Séance en hémicycle du 13 décembre 2004 à 9h30

Résumé de la séance

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  • honneur
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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 73 et 74, 2004-2005).

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Je suis heureux de saluer, au nom du Sénat, la présence, aux côtés de M. le ministre, du général Kelche, grand chancelier de l'ordre national de la Légion d'honneur, et du général de Boissieu, chancelier de l'ordre de la Libération.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Demerliat

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, mes chers collègues, la présentation des budgets annexes des ordres de la Légion d'honneur et de la Libération revêt cette année un caractère exceptionnel.

En effet, l'application de l'article 18 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances devrait avoir pour conséquence la suppression des budgets annexes des ordres de la Légion d'honneur et de la Libération. Ils deviendraient une action du programme : « Soutien de la politique de la Justice et organismes rattachés » de la mission « Justice ».

Rapporteur spécial de ces crédits depuis 1998, j'aurais pu être tenté de proposer pour ces deux ordres un statut qui permette de leur conserver un fascicule. Mais le maintien de ces budgets annexes n'est à l'évidence pas compatible avec l'esprit de « la nouvelle constitution financière » que nous avons approuvée. Je me résous donc à ce sacrifice sur l'autel de la LOLF, et c'est probablement la dernière année au cours de laquelle le Parlement montrera solennellement, lors de la discussion de ces budgets, l'intérêt qu'il porte aux hommes et aux femmes qui se sont dévoués pour notre nation.

Je reviendrai plus en détail sur le devenir de ces budgets annexes, mais, auparavant, je vous les présente pour la dernière fois.

Le budget annexe de la Légion d'honneur retrace les moyens affectés à la grande chancellerie et aux maisons d'éducation.

En 2005, le montant des recettes et des dépenses du budget annexe de la Légion d'honneur s'établira à 18, 27 millions d'euros, en augmentation de 2, 1 %. Cette évolution résulte essentiellement de la progression de la dotation aux charges de personnel et des crédits pour les opérations en capital destinés aux travaux de sécurité et au matériel dans les maisons d'éducation.

La dotation de l'Ordre devrait lui permettre d'assurer tant son bon fonctionnement que la poursuite des travaux de restauration et d'entretien des bâtiments relevant de sa responsabilité et entrepris depuis déjà plusieurs années. J'apprécie surtout les ajustements aux besoins constatés qui ont été poursuivis dans le projet de budget annexe pour 2005 et j'encourage l'administration de la grande chancellerie à persévérer dans cette voie.

J'approuve l'avancement des travaux de réhabilitation du musée national de la Légion d'honneur entrepris à la fin de 2003 et entièrement autofinancés. Je prends acte de l'annonce de la réouverture du musée en 2006.

Le recrutement des élèves des maisons d'éducation, désormais ouvert aux arrière-petites-filles des membres de l'ordre national du Mérite, permet à ces établissements de conserver la dimension nécessaire au maintien de la qualité de leur enseignement. Il est attesté par l'excellence des résultats obtenus : 98, 5 % de réussite au baccalauréat. Je ne peux que m'en féliciter.

La féminisation de nos ordres nationaux souhaitée par le Président de la République en 1996 a atteint près de 30 % dans les années qui ont suivi cette décision. Mais je constate que ce bel élan semble difficile à maintenir, puisque ces proportions sont en diminution ces dernières années, surtout pour la Légion d'honneur.

L'ordre de la Libération, dont la chancellerie est chargée d'assurer la gestion et d'apporter éventuellement des secours aux compagnons et médaillés de la Résistance ainsi qu'à leurs familles, ne compte plus que 101 compagnons de la Libération et 4 800 médaillés de la Résistance, dont 1 950 cotisants.

La subvention du budget général, qui est sa seule ressource, s'établit en 2005 à 685 429 euros, en hausse de 1, 2 %. Aucune dépense en capital n'étant prévue en 2005, les mesures nouvelles ne concernent que deux types de dépenses de fonctionnement : l'accroissement des charges de personnel et la restauration de l'escalier d'honneur de la chancellerie.

J'apprécie la fin, au cours de ce mois de décembre, de la réfection totale du bâtiment abritant la chancellerie qui avait été entreprise en 2002, notamment la mise aux normes de la distribution électrique et de la sécurité.

Je reviens pour terminer sur le destin des deux budgets annexes.

La transformation en établissement public administratif de l'ordre de la Libération est déjà prévue par la loi de 1999. Le conseil national des communes « Compagnon de la Libération » sera créé lorsque l'Ordre ne comptera plus un nombre suffisant de compagnons. Même si une solution transitoire devait être appliquée en 2006, la mémoire et les traditions de l'Ordre seront ainsi sauvegardées.

Pour ce qui concerne l'ordre de la Légion d'honneur, il a été envisagé de s'orienter vers sa transformation en établissement public, ce qu'il est quasiment déjà puisqu'il dispose de la personnalité morale depuis 1802. Mais la grande chancellerie met en exergue les difficultés soulevées par la qualité de grand maître de l'ordre du Président de la République, par l'existence d'un grand chancelier, ordonnateur principal de l'Ordre, et d'un conseil de l'Ordre auxquels se serait ajouté un conseil d'administration. Elle a proposé plutôt une simple modification du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, précisant que « le conseil de l'Ordre adopte, chaque année, le budget de l'Ordre préparé par le grand chancelier ».

J'espère qu'une issue satisfaisante pour l'ordre de la Légion d'honneur, dans le respect de la volonté du législateur, sera trouvée à « l'imbroglio juridique » posé par la disparition programmée de son budget annexe et qu'un nouveau statut sera défini pour l'Ordre dans le respect de ses traditions, de son caractère régalien et des prérogatives figurant dans son statut actuel.

M. le garde des sceaux nous apportera certainement son éclairage sur l'avenir de ces deux ordres. Je souhaiterais également qu'il nous assure que le soutien juridique pour la mise en place des organes substitutifs, qui seraient rendus nécessaires par l'application de la LOLF, leur sera bien apporté. Ce souhait concerne plus l'ordre de la Libération, administration qui est peut-être moins en mesure d'élaborer, par ses seuls moyens, les statuts d'un établissement public qui prenant en compte l'anticipation de la loi de 1999.

Ne doutant pas d'être rassurée par la réponse de M. le garde des Sceaux, la commission des finances, suivant la proposition de son rapporteur spécial et selon la tradition parlementaire, vous propose, sans doute pour la dernière fois, d'adopter ces deux budgets annexes.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération est une occasion unique de rendre hommage à toutes ces femmes et tous ces hommes auxquels notre République a décerné sa reconnaissance, un hommage que je voudrais d'autant plus appuyé que c'est la dernière fois que nous débattons des budgets des deux ordres.

La loi organique relative aux lois de finances supprimant les budgets annexes des ordres de la Légion d'Honneur et de la Libération dès 2006, je tiens à renouveler l'assurance du soutien indéfectible des parlementaires pour leur oeuvre remarquable.

Je veux aussi exprimer mes remerciements au général Kelche, grand chancelier de la Légion d'honneur, et au général de Boissieu, chancelier de l'ordre de la Libération, pour leur action. Nous espérons sincèrement qu'ils pourront continuer leur magnifique oeuvre avec toute l'autonomie nécessaire, au sein du programme « soutien de la politique de la Justice et organismes rattachés » de la mission « Justice » où devraient être désormais concentrés leurs crédits. L'avenir dira si la solution juridique retenue est la bonne. Mais il faudra de la vigilance, monsieur le ministre, et une volonté certaine pour préserver leurs moyens dans une enveloppe qui regroupera à la fois des crédits de communication et de fonctionnement du garde des sceaux, des crédits de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, ou encore diverses dépenses de l'état-major.

Une mission qui me tient à coeur est celle de la reconnaissance de la nation envers ses citoyens les plus méritants. Je crois ainsi qu'à l'instar d'autres pays européens nous devrions encourager la soumission de demandes de décorations par la société civile, afin d'éviter le risque de monopolisation des décorations par une certaine élite, un groupe de privilégiés, si méritants soient-ils. Car l'honneur et le courage, le service à la patrie se prouvent aussi au long de vies ordinaires lorsque la générosité, l'abnégation de soi et l'amour du pays sont les valeurs essentielles qui conduisent l'action. Ce sont les actions des plus méritants, si humbles soient-ils, qui doivent avant tout être reconnues à leur juste valeur et servir ainsi d'exemple.

La subvention versée par votre ministère se monte à 16, 8 millions d'euros, en augmentation de 2, 2 % par rapport à 2004. Cependant, le nombre des nominations et promotions dans l'ordre de la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite décroît, volontairement pour ne pas dénaturer le mérite de ces distinctions. Cette année, 13 026 citoyens français, hommes et femmes, civils et militaires seront récipiendaires.

Mais je regrette, à l'instar de notre excellent rapporteur spécial, que le nombre de femmes récompensées, qui était passé de 7 % en 1985 à près de 30 % des bénéficiaires grâce à la volonté du Président de la République, s'amenuise depuis deux ans : 18 % par exemple lors de la promotion du 1er janvier 2004. Il n'est pas acceptable, monsieur le ministre, dans ce domaine comme dans d'autres, que les femmes soient moins bien traitées. Nous attendons que vous réagissiez fermement à ce déséquilibre.

Je souhaiterais, par ailleurs, monsieur le ministre, vous interroger sur l'opportunité du maintien des émoluments aux décorés à titre militaire de la Légion d'honneur et des médailles militaires. Pour mémoire, un chevalier reçoit, à ce titre, six euros par an : une somme ridiculement faible, mais qui correspond à une dépense annuelle, pour la grande chancellerie, de plus d'un million d'euros et génère d'autres frais importants de gestion administrative. Ne serait-il pas plus sage de décider que tout ou partie de cette somme pourrait être destiné à un fonds de solidarité, géré par la grande chancellerie ou par la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur afin de venir en aide aux plus démunis ?

Je crois également en l'impérieuse nécessité de l'informatisation de la grande chancellerie. Il est, en effet, très regrettable que, faute de fichiers informatisés, il soit quasiment impossible d'établir des listes fiables des décorés de la Légion d'honneur, notamment à l'étranger. Les Archives nationales ont mis en place un remarquable fonds « Léonore » qui répertorie tous les médaillés militaires et légionnaires, mais uniquement ceux qui sont décédés avant 1954. Il semble indispensable de l'actualiser au plus vite !

En tant qu'élue des Français de l'étranger, je souhaite mettre l'accent tout particulièrement sur l'universalité de la Légion d'honneur, car elle a permis, par le truchement des ambassadeurs et du ministère des affaires étrangères, de récompenser enfin la « France du dehors » composée de nos ressortissants vivant à l'étranger et de nos amis francophiles et francophones.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Légion d'honneur et le Mérite national sont en effet attribués plus largement à ceux dont les activités participent au rayonnement économique, culturel, scientifique et humanitaire de la France. Je tiens ici à rendre hommage à l'engagement de nos ambassadeurs, sans lesquels nos compatriotes ne pourraient prétendre au bénéfice de ces distinctions honorifiques.

Parce qu'elle jouit d'un respect universel, la Légion d'honneur est un formidable outil pour notre diplomatie et pour le rayonnement de la France. Mais, s'agissant des bénéficiaires étrangers, je me demande si les hommes ne sont pas, là encore, nettement plus nombreux que les femmes. Peut-être avez-vous, monsieur le ministre, des indications à nous donner à ce sujet.

Avant de conclure, je ne manquerai pas de rendre un vibrant hommage à l'ordre de la Libération, dont la subvention s'élève à 685 400 euros, en hausse de 1, 19 % par rapport à 2004, ce qui lui permettra d'apporter des secours aux compagnons et à leurs familles. C'est l'occasion de saluer nos 105 compagnons de la Libération, les Français libres et nos 4 800 médaillés de la Résistance. Leur souvenir sera perpétué, le moment venu, par le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », pérennisant l'ordre par la création d'un établissement public administratif.

Je ne vous surprendrai donc pas, monsieur le ministre, en votant les budgets des ordres de la Légion d'honneur et de la Libération pour 2005, dans l'espoir du maintien à l'avenir de ces deux ordres dans l'intérêt et pour le rayonnement de notre pays.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, l'examen du budget des ordres de la Légion d'honneur et de la Libération est un moment particulier de la discussion du projet de loi de finances.

Certes, au regard du volume des crédits en discussion, il ne s'agit pas de bousculer les grands équilibres budgétaires ! Toutefois, le caractère traditionnellement consensuel des échanges qui ont eu lieu lors de cette discussion illustre la considération que portent l'ensemble des parlementaires et le Gouvernement à nos ordres nationaux.

Vous le savez, les ressources du budget annexe de la Légion d'honneur sont constituées par ses recettes propres ainsi que par la subvention versée par le ministère de la justice.

En 2005, le budget annexe atteindra 18, 3 millions d'euros en recettes et en dépenses, soit une augmentation de l'ordre de 2 % par rapport à l'exercice précédent. Les recettes propres, d'un total de 1, 4 million d'euros, soit une augmentation de plus de 1 %, sont constituées principalement de la perception des droits de chancellerie, des pensions et des trousseaux des élèves des maisons d'éducation.

Parallèlement, la subvention budgétaire qui vous est proposée s'élève à 16, 8 millions d'euros, soit une hausse de 2, 2 % par rapport à l'année précédente, qui résulte essentiellement de l'augmentation de la dotation relative aux charges de personnel, ainsi que des crédits de paiement afférents aux opérations en capital des maisons d'éducation. Le règlement des traitements des 113 200 membres du premier ordre national et des 197 700 médaillés militaires mobilisera notamment un peu plus d'un million d'euros.

Les nominations et promotions dans l'ordre de la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite et les concessions de la médaille militaire constituent la mission première de la grande chancellerie. Elles ont concerné, cette année, 13 026 citoyens français, hommes et femmes, - peut-être l'effort de rééquilibrage devra-t-il être poursuivi - civils et militaires, de tous statuts et de toutes conditions sociales et professionnelles, reflétant fidèlement l'image de la société française dans sa diversité.

Ces chiffres s'inscrivent dans la politique de maîtrise des effectifs voulue par le général de Gaulle, assurée, avec autorité et constance, par les grands maîtres successifs de la Légion d'honneur et destinée à conforter le prestige de notre premier ordre national.

Pour les étrangers, il convient de souligner l'effort particulier demandé par le Président de la République à l'occasion du soixantième anniversaire des débarquements et de la Libération du territoire. Ces cérémonies ont permis d'honorer des combattants des forces alliées représentant treize nationalités, notamment des Américains, des Britanniques, des Canadiens, des Néerlandais, des Australiens, des Polonais ; beaucoup de ces récipiendaires ont reçu leurs décorations lors des manifestations du 6 juin 2004 sur les plages de Normandie.

Ont été honorés également, le 15 août, lors des cérémonies commémorant le débarquement en Provence, des Britanniques, des Américains, des Algériens, des Marocains, des Tunisiens et des représentants de tous les pays d'Afrique noire qui prirent part, avec courage, aux combats de la Libération. Au total, 1 830 étrangers ont été nommés ou promus cette année dans les ordres nationaux.

Plus que jamais, notre société, notamment les jeunes générations, a besoin de références et la Légion d'honneur, grâce à la diversité des mérites qu'elle reconnaît, permet de distinguer des modèles et des exemples.

Mais, l'ordre de la Légion d'honneur exerce la pédagogie plus directement encore dans ses deux maisons d'éducation de Saint-Denis et de Saint-Germain-en-Laye, qui ont pour mission d'assurer l'éducation de plus de 1 000 élèves, filles, petites-filles et arrière-petites-filles, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, des membres des deux ordres. Selon une habitude bien établie, les résultats obtenus aux examens, à la fin de l'année scolaire 2003-2004, par les élèves des maisons d'éducation ont été excellents. Ces résultats, fondés sur la qualité de l'éducation et de l'enseignement qui y sont prodigués, sont le meilleur gage de la pérennité de ces institutions.

L'ordre de la Légion d'honneur ne pourra plus bénéficier du statut de budget annexe à partir du 1er janvier 2006, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, ainsi que Mme Joëlle Garriaud-Maylam, en raison de l'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Pour les raisons que vous avez développées, monsieur le rapporteur spécial, il serait difficile de transformer l'ordre en établissement public. Mais je crois que la qualité d'opérateur pourrait lui être reconnue afin de lui garantir une pleine autonomie de fonctionnement au sein de la mission « justice ».

Je rappelle que les opérateurs, disposant d'une personnalité juridique distincte de l'Etat, mettent en oeuvre des politiques publiques et assurent des missions de service public pour le compte de l'Etat. La majorité des établissements publics administratifs bénéficiera de cette qualité. L'ordre de la Légion d'honneur me paraît donc répondre à cette définition.

De son côté, l'avenir de l'ordre de la Libération sera assuré à travers le Conseil national des cinq communes « Compagnon de la Libération », établissement public administratif qui verra le jour lorsque le temps ne permettra plus de réunir les quinze membres de l'actuel Conseil de l'ordre.

Le Gouvernement et plus particulièrement le ministère de la justice mettront en effet leur expertise juridique à la disposition de l'ordre de la Libération afin d'affiner les modalités de la transition. Je ne doute pas que l'ensemble des parties prenantes, notamment les villes « Compagnon de la Libération », auront à coeur de réussir au mieux le renouvellement de l'ordre.

Pour 2005, il vous est proposé d'accorder à l'ordre de la Libération un budget annexe de 685 000 euros, soit une progression de recettes de 1 % par rapport au budget de l'année 2004.

Le prestige de nos ordres nationaux appelle la célébration de leur histoire. L'année 2002 a vu la célébration du bicentenaire de l'ordre de la Légion d'honneur et du cent cinquantième anniversaire de la médaille militaire. La fin de l'année 2003 a vu la commémoration du quarantième anniversaire de l'ordre national du Mérite. En 2004, ont été rappelées solennellement les premières remises d'insignes par Napoléon aux Invalides, le 15 juillet 1804, et au Camp de Boulogne, le 16 août 1804. L'année 2004 a surtout été marquée par une forte mobilisation des institutions, mais aussi de l'ensemble des Français et plus particulièrement des jeunes, autour des célébrations du soixantième anniversaire de la Libération du territoire national. En Normandie, en Provence ou à Paris, nombre de nos concitoyens ont assisté à ces commémorations qui, plus que jamais, ont entendu placer les acteurs et les témoins, au centre des cérémonies.

Il était et il est important que ces anniversaires soient célébrés. C'est sans doute la plus belle leçon que nous a donnée la célébration du bicentenaire de l'ordre de la Légion d'honneur que de nous permettre de constater, après deux siècles d'existence, la modernité d'une des plus anciennes institutions républicaines.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération et figurant aux articles 50 et 51.

Services votés

Crédits : 17 444 838 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 50, au titre des services votés.

Ces crédits sont adoptés.

Mesures nouvelles

I. - Autorisations de programme : 1 286 000 € ;

II. - Crédits : 825 585 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits inscrits à l'article 51, au titre des mesures nouvelles.

Ces crédits sont adoptés.

Services votés

Crédits : 680 882 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 50, au titre des services votés.

Ces crédits sont adoptés.

Mesures nouvelles

II. - Crédits de paiement : 4 547 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 51, au titre des mesures nouvelles.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je remercie le Grand chancelier de l'ordre nationale de la Légion d'honneur et le Chancelier de l'ordre de la Libération de leur présence.

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 43 de notre règlement.

Je demande une deuxième délibération sur l'amendement n° II-9, déposé par M. Jégou, et qui, je le rappelle pour mémoire, tend à restreindre de 100 000 euros les crédits relatifs à l'activité de défendeur des droits des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de la justice.

J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.

Ainsi, M. le garde des sceaux, ministre de la justice, répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux trois rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.

Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, ainsi que les temps de parole impartis.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le budget du ministère de la justice progresse de 4 % en 2005 par rapport à 2004, alors que le budget général augmente de 1, 8 %, conformément aux prévisions de l'inflation.

Alors même que le nombre d'emplois autorisés dans le projet de loi de finances pour 2005, pour l'ensemble des services de l'Etat, est réduit de 7 188, il est prévu la création nette de 1 100 emplois pour le seul ministère de la justice.

Les crédits proposés intègrent évidemment la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, dite LOPJ, dont ce sera la troisième année d'application.

Pour autant, ces éléments ne sauraient suffire pour considérer comme excellent le projet de budget du ministère de la justice pour 2005.

En effet, il est grand temps, à la veille de la mise en oeuvre complète de loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, de passer d'une culture de moyens à une culture de résultats.

Un budget qui augmente et qui prévoit des créations d'emplois n'est satisfaisant que si, parallèlement, les moyens alloués - qui proviennent de l'argent des contribuables - sont utilisés « au mieux », avec des résultats tangibles pour les citoyens.

A cet égard, les ministères « favorisés » en allocations de moyens, loin d'être exemptés d'une politique rigoureuse, doivent faire preuve d'une gestion exemplaire.

Tel est l'esprit dans lequel j'ai examiné le présent projet de budget.

Je noterai principalement, à propos de la gestion de l'exercice 2003, la confirmation de la dérive des frais de justice, dont les crédits deviendront limitatifs avec la LOLF. Les frais de justice, c'est-à-dire les dépenses de procédure restant à la charge de l'Etat - par exemple, les expertises, l'interprétariat ou les écoutes téléphoniques - ont augmenté de 17 % en 2003. Sur les deux dernières années, 2003 et 2004, la progression dépasse ainsi 40 %.

Monsieur le garde des sceaux, je sais que vous vous préoccupez de cette situation et que, sans remettre en cause la « liberté de prescription du magistrat », qui correspond à un désir de « plus de justice », vous préparez la mise en oeuvre d'un plan de rationalisation des dépenses.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'état d'avancement de cette rationalisation ?

L'année 2005 étant la troisième année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ, un premier bilan s'impose.

La LOPJ a prévu, sur cinq ans, la création nette de 10 100 emplois budgétaires permanents, soit 950 magistrats, 3 500 fonctionnaires et agents des services judiciaires, 3 740 personnels de l'administration pénitentiaire, 1 250 personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, 180 agents pour l'administration centrale et 480 postes pour la justice administrative. S'ajoute à ces créations le recrutement sur crédits de vacation de juges de proximité et d'assistants de justice, pour un équivalent plein-temps de 580 emplois.

A la fin de l'année 2005, compte tenu des créations prévues pour l'an prochain, le taux d'exécution des créations nettes d'emplois devrait s'établir globalement à 52 %. C'est pour l'administration pénitentiaire qu'il sera le plus satisfaisant avec 68 %. En revanche, le taux d'exécution est de 47 % pour la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, et de 39 % pour les services judiciaires.

Monsieur le garde des sceaux, comment allez-vous échelonner la suite des créations d'emplois et pouvez-vous vous engager à une application à 100 % de la programmation en 2007, tant de manière globale que par agrégats ?

La LOPJ a fixé le montant des autorisations de programme nécessaires au financement des investissements à 1, 750 milliard d'euros, ce qui correspond à un doublement du niveau moyen annuel des investissements du ministère de la justice.

S'agissant des autorisations de programme, 77 % concernent l'administration pénitentiaire, ce dont je me félicite, compte tenu de l'état des prisons qui constitue « une humiliation pour la République », pour reprendre l'expression employée par M. Jean-Jacques Hyest, dans le rapport d'une commission d'enquête sur les prisons, dont les travaux se sont déroulés il y a quatre ans.

Il ne faut pas oublier que le taux de surpopulation carcérale atteignait 114 % au 1er octobre 2004, chiffre moyen qui reflète des situations variables. C'est ainsi que la maison d'arrêt du Mans est suroccupée à près de 230 % au 1er décembre !

La LOPJ a prévu la création de 13 200 places supplémentaires en établissements pénitentiaires : 10 800 places réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires et 2 400 places dédiées à l'application de nouveaux concepts pénitentiaires adaptés à la diversité de la population carcérale, et ce afin d'éviter « la contamination par la promiscuité » - il s'agit là, monsieur le garde des sceaux, d'un sujet particulièrement sensible. Parmi les places ainsi créées, 2 000 sont prévues pour des détenus majeurs et 400 pour des structures exclusivement réservées aux mineurs.

L'importance du retard, avec les conséquences que cela implique tant pour la sécurité dans les établissements qu'en termes de promiscuité et donc de risque de « contagion », notamment pour les plus jeunes détenus, justifie, certes, ce programme substantiel, qui, d'une certaine manière, constitue une forme de prévention de la délinquance. Toutefois, un tel programme ne suffira pas si l'Etat n'adapte pas ses méthodes aux enjeux.

C'est pourquoi, en vue de la construction des prisons en particulier, l'Etat dispose maintenant, d'une part, de la possibilité de conclure avec des opérateurs privés des marchés à caractère global - conception, construction, aménagement -et, d'autre part, de recourir à la maîtrise d'ouvrage privée, en accordant une autorisation d'occupation temporaire du domaine public à un opérateur qui louera l'équipement à l'Etat dans le cadre d'un contrat de location avec option d'achat.

Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous indiquer précisément dans quelle mesure vous envisager d'utiliser ces procédures susceptibles de favoriser l'avancement du programme ? Disposez-vous d'une évaluation chiffrée de leur impact ?

A la date du 31 juillet 2004, soit après dix-huit mois, les autorisations de programme, au titre de la LOPJ, tous secteurs confondus, étaient engagées à hauteur de 44 %, alors que le taux théorique aurait dû être de 30 %. Ce résultat est le signe d'une volonté qu'il convient de souligner dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons.

Il existe, bien évidemment, un décalage dans le temps entre les autorisations de programme et les crédits de paiement, qui rend aujourd'hui prématurée l'annonce de chiffres significatifs.

Ainsi, pour la création d'établissements spécialisés pour mineurs, les études préalables se sont déroulées sur la totalité de 2003, tandis que l'année 2004 est largement consacrée à la mise en oeuvre des procédures prévues par le code des marchés publics.

Cela laisse supposer que les crédits de paiement pour les investissements devraient monter en puissance au cours des prochains exercices.

Je souhaiterais, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez m'apporter des indications chiffrées les plus précises possible sur la montée en puissance prévisible des crédits de paiement au cours des derniers exercices de la programmation.

La LOPJ a prévu l'ouverture de 2, 775 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en dépenses ordinaires couvrant les créations d'emplois, les mesures relatives à la situation des personnels et le fonctionnement.

Compte tenu des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2005, le taux d'exécution de la LOPJ s'établira, pour les dépenses ordinaires, après trois exercices, à 55 %.

Là encore, pouvez-vous nous assurer que le taux de réalisation, à l'issue de la programmation, sera de 100 % ?

S'agissant du projet de budget pour 2005 des services judiciaires, 100 emplois de magistrats et 255 emplois de greffiers seront créés.

Monsieur le garde des sceaux, la commission m'a demandé de vous faire part de son inquiétude face à l'évolution préoccupante de la situation des greffes, dont la charge de travail augmente sensiblement, les créations d'emplois de greffiers se situant à un niveau inférieur à ce que prévoyait la LOPJ. Quand comptez-vous procéder à l'indispensable rattrapage ?

La commission s'est aussi interrogée sur l'utilité des maisons de la justice et du droit, au regard des moyens qui leur sont consacrés. N'a-t-on pas cédé à une certaine mode consistant à créer, dans ce projet de loi de finances, des « maisons » à propos de tout ?

En ce qui concerne les juridictions administratives, l'augmentation continue du contentieux vous a conduit à prévoir, dans la LOPJ, la création de 210 emplois de magistrats et de 230 postes de greffiers. Au cours de chacune des deux premières années de la programmation, en 2003 et 2004, le taux d'exécution s'est établi aux environs de 20 %, laissant ainsi espérer une réalisation à 100 % en 2007. Malheureusement, les créations d'emplois seront deux fois moins nombreuses en 2005.

Vous connaissez les efforts accomplis par les juridictions administratives pour réduire les délais moyens de jugement.

Pour pouvoir atteindre ces objectifs, les juridictions administratives ne seraient-elles pas en droit d'obtenir que le « retard » pris en 2005 soit comblé dès 2006 ? Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous prendre aujourd'hui l'engagement de mettre fin à cette « pause » dès le prochain projet de loi de finances ?

S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, je relève que les crédits consacrés au secteur associatif habilité progressent de 20 millions d'euros, soit 8, 1 %, représentant ainsi 43 % du total.

Les moyens destinés au secteur public - soit 57 % du total - augmentent de 5, 9 millions d'euros, c'est-à-dire de 1, 7 %.

Ce projet de budget permettra la création nette de 107 postes pour la PJJ, sur un effectif de 70 497 emplois.

Le programme d'investissement de la PJJ est marqué par le lancement d'études et de marchés de maîtrise d'oeuvre pour quatre centres éducatifs fermés.

Enfin, l'année 2005 verra la mise en oeuvre de l'expérimentation du transfert aux conseils généraux des mesures d'assistance éducative, prévue par la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le garde des sceaux, comment se présente aujourd'hui cette expérimentation ?

J'ai analysé brièvement chaque indicateur de performance proposé dans le cadre de la LOLF et j'ai porté sur un certain nombre d'entre eux une appréciation critique. Pour les détails, je vous renvoie, mes chers collègues à mon rapport écrit.

Je tiens tout d'abord, monsieur le garde des sceaux, à rendre hommage à la qualité du travail effectué, dans ce domaine où l'évaluation semble difficile.

Je souhaite néanmoins vous interroger sur l'objectivité de l'autoévaluation de l'administration, souvent appelée à fournir ses propres chiffres, sans contrôle extérieur quant à leur pertinence ou à leur valeur.

Je constate qu'un certain nombre d'indicateurs sont encore en cours de construction et que plusieurs d'entre eux semblent complexes à définir. Ne faudrait-il pas choisir des critères plus simples à élaborer ?

Ne pensez-vous pas que certains indicateurs de gestion administrative, prévus dans le programme « soutien de la politique de la justice », comme la dépense moyenne de gestion par agent, pourraient être étendus à d'autres programmes ?

S'agissant du programme « administration pénitentiaire », ne serait-il pas opportun de créer des indicateurs sur la régularité du suivi médico-psychologique pour les délinquants sexuels, les pédophiles par exemple ?

Pour le programme « soutien », ne serait-il pas intéressant de prévoir un indicateur sur le montant et sur l'évolution du taux de transposition des directives communautaires de « compétence chancellerie », dans les délais requis par celles-ci ?

Enfin, ne croyez-vous pas que, à un terme raisonnable, certains indicateurs pourraient être individualisés au niveau du ressort des cours d'appel, voire de certaines juridictions ?

Vous aurez déduit de ces questions, monsieur le garde des sceaux, que j'escompte du Gouvernement un véritable dialogue en vue de la finalisation de ces objectifs et indicateurs de performance.

Enfin, je tiens à évoquer l'expérimentation de visioconférence, réalisée par la cour d'assise spéciale de la Marne, le 17 mai 2004, pour procéder à l'audition, en qualité de témoin, d'une personne détenue en un autre lieu. Cette audition, d'une durée d'une heure et d'un coût inférieur à 22 euros, a permis d'éviter la mobilisation de trois gendarmes pour la journée. Il s'agit donc d'une perspective intéressante, qui est appelée à se développer.

Toutefois, la visioconférence ne résoudra pas tout : la répartition des charges de surveillance des escortes de détenus entre police, gendarmerie et personnels de l'administration pénitentiaire devra être revue et clarifiée.

Monsieur le garde des sceaux, je sais qu'il existe des discussions entre votre ministère et celui de l'intérieur sur ces questions. Que comptez-vous faire pour débloquer une situation coûteuse et préjudiciable à l'efficacité de la justice et des forces de sécurité ?

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et de la précision avec laquelle, j'en suis persuadé, le ministre répondra à ces questions, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits du ministère de la justice prévus dans le projet de loi de finances pour 2005.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez d'abord évoqué la mise en oeuvre de la LOLF et sa compatibilité avec la gestion des crédits de frais de justice.

S'agissant des frais de justice, nous nous heurtons à deux difficultés. D'une part, ils augmentent de façon très importante, en pourcentage, d'année en année. Ils ont progressé de 20 % entre 2002 et 2003 et leur croissance sera sans doute du même ordre entre 2003 et 2004.

Par ailleurs, nous passerons en crédits limitatifs à partir de 2006.

Comment sortir de cette double difficulté ? Comme je l'ai indiqué devant la commission des finances, il faut d'abord réaliser un travail de rationalisation s'articulant notamment autour des trois mesures suivantes.

Tout d'abord, il me paraît indispensable de sensibiliser les prescripteurs, c'est-à-dire les magistrats et les officiers de police judiciaire, en normalisant la chaîne de la dépense : engagements, ordonnancements, paiements.

Ensuite, il convient d'ouvrir une négociation tarifaire avec les principaux prestataires de services, les opérateurs de téléphonie mobile et les laboratoires d'analyses génétiques notamment. Nous avons engagé des discussions avec ces deux partenaires afin d'obtenir des tarifs raisonnables.

Il faudra aussi préciser la relation entre celui qui passe la commande et l'opérateur. En effet, plus la demande d'un officier de police judiciaire ou d'un magistrat est précise, en fonction de la nature du renseignement qu'il veut obtenir pour les besoins de son enquête, moins la dépense sera élevée.

Il y a donc un travail à faire de part et d'autre. D'un côté, les prestataires de services doivent faire un effort tarifaire et, de l'autre, ceux qui passent la commande doivent faire un travail de rationalisation.

Enfin, il faut redéfinir le périmètre des frais de justice. Nous avons engagé des discussions avec le ministère de l'intérieur sur la répartition de la dépense, ce qui ne réduit en rien le travail qui doit être fait sur le montant de la dépense.

En effet, certaines dépenses sont engagées de façon légitime, mais hors du contrôle des magistrats, qu'il s'agisse du parquet ou du juge d'instruction. La question est alors de savoir quel ministère doit payer. Aujourd'hui, c'est le ministère de la justice. Est-ce bien légitime dans le cas où un policier passe une commande sans avoir demandé le feu vert de l'institution judiciaire ?

Outre le travail de réduction et de précision de la dépense que nous avons engagé, il nous faudra avoir des systèmes des réserves. Notre objectif est en effet de déconcentrer les budgets sur les juridictions.

Nous devrons toutefois conserver des réserves ministérielles pour être capables de faire face à des enquêtes exceptionnelles dans le ressort d'une juridiction.

J'ajoute que la LOLF n'interdit pas de recourir aux décrets d'avances si, par malheur, telle année, surgissait une affaire très importante, suscitant des dépenses considérables.

Tel est l'axe de notre travail pour rendre compatibles la LOLF et les frais de justice.

Pour les créations d'emplois, le taux cumulé depuis trois ans est aujourd'hui de 52 %, pour un taux de référence de 60 %. Nous avons donc pris un léger retard, 8 %, sur le rythme global de créations d'emplois.

Je tiens à rappeler qu'en matière de créations d'emplois dans les services de l'Etat le projet de budget pour 2005 est très restrictif. Dans ce contexte, le ministère de la justice a obtenu plus du tiers des créations d'emplois, soit 1 100 sur un total de 3 000. Il est bien évident que nous devrons faire un effort en 2006 et en 2007, afin de nous remettre à niveau par rapport à la loi d'orientation et de programmation, en particulier dans les services judiciaires. J'y reviendrai à l'occasion de la réponse à une question que vous m'avez posée sur les greffes.

En ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage privée et le partenariat public-privé, les opérations sont entrées dans leur phase concrète. Nous avons lancé une consultation en maîtrise d'ouvrage publique traditionnelle sur trois établissements - Bourg-en-Bresse, Rennes et Mont-de-Marsan - et une consultation en maîtrise d'ouvrage privée sur quatre établissements - Béziers, Lyon, Nancy et Roanne.

Le ministère de la justice et le ministère de l'économie et des finances ont réalisé des études conjointes sur le coût prévisionnel des opérations publiques-privées, c'est-à-dire la construction avec une location sur une durée relativement longue.

Une vraie comparaison ne sera possible que lorsque nous disposerons du résultat de ces deux appels d'offres. Il faudra toutefois veiller à actualiser les montants en cause, car 100 euros payés aujourd'hui ne valent pas 100 euros payés dans vingt ans.

J'ai souhaité que certaines opérations soient réalisées en maîtrise d'ouvrage publique classique afin que nous disposions d'un élément de comparaison pour l'avenir. En tout état de cause, ce dispositif nous rendra de grands services, monsieur le rapporteur spécial.

Nous connaissons tous les contraintes de la régulation budgétaire. Le ministère de la justice s'est engagé dans un très important programme de constructions. Soyons lucides et objectifs, ce programme aurait bien du mal à résister aux demandes de réduction de dépenses du ministère des finances. Mais, avec ce dispositif, nous avons la durée pour nous. Une de ses conséquences positives est de nous permettre d'engager l'ensemble du programme selon un calendrier tout à fait satisfaisant. Par rapport aux 13 200 places qui figurent dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice, plus de 5 000 sont aujourd'hui lancées en termes de procédures de marché. Comme vous pouvez le constater, les choses avancent à un bon rythme.

Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez également interrogé sur les crédits de paiement.

Le ministère de la justice compte en effet parmi les plus importants constructeurs du secteur public, avec des chantiers de réhabilitation de palais de justice et de prisons, ainsi que de construction de nouveaux foyers pour la protection judiciaire de la jeunesse.

En 2002, les crédits de paiement étaient inférieurs à 200 millions d'euros et la Cour des comptes déplorait leur très faible consommation. En 2005, ils s'élèveront à 318 millions d'euros, soit une progression de l'ordre de 60 % par rapport à 2002, et nous les utilisons pleinement puisque, j'attire l'attention du Sénat sur ce chiffre, le taux de consommation attendu pour 2004 est supérieur à 90 %.

La comparaison de ces chiffres est importante. Elle montre que la mécanique de construction est bien lancée et que le ministère de la justice, contrairement à sa réputation en matière d'équipements, consomme désormais les crédits qui lui sont attribués.

Il est probable que les crédits de paiement monteront en puissance en 2006 et en 2007, puisque nous aborderons de plus en plus les phases de mises en chantiers des opérations que j'évoquais tout à l'heure.

Nous devrons donc nous montrer attentifs, dans les deux prochaines années, d'autant que, vous le savez, ce grand programme de construction se déroulera dans une conjoncture de hausse assez forte des prix dans le bâtiment. Dans les réponses aux appels d'offres, et je pense que les collectivités territoriales font le même constat, on observe une forte tension sur le marché. Il pourrait en résulter des conséquences assez lourdes à supporter pour les finances publiques.

J'en viens aux créations d'emplois de fonctionnaires dans les greffes. Nous avons déjà engagé des efforts importants pour la mise en place de nouveaux postes budgétaires de magistrats. Voilà deux ans, lorsque je me déplaçais dans les juridictions, j'observais régulièrement des vacances de postes de magistrats. Aujourd'hui, il apparaît que le point de tension réside dans les greffes.

Pourtant, en 2003 et en 2004, nous avons créé 400 postes budgétaires de greffiers. Nous avons en outre, en 2005, la perspective de 102 emplois supplémentaires, qui s'ajouteront aux 125 emplois d'adjoints administratifs et aux 20 emplois de secrétaires administratifs destinés à répondre aux besoins des services administratifs régionaux.

Il nous reste maintenant à consolider les créations de postes de fonctionnaires et de greffiers dans les années à venir.

Nous consentons un effort particulier en direction des greffes avec la mise en place de la nouvelle bonification indiciaire, en particulier pour les personnels qui assument des responsabilités particulières, entre autres dans les services administratifs régionaux.

Par ailleurs, il me paraît indispensable d'améliorer et de moderniser les méthodes de travail si nous voulons à la fois valoriser le travail des greffes et des services et améliorer la productivité.

A cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai souhaité réaliser un audit approfondi d'un tribunal de grande instance de taille moyenne, en l'occurrence celui de Thonon, portant non pas sur les procédures juridiques, mais sur les conditions et l'organisation du travail. Avec l'accord des chefs de la juridiction concernée, ce seront les méthodes de travail, pratiques, matérielles, parfois très élémentaires qui seront examinées : comment fait-on passer un document d'un service à un autre, comment transmet-on une information ? Il s'agit de choses toutes simples qui ne sont pas toujours prises en compte dans le fonctionnement d'un tribunal.

Il nous reste un effort à faire dans ce domaine. C'est par l'expérience, par une analyse pratique et précise que l'on pourra gagner du temps et rendre nos juridictions plus efficaces.

J'ajoute, mais vous le savez sans doute, que je dispose dorénavant de statistiques d'activités des juridictions, trimestre par trimestre. Ces statistiques, qui me parviennent dans un délai de l'ordre de quinze jours à partir de la fin du trimestre, me permettent, avec mes collaborateurs, de diagnostiquer l'apparition d'une éventuelle difficulté dans une juridiction, de réagir et d'y remédier en temps quasi réel.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez été un peu sévère en parlant des maisons de justice et du droit comme d'une « mode ».

J'ai demandé à l'Inspection générale des services judiciaires de se faire une opinion sur leur efficacité et sur les conditions de leur développement. On peut affirmer aujourd'hui qu'elles ont bien répondu à leur vocation première, qu'elles assurent effectivement une présence judiciaire de proximité et qu'elles ont donc été tout à fait bénéfiques.

Une bonne coordination est indispensable entre les maisons de justice et du droit et les conseils départementaux de l'accès au droit, les CDAD, coordination qui, il faut bien le reconnaître, n'existe pas toujours.

Il faut par ailleurs veiller à ce que l'implantation de ces maisons résulte d'un travail d'analyse approfondi, que les emplois de greffe correspondant à leur bon fonctionnement soient disponibles - cela n'a pas toujours été le cas - et que leur travail s'intègre bien dans le fonctionnement de la juridiction de rattachement.

J'en viens maintenant aux juridictions administratives, à propos desquelles je voudrais citer quelques chiffres.

Il est vrai que, dans de nombreux tribunaux administratifs ou cours administratives d'appel, les délais augmentent.

Le taux d'exécution des crédits des juridictions administratives inscrits dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice est de 70 % ; il est donc plus élevé que la moyenne, qui, au-delà de trois ans d'exécution, vous le savez, devrait être de 60 %. En ce qui concerne les créations d'emplois, le taux d'exécution est de 50 %, légèrement au-dessous donc de cette même moyenne ; la différence correspond à 48 emplois. Bien sûr, et j'en suis d'accord, il nous faudra faire un effort pour essayer de rattraper ce retard dans les deux prochaines années.

Mais nous sommes confrontés à un autre phénomène : l'augmentation du contentieux, qui nous oblige à réfléchir de façon plus approfondie.

Je suis absolument convaincu que nous devons instaurer le plus vite possible, pour la fonction publique, un recours administratif préalable obligatoire. Depuis quelques mois en effet, en particulier sur les questions de retraite, les juridictions administratives sont saisies d'une multitude de recours rigoureusement identiques. Or la règle applicable est très vite connue et la jurisprudence fixée. Les administrations devraient tout de même en tirer les conséquences !

Je suis donc tout à fait décidé, en collaboration avec mon collègue chargé de la fonction publique, à créer ce recours administratif préalable obligatoire, qui évitera une perte de temps et d'argent pour tout le monde.

Il nous faudrait par ailleurs créer une procédure d'ordonnance simplifiée pour traiter rapidement les requêtes dont la solution est évidente parce que terriblement répétitive.

Si nous ne procédons pas à ces deux modernisations, nous passerons notre temps à courir après un contentieux répétitif en constante augmentation.

Pour ce qui est de l'expérimentation prévue dans la loi de décentralisation d'août 2004 et appliquée à la protection judiciaire de la jeunesse, les candidatures des départements sont en train de nous parvenir. D'ores et déjà, quatre départements se sont déclarés : Loiret, Yonne, Indre-et-Loire et Rhône ; peut-être d'autres s'ajouteront-ils à cette liste avant le 1er janvier prochain.

Je tiens à préciser que la mise au point des conventions qui seront signées entre l'Etat et chacun des départements fera l'objet d'une large concertation avec les acteurs concernés - juge des enfants, services sociaux compétents et protection judiciaire de la jeunesse -, de manière que cette expérience soit la plus enrichissante possible.

S'agissant des indicateurs de la LOLF, monsieur le rapporteur spécial, j'ai bien entendu vos suggestions et votre offre de collaboration et de coopération, que j'accepte bien volontiers. Assurément, nous devrons affiner nos critères au fur et à mesure de la mise en place du dispositif, et je suis tout prêt à y introduire, comme vous me le suggérez, des critères peut-être plus qualitatifs que ceux qui ont été jusqu'ici proposés. Les choses peuvent toujours être améliorées !

Enfin, vous m'avez interrogé sur le transfert éventuel à l'administration pénitentiaire des gardes et des escortes. Je serai très clair : je suis tout à fait ouvert à une telle évolution. Je l'ai dit et répété, je ne suis pas du tout hostile à ce que l'administration pénitentiaire reprenne pour partie les tâches de garde et d'escorte de détenus. Je considère cependant qu'une expérimentation préalable est nécessaire, car l'évolution des métiers de l'administration pénitentiaire qu'implique ce changement peut présenter certains risques ; je pense en particulier à l'innovation que sera, pour la pénitentiaire, le port d'arme sur la voie publique, donc à l'extérieur des établissements.

Cependant, cette expérimentation ne sera engagée que si les moyens nécessaires sont affectés au ministère de la justice. Or, jusqu'ici, il a été question avec le ministère de l'intérieur de transfert de charges, de transfert de tâches, mais pas de transfert de moyens. Alors, de deux choses l'une : ou bien, comme le disait Nicolas Sarkozy, les gardes et les escortes représentent 4 000 emplois indus pour la police et la gendarmerie, ou bien elles ne représentent pas de charge supplémentaire ; mais on ne peut pas dire que la même mission mobilise 4 000 emplois pour une administration et zéro emploi dès que c'est une autre qui doit l'assumer !

Sourires

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice

Tel est l'état actuel de nos discussions. Mais, encore une fois, monsieur le rapporteur spécial, je suis ouvert à cette idée de transfert.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je remercie M. le garde des sceaux des précisions qu'il vient de m'apporter.

Je voudrais cependant lui faire part de la très grande inquiétude qu'ont suscitée en moi certains de ses propos : la dérive des coûts, a-t-il indiqué, risque de provoquer des retards dans la construction des prisons. Or, comme l'avait rappelé le président de la commission des lois, notre collègue Jean-Jacques Hyest, l'état de nos prisons, notamment des maisons d'arrêt, est véritablement une « humiliation pour la République ».

Or le docteur Vasseur souligne dans un article récent que, depuis cinq ans, les choses n'ont pas changé ; le témoignage du père Niaussat, ancien aumônier des prisons de la maison d'arrêt du Mans, va dans le même sens. Devant une telle situation, on ne peut pas se contenter de dire que l'on verra lorsque l'on aura les crédits, car c'est la notion même de prévention, j'y insiste, qui est en jeu ! Quand, dans une maison d'arrêt, de jeunes prévenus partagent la cellule de condamnés, notamment des délinquants sexuels dont les peines peuvent aller jusqu'à douze ans, vous imaginez ce qui peut arriver !

Il n'est pas acceptable qu'un pays comme la France, qui se permet de donner des leçons au monde entier en matière de droits de l'homme, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

... ne respecte pas lui-même un principe de séparation essentiel pour la préservation de sa jeunesse, qui risque ainsi d'être contaminée définitivement.

Monsieur le ministre, c'est un cri du coeur que j'élève : nous ne pouvons pas laisser faire. Soyez assuré de trouver, sur toutes les travées de cette assemblée, le soutien dont vous aurez besoin pour obtenir les moyens qui vous sont nécessaires et faire cesser un état de fait qui n'a que trop duré. Certes, la situation n'est pas le résultat de votre action, et la faute ne saurait vous en être imputée : seulement, elle dure depuis plus de cinquante ans, et c'est intolérable !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Monsieur le rapporteur spécial, je suis absolument désolé de vous contredire, mais je n'ai pas dit que l'augmentation des prix pouvait remettre en cause le programme.

J'ai dit deux choses : d'une part, que les effets de la hausse des prix se feraient nécessairement sentir sur les affectations des crédits de paiement ; d'autre part, que nous avions heureusement mis en place la formule « PPP », ou partenariat public-privé, qui nous assurait contre les régulations budgétaires excessives.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie à mon tour de la précision des réponses que vous avez apportées aux questions du rapporteur spécial, Roland du Luart, et je m'associe, naturellement, au cri qu'il a lancé à l'instant. Chacun ici attend des réponses concrètes, mais nous vous faisons confiance, monsieur le garde des sceaux.

Cependant, puisque nous sommes au coeur d'un débat budgétaire, je voudrais revenir un instant sur le partenariat public-privé.

Bien sûr, mes collègues et moi-même nous réjouissons tous de la décision prise par le Conseil d'Etat et tendant à valider cette formule.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je pensais que M. Sueur se joindrait à nous, mais j'avais visiblement tort !

Nous avons bien compris, monsieur le garde des sceaux, que ce partenariat offrait une bonne garantie contre les régulations budgétaires. Il m'a néanmoins semblé que votre réponse à Roland du Luart comportait encore une certaine marge de progression dans la précision. C'est pourquoi je souhaiterais que vous nous indiquiez le montant des crédits qui seront engagés, en 2005, au titre de ces opérations.

C'est que, aux yeux de la commission des finances, il n'y a pas de différence entre la maîtrise d'ouvrage d'Etat et la maîtrise d'ouvrage déléguée au partenariat public-privé. Je vous rends attentif, monsieur le garde des sceaux, au fait que l'inscription de ces opérations se traduira, pour les années ultérieures, par la perte de marges de manoeuvre considérables, puisqu'il faudra faire face aux annuités de remboursement de ces emprunts !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il faudra payer pendant trente ou quarante ans, et ce sera beaucoup plus cher !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La dette correspondant au partenariat public-privé est bien une dette de l'Etat et viendra donc s'ajouter à la dette publique. En conséquence, nous voudrions pouvoir en transcrire les perspectives dans le budget.

Je vous serais donc très reconnaissant de nous indiquer, si c'est possible, l'ordre de grandeur de ce qui est un élément complémentaire du budget de l'Etat et qui, dans le cadre de la LOLF, devrait être retranscrit comme tel.

La formule du partenariat public-privé présente sans doute des avantages sur le plan opérationnel, sans doute aussi sur le plan de la régulation budgétaire, mais nous avons besoin d'être éclairés, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La formule sert justement à retirer les fonds du budget de l'Etat !

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Monsieur le président de la commission des finances, le dispositif dont nous débattons n'a pas seulement des intérêts comptables, puisque c'est de cela qu'il est question pour l'instant. Il présente aussi un autre intérêt : l'ouverture à la concurrence pour ce qui est des conditions de financement. Ce n'est pas négligeable, c'est même fort intéressant puisque, semble-t-il, cela amène un certain nombre de groupes à s'intéresser à ce type de construction. Le marché de ces grands chantiers s'en trouve donc plus largement ouvert.

Pour répondre à votre question précise, certains crédits, de l'ordre de 6 millions ou 7 millions d'euros, sont inscrits au projet de budget pour 2005 pour permettre à l'Etat, qui, vous le savez, doit être maître du foncier, d'acheter les terrains de ces opérations de partenariat public-privé.

Pour ce qui est de l'avenir, des discussions sont en cours avec le ministère des finances pour savoir comment réserver, prévoir et inscrire les crédits de ce type. Peut-être seront-ils inscrits en fonctionnement, mais un doute subsiste pour l'instant, puisque, année après année, l'Etat se rapprochera du moment où il sera effectivement propriétaire.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, le monde moderne évolue !

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Est-il donc impossible d'imaginer de nouvelles solutions pour mettre fin au scandale majeur que représente l'état des prisons françaises ? Et comment construire treize mille places en cinq ans ?

Parmi les formules possibles, nous avons trouvé celle-là. On ne peut tout de même pas nous reprocher de chercher une issue. D'ailleurs les entreprises privées font ce type d'investissements, et avec ces modalités de financement, depuis bien longtemps !

La question est donc de savoir comment seront inscrits ces crédits dans les budgets à venir, lorsque l'on n'en sera plus à la phase d'achat, mais que les établissements seront déjà ouverts. Nous nous sommes déjà posé la question pour les réservations : fallait-il les inscrire en autorisations de programme ou non ?

Nous sommes donc toujours en discussion avec le ministère du budget, qui n'a pas encore tranché.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le président de la commission dans finances

.M. Jean Arthuis, C'est tout l'intérêt de cette discussion - et les rapporteurs pour avis, qui sont impatients de présenter leurs propres questions, me pardonneront de reprendre la parole - que d'introduire un peu d'interactivité, un peu de spontanéité dans le débat budgétaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Encore une fois, monsieur le ministre, je pense qu'en effet la formule retenue est pertinente, car elle est efficace et permet l'ouverture à la concurrence. Mais elle ne doit pas pouvoir être suspectée de n'être qu'une simple commodité budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pour financer un investissement, on peut recourir soit à la maîtrise d'ouvrage directe, soit à un partenariat public-privé. Mais, sur le fond, c'est la même chose, et la traduction budgétaire doit être la même.

En dehors des acquisitions foncières, vous n'avez pas inscrit dans le projet de budget pour 2005 d'enveloppe de crédits correspondant au partenariat public-privé. Dois-je comprendre qu'aucun des chantiers ne sera lancé à ce titre pendant l'exercice 2005 ? Dans le cas contraire, il serait plus conforme à l'idée que nous nous faisons de la sincérité budgétaire que l'enveloppe des travaux qui seraient ainsi réalisés soit retracée dans le projet de loi de finances.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

En 2005, monsieur le président de la commission des finances, il n'y aura pas de travaux. L'opération d'ouverture à la concurrence est lancée pour quatre établissements et les contrats seront probablement signés à la fin de l'année 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avec une hausse globale des crédits affectés au budget de la justice de 4 %, le Gouvernement marque une fois de plus le caractère prioritaire qu'il donne à ce volet de son action. Certes, l'accent est plus particulièrement mis en 2005 sur les crédits de l'administration pénitentiaire, mais les services généraux de la justice, dont les moyens progressent de 3, 9 %, ne sont pas pour autant oubliés.

Avec la création de 355 postes nouveaux dans les services judiciaires, la poursuite de la revalorisation des carrières et du repyramidage du corps des greffiers, la création d'un corps de secrétaires administratifs permettant d'offrir davantage de perspectives aux agents de catégorie C, de même qu'avec l'ouverture envisagée de deux nouveaux tribunaux administratifs, le budget 2005 s'inscrit dans la continuité des orientations fixées par la loi quinquennale d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002.

Toutefois, force est de constater que la mise en oeuvre de la loi d'orientation ne se réalise pas au même rythme pour tous les services. En outre, s'il est un fait que les créations d'emplois prévues au terme de l'année 2005 représenteront déjà 72 % des objectifs du programme quinquennal à l'échelon de l'administration centrale, elles n'en représenterontglobalement que 40 % à l'échelon des juridictions et 38 % seulement pour les personnels non-magistrats.

De plus, je constate que, malgré la volonté affichée de mieux distinguer les emplois qui sont affectés à l'administration centrale de ceux qui sont affectés aux services déconcentrés, 492 agents des services déconcentrés travaillent toujours, en réalité, dans les services centraux du ministère.

Alors que les dispositions législatives nouvelles adoptées ces dernières années, telles que la procédure de rétablissement personnel introduite par la loi du 1er août 2003 ou encore la mise en place des juges de proximité, ont indiscutablement créé des charges nouvelles pour les juridictions, notamment les greffes, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur ce que vous comptez faire pour atteindre les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ, s'agissant des créations de postes dans les juridictions, et pour réaffecter les personnels, magistrats et non-magistrats, là où l'on en a le plus besoin.

J'ai bien noté ce que vous aviez répondu à M. le rapporteur spécial, mais le nouveau corps des secrétaires administratifs dont vous avez dit qu'il offrait de nouvelles perspectives s'agissant des personnels non-magistrats, n'est pas encore opérationnel. Les textes nécessaires à sa mise en application ne sont pas publiés. Que comptez-vous faire, monsieur le garde des sceaux, pour accélérer la mise en place de ce nouveau corps ?

A la fin de l'année 2002, la Chancellerie a conclu deux contrats d'objectifs avec les cours d'appel de Douai et d'Aix-en-Provence en vue de résorber les stocks importants d'affaires en instance devant ces deux cours. Les renforts attribués à ces juridictions ont permis de réduire de manière significative ces stocks. Au moment où la Chancellerie envisage de signer des nouveaux contrats d'objectifs avec six autres cours d'appel, pouvez-vous nous dire, monsieur le garde des sceaux, quel bilan vous tirez de ce mode d'intervention et si vous envisagez, de pérenniser cette méthode en en faisant un mode de gestion habituel des juridictions en difficulté ?

Si, sur l'ensemble des cours d'appel, notamment en raison de ces contrats d'objectifs, le délai moyen de jugement s'est réduit d'un mois en 2003, malgré la hausse des affaires nouvelles, on constate, en revanche, que les tribunaux de première instance n'arrivent toujours pas à renverser la tendance à la hausse de leurs délais de jugement. Ceux-ci s'établissent, par exemple, à 9, 5 mois pour les tribunaux de grande instance et à 4, 9 mois pour les tribunaux d'instance.

Dans le domaine pénal, malgré les efforts qui ont été réalisés par l'institution judiciaire, dont la productivité indiscutablement augmente, le stock d'affaires en attente est toujours en progression qu'il s'agisse des cours d'assises comme des tribunaux correctionnels.

Aussi, monsieur le garde des sceaux, je souhaiterais que vous nous indiquiez les mesures que vous entendez prendre pour que les juridictions puissent améliorer durablement leurs délais de traitement et puissent atteindre les objectifs ambitieux, il est vrai, qui ont été fixés par la loi de programmation quinquennale prévoyant, par exemple, de ramener les délais de traitement des affaires à six mois devant les tribunaux de grande instance et à trois mois devant les tribunaux d'instance.

Pour terminer, je voudrais souligner la forte implication du ministère de la justice dans la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Le ministère a notamment été en mesure de présenter, à titre indicatif, dès cette année, son projet de budget dans la nouvelle forme prévue par la LOLF, qui comprendra, s'agissant de la « mission justice », un découpage en six programmes et trente-trois actions.

Par ailleurs, le ministère expérimente, avec la cour d'appel de Lyon, le nouveau mode de gestion des crédits prévu par la LOLF, qui fait notamment des chefs de cours d'appel des ordonnateurs secondaires. A cette fin, le service administratif régional placé sous l'autorité des chefs de cours a vu ses moyens sensiblement renforcés.

Compte tenu de l'importance que vont prendre les services administratifs régionaux, les SAR, et du rôle stratégique qu'ils vont devoir jouer dans la gestion des crédits déconcentrés du ministère de la justice, envisagez-vous, monsieur le garde des sceaux, de faire évoluer l'organisation de ces services en les dotant, par exemple, de spécialistes de la gestion des marchés publics, alors qu'aujourd'hui ils fonctionnent principalement avec des personnels judiciaires qui manquent parfois aux autres secteurs des juridictions ?

Par ailleurs, vous l'avez longuement évoqué, les chefs de juridiction sont très inquiets de l'évolution exponentielle des frais de justice, notamment dans la perspective de l'application de la LOLF qui donne à ces crédits un caractère limitatif.

Voilà, monsieur le garde des sceaux, les quelques points sur lesquels je souhaiterais que vous éclairiez le Sénat.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Monsieur le garde des sceaux, le débat qui s'est instauré avec M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur spécial vient d'apporter une preuve supplémentaire de l'attention que le Sénat porte à la situation de nos établissements pénitentiaires. Permettez-moi, à cette occasion, de rendre hommage ici à mon prédécesseur, M. Georges Othily, dont les rapports pour avis ont beaucoup contribué à l'information de la Haute Assemblée dans ce domaine.

C'est d'ailleurs dans le droit-fil des recommandations présentées en 2000 par la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons présidée par M. Jean-Jacques Hyest que le Gouvernement a engagé une nouvelle politique pénitentiaire.

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a posé les fondements de cette politique. Le projet de loi de finances pour 2005 s'inscrit pleinement dans le cadre ainsi tracé. Les crédits prévus pour les services pénitentiaires en 2005 s'élèveront à 1, 65 milliard d'euros, soit une progression de 3, 8 %.

Mes chers collègues, ce projet de budget présente trois points forts.

Le premier concerne l'augmentation des effectifs, avec la création de 533 emplois. De ce point de vue, le taux de réalisation de la loi d'orientation et de programmation s'élèvera à 68, 28 %. A l'issue de trois exercices budgétaires, un tel résultat méritait d'être particulièrement souligné.

Le deuxième point fort de ce projet de budget est également marqué par la progression de 9, 7% des crédits de fonctionnement visant à favoriser l'humanisation, tellement souhaitée, des conditions de détention et, aussi, à développer des alternatives à l'incarcération, notamment avec la mise en oeuvre du bracelet électronique.

Enfin, troisième point fort, une enveloppe de 438 millions d'euros d'autorisations de programme permettra de lancer la construction de huit nouveaux établissements.

Nous venons d'avoir un débat passionnant en ce qui concerne le partenariat public-privé, je n'y reviendrai donc pas, sinon pour rappeler que, dans la LOPJ, 70% des autorisations de programme concernent l'administration pénitentiaire.

Cependant, nous restons confrontés à l'augmentation de la population pénale, puisque l'on enregistrait 58 989 détenus au 1er décembre, et, en conséquence, à l'aggravation du taux d'occupation des établissements pénitentiaires et plus particulièrement des maisons d'arrêt, comme l'a souligné de façon fort opportune M. le rapporteur spécial.

Sans doute ce phénomène concerne-t-il également les autres pays européens, mais il place l'administration pénitentiaire sous une tension constante. On ne saurait prendre le moindre retard dans ce domaine ; il faut au contraire avoir la volonté d'accélérer le programme en cours.

Ce constat me conduit à une première question.

La mise en oeuvre des mesures alternatives à l'emprisonnement est aujourd'hui une priorité, encouragée d'ailleurs par la loi « Perben II ».

Je me réjouis que le nombre de ces mesures ait augmenté de manière significative cette année, alors qu'elles avaient connu un infléchissement en 2003.

En outre, le placement sous surveillance électronique, dont il convient de rappeler, mes chers collègues, qu'il résulte d'une initiative sénatoriale, concerne actuellement plus de 800 personnes contre une centaine seulement en 2002.

Enfin, quelque 500 places de semi-liberté seront créées en 2005.

J'ajoute encore que le projet de budget pour 2005 prévoit la création de 200 emplois de personnels d'insertion et de probation.

Ces évolutions sont donc très encourageantes. Cela étant, quelles dispositions particulières envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, afin d'accélérer le déploiement des mesures alternatives à l'incarcération ?

Par ailleurs, la diversification des missions dévolues aux personnels pénitentiaires, appelée de leurs voeux par la grande majorité des organisations professionnelles que j'ai reçues, mérite d'être encouragée.

A cet égard, la mise en place des équipes régionales d'intervention et de sécurité, les ERIS, intervenant en appui des agents de surveillance doit être saluée.

Les missions des personnels pénitentiaires pourraient être étendues à l'escorte et à la garde des détenus hospitalisés.

Cette évolution suppose naturellement le transfert des moyens humains nécessaires ; nous vous rejoignons sur cette analyse. Pourriez-vous nous indiquer si les difficultés actuellement rencontrées sur ce point pourraient être prochainement levées ? Le statut des personnels de surveillance devra-t-il être adapté en conséquence ?

D'une manière plus générale, quelles réformes statutaires envisagez-vous actuellement ?

L'hétérogénéité de la population pénale appelle sans doute une plus grande différenciation des conditions de détention. Nous avons eu à cet égard un débat en commission.

Une telle préoccupation vaut plus particulièrement pour les détenus atteints de troubles mentaux, dont la proportion s'est beaucoup accrue, comme en témoigne une étude publiée la semaine dernière.

La mise en place, à compter de 2007 - mais 2007 seulement - des unités hospitalières spécialement aménagées constituera un progrès certain dans l'accès aux soins. Mais ne faut-il pas envisager, monsieur le garde des sceaux, des structures spécifiques, à plus large échelle, qui permettraient de concilier détention et soins psychiatriques ?

Enfin, le suivi socio-judiciaire des délinquants sexuels demeure encore insuffisant, alors même qu'il est impératif de prévenir la récidive des personnes les plus dangereuses.

A Nîmes, le 8 novembre dernier, le Président de la République a appelé de ses voeux un renforcement des dispositifs dans ce domaine et évoqué une amélioration de la loi du 17 juin 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, ainsi que la mise en place, pour les personnes les plus dangereuses, sorties de détention, d'un « nouveau type d'établissement » qui ne soit ni une prison, ni un hôpital psychiatrique.

Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les prolongements en particulier législatifs que vous donnerez aux deux propositions formulées par le chef de l'Etat?

Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à adopter les crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour rendre hommage à notre collègue Patrice Gélard, auquel je succède pour rapporter les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse. Chacun connaît la qualité des travaux que notre collègue a conduits, avec sa sagacité habituelle, et la grande pertinence de ses questions.

Au sein des crédits du ministère de la justice, 613 millions d'euros, soit 10, 8 %, seront consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse. Cela représente une hausse de 4, 42 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004.

Cette augmentation est centrée sur la création des centres éducatifs fermés et l'accompagnement éducatif des mineurs incarcérés. Par ailleurs, les créations d'emplois se poursuivent, mais à un rythme moindre, avec 107 emplois contre 234 l'année précédente.

En outre, pour la troisième année de mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, le taux d'exécution n'est que de 56, 3 % pour les dépenses ordinaires et de 52 % pour les créations d'emplois.

Or l'activité reste soutenue. En 2003, près de 185 000 mineurs ont fait l'objet d'une saisine des juridictions des mineurs, 57 % comme mineurs en danger et 43 % comme mineurs délinquants. Toutefois, pour la deuxième fois en dix ans, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie diminue légèrement, de 0, 3 %.

La protection judiciaire de la jeunesse suit 150 000 mineurs et jeunes majeurs par an. Parmi eux, 76 % sont pris en charge par le secteur associatif. Les mineurs délinquants représentent environ 22 % du total des mineurs pris en charge.

Au-delà de ces observations, monsieur le garde des sceaux, on sait que la rapidité de la réponse pénale est essentielle pour prévenir la récidive. La loi d'orientation et de programmation pour la justice fixe au secteur public comme objectif ambitieux à l'horizon 2007 un délai de prise en charge des mesures pénales de 15 jours. Cet objectif est encore loin d'être atteint, puisque le délai était de 48, 5 jours en 2003. Monsieur le garde des sceaux, pensez-vous vraiment atteindre cet objectif, et comment ?

La prise en charge des mineurs délinquants dans des structures adaptées est également essentielle.

S'agissant des centres éducatifs fermés, la loi d'orientation et de programmation pour la justice prévoit d'en créer soixante. Or le taux d'occupation des onze centres existants était de 63 % en octobre 2004. L'objectif de soixante centres vous paraît-il donc toujours pertinent ? Un centre par région ne serait-il pas suffisant ? Pouvez-vous évaluer le nombre de jeunes susceptibles d'être concernés par un placement dans un tel centre ?

En outre, les jeunes filles précédemment hébergées dans le centre éducatif fermé de Lusigny, seule structure de ce type habilitée à accueillir des délinquantes, sont, depuis la fermeture de ce centre, réparties dans des centres pour garçons. Qu'est-il prévu pour elles ? Comment arriver à maintenir des liens avec la famille, en dépit de l'éloignement géographique?

Par ailleurs, sept établissements pénitentiaires pour mineurs doivent ouvrir à la fin de 2006. Le même problème d'éloignement géographique risque aussi de se poser pour les jeunes qui y seront incarcérés. Comment ces établissements s'articuleront-ils avec les quartiers pour mineurs des maisons d'arrêt ? Seront-ils uniquement des établissements pour peine ? Sinon, comment s'opéreront les transfèrements pendant la détention provisoire ?

Les centres éducatifs renforcés et les centres éducatifs fermés, c'est-à-dire les structures d'hébergement spécialisées pour les mineurs violents ou récidivistes, sont majoritairement gérés par des associations, et non par le secteur public. Cela vous paraît-il normal ? Quelle garantie de formation des équipes éducatives peut-on avoir ? Souvenons-nous des déboires du centre éducatif fermé de Lusigny, géré par une association amicale de rugby !

Cela m'amène à m'interroger, pour finir, sur l'adéquation du contrôle des associations habilitées.

En 2003, 36 contrôles pédagogiques ou financiers, concernant 43 structures, sur les 1 213 établissements et services gérés par 508 associations, ont été effectués, ainsi que six inspections. En outre, une évaluation a porté sur les quatre premiers centres éducatifs fermés. Pourtant, des dérives sont constatées : il faut évoquer ici de nouveau les dysfonctionnements constatés au centre éducatif fermé de jeunes filles de Lusigny, l'affaire du centre de réinsertion « Cheval pour tous » ou encore le décès d'un jeune lors d'un « séjour de rupture », en Zambie, l'an dernier.

De plus, le rapport de la Cour des comptes de juin 2004 sur l'exécution de la loi de finances pour 2003 souligne que le contrôle des budgets du secteur privé habilité ou subventionné de la protection judiciaire de la jeunesse n'est pas assuré. La hausse de 20 % des dépenses entre 2000 et 2003 a conduit la Cour à douter des « capacités des services de la protection judiciaire de la jeunesse pour assurer la tutelle des budgets souvent gérés par des associations ».

Quelles actions envisagez-vous pour remédier au problème, alors que la LOLF fait de la mesure de la performance et de la gestion optimale des crédits une priorité ?

A ces observations, permettez-moi d'en ajouter deux autres, qui ne sont pas de même nature.

Premièrement, on ne mesure pas suffisamment, dans la société civile, l'esprit de sacerdoce qui anime les éducateurs de prison, particulièrement ceux qui gèrent la protection judiciaire de la jeunesse. On ne mesure pas non plus leurs efforts, les difficultés qu'ils peuvent rencontrer, leur souci constant de faire en sorte que ces jeunes puissent le plus rapidement possible s'en sortir.

Deuxièmement, on sent bien qu'entre quinze et vingt ans nos jeunes vivent une période d'incertitude et de désarroi, dans une société civile elle-même en difficulté et un environnement social souvent misérable. Autant de difficultés qu'il nous faut surmonter tous ensemble si nous voulons rendre cette période la plus courte possible. Sachant que 50 % de ces jeunes délinquants ne récidivent pas au-delà de l'âge de vingt et un ans, notre effort doit également contribuer à réduire encore ce pourcentage.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite à adopter les crédits du ministère de la justice consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Je commencerai par répondre à M. Yves Détraigne, sur les créations de postes dans les services judiciaires.

En termes d'organisation, deux réformes en cours devraient peser dans le sens d'une amélioration de l'utilisation des moyens.

D'abord, nous développons, en accord avec les chefs de cour, la formule des magistrats et greffiers placés. Cela permet de tenir compte de la variation des taux d'activité dans les juridictions à l'intérieur du ressort de telle ou telle cour et ainsi de pallier les défauts de la carte judiciaire dus à la diversité d'ampleur des tribunaux de grande instance.

Ensuite, le transfert des dossiers pénaux les plus complexes des 181 tribunaux de grande instance vers huit pôles spécialisés dans la criminalité organisée, que nous avons dotés de moyens spécifiques, contribuera également à une meilleure gestion de certains dossiers, qui n'auront donc pas à être traités deux fois.

S'agissant maintenant des méthodes de travail et des procédures, je prendrai deux exemples des efforts accomplis. Ainsi, à partir du 1er janvier prochain, pour un divorce par consentement mutuel, il n'y aura plus qu'un seul passage devant le juge. Cela constituera un gain de temps non négligeable. De même, la formule de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC, couramment appelée « plaider-coupable », devrait également alléger l'audiencement des tribunaux correctionnels.

Le rapport de M. Jean-Claude Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, apporte, en matière de simplification de procédures, des suggestions très intéressantes dans la perspective d'une accélération du cours de la justice. Pour l'instant, il ne s'agit que d'un rapport, mais il est largement diffusé et j'ai bien l'intention d'en tirer, après concertation, le maximum d'enseignements pour faciliter le travail de nos juridictions.

La formule des contrats d'objectifs fonctionne bien. Il s'agit non pas de tout réinventer, mais de fixer un cadre aux discussions entre les juridictions et la Chancellerie. Il convient d'abord de faire un constat, juridiction par juridiction, de ce qui va et de ce qui ne va pas, et ensuite, à partir de ce constat, de se mettre d'accord sur les moyens supplémentaires à accorder à telle ou telle juridiction, en contrepartie d'engagements précis sur le rythme de traitement des dossiers, sur l'activité et sur les résultats.

Cette formule fait entrer progressivement dans l'institution judiciaire, comme le disait M. Roland du Luart tout à l'heure, une « culture du résultat », et cela se passe bien.

Les deux premiers contrats d'objectifs ont été signés à Aix-en-Provence et à Douai, deux cours qui totalisaient des retards considérables et où la situation s'est grandement améliorée. En effet, à la cour d'appel d'Aix, les stocks ont diminué de 11 % et le délai de traitement des affaires a diminué de deux mois. A la cour d'appel de Douai, le nombre d'arrêts rendus a augmenté de 37 % et le stock des affaires a diminué de 17 %.

Certes, le ministère a fait un effort en termes de moyens, mais les cours ont tenu leurs engagements.

La formule est en train de se généraliser. Sept autres contrats d'objectifs ont été signés et vingt-trois contrats d'objectifs sont en cours de finalisation. Vous le voyez, nous sommes vraiment entrés dans une logique de contrats et d'engagements réciproques.

S'agissant des services administratifs régionaux, les SAR, il est vrai que l'application de la LOLF va donner aux chefs de cour et à ces services, qui sont leurs collaborateurs, des responsabilités nouvelles. Il nous faut incontestablement augmenter les moyens humains dans ces services et améliorer la formation des greffiers qui y exerceront.

Nous avons décidé la bonification des postes de greffier en chef et de greffier au sein des SAR, à travers la mise en place de la nouvelle bonification indiciaire, la NBI. Il faudra peut-être aller plus loin et envisager une réforme plus importante pour que ces services, compte tenu de la responsabilité qu'ils auront, soient pourvus dans de bonnes conditions par des fonctionnaires de qualité. La discussion reste donc ouverte sur une éventuelle étape supplémentaire.

J'en viens aux questions abordées par M. Philippe Goujon, qui m'a interrogé sur la pénitentiaire. Je commencerai par le rôle des services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP.

Ce rôle va, bien sûr, être renforcé - c'est ce que nous souhaitions les uns et les autres- pour que la fin de peine soit vraiment préparée et que l'on sorte de cette situation absurde qui voulait qu'une personne incarcérée passe sans préparation aucune de la prison à la liberté.

La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité prévoit une phase de semi-liberté ou de placement à l'extérieur ou encore de placement sous surveillance électronique, le tout préparé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Dans les SPIP, 150 emplois ont été créés en 2003, 160 en 2004, et 200 le seront en 2005, soit un total de 510. Sur un nombre d'emplois qui était au départ de 1 500, cela représente une augmentation de 33 % en trois ans. C'est évidemment significatif ! Certes, cela ne suffira pas et il convient de poursuivre cet effort, mais un vrai service de préparation à la sortie se met progressivement en place. Il faut ajouter à cela l'apport de crédits supplémentaires en 2005 afin d'encourager le recours au monde associatif pour le travail de préparation de ces libérations.

S'agissant de la prise en charge par l'administration pénitentiaire d'une partie des transferts, des gardes et des escortes, comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis loin d'y être hostile. Je suis même convaincu que cela peut être une chance pour l'administration pénitentiaire en termes de diversification des métiers, à condition toutefois que cette chance soit préparée pour devenir un succès. J'ai souhaité aller vers cette diversification des métiers avec la mise en place des équipes régionales d'intervention et de sécurité, les ERIS.

On pourrait effectivement avoir des équipes chargées des transfèrements et de gardes, mais je souhaite d'abord une expérimentation dans une région pénitentiaire. J'avais proposé la région de Strasbourg, en particulier à l'occasion de l'ouverture des unités hospitalières sécurisées interrégionales, les UHSI.

Pour l'instant, il n'y a pas d'accord avec le ministère de l'intérieur sur les conséquences, en termes de moyens, de ces expérimentations, mais j'espère que les choses évolueront.

S'agissant toujours des personnels de surveillance, il est vrai qu'il faut faire avancer la réforme statutaire. Nous sommes actuellement en discussion avec les organisations syndicales.

Je souhaite, pour l'essentiel, renforcer l'encadrement de l'administration pénitentiaire et le valoriser, car c'est l'administration d'Etat qui compte le moins de cadres, de sorte que les jeunes qui « entrent dans la pénitentiaire » se retrouvent, assez vite, finalement, sans perspectives d'évolution de carrière, ce qui pose également des problèmes dans le fonctionnement des services.

En définitive, il est somme toute normal d'accorder aux fonctionnaires un statut correspondant aux responsabilités de plus en plus nombreuses qu'ils sont dorénavant obligés d'assumer.

Les discussions en cours ont donc pour objectif de renforcer l'encadrement, de revaloriser les fins de carrière par une augmentation des « indices sommitaux » de la filière, pour reprendre le jargon de la fonction publique, et d'élever le niveau de qualification, en organisant les parcours professionnels et en favorisant la prise de responsabilité.

Même si ce genre de discussions n'est jamais très facile, nous nous sommes mis d'accord sur ces objectifs avec les partenaires sociaux, avec les grandes organisations syndicales de l'administration pénitentiaire. Dans notre esprit, il s'agit de tout faire pour finaliser ces discussions dans les toutes prochaines semaines.

En effet, l'administration pénitentiaire, qui représente la troisième force de sécurité en France, mérite une réforme statutaire correspondant à la qualité du travail qu'elle assume, je le répète, dans des conditions souvent bien difficiles.

S'agissant de la prise en charge des délinquants malades mentaux, l'étude épidémiologique qui a été citée à plusieurs reprises nous a été remise il y a seulement quelques heures. Cela n'a pas empêché la presse de beaucoup en parler avant, mais il faut bien admettre que c'est dans la nature des choses...

Les résultats de cette étude sont effectivement préoccupants et nous incitent à faire évoluer les dispositifs existants.

Par ailleurs, vous le savez, avec M. Douste-Blazy, nous avons demandé au procureur général près la Cour de cassation, M. Burgelin, de réfléchir plus particulièrement sur le suivi des personnes particulièrement dangereuses et sur le devenir de leur fin de peine.

Monsieur Goujon, nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau ce problème. Le dispositif pénal actuel ne prend pas suffisamment en compte la dimension psychologique et psychiatrique des problèmes que posent les personnes auxquelles nous avons affaire.

A cet égard, la politique psychiatrique dans notre pays n'est probablement pas celle qu'il serait en droit d'avoir. Il y a eu une sorte d'« évitement » du sujet de la part de la médecine psychiatrique.

M. Robert Badinter acquiesce.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Pour être très sincère avec vous, nous sommes bien au-delà de l'application du code pénal s'agissant de femmes et d'hommes qui se trouvent dans des situations psychiatriques, et médicales, extrêmement préoccupantes.

Par conséquent, il nous faudra procéder à des modifications pour que chacun soit et reste dans son métier.

Sur la prévention de la récidive de la délinquance sexuelle, je rappelle que le Sénat, dans sa majorité, a approuvé le principe du fichier des délinquants sexuels, dont je pense pouvoir assurer la mise en oeuvre, avec le ministre de l'intérieur, à partir du printemps prochain.

Ce dispositif, qui est relativement difficile à mettre en place sur le plan technique, est un premier outil au service de la lutte contre la récidive. Nous aurons l'occasion d'en débattre, car les uns et les autres ont dessiné des perspectives nouvelles intéressantes.

Par ailleurs, comme l'a souligné M. Alfonsi, le taux d'exécution de la loi d'orientation est à peu près satisfaisant, puisque seul un tout petit écart de 4 % est constaté par rapport au taux linéaire. Nous assumons donc dans de bonnes conditions les obligations que nous nous étions fixées il y a maintenant bientôt trois ans.

La prise en charge des mineurs délinquants est effectuée principalement par le secteur public, auquel sont confiés 80 % des mesures pénales nouvelles de placement et de milieu ouvert.

A cet égard, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez insisté avec raison sur la nécessité absolue dans laquelle nous sommes d'abréger encore plus les délais de prise en charge, même si des progrès ont tout de même été enregistrés en la matière.

Les établissements pénitentiaires pour mineurs devraient normalement ouvrir à la fin de 2006 ou au début de 2007, ce qui nous permettra alors de disposer d'un dispositif pénitentiaire véritablement adapté, en tout cas pour les jeunes qui pourront être placés dans ces établissements, car d'autres, notamment ceux qui attendent leur jugement, ne pourront pas y être placés, pour des raisons de proximité avec la juridiction.

Ces établissements offriront 420 places disponibles qui permettront de suivre les jeunes dans des conditions satisfaisantes pour ce qui est tant de la pédagogie que de la rééducation. Je me permets de le préciser une fois de plus, le nombre de jeunes incarcérés a tout de même sensiblement diminué depuis deux ans, passant de plus de 900 à environ 600, ce qui prouve le bien-fondé du développement des politiques alternatives, notamment des centres éducatifs fermés, les CEF.

A ce propos, l'expérience des CEF est positive. Elle est toutefois très difficile, à l'image des jeunes qui sont pris en charge dans ces centres. En effet, les éducateurs ont parfois un travail extraordinairement complexe à mener.

En ce qui concerne plus particulièrement le CEF pour jeunes filles que nous avons dû fermer à la suite d'un certain nombre d'incidents, j'espère que nous trouverons une autre solution que le mode de placement individuel que nous avons été contraints de mettre en oeuvre.

Au demeurant, nous poursuivons le processus de mise en place de ces CEF, afin de disposer, le plus vite possible, d'un CEF par région, au sens large du terme, c'est-à-dire par région judiciaire, pour que les juges qui le souhaitent puissent avoir recours à ce dispositif. L'objectif de 600 places reste valide.

A propos de la formation des éducateurs, il faut veiller autant que possible à ce que les adultes placés dans ces centres pour accueillir les jeunes y soient préparés le mieux possible. Ainsi, avant l'ouverture effective du centre, les équipes éducatives devraient pouvoir fonctionner « à blanc » pendant quelques semaines, pour être en mesure de « tenir le choc », parce que c'est malheureusement en ces termes qu'il faut parler de ces missions.

De plus, comme la Cour des comptes l'a souligné, il est nécessaire d'améliorer le contrôle des associations habilitées par le ministère. Chaque année, nous nous efforçons d'effectuer un vrai contrôle non seulement sur les plans budgétaire et financier, mais également sur le plan pédagogique.

En l'espèce, monsieur Alfonsi, je tiens à dissiper tout malentendu à propos de l'association « Cheval pour tous » et du grave accident survenu en Zambie. Sans vouloir me défausser, je vous précise qu'il ne s'agissait pas d'une association habilitée justice.

S'il nous faut améliorer le contrôle des associations et, en particulier, celui des associations habilitées, la hausse des dépenses du secteur associatif me semble un processus relativement inéluctable au regard des nécessités du travail qu'il nous faut lui confier.

Pour conclure, je voudrais, comme vous, rendre hommage aux éducateurs, qui assurent leur travail dans des conditions parfois extrêmement difficiles, en mettant beaucoup de conviction dans leurs tâches quotidiennes.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous passons aux questions des orateurs des groupes.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne doit pas dépasser cinq minutes ; le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.

La parole est à M. André Vallet.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallet

Monsieur le ministre, le groupe de l'Union centriste apportera son soutien à votre projet de budget. Cependant, si l'augmentation des crédits de 4 % et la création de 1 100 emplois constituent des améliorations objectives, votre budget appelle tout de même un certain nombre d'observations.

Ma première remarque concerne la situation des prisons. Elle a été très largement évoquée ce matin, notamment par le rapporteur spécial, qui a confirmé qu'elle était encore une « humiliation pour la République ».

Monsieur le garde des sceaux, sans être particulièrement attaché à ce type de montage, je regrette d'apprendre qu'aucun projet au titre du partenariat public-privé ne sera mis en oeuvre en 2005. Je pensais que précisément la formule du PPP nous aurait permis d'aller plus vite.

Ma deuxième remarque concerne l'énorme problème du secret de l'instruction.

Comment, en effet, garantir ce principe, alors que, en droit français, tous ceux qui interviennent dans une procédure d'instruction ne sont pas soumis aux mêmes obligations ? En effet, seul le juge est astreint à ce secret, les avocats n'étant, eux, soumis qu'au secret professionnel. Comment, monsieur le ministre, ne pas évoquer la presse et la télévision, auxquelles il est impossible de demander de garder secrètes des informations dont elles recueillent l'exclusivité ?

Je remarque que toute tentative pour faire appliquer de manière autoritaire le secret de l'instruction est vaine, car on touche là à certains droits fondamentaux que personne, à juste titre, ne veut remettre en cause, à savoir, d'un côté, le droit à une justice équitable et impartiale, et, de l'autre, la liberté de la presse.

Or il est plus difficile de faire respecter le premier que la seconde dans le cadre de l'instruction. Les médias sont puissants, organisés, et susceptibles de mobiliser l'opinion, mais le justiciable est souvent seul, sans grands moyens pour se défendre et pour faire respecter ses droits si les médias ou la machine judiciaire ne le font pas pour lui.

Plusieurs pistes peuvent être explorées pour remédier à cette situation.

Faut-il rendre le secret de l'instruction absolu ? Ce serait difficile, car nous imaginons déjà la réaction de la presse, agitant le spectre de la censure !

Faut-il donner à celui qui pâtit de la violation du secret le droit immédiat de répondre dans l'organe même qui l'a mis en cause ? Un tel droit existe d'ores et déjà, mais il est peu appliqué. Au reste, l'encombrement du petit écran par les droits de réponse pousserait assurément les dirigeants des chaînes de télévision à une certaine retenue.

Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, vous engager à aménager plus largement et plus complètement le droit de réponse, de sorte que la personne mise en cause ait les moyens de s'expliquer si elle l'estime nécessaire ? Pouvez-vous transformer cette possibilité en obligation pour tous les médias ?

Ma dernière remarque concerne la garde des détenus malades, qui a été également évoquée à plusieurs reprises et pour laquelle je prendrai un exemple concret.

Ma ville compte soixante-douze fonctionnaires de la police nationale ; un tiers de cet effectif est régulièrement en congé, ce qui est d'ailleurs bien normal. Mais nous avons aussi une prison, qui accueille six cents détenus. De sorte que, si trois détenus doivent être hospitalisés, une équipe de huit policiers est alors mobilisée pour assurer leur garde en permanence, soit vingt-quatre policiers en tout affectés à cette tâche, au détriment des missions de sécurité publique.

Monsieur le ministre, si un tel problème ne relève certes pas directement de votre responsabilité, il faut que le ministre de l'intérieur et vous-même engagiez très rapidement une discussion pour remédier à cette situation pénalisante pour notre sécurité.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, s'agissant du secret de l'instruction, les textes existent et j'interviens pour les faire appliquer lorsque cela s'avère nécessaire.

Par exemple, dans la sinistre affaire Alègre, à Toulouse, j'ai demandé au procureur général d'engager une enquête sur les conditions dans lesquelles un certain nombre de fuites ont pu se produire. Cette enquête est sur le point d'aboutir. Au demeurant, il appartient à tout un chacun d'exiger que la loi soit appliquée lorsqu'elle ne l'est pas.

Il y a peut-être aussi un travail à faire en matière de déontologie de la presse. Nous le savons bien, lorsqu'une personne est mise en cause à la suite d'une fuite au cours d'une instruction ou d'une enquête préliminaire, cela fait la « une » des médias, mais, lorsque cette même personne est mise hors de cause, quelques semaines plus tard, ce n'est plus qu'une « brève » de quelques lignes en bas de page !

Sans doute puis-je, en tant que garde des sceaux, assumer toute ma part dans ce travail, voire en prendre l'initiative, mais avouez que cela ne relève plus tout à fait du niveau de la loi au sens strict. Il s'agit plus d'un problème de comportement général et de déontologie des médias. Il faut simplement essayer de rééquilibrer la situation, pour faire en sorte qu'une information donnée dans un sens puisse réellement être corrigée dans l'autre.

Quant au transfert de la garde des détenus et des escortes, je vous le redis : je suis d'accord sur le principe, et je suis sans doute le premier garde des sceaux à le dire. Encore faut-il que nous parlions des moyens, et je pense que le Parlement peut m'aider. Car on ne peut pas tout à la fois, comme vous venez de le faire, soutenir que la garde de ces personnes à l'hôpital occupe des fonctionnaires de police, et me demander d'assurer ce service sans moyens supplémentaires : il y a là un véritable problème de cohérence dans la pensée.

Je suis tout à fait d'accord pour engager une expérimentation, mais sur une région, parce qu'il faut prendre en compte le fait que l'administration pénitentiaire n'est pas répartie sur le territoire d'une manière aussi homogène que peuvent l'être les services de police et de gendarmerie.

La solution pourrait consister à répartir la tâche entre les services pénitentiaires, d'une part, et les services de police et de gendarmerie, d'autre part, les services pénitentiaires ne pouvant être présents dans un certain nombre de petits tribunaux de grande instance qui ne sont pas situés a proximité d'établissements pénitentiaires.

Je suis donc très favorable à cette expérimentation, mais je souhaite qu'il y ait au préalable une discussion sérieuse sur les moyens. Si les missions de garde des détenus hospitalisés et d'escorte « plombent » la police, que l'on ne vienne pas me demander de les assumer gratuitement. Ce n'est tout simplement pas possible !

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallet

M. le garde des sceaux a évoqué l'affaire de Toulouse à l'occasion de laquelle une personnalité importante avait été lamentablement mise en cause. Or cette personnalité a eu la possibilité d'intervenir à la télévision et de faire part de son sentiment sur l'affaire. Ce n'est pas le cas de nombreux autres justiciables, mis en cause régulièrement, mais sans avoir la possibilité d'intervenir de la même manière.

Je vous demande simplement, monsieur le garde des sceaux, d'user de votre autorité pour permettre que ce qui a été possible dans l'affaire que vous avez citée puisse l'être dans d'autres affaires puisque, en droit, les justiciables sont égaux.

Sur le deuxième point, qui concerne la garde des détenus hospitalisés, il y a une autre solution, timidement mise en place, que vous n'avez pas évoquée et pour laquelle j'aimerais que l'on aille plus loin. Elle consiste en la création d'hôpitaux sécurisés. Il faut pouvoir, dans chaque région, mettre rapidement en place une telle formule, qui éviterait à tous ces fonctionnaires de police d'encombrer les couloirs d'hôpitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous interpeller sur la politique de la protection judiciaire de la jeunesse.

La philosophie, à laquelle je continue de croire, de l'ordonnance du 2 février 1945, texte depuis maintes fois modifié, donne la priorité à la mesure éducative par rapport à la sanction pénale. Les missions de la protection judiciaire de la jeunesse procèdent de cette philosophie : assurer la prise en charges des mineurs en danger, des mineurs délinquants et des jeunes majeurs en difficulté d'insertion sociale

Si le département joue un rôle exclusif en matière de protection des mineurs en danger, cette protection relève de la responsabilité de l'Etat dès lors qu'elle résulte d'une décision judiciaire. Malheureusement, nous ne pouvons que le constater, la PJJ ne dispose pas des moyens nécessaires pour mener à bien ses missions, dans toute leur acception, d'autant plus que, de création récente, les centres éducatifs fermés, les CEF, et, avant eux, les centres éducatifs renforcés, les CER, absorbent des crédits très importants, à mon sens plus nécessaires ailleurs.

Mais mon opinion personnelle, et négative, sur les centres éducatifs fermés n'est pas ici très importante. Au-delà, je souhaiterais qu'il soit procédé à une véritable évaluation tant des CER que des CEF aujourd'hui existants.

Onze CEF sont déjà en activité, et quatorze supplémentaires sont prévus très rapidement, comme vous l'avez indiqué, afin que chaque région soit dotée de son CEF. Chacun sait, ou peut savoir, que des problèmes, de la violence, des incidents, des accidents ont lieu au sein des CEF existants. Tout cela était prévisible, puisque d'autres centres fermés ont existé avant les CEF. C'est la raison pour laquelle la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance juvénile avait été mitigée quant à la création des CEF.

Monsieur le garde des sceaux, pourra-t-on rouvrir le débat sur ces dispositifs très coûteux que sont les CER et les CEF ?

Quoi qu'il en soit, les moyens de la PJJ sont insuffisants. Tout le monde sait qu'il faudrait revaloriser les professions et élargir un recrutement aujourd'hui difficile. En 2003, 50 % des crédits ont été gelés. Certes, les moyens apparaissent en augmentation dans le projet de budget pour 2005, mais cette augmentation n'est qu'une stricte application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, et elle est, de ce fait, quelque peu artificielle.

Cette augmentation ne permet en réalité que la seule adaptation des services à la croissance régulière du nombre des dossiers confiés à la PJJ, mais elle ne permet pas de renverser la tendance, et n'est pas plus suffisante pour que la PJJ puisse remplir l'ensemble de ses missions.

Par ailleurs, le rôle de la PJJ, déjà affaibli par le manque de moyens financiers et humains, l'est encore plus depuis l'adoption de la loi relative aux libertés et responsabilités locales. En effet, l'article 59 de cette loi, qui permet une expérimentation sur cinq ans par les départements pour la mise en oeuvre des décisions prononcées par le juge dans le domaine de l'assistance éducative, remet en cause l'unité des compétences de la PJJ en matière d'assistance éducative et de traitement de la délinquance des mineurs. L'Etat devrait être le garant dans le domaine de la protection de l'enfance. Il est évident qu'avec cette loi de décentralisation l'intérêt porté à l'action éducative dépendra largement de l'engagement financier et du bon vouloir des conseils généraux.

Nous avons à maintes reprises dénoncé ce désengagement de l'Etat. Je constate que la Défenseure des enfants, outre un certain nombre de critiques formulées à l'égard des politiques départementales, a également exprimé une crainte à ce sujet. Je n'ose penser que c'est la raison pour laquelle on lui a supprimé 100 000 euros de son budget, et j'espère que l'on reviendra sur cette décision.

Il est pourtant évident qu'en voulant à tout prix instituer une frontière entre les départements et la PJJ, on ne rend que plus difficiles encore la coordination des services et la continuité de l'action éducative. C'est pourtant cette continuité qui permet la réinsertion de jeunes en grandes difficultés, quelle que soit d'ailleurs la position d'origine de ces jeunes.

Monsieur le garde des sceaux, comment comptez-vous assurer une égale protection de l'enfance en danger sur le territoire avec les lois de décentralisation ? Comment la PJJ peut-elle évoluer et être en capacité d'assumer ses missions essentielles sans les moyens suffisants ?

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Je ne reviendrai pas sur les moyens : le débat budgétaire a montré qu'ils augmentent.

Il reste un travail qualitatif à effectuer, et je vais prendre un exemple. Ayant des difficultés pour recruter des éducateurs, nous avons ouvert le recrutement à des personnes déjà insérées dans la vie professionnelle, avec donc une certaine expérience et pouvant, de ce fait, apporter aux jeunes recrues, au sein des équipes pédagogiques, l'expérience d'hommes et de femmes plus mûrs, afin de mieux faire face à des situations délicates comme peuvent l'être celle des jeunes délinquants ou des jeunes en difficulté.

Pour avoir, à plusieurs reprises, été sur le terrain à la rencontre des équipes éducatives, je sais qu'elles sont parfois désemparées face à des jeunes - guère plus jeunes qu'eux - qui ont parfois des comportements extraordinairement difficiles. Ce travail de diversification dans les recrutements est donc nécessaire.

Pour répondre plus directement à votre question sur les CEF, deux cents jeunes, garçons et filles, sont déjà passés dans ces centres. Il est intéressant d'étudier ce qu'ils ont fait à leur sortie : 50 % des jeunes ont été placés dans des structures d'hébergement classique de la PJJ ou en familles d'accueil et 30 % ont bénéficié d'un retour dans leur famille avec un suivi éducatif de la PJJ. Une importante majorité a donc retrouvé un parcours plus classique, démontrant ainsi le caractère positif du travail réalisé au sein des CEF. Pour le reste, 16 % des jeunes ont malheureusement été incarcérés, avec suivi PJJ, 2 % ont été hospitalisés en service pédopsychiatrique et 2 % sont sortis du dispositif de suivi. En ce qui concerne leur scolarité, 32 % ont intégré une structure de remise à niveau scolaire, 16 % sont retournés poursuivre une scolarité classique, 32 % sont allés en préapprentissage ou en apprentissage professionnel et 20 % se sont orientés vers une formation professionnelle.

Incontestablement, ces structures sont donc utiles : leur apport aux jeunes qui leur sont confiés est tout à fait positif, raison pour laquelle nous devons absolument créer un établissement de ce genre dans chaque région, de sorte que les magistrats qui souhaitent recourir à cette solution puissent le faire dans de bonnes conditions, notamment de proximité.

Vous souhaitez une évaluation des différents dispositifs des CER et les CEF. A vrai dire, cette évaluation est permanente, mais je retiens votre suggestion de faire le point sur l'ensemble des dispositifs. Ces derniers sont d'ailleurs parfois assez voisins les uns des autres. On aime bien, en France, raisonner par catégorie, mais, dans la pratique, il n'est pas toujours aisé de faire la différence entre les centres.

Vous avez ensuite évoqué l'expérience de décentralisation qui est autorisée par le texte récemment adopté ici même relatif aux responsabilités et libertés locales.

S'agissant d'une expérimentation, un nombre relativement limité de départements - quatre ou cinq, peut être un petit peu plus - seront candidats. Dans chaque cas, une convention sera négociée et signée par le ministère de la justice, d'une part, et le président du conseil général, d'autre part. Les modalités seront donc clairement définies, et ce pour cinq ans : il n'y a donc pas de risque de dérive. A l'issue de cette expérimentation, le Parlement et le gouvernement du moment seront amenés à se poser la question de la suite à donner à cette expérimentation. Ce sera alors un autre débat.

Vous avez rapproché ce débat de celui, plus général, que Mme Brisset a ouvert - mais elle n'était pas la seule - sur le fonctionnement actuel de la politique de la protection de l'enfance : c'est un débat beaucoup plus vaste et qui, d'ailleurs, dépasse très largement les compétences du ministère de la justice. J'ai eu l'occasion de m'entretenir assez longuement avec Mme Brisset après que son rapport a été rendu public. D'ailleurs, lorsque l'on se donne la peine de lire le rapport - ce qui est mon cas -, on en tire un sentiment assez différent de celui qui pouvait résulter de la lecture de certains organes de presse. Je ne suis pas là pour défendre ou justifier Mme Brisset, qui assume sa propre responsabilité, mais les termes du rapport étaient autrement plus précis, et subtiles, que ce qui en a été dit.

D'une manière générale, nous devons incontestablement améliorer la coordination entre l'Etat et les départements en matière de politique de protection de l'enfance et, en particulier, je trouve tout à fait anormal que certains départements ne possèdent pas de schéma départemental. Et par là j'entends non seulement un texte, mais aussi et surtout une règle du jeu commune face à ces très douloureux problèmes que sont l'enfance victime et l'enfance délinquante, ce qui est souvent un peu la même chose. Bref, il faut un vrai partenariat entre les départements et l'Etat.

En ce qui concerne les services qui dépendent du ministère de la justice, je suis déterminé à faire en sorte qu'ils participent le plus activement possible à la définition, département par département, d'une politique commune de protection de l'enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous verrons si la réponse de M. le garde des sceaux est suivie d'effets.

En tout état de cause, monsieur le garde des sceaux, si je vous interroge, c'est que se pose un vrai problème de continuité. Les jeunes qui sont hébergés dans des centres éducatifs renforcés ou des centres éducatifs fermés ont tout un parcours derrière eux, et c'est la mission de la protection judiciaire de la jeunesse d'éviter que ce parcours ne débouche sur l'enfermement.

Une évaluation est donc nécessaire pour savoir si les moyens de la PJJ sont utilisés plus en faveur de la prévention de l'enfermement.

Par ailleurs, vous avez indiqué, monsieur le garde des sceaux, que, dans la pratique, les différents dispositifs, qu'il s'agisse des centres éducatifs renforcés ou des centres éducatifs fermés, ne sont pas très différents, et je partage votre point de vue. Vous m'avez donc confortée dans l'idée que les centres éducatifs fermés procèdent d'une certaine idéologie, ce dont je suis particulièrement chagrine.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez un projet de budget en augmentation de 4 %, ce dont nous pourrions nous réjouir, si n'était à craindre la pratique dite de la régulation budgétaire, qui a été la norme en 2003 et en 2004 et qui a entraîné une exécution effective des budgets marquée par des gels, des reports et - ce qui est encore plus grave - des annulations de crédits.

Et quand bien même une telle régulation budgétaire ne serait pas décidée, soit ce projet de budget pour 2005 est très insuffisant à bien des égards, soit les crédits dont il bénéficie sont particulièrement mal affectés.

Je pense en particulier à la création de 1 070 postes, dont vous venez de vous réjouir, mais qui correspond tout de même au taux de création d'emplois le plus faible que nous ayons connu depuis cinq ans.

Je m'attarderai un instant sur l'administration pénitentiaire.

L'augmentation des moyens prévue est, permettez-moi de vous le dire, monsieur le garde des sceaux, très insuffisante au regard de la surpopulation carcérale et de son aggravation constante. Je vous le rappelle, la population carcérale, au 1er juillet 2004, s'élevait à 64 813 détenus, soit un taux d'occupation des prisons de l'ordre de 130 %.

Cette situation est d'autant plus dommageable que l'application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes avait permis de faire baisser sensiblement le nombre de détenus. Rappelons aussi que le parc pénitentiaire se caractérise par une grande vétusté, puisque 109 établissements sur 188 ont été construits avant 1920.

Comment, dans ces conditions, la prison pourrait-elle jouer son rôle de réinsertion et de prévention de la récidive ?

Cette situation s'explique pour une bonne part par la politique particulièrement répressive que vous avez mise en oeuvre. L'inflation constante du recours à l'enfermement pour des peines courtes ne témoigne que d'une volonté de procéder à un traitement pénal des problèmes sociaux.

Le nombre des détenus est ainsi passé de 60 000 au 1er juillet 2003 à 65 000 au 1er juillet 2004, ce qui représente un accroissement d'environ 6 %. En revanche, force est de constater que l'augmentation des effectifs de l'administration pénitentiaire n'atteint que 1, 7 %, ce qui va aggraver les problèmes d'encadrement.

L'efficacité de la méthode ne résiste pas à l'épreuve des faits. C'est de l'affichage, une communication qui se veut habile pour rassurer nos concitoyens. Or, me semble-t-il, ces derniers ne sont pas dupes. Comme moi, ils constatent que le taux de récidive ne diminue pas, loin s'en faut !

En outre, les mesures à venir prévues notamment dans la loi « Perben II » devraient aggraver cet état de fait, en mettant des activités supplémentaires à la charge du personnel d'insertion, alors que seulement 200 emplois sont créés dans ce domaine. Au total, en effet, on recense 1 500 personnels d'insertion, contre 20 000 personnels de surveillance, ce qui représente un rapport de un à dix. A mon avis, nous n'allons pas dans le bon sens !

S'agissant de la politique immobilière, nous soutenons, bien sûr, toutes les mesures visant à la rénovation de nos établissements, à la construction de nouveaux établissements et au plan d'action en faveur de la création de nouvelles prisons.

Dans ce domaine, nous sommes tous d'accord pour souligner la nécessité de rattraper notre retard, mais pas au prix de la privatisation des prisons !

Par ailleurs, presque rien n'est prévu, dans votre projet de budget, pour les traitements psychologique et psychiatrique des détenus, alors même que l'ensemble des personnels pénitentiaires, et des observateurs, dénoncent une situation préoccupante.

Certes, on peut noter la mise en place d'unités hospitalières spécialement aménagées. Très peu nombreuses et offrant peu de lits, elles sont une goutte d'eau dans la mer, compte tenu de l'ampleur du problème.

Quel est donc, monsieur le garde des seaux, votre plan pour traiter à terme ce problème de façon satisfaisante ?

Une autre difficulté tient au regroupement, en prisons, de différents types de délinquants, y compris les délinquants sexuels. Comptez-vous séparer ces différentes catégories de détenus ou envisager toute autre solution qui éviterait un mélange fâcheux ?

En conclusion, il est temps d'infléchir sensiblement votre démarche pour envisager une politique pénale pensée sur le long terme et mettant en avant prévention de la récidive et réinsertion. Je me contente donc de renouveler le souhait de nombreux de mes collègues d'une véritable loi pénitentiaire.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Il me sera difficile de répondre dans le temps qui m'est imparti à tous les points soulevés par M. Yung.

Je souhaite cependant revenir sur la régulation budgétaire, afin que chacun sache exactement de quoi il s'agit. Le solde net pour 2004 sera de 23 millions d'euros, contre 84 millions d'euros en 2003. On ne peut pas dire que cela remette en cause l'évolution budgétaire d'une année sur l'autre !

Certes, en cours d'année, certains engagements de dépenses peuvent être freinés, mais il s'agit, me semble-t-il, de la participation normale du ministère à l'impératif général de régulation budgétaire.

Quoi qu'il en soit, ce solde net de 23 millions d'euros montre bien que notre contribution aux nécessités de l'équilibre budgétaire est vraiment minime.

Par ailleurs, nous avons consenti des efforts importants pour accentuer notre politique de prévention, aussi bien en faveur des services pénitentiaires d'insertion et de probation, dont les effectifs ont augmenté de 33 % en trois ans, qu'en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Alex Türk

Monsieur le garde des sceaux, ma question porte sur l'une des autorités administratives rattachée au budget de votre ministère, à savoir la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.

Comme vous le savez, un certain nombre de rapporteurs se sont fait l'écho de remarques acerbes émanant de certains ministères - mais pas du vôtre ! -, qui se plaignent des lenteurs de cette commission à répondre aux questions qui lui sont posées.

Or ni la qualité ni le volume du travail accompli par le personnel de cette commission ne peuvent être mis en cause. Il faut plutôt revenir à une réalité toute simple : depuis une quinzaine d'années, nous avons un peu laissé filer les choses et nous avons accumulé un retard considérable qu'il faudrait rattraper.

A ce titre, il est en effet intéressant de rappeler quelques chiffres : alors que l'effectif total de la CNIL est de 80 personnes, l'autorité allemande correspondante en compte 400, l'autorité anglaise, 250, et l'autorité roumaine, 90, et ce n'est pas faire injure à ce dernier pays que de penser que le développement informatique y est tout de même moins avancé qu'en France !

Devant une telle situation, il est évidemment extrêmement difficile de réagir, d'autant que, en comparaison avec les autres autorités administratives indépendantes françaises, comme le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le ratio entre le personnel et les crédits de fonctionnement varie de un à cinq, au détriment de la CNIL, ce qui témoigne d'un véritable retard de cette dernière.

La situation ne fera que s'aggraver puisque la nouvelle loi que vous avez fait voter voilà quelques mois impose un certain nombre de nouvelles missions et de nouvelles fonctions à la CNIL, ce qui va évidemment accroître singulièrement sa charge de travail. J'en prends pour exemple la politique des contrôles, qui est devenue déterminante, celle des correspondants, la protection des droits d'auteur, et toute la politique de labellisation.

Dans le même temps, la loi pour la confiance dans l'économie numérique impose à la CNIL une responsabilité nouvelle en matière de lutte contre le spam, laquelle sera déterminante pour l'avenir du réseau internet.

Par ailleurs, lors du sommet de la francophonie, la CNIL a été sollicitée pour étudier certains problèmes en matière de coopération avec l'Afrique, sans parler du Parlement européen, qui nous sollicite de même.

De plus, le Gouvernement doit faire nous parvenir une vingtaine de décrets d'application dans les semaines à venir. On imagine aisément le travail que cela va représenter !

Enfin, la CNIL doit examiner l'ensemble du dossier relatif à l'administration électronique, toutes les implications biométriques, notamment dans les matières régaliennes, tout le développement du projet Copernic en matière fiscale et, dans le domaine social, l'ensemble du dossier médical personnel.

Par conséquent, si cette commission doit accomplir l'ensemble des missions qui lui sont dévolues, ce sera au prix d'un effort extraordinaire dans les années à venir. Ma question, vous l'avez compris, monsieur le garde des sceaux, porte sur ce point.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

S'agissant de l'estimation de ses besoins et de la préparation des enjeux budgétaires, l'autorité administrative bénéficie, comme vous le savez, monsieur Türk, d'une grande autonomie. Son budget pour 2005 augmente de 4, 4 %, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne.

Mais votre question porte plus largement sur les perspectives à moyen terme.

A ce sujet, nous devons travailler sur un certain nombre de scénarios qui permettent, de manière tout de même très stricte, la montée en puissance de la CNIL, tout en se posant les bonnes questions sur l'évolution de cette autorité administrative indépendante. Je suis tout à fait ouvert à une réflexion sur ce sujet, en liaison avec le ministère du budget.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

A l'aune des exposés de M. le rapporteur spécial et de M. le rapporteur pour avis pour l'administration pénitentiaire, je souhaite aborder plus spécifiquement la question des conditions de détention et, en conséquence, celle de l'extension et de la rénovation du parc immobilier pénitentiaire.

Nous avons longtemps vécu dans l'ignorance feinte de ce qu'il se passait derrière les murs des prisons. Sans doute le caractère cloisonné de ces établissements s'y prêtait-il.

Il a fallu un électrochoc pour sortir de cette torpeur candide : l'annonce officielle de plus de cent suicides par an en milieu carcéral et le rapport de la commission d'enquête sénatoriale présidée par M. Jean-Jacques Hyest nous ont ouvert les yeux sur une situation dont toute l'inhumanité, à l'ombre de la République, nous apparut alors, bien que nous ne la découvrions pas tout à fait.

Les pouvoirs publics, toutes tendances politiques confondues, se sont alors mobilisés. Vos prédécesseurs, qu'il s'agisse de Mme Guigou ou de Mme Lebranchu, ont essayé, avec les faibles moyens qui leur étaient alloués, d'apporter des réponses qui, évidemment, ne pouvaient être immédiates.

Le véritable signal est venu du nouveau gouvernement. La création d'un poste de secrétaire d'Etat spécifiquement consacré à la question du programme immobilier des établissements pénitentiaires fut, peut-être, une sorte de révolution dans notre paysage institutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le garde des sceaux, je sais que les problèmes ne se règlent pas du jour au lendemain et que les conditions de détention ne peuvent connaître d'amélioration que dans la durée.

Notre République a le devoir de ne pas faillir en la matière parce qu'il est inacceptable que des détenus puissent vivre dans de telles conditions.

Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires est particulièrement alarmant, notamment dans les maisons d'arrêt. Celles-ci accueillent, faut-il le rappeler, des détenus en attente de jugement et qui ne sont donc pas encore condamnés.

En 2003, le taux d'occupation du parc pénitentiaire était de 122 %, et de 138 % pour les maisons d'arrêt. Certains établissements subissent aujourd'hui un taux d'occupation supérieur à 200 %.

Le droit à une cellule individuelle est reconnu par le code de procédure pénale. Or, ce dernier n'est malheureusement pas appliqué. Il est pourtant impératif qu'il le soit, d'une part, pour que la loi pénale soit respectée, d'autre part, parce que la mission de réinsertion sociale et citoyenne des établissements pénitentiaires ne peut être menée à bien si ceux qui les occupent ne bénéficient pas d'un minimum de dignité dans leurs conditions d'incarcération.

Monsieur le garde des sceaux, ma question sera donc simple. Vous bénéficiez, au titre de la LOPJ, de crédits importants pour rénover et étendre le parc pénitentiaire. Comment cela se traduira-t-il concrètement dans les faits, combien d'établissements - et lesquels - vont-ils être créés et combien de nouvelles places seront-elles disponibles ?

Enfin, de manière beaucoup plus intéressée, en tant que sénateur du Rhône, je souhaiterais plus particulièrement savoir dans quelles conditions s'effectuera le transfert des prisons de Saint-Paul et Saint-Joseph vers le nouveau site, prévu sur la commune de Corbas. Quelles sont les dispositions envisagées en faveur notamment des populations concernées, inévitablement inquiètes de l'implantation d'un tel établissement dans leur commune ?

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Où en est-on dans le programme « 13 200 places » ?

Les sites ont tous été retenus. Une procédure d'appel d'offres en conception-réalisation a été lancée pour les établissements de Bourg-en-Bresse, Rennes et Mont-de-Marsan.

Une procédure d'appel d'offres spécifique sera lancée pour l'établissement d'Ajaccio, dont le terrain a d'ores et déjà été retenu.

Un partenariat public-privé a été lancé pour les établissements de Lyon, Nancy, Béziers et Roanne.

Au total, la réalisation de 5 150 places pour détenus majeurs a été programmée. Ces établissements seront livrés d'ici deux à trois ans.

Un deuxième appel d'offres en partenariat public-privé sera lancé au début de l'année 2005.

Par ailleurs, nous réaliserons la nouvelle maison d'arrêt de La Réunion, un établissement de 600 places.

Deux maisons centrales sont prévues pour un total de 300 places. L'analyse des offres est en cours.

Enfin, les établissements spécifiques pour mineurs sont en phase de réalisation. Les entreprises ont été désignées. Les travaux devraient être achevés à la fin de l'année 2006.

Au total, 6 370 places sont en voie de réalisation, ce qui représente plus de la moitié de l'ensemble du programme.

Enfin, vous m'avez interrogé sur le projet de remplacement des prisons de Saint-Paul et Saint-Joseph à Lyon.

Effectivement, le site du futur établissement se trouve sur la communauté urbaine, plus particulièrement sur la commune de Corbas. Des discussions sont actuellement en cours pour préciser la façon dont cette insertion sera réalisée, non seulement dans le tissu de cette commune, mais aussi dans celui de la petite commune voisine, Mions.

L'objectif est que cette insertion se fasse dans les meilleures conditions possibles. En particulier, l'occasion doit être donnée à ces communes de procéder à un certain nombre d'aménagements urbains de qualité. Elles devront pouvoir bénéficier de crédits visant à la construction de logements, car elles ne manqueront pas d'être sollicitées, notamment par les surveillants de l'administration pénitentiaire, à la suite du transfert de ces établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été dit à plusieurs reprises ce matin, la situation des prisons dans notre pays est préoccupante.

Quatre années se sont écoulées depuis que deux commissions d'enquête parlementaire ont rendu chacune un rapport dont le bilan était accablant, sans que l'on puisse constater de nettes améliorations dans nos prisons. Au contraire, la situation empire. On recensait, le 1er juillet 2004, 64 813 personnes en détention, le nombre de places disponibles étant de 49 595.

Les personnes en détention provisoire, dont des mineurs, représentent 34 % des détenus. Les étrangers représentent, quant à eux, 21 % des détenus. Je ne prends même pas en considération l'inflation grandissante des incarcérations de condamnés relevant de structures psychiatriques.

L'étude épidémiologique sur la santé mentale des détenus dont il a déjà été question a permis de révéler - ce que nous pressentions - que nombre d'entre eux sont victimes de maladies mentales parfois très graves et n'ont évidemment pas leur place en prison. Que comptez-vous faire, monsieur le garde des sceaux, pour diriger ces détenus vers des structures de soins adaptées à leurs pathologies ? Pourquoi ne pas mieux appliquer la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », notamment la disposition autorisant que l'exécution de la peine puisse être suspendue dès lors que l'état de santé du détenu est incompatible avec son emprisonnement ?

En attendant les éventuelles mesures auxquelles vous avez fait allusion ce matin, quels moyens peuvent être accordés, dans l'urgence, aux médecins, aux personnels soignants, aux infirmiers, aux éducateurs, tous contraints à travailler dans des conditions très difficiles ?

Tous ces facteurs, notamment le maintien en prison de personnes qui n'y ont a priori pas leur place - personnes placées en détention provisoire ou détenus souffrant de maladies psychiatriques - favorisent pour une part le surpeuplement des établissements.

Mais ce surpeuplement est surtout la conséquence des politiques sécuritaires mises en oeuvre depuis un peu plus de deux ans, les solutions pénale et carcérale étant les plus visibles.

Ces choix ont été faits sans que soit repensée dans son ensemble la politique carcérale en France.

La seule mesure décidée a été la construction de 13 600 places de prison supplémentaires en cinq ans. A l'évidence, le nombre de détenus incarcérés va suivre le nombre de places créées. De fait, nous ne tarderons pas à connaître des taux d'occupation record comparables à ceux d'aujourd'hui.

Avec un taux d'occupation moyen de 130 %, les prisons sont à la limite de l'explosion.

Les mineurs souffrent, eux aussi de la surpopulation. C'est la raison pour laquelle l'administration pénitentiaire est obligée de leur réserver des cellules en secteur adultes. C'est particulièrement vrai pour les jeunes filles, même si elles bénéficient d'un régime spécial. Je m'associe au cri du coeur lancé par M. le rapporteur spécial !

Les installations sanitaires, quant à elles, sont vétustes ; l'hygiène des détenus n'est pas respectée. Les soins médicaux ne sont pas suffisamment assurés en raison du manque de personnel, mais aussi du trop grand nombre de détenus qui suivent - ou devraient suivre - un traitement.

Dans ces conditions, la prison ne joue évidemment plus son rôle d'éloignement des délinquants dans l'objectif de les réinsérer ; elle devient même une véritable machine à récidive.

Quelle est la réponse apportée à ce problème ? Plusieurs propositions ont été faites pour lutter contre la récidive, notamment l'instauration de peines plancher. Comment réduire la récidive en renvoyant les récidivistes en prison, alors que cette dernière est aujourd'hui impuissante en matière de réinsertion des détenus ?

Vos réponses sont inadaptées à certaines situations qui nécessitent des réponses sociales, médicales ou encore pénales mais non carcérales. Je pense notamment aux détenus à titre provisoire. De nombreux dispositifs sont à la disposition de la justice pour éviter de placer une personne en détention provisoire : c'est précisément ce à quoi vise le contrôle judiciaire.

Les crédits alloués à l'administration pénitentiaire sont bien trop insuffisants pour rendre dignes et humaines les conditions d'incarcération des détenus.

Dans ce domaine également, vous me répondrez que les crédits sont, cette année encore, en augmentation. Cependant, comme c'est le cas pour la protection judiciaire de la jeunesse, cette augmentation des crédits ne correspond qu'à la stricte application de la LOPJ.

Ces crédits supplémentaires ne permettent que la seule prise en charge de l'accroissement du nombre des personnes incarcérées. Ils ne permettent d'améliorer ni les conditions de vie des détenus ni les conditions de travail des personnels.

Monsieur le ministre, allez-vous enfin décider une réforme d'ensemble de la politique pénitentiaire de notre pays pour que les prisons ne soient plus, comme cela a été dit encore ce matin, une « humiliation pour la République » ?

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

La politique globale pénitentiaire est en marche. C'est bien ce dont nous parlons depuis trois ans !

Premièrement, il a été décidé de construire des établissements pour majeurs afin de tenir compte d'un nombre de détenus qui devrait s'établir, probablement de manière durable, autour de 60 000, niveau comparable à celui que les autres grandes démocraties européennes de même culture et de même politique pénale peuvent enregistrer.

Deuxièmement, les mineurs seront enfin séparés des majeurs. C'est est un objectif qui me tient particulièrement à coeur.

Troisièmement, quoique j'aie été très critiqué sur ce point, tout le monde s'accorde à dire aujourd'hui que le travail en milieu carcéral de la PJJ est une bonne chose. Il permet au même éducateur de suivre un jeune, avant, pendant et après l'incarcération.

Quatrièmement, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité contient certaines dispositions visant à réformer le régime des fins de peine. C'est une réforme fondamentale qui va obliger les services pénitentiaires de probation et d'insertion, les SPIP, à préparer progressivement la sortie des détenus, pour tenter d'éviter toute récidive.

Tels sont les éléments de ma politique pénitentiaire. J'ignore si elle globale ; en tout cas, elle est cohérente !

M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

J'ai bien compris le sens de votre réforme, monsieur le ministre. Là n'est pas la question. Je voudrais simplement rappeler que plusieurs pays européens ont de l'avance sur nous, particulièrement dans le domaine de la politique pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roujas

Vous affichez, monsieur le garde des sceaux, un budget en augmentation de 4 %. A supposer même qu'à la différence des budgets précédents celui-ci soit totalement exécuté, ce qui reste à prouver, il reste très insuffisant.

Il est insuffisant, car il est loin de respecter les engagements annoncés dans la LOPJ. Il est insuffisant également au regard des mesures engagées depuis 2002 : les juges de proximité, le renforcement des droits des victimes, le recours à de nouvelles techniques d'investigation, la personnalisation des peines, les expertises et enquêtes de personnalité, les repentis, sont autant de mesures qui augmentent lourdement les besoins financiers de votre ministère.

Je n'évoquerai aujourd'hui que le cas des tribunaux administratifs.

La LOPJ du 9 septembre 2002 a prévu la création dans ces tribunaux de 210 postes de magistrats entre 2003 et 2007, correspondant à cinq tranches annuelles de 42 postes. L'objectif commun pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel est de réduire, en 2007, le délai moyen de jugement à un an, en première instance comme en appel.

Si les deux premières tranches ont été entièrement respectées, le projet de budget pour 2005 prévoit la création de seulement 21 postes de magistrats, soit la moitié de la tranche initialement prévue.

Or l'année 2004 a vu les demandes déposées en première instance augmenter de plus de 27 %, et cela après une année 2003 qui avait elle-même connu un accroissement de 14 %.

Cette explosion s'explique, d'une part, par le succès indiscutable de la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, qui a réformé les procédures d'urgence, d'autre part, par le très fort accroissement du contentieux portant sur les étrangers, lié au renforcement de la politique du Gouvernement en matière de lutte contre l'immigration illégale, par l'essor du contentieux de la fonction publique, notamment relatif aux retraites, et du contentieux créé par l'activité des collectivités territoriales.

Les délais de jugement étaient de un an et onze mois en 2002. En dépit de la hausse des demandes et de la vacance de nombreux postes dans les tribunaux administratifs, il a pu être réduit à un an et dix mois en 2003.

Devant l'explosion du contentieux, ce mouvement va être immanquablement inversé en l'absence d'un renforcement véritable des effectifs.

Dans les cours administratives d'appel, la situation de départ était encore plus préoccupante : le délai moyen atteignait trois ans en 2002 ! Le Conseil d'Etat a donc décidé de consacrer l'essentiel des premières années de mise en oeuvre de la LOPJ au renforcement des cours administratives d'appel et a conclu avec leurs présidents des contrats d'objectifs qui ont permis d'abaisser le délai moyen de jugement de cinq mois.

Le non-respect de vos engagements, monsieur le ministre, va réduire à néant ces contrats d'objectifs, qui nécessiteraient l'affectation de 21 nouveaux magistrats, soit la totalité des créations prévues pour 2005. Or, comme nous venons de le voir, il est également urgent d'affecter des moyens dans les tribunaux administratifs.

Ainsi, la division par deux du nombre des créations de postes, alors même que le contentieux explose, va conduire à abandonner l'objectif même de la LOPJ, qui était de parvenir à ramener à un délai raisonnable le délai moyen de jugement.

Pourquoi, monsieur le ministre, le nombre de postes est-il ainsi diminué ? Quelles solutions proposez vous pour résoudre cette difficulté et honorer vos promesses ?

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, le taux de réalisation en matière de crédits de fonctionnement est de 70 % par rapport aux objectifs fixés par la LOPJ. Il est vrai que, cette année, les tribunaux administratifs connaissent un déficit de vingt-quatre postes. Aussi ferons-nous le maximum, les deux prochaines années, pour rattraper ce léger retard.

Sur le fond, je redis ce que j'indiquais tout à l'heure : il me paraît indispensable de créer un recours administratif préalable et obligatoire en matière de contentieux lié à la fonction publique et de mettre en place une procédure d'ordonnance simplifiée pour traiter les requêtes répétitives. A défaut, nous ne pourrons faire face, quels que soient les moyens mis en oeuvre, à l'inflation des procédures contentieuses, souvent identiques, très répétitives et auxquelles il est possible de réagir d'une manière différente.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, mon propos portera plus particulièrement sur la délinquance des mineurs. C'est un sujet important qui ne peut laisser personne indifférent, car il concerne nos enfants, nos adolescents, ceux qu'il est de notre devoir de protéger, parfois contre eux-mêmes : il en va de leur insertion dans la société.

Je ferai un bref rappel historique. Il y a encore à peine trois ans, un profond sentiment d'insécurité envahissait les Français. Chaque jour, la presse quotidienne se faisait l'écho de faits divers toujours plus alarmants : de l'explosion des incivilités, considérées alors comme mineures par le pouvoir en place et pourtant premier facteur d'exaspération pour la population, aux faits délictueux, parfois effrayants de violence. La croissance exponentielle de la délinquance des mineurs, délinquance d'exclusion, territorialisée, semblait alors inéluctable.

En février 2002, la Haute Assemblée a pris l'initiative de constituer une commission d'enquête, sous l'égide de notre ancien collègue Jean-Pierre Schosteck, auquel je souhaite rendre un hommage appuyé pour la qualité du travail qu'il a mené au sein de cette assemblée.

Dans ce contexte passionné, le rapport remis par Jean-Claude Carle sur l'évolution de la situation était saisissant et riche de propositions. Nous nous souvenons tous que le problème de l'insécurité était alors au coeur des débats de la campagne présidentielle.

Ce fut l'honneur du Sénat, une fois encore, que de jouer pleinement son rôle d'éclaireur et de force de propositions, tant législatives que d'organisation, pour que l'éducation et la sanction cessent enfin d'être opposées et dissociées, et que de véritables parcours de réinsertion puissent être mis en oeuvre.

C'est à l'aune de ces propositions que vous engagiez, monsieur le garde des sceaux, dès votre prise de fonctions, une réforme profonde de la justice. L'adaptation du droit pénal des mineurs trouva dès lors sa place au coeur du dispositif constitué par les grands chantiers de la loi d'orientation et de programmation pour la justice.

L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui semblait pourtant intangible, a ainsi pu être enfin aménagée pour permettre à l'autorité judiciaire d'apporter des réponses adaptées à ces phénomènes nouveaux.

Bien évidemment, nous n'avons pas la naïveté de croire que seule la réponse pénale peut endiguer la délinquance des mineurs. Il fallait, bien sûr, mettre en oeuvre un dispositif décliné à chaque maillon de la production de la délinquance, de la responsabilisation des parents jusqu'aux moyens d'éducation et de réinsertion des primo-délinquants.

Aujourd'hui, les chiffres parlent d'eux-mêmes. La délinquance des mineurs s'est tout d'abord stabilisée, pour décroître de manière encourageante. De surcroît, et il faut saluer l'action de la protection judiciaire de la jeunesse en particulier sur ce point, le phénomène de la récidive semble aujourd'hui en récession.

Il y a trois ans, la protection judiciaire de la jeunesse était en pleine crise d'identité. Malgré le fort potentiel humain de ses éducateurs, qui a été souligné à juste titre, elle peinait à assurer l'ensemble des missions qui lui étaient confiées.

Aujourd'hui, elle bénéficie d'une forte croissance de ses crédits, en augmentation de 4, 4 %, qui sont désormais orientés vers une meilleure efficacité de son fonctionnement, et ce à effectif pratiquement constant. Le législateur qui, je l'espère, votera dans un instant les crédits de la justice, ne peut que s'en féliciter.

Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la performance et la réactivité des services de la protection judiciaire de la jeunesse, et notamment les délais d'intervention judiciaire, dont la longueur est la première cause de récidive, comme l'a très justement souligné le rapporteur pour avis M. Nicolas Alfonsi.

Ma question est simple, monsieur le garde des sceaux : comment comptez-vous déployer les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse et quels sont vos objectifs de performance pour optimiser l'intervention éducative, favoriser les conditions d'insertion, raccourcir les délais d'intervention judiciaire et prévenir la récidive ?

Enfin, en tant que sénateur du Val-de-Marne, je me permets d'appeler brièvement votre attention sur le programme de rénovation de la prison de Fresnes, l'une des plus anciennes prisons de la région parisienne, dont vous connaissez, monsieur le ministre, et l'état et les difficultés.

En effet, comme l'a indiqué dans son rapport notre excellent collègue Philippe Goujon, la rénovation de la prison de Fresnes a dû être retardée, hélas, en raison de l'état d'avancement du projet de rénovation de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et de la réhabilitation d'autres grands établissements pénitentiaires franciliens, alors même que le déficit de places de détention s'est aggravé depuis deux ans.

Je souhaite donc connaître le calendrier de rénovation prévu pour cet établissement et obtenir de votre part l'assurance de mesures susceptibles de rassurer les personnels pénitentiaires, qui sont particulièrement inquiets.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

S'agissant de la politique globale de protection judiciaire de la jeunesse, je veux rappeler quelles étapes nous avons d'ores et déjà franchies.

Tout d'abord, il était nécessaire de renforcer les structures de cette administration, au niveau tant de l'administration centrale que des directions régionales et départementales. C'est d'ailleurs une observation de la Cour des comptes qui nous avait amenés à procéder à un certain nombre de modifications, y compris s'agissant du statut des personnels de direction, afin que cette grande administration acquière une ossature, un squelette, et la capacité à la fois de gérer la déconcentration et de travailler sur le terrain dans de meilleures conditions.

Nous avons ensuite ouvert, comme je le rappelais tout à l'heure, les conditions de recrutement des éducateurs, de façon à avoir accès à un « marché » de candidatures plus large, comprenant non seulement des jeunes sortant de l'école, mais aussi des personnes ayant déjà acquis une expérience professionnelle.

Enfin, il me paraît nécessaire d'améliorer les conditions de travail des associations, en particulier les associations habilitées, et des départements, comme cela a été évoqué au cours de nos échanges précédents, afin d'obtenir une meilleure coordination entre les différents acteurs de la protection judiciaire de la jeunesse et, d'une manière générale, de la lutte contre la délinquance des mineurs.

En effet, ce sont tous ceux qui participent à l'action d'éducation et de suivi des jeunes qui doivent nous aider à remporter la lutte contre la délinquance des mineurs, car tout ne se résume pas à la décision pénale qui survient en bout de chaîne. La coordination avec l'éducation nationale, avec les départements et leurs services sociaux est un élément déterminant de la réussite de cette politique. Ensuite, il nous appartiendra bien sûr d'assumer nos responsabilités.

Telles sont les directions que nous nous sommes fixées.

Il est vrai que la délinquance des mineurs a baissé, pour la première fois depuis bien longtemps, et que nous voyons s'ouvrir des perspectives satisfaisantes. Mais nous devons encore faire un gros effort, comme je le disais tout à l'heure en réponse à M. Alfonsi, pour améliorer les délais de mise en oeuvre des mesures décidées par les magistrats et faciliter l'articulation entre les juges pour enfants et les services concernés de la police judiciaire et des départements pour une plus grande réactivité.

En ce qui concerne la maison d'arrêt de Fresnes, il est vrai que j'ai été amené à faire des choix : nous avons préféré, pour ce qui est des gros établissements pénitentiaires, rénover plutôt la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et la prison des Baumettes. Mais des travaux seront également effectués à la prison de la Santé et à Fresnes.

Sur ce dernier site, un certain nombre de travaux portant sur les réseaux, les locaux du SPIP et les cuisines ont déjà été réalisés, afin de maintenir une qualité satisfaisante du site.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous interroger sur les frais de justice. Mais, au préalable, j'aimerais obtenir des précisions.

En effet, monsieur le garde des sceaux, vous avez fait tout à l'heure quelques déclarations sur les partenariats public-privé qui m'ont énormément surpris.

Premièrement, vous avez dit que cette procédure allait « permettre une ouverture à la concurrence ». Franchement, je ne vois pas comment on peut plaider une telle cause, puisqu'il s'agit en l'occurrence de marchés globaux, pour lesquels on choisit en même temps le concepteur, le constructeur, l'entreprise qui assume l'exploitation, la gestion, la maintenance et l'entretien et, comme vous l'avez vous-même rappelé, le banquier !

Allez dire aux architectes que cette procédure élargit la concurrence ! En fait, seuls quelques grands groupes pourront répondre à l'appel d'offres et choisiront leur architecte. Allez dire aux petites et moyennes entreprises et aux artisans du bâtiment que cela élargit la concurrence ! C'est totalement faux ! En réalité, il s'agit d'un processus de concentration de la décision et de la réalisation. Je me demande comment vous pouvez défendre un tel point de vue !

Deuxièmement, vous dites que cette procédure permettra de gagner du temps. Nous verrons ! D'ailleurs, monsieur le garde des sceaux, vous avez certainement lu avec intérêt ce qu'en ont dit le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, cette procédure extrêmement complexe, dont les conditions de mise en oeuvre sont très particulières, risque d'entraîner un important contentieux auquel il faudra être attentif.

Vous avez également dit que vous prévoyiez de ne pas consacrer un seul centime aux PPP en 2005. Or la loi qui a permis de mettre en oeuvre ce dispositif, et dont vous êtes à l'initiative, monsieur le garde des sceaux, date de 2002. Trois ans plus tard, on ne dépense donc toujours rien ! Je ne suis pas sûr que l'on gagne ainsi de l'argent par rapport aux marchés classiques.

En revanche, il est clair que cette procédure permet de construire à crédit. Nous verrons combien elle aura coûté dans dix, vingt, trente ou quarante ans ! Et bien malin celui qui peut dire aujourd'hui qu'elle sera moins coûteuse pour la collectivité publique ! En réalité, je crains que ce ne soit tout le contraire.

Beaucoup de questions restent donc en suspens.

J'en viens à ma question sur les frais de justice, qui sera bien sûr abrégée, d'autant que vous y avez déjà répondu tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux.

La loi organique relative aux lois de finances implique qu'à compter du 1er janvier 2006 les frais de justice soient globalisés dans des enveloppes fermées ; cela suscite beaucoup de questions.

Bien sûr, les frais de justice sont importants et ils ne cessent d'augmenter, ce qui est un vrai sujet de préoccupation.

Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, que vous alliez veiller à rationaliser les rapports entre les partenaires concernés, en ce qui concerne les analyses génétiques, les réquisitions d'opérateurs de téléphonie mobile, et autres procédés d'enquête, et ce afin de faire des économies.

Vous avez ajouté que, le cas échéant, vous feriez en sorte que le ministère de l'intérieur paie les frais que votre ministère ne pourrait plus assumer. Pour ce qui est du budget de l'Etat, de toute façon, il faut toujours payer !

Je veux insister sur le fait que nombre de magistrats sont inquiets car, selon les propos d'un président de tribunal interrogé dans un quotidien national, « cette réforme pourrait avoir des conséquences sur l'indépendance des magistrats ».

On peut craindre, en effet, que l'on empêche à l'avenir les juges de traiter certains dossiers, jugés trop coûteux. Quant aux parquets, ils risquent de privilégier les voies de poursuite les moins onéreuses, telles que l'ordonnance pénale, qui ne requiert pas d'expertise psychologique, ou le « plaider-coupable ».

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous rassurer les magistrats qui expriment ces craintes ?

Pour conclure, je souhaite évoquer un rapport un peu bizarre, voire un peu comique : le dernier rapport non publié de la cour d'appel de Lyon, qui est pourtant publié par extraits dans le quotidien Le Monde du 30 novembre 2004. Tant qu'à faire, monsieur le garde des sceaux, vous pourriez peut-être publier ce rapport non publié, mais néanmoins public !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je lis dans ce rapport la phrase suivante : « La maîtrise des frais de justice suppose que la préoccupation économique devienne l'un des préalables à la décision de prescription de l'acte », ce que la journaliste auteur de l'article paraphrase de la manière suivante : « En clair, rien ne sert de procéder à des réquisitions pour retrouver un portable volé si les frais engagés pour identifier l'auteur du vol sont supérieurs à la valeur de l'objet dérobé ». Cela signifie que la question des frais de justice deviendrait tout à fait déterminante dans les choix procéduraux effectués, et ce au détriment d'un certain nombre de justiciables, ce qui est vraiment inquiétant.

Monsieur le garde des sceaux, quelle garantie du respect de l'indépendance des magistrats pouvez-vous nous donner, eu égard à ce nouveau traitement budgétaire des frais de justice ?

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, à propos des partenariats public-privé et de l'ouverture du champ de la concurrence, je vous pose la question : aujourd'hui, qui peut construire des établissements de 600 à 700 places ? Ce ne sont pas les artisans du bâtiment, monsieur le sénateur, qui pourront concourir.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

Bien sûr, ils peuvent y contribuer ! Soit. Mais qui peut concourir ? Trois groupes, que je ne citerai pas, mais, en réalité, trois, et pas plus.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

La formule du partenariat public-privé peut amener de grands organismes financiers à chercher, à l'échelle européenne, des partenaires constructeurs et à les inciter à entrer dans le jeu de la concurrence et du marché.

A défaut de savoir ce qui va effectivement se passer, je sais du moins que c'est dans cette mesure-là, parce que l'on introduit un financement, non pas sur quarante ans, monsieur le sénateur, mais sur vingt-cinq ans - ce qui est déjà bien assez -, qu'il peut y avoir ouverture plus large à la concurrence.

S'agissant maintenant des frais de justice, nous sommes, comme c'est souvent le cas, dans une tension entre deux impératifs en apparence contradictoires : d'une part, la liberté de prescription du magistrat dans le cadre de son enquête ou de son instruction, d'autre part, la contrainte budgétaire.

Pour ce qui est de la contrainte budgétaire, vous conviendrez qu'elle n'a pas été inventée au XXIe siècle ! Certes, jusqu'ici, elle pesait moins sur ce type de crédits, qui étaient évaluatifs. Cela signifie, je le dis pour ceux qui ne sont pas des spécialistes du sujet, que l'on pouvait dépenser autant qu'on le souhaitait, et le ministre de la justice sollicitait régulièrement son collègue chargé du budget pour lui demander d'abonder le chapitre. C'est cette pratique qui ne sera plus possible.

Que cela nous oblige à discuter avec France Télécom et quelques autres opérateurs, notamment pour les écoutes, avec les laboratoires requis pour les analyses génétiques, qui doivent d'ailleurs, en ce moment, bien gagner leur vie, analyse par analyse, en quoi cela pose-t-il problème ?

Que cela oblige le magistrat instructeur à rationaliser la commande en indiquant précisément ce qu'il veut plutôt qu'en des termes lapidaires, en quoi cela pose-t-il problème ?

Sur un plan plus général, en quoi le fait de mettre en concurrence pose-t-il problème ? Ce que je trouve, pour ma part, étonnant, c'est qu'on ne lance pas un appel à la concurrence pour des dépenses très importantes.

Faut-il rappeler que, dans cette affaire qui a ému à juste titre toute la France, celle du renflouement du chalutier breton, qui va coûter entre 5 et 6 millions d'euros, il n'y a pas eu de mise en concurrence entre les différentes entreprises susceptibles d'intervenir ? Trouvez-vous cela normal ? Si vous, élu local, faisiez cela, je pense que cela vous serait reproché.

Nous avons, me semble-t-il, le devoir de rationaliser la dépense. Pour le reste, il faudra, bien entendu, qu'il y ait une réserve à l'échelon ministériel pour faire face aux nécessités. Et, de toute façon, il reste possible, en cours d'année, de demander à Bercy un complément budgétaire.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de ces précisions. Il me paraît en effet tout à fait utile, et même parfaitement nécessaire, de rationaliser ces dépenses et d'obtenir des différents opérateurs de meilleurs prix.

Toutefois, j'insiste sur l'importance de la réserve qu'il faudra prévoir pour faire face aux aléas. A ce propos, je me permets de citer un magistrat, le procureur général près la cour d'appel de Lyon, M. Jean-Olivier Viout, qui s'exprime dans les colonnes du Monde daté du 30 novembre 2004, au sujet de la réserve financière: « Elle doit être très substantielle, car nous allons constater des dépassements de dépenses à longueur d'année. » Et le même magistrat estime qu'il serait « impensable, pour des questions de gestion, de différer une expertise dans une affaire familiale ou de devoir attendre l'exercice budgétaire suivant pour vérifier l'alibi d'une personne placée en détention provisoire ».

Je me permets d'insister auprès de vous sur l'importance qu'il y a à disposer, sur le plan national, d'une réserve suffisante pour que les juridictions n'aient pas à trier entre les affaires qu'elles ont les moyens de traiter et les autres, sauf à ce que les justiciables concernés par les affaires mises de côté soient contraints d'attendre pour des raisons d'opportunité financière, qui pourraient très vite être interprétées comme étant des raisons de simple opportunité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Monsieur le garde des sceaux, je reprends en quelque sorte « au débotté » une question que voulait poser M. Yann Gaillard, qui ne peut être parmi nous ce matin. Je souscris totalement au libellé de cette question, qui concerne la place réservée, dans l'organisation interne de votre ministère, aux affaires européennes.

Comme vous le savez tous, la dimension européenne de la justice s'est largement développée ces dernières années. Je pense à la coopération dans le domaine « Justice et affaires intérieures », à l'harmonisation européenne des règles et des procédures, tant civiles que pénales, et à la mise en place de nouveaux instruments, comme le mandat d'arrêt européen ou encore Eurojust.

Notre justice acquiert donc de plus en plus une dimension européenne, mais le phénomène ne concerne pas seulement votre département ministériel au sens strict, monsieur le garde des sceaux, mais d'autres domaines, dans lesquels vous êtes particulièrement impliqué. C'est le cas, par exemple, des travaux actuellement réalisés par la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur la directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. A ce propos, l'audition des représentants de l'une des directions de votre ministère a été passionnante.

Cette dimension sera considérablement accentuée avec l'entrée en vigueur de la Constitution européenne, qui prévoit notamment d'élargir les compétences de l'Union et de recourir à la méthode communautaire dans ce domaine. Quelle est votre conception de la gestion de ces affaires européennes ? Etes-vous partisan d'une gestion centralisée au sein d'un service unique, comme cela avait été préconisé, ou bien d'une gestion décentralisée sur l'ensemble de vos services ?

Il semblerait que l'on remette en question un dispositif récemment mis en place. En effet, selon un projet de décret qui a fait récemment l'objet de consultations, la direction des négociations en matière européenne et internationale serait dorénavant assurée non par un seul service, mais par les différentes directions générales.

Je souhaiterais donc connaître les raisons de ce choix et vous demander si vous pensez que cette mesure sera de nature à améliorer le suivi des affaires européennes au sein de votre ministère.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

La question posée est intimement liée à celle de l'évolution de notre système législatif, qui fait que la législation applicable en France trouve de plus en plus son origine dans des directives ou des textes-cadres européens.

Quelles sont les pistes ? Je rappelle que le ministère de la justice compte deux directions législatives, la direction des affaires criminelles et des grâces, chargée du code pénal, et la direction des affaires civiles et du sceau, chargée du code civil. Ces deux directions, qui élaborent le droit pour notre pays, sont aujourd'hui associées dans les négociations européennes. Elles le sont par le service des affaires européennes et internationales, qui a en charge la négociation, au niveau préparatoire, des travaux de la Commission et de ceux du conseil des ministres européens.

Je me suis aperçu qu'il arrive que les tâches se superposent. Ainsi, le service des affaires européennes et internationales a besoin de spécialistes du droit pénal et du droit civil, or ces compétences se trouvent précisément concentrées dans les deux directions législatives que j'ai citées.

Je souhaite donc que le service des affaires européennes et internationales assure les missions de coordination et de veille, mais que, à l'avenir, la maîtrise du contenu de la négociation revienne aux deux directions législatives spécialisées en ces matières.

C'est que, sur le plan interne, ces deux directions sont en contact permanent avec les parlementaires, comme avec les professionnels du droit, avocats et notaires notamment. C'est grâce à elles que nous pourrons définir des positions réellement cohérentes vis-à-vis de nos interlocuteurs à Bruxelles.

Tel est l'objet de ce texte qui, par ailleurs, porte création d'un secrétariat général au ministère de la justice, à l'instar de ce qui existe au ministère de l'économie et des finances ou au ministère de l'intérieur. C'est dans le cadre de cette restructuration que je souhaite modifier les conditions de la présence de mon ministère au sein des institutions européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le budget de la justice pour l'exercice 2005 qu'il nous est demandé d'approuver est un bon budget. L'effort consenti, une augmentation de 4 % contre 1, 8 % pour le budget général, en cette période de rigueur budgétaire, suffit à le démontrer.

C'est ainsi que 100 postes de magistrat et 255 postes de fonctionnaire seront créés en 2005, soit près de 13 millions d'euros de plus.

Si l'effort consenti par le Gouvernement est donc important, il convient néanmoins de noter que l'exercice 2005 sera le troisième de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, qui a prévu sur cinq ans la création, entre autres, de 950 postes de magistrat.

Or, avec ces 430 postes créés à l'issue de la troisième année d'application de la loi de programmation, nous atteindrons seulement 45 % de l'objectif fixé.

Si ce taux d'exécution suscite quelques inquiétudes, nous avons néanmoins noté, monsieur le garde des sceaux, votre engagement, renouvelé ce matin, de pousser les feux pour les deux dernières années d'application de cette loi de programmation.

Cependant, il faut que cela soit dit et répété avec force pour répondre aux critiques de l'opposition, si cette loi de programmation n'a pas encore atteint son plein régime, j'ai pu constater, dans mon département, au tribunal de grande instance de Bobigny, deuxième juridiction de France, que la création des premiers postes a déjà donné de très bons résultats.

Néanmoins, comme l'a souligné notre rapporteur spécial, il demeure, à Bobigny et ailleurs, une difficulté à laquelle il est indispensable de remédier, le manque de greffiers. En effet, monsieur le garde des sceaux, vous conviendrez avec moi que, pour faire face à l'engorgement des tribunaux, il est, certes, nécessaire de créer des postes de magistrat, mais cela ne peut pas suffire si l'administratif ne suit pas.

Vous avez souligné l'existence d'un point de tension dans les greffes. Les besoins demeurent en effet très importants, malgré les 400 postes d'ores et déjà créés et les 102 emplois prévus pour 2005. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que vous nous indiquiez plus précisément quel objectif global vous vous fixez d'ici à 2007 en matière de création de postes de greffier, mais aussi en ce qui concerne les moyens autres qu'humains. Je pense aux locaux, à l'informatisation et à tout ce qui peut concourir à la rationalisation du travail administratif.

Au-delà de cette question générale, je souhaiterais évoquer un autre problème, plus particulier au département de la Seine-Saint-Denis. Si les magistrats du tribunal de grande instance de Bobigny ont vu leurs effectifs augmenter et, donc, leur charge individuelle de travail diminuer, celle-ci demeure néanmoins encore importante.

Or, comme vous le savez, monsieur le garde des sceaux, les magistrats de Bobigny, qui interviennent au centre de rétention de Roissy, sont contraints à se déplacer, ce qui leur fait perdre un temps considérable et conduit parfois à un allongement des délais de traitement des affaires et, partant, dans certains cas, à un dépassement des délais légaux de rétention des étrangers en voie d'expulsion.

Une disposition de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, adoptée il y a un peu plus d'un an, avait pourtant allongé ce délai pour le faire passer de douze à trente-deux jours, afin de donner aux magistrats plus de temps pour accomplir toutes les formalités nécessaires à la reconduite aux frontières.

Cette loi avait également prévu que, par décision du juge et sur proposition du préfet de police de Paris, l'audience pouvait se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle, telle la visioconférence, ce qui permet justement d'éviter les déplacements à l'origine des pertes de temps que je signalais.

Ces moyens ont été mis en place à Reims en juin 2004, mais rien de bien concret n'est encore intervenu dans mon département, alors que le TGI de Bobigny a vu le contentieux en la matière passer de 3 000 affaires en 1998 à 16 000 en 2003. Le raccourcissement des délais de traitement des affaires grâce à la visioconférence serait, par conséquent, très apprécié par les magistrats.

Je souhaiterais donc savoir quels moyens seront alloués en 2005 pour développer les moyens de télécommunication audiovisuelle entre le centre de rétention et la zone d'attente de Roissy et le TGI de Bobigny.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, garde des sceaux

S'agissant de l'ensemble des services judiciaires, sur les 4 450 postes que nous avions pour objectif de créer, 1 747 sont effectifs, ce qui nous laisse, pour respecter la LOPJ, un objectif ambitieux de 2 703 postes à réaliser. Je précise que, sur d'autres lignes, les objectifs ont été dépassés, en particulier en ce qui concerne l'administration pénitentiaire.

S'agissant du recours à la visioconférence, les outils juridiques existent. En effet, nous avons aujourd'hui la possibilité d'utiliser la visioconférence pour l'audition des témoins par la juridiction de jugement, pour l'audition par un juge d'instruction d'une personne détenue ou pour une prolongation de garde à vue.

Il convient maintenant de mettre en place les dispositifs techniques nécessaires et de prendre l'habitude de s'en servir, ce qui n'est pas toujours très facile au début. Ceux d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui, comme moi, ont déjà participé à des visioconférences savent que l'on éprouve une légère hésitation la première fois, et qu'il faut consentir une sorte d' « effort culturel ». Ensuite, les technologies ayant beaucoup progressé par rapport à ce qu'elles étaient voilà une décennie, on parvient à dialoguer et à travailler à distance dans de bonnes conditions.

En ce qui concerne le cas particulier que vous avez évoqué, monsieur Dallier, du tribunal de grande instance de Bobigny et du centre de rétention de Roissy, il est prévu de relier ces deux sites par des moyens de télécommunication audiovisuelle et d'y installer des matériels de visioconférence. Il en ira de même pour certains autres sites prioritaires.

Dans une perspective plus large, notre idée est de lancer une expérimentation sur le ressort de la juridiction interrégionale spécialisée dans la criminalité organisée du grand Est, installée à Nancy, afin d'étudier comment, pour l'ensemble des juridictions, des services et des établissements concernés, il serait possible de développer ce type de dispositif dont l'emploi, incontestablement, nous fera économiser du temps et de l'argent.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la justice, et figurant aux états B et C.

Titre III : 120 548 040 €.

Ces crédits sont adoptés.

Ces crédits sont adoptés.

Titre V. - Autorisations de programme : 599 062 000 € ;

Crédits de paiement : 35 742 000 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le groupe CRC également.

Titre VI. - Autorisations de programme : 8 605 000 € ;

Crédits de paiement : 3 565 000 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de la justice.

Je remercie tous les intervenants de leur effort de concision, qui nous a permis de mener ce débat à son terme avant treize heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq.