Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, mes chers collègues, la présentation des budgets annexes des ordres de la Légion d'honneur et de la Libération revêt cette année un caractère exceptionnel.
En effet, l'application de l'article 18 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances devrait avoir pour conséquence la suppression des budgets annexes des ordres de la Légion d'honneur et de la Libération. Ils deviendraient une action du programme : « Soutien de la politique de la Justice et organismes rattachés » de la mission « Justice ».
Rapporteur spécial de ces crédits depuis 1998, j'aurais pu être tenté de proposer pour ces deux ordres un statut qui permette de leur conserver un fascicule. Mais le maintien de ces budgets annexes n'est à l'évidence pas compatible avec l'esprit de « la nouvelle constitution financière » que nous avons approuvée. Je me résous donc à ce sacrifice sur l'autel de la LOLF, et c'est probablement la dernière année au cours de laquelle le Parlement montrera solennellement, lors de la discussion de ces budgets, l'intérêt qu'il porte aux hommes et aux femmes qui se sont dévoués pour notre nation.
Je reviendrai plus en détail sur le devenir de ces budgets annexes, mais, auparavant, je vous les présente pour la dernière fois.
Le budget annexe de la Légion d'honneur retrace les moyens affectés à la grande chancellerie et aux maisons d'éducation.
En 2005, le montant des recettes et des dépenses du budget annexe de la Légion d'honneur s'établira à 18, 27 millions d'euros, en augmentation de 2, 1 %. Cette évolution résulte essentiellement de la progression de la dotation aux charges de personnel et des crédits pour les opérations en capital destinés aux travaux de sécurité et au matériel dans les maisons d'éducation.
La dotation de l'Ordre devrait lui permettre d'assurer tant son bon fonctionnement que la poursuite des travaux de restauration et d'entretien des bâtiments relevant de sa responsabilité et entrepris depuis déjà plusieurs années. J'apprécie surtout les ajustements aux besoins constatés qui ont été poursuivis dans le projet de budget annexe pour 2005 et j'encourage l'administration de la grande chancellerie à persévérer dans cette voie.
J'approuve l'avancement des travaux de réhabilitation du musée national de la Légion d'honneur entrepris à la fin de 2003 et entièrement autofinancés. Je prends acte de l'annonce de la réouverture du musée en 2006.
Le recrutement des élèves des maisons d'éducation, désormais ouvert aux arrière-petites-filles des membres de l'ordre national du Mérite, permet à ces établissements de conserver la dimension nécessaire au maintien de la qualité de leur enseignement. Il est attesté par l'excellence des résultats obtenus : 98, 5 % de réussite au baccalauréat. Je ne peux que m'en féliciter.
La féminisation de nos ordres nationaux souhaitée par le Président de la République en 1996 a atteint près de 30 % dans les années qui ont suivi cette décision. Mais je constate que ce bel élan semble difficile à maintenir, puisque ces proportions sont en diminution ces dernières années, surtout pour la Légion d'honneur.
L'ordre de la Libération, dont la chancellerie est chargée d'assurer la gestion et d'apporter éventuellement des secours aux compagnons et médaillés de la Résistance ainsi qu'à leurs familles, ne compte plus que 101 compagnons de la Libération et 4 800 médaillés de la Résistance, dont 1 950 cotisants.
La subvention du budget général, qui est sa seule ressource, s'établit en 2005 à 685 429 euros, en hausse de 1, 2 %. Aucune dépense en capital n'étant prévue en 2005, les mesures nouvelles ne concernent que deux types de dépenses de fonctionnement : l'accroissement des charges de personnel et la restauration de l'escalier d'honneur de la chancellerie.
J'apprécie la fin, au cours de ce mois de décembre, de la réfection totale du bâtiment abritant la chancellerie qui avait été entreprise en 2002, notamment la mise aux normes de la distribution électrique et de la sécurité.
Je reviens pour terminer sur le destin des deux budgets annexes.
La transformation en établissement public administratif de l'ordre de la Libération est déjà prévue par la loi de 1999. Le conseil national des communes « Compagnon de la Libération » sera créé lorsque l'Ordre ne comptera plus un nombre suffisant de compagnons. Même si une solution transitoire devait être appliquée en 2006, la mémoire et les traditions de l'Ordre seront ainsi sauvegardées.
Pour ce qui concerne l'ordre de la Légion d'honneur, il a été envisagé de s'orienter vers sa transformation en établissement public, ce qu'il est quasiment déjà puisqu'il dispose de la personnalité morale depuis 1802. Mais la grande chancellerie met en exergue les difficultés soulevées par la qualité de grand maître de l'ordre du Président de la République, par l'existence d'un grand chancelier, ordonnateur principal de l'Ordre, et d'un conseil de l'Ordre auxquels se serait ajouté un conseil d'administration. Elle a proposé plutôt une simple modification du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, précisant que « le conseil de l'Ordre adopte, chaque année, le budget de l'Ordre préparé par le grand chancelier ».
J'espère qu'une issue satisfaisante pour l'ordre de la Légion d'honneur, dans le respect de la volonté du législateur, sera trouvée à « l'imbroglio juridique » posé par la disparition programmée de son budget annexe et qu'un nouveau statut sera défini pour l'Ordre dans le respect de ses traditions, de son caractère régalien et des prérogatives figurant dans son statut actuel.
M. le garde des sceaux nous apportera certainement son éclairage sur l'avenir de ces deux ordres. Je souhaiterais également qu'il nous assure que le soutien juridique pour la mise en place des organes substitutifs, qui seraient rendus nécessaires par l'application de la LOLF, leur sera bien apporté. Ce souhait concerne plus l'ordre de la Libération, administration qui est peut-être moins en mesure d'élaborer, par ses seuls moyens, les statuts d'un établissement public qui prenant en compte l'anticipation de la loi de 1999.
Ne doutant pas d'être rassurée par la réponse de M. le garde des Sceaux, la commission des finances, suivant la proposition de son rapporteur spécial et selon la tradition parlementaire, vous propose, sans doute pour la dernière fois, d'adopter ces deux budgets annexes.