'ouvrir la distribution à la concurrence, il a perdu tout pouvoir d'influer sur les choix stratégiques de ces entreprises ?

Les références à l'action spécifique au bénéfice de l'État et à la présence d'un commissaire du Gouvernement dans les instances dirigeantes de GDF et dans les sociétés issues de la séparation juridique imposée à GDF ne sont que de piètres garde-fous.

Enfin, s'agissant du problème particulier des fontes grises, le Gouvernement a également du mal à convaincre nos concitoyens que les travaux extrêmement coûteux qu'EDF rechigne à entreprendre pour des questions financières, deviendront prioritaires pour la nouvelle société de distribution issue de la séparation juridique de GDF, qui sera confrontée à ses concurrentes. Rappelons que chaque kilomètre remplacé coûte, en effet, près de 1, 5 million d'euros et que 1 600 kilomètres à 3 000 kilomètres de canalisations sont répertoriés !

C'est pour éviter ces dangers et les incertitudes consécutives à la privatisation de la distribution du gaz que nous vous proposons d'adopter cet amendement, mes chers collègues.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion