Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 13 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Justice

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les services généraux :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avec une hausse globale des crédits affectés au budget de la justice de 4 %, le Gouvernement marque une fois de plus le caractère prioritaire qu'il donne à ce volet de son action. Certes, l'accent est plus particulièrement mis en 2005 sur les crédits de l'administration pénitentiaire, mais les services généraux de la justice, dont les moyens progressent de 3, 9 %, ne sont pas pour autant oubliés.

Avec la création de 355 postes nouveaux dans les services judiciaires, la poursuite de la revalorisation des carrières et du repyramidage du corps des greffiers, la création d'un corps de secrétaires administratifs permettant d'offrir davantage de perspectives aux agents de catégorie C, de même qu'avec l'ouverture envisagée de deux nouveaux tribunaux administratifs, le budget 2005 s'inscrit dans la continuité des orientations fixées par la loi quinquennale d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002.

Toutefois, force est de constater que la mise en oeuvre de la loi d'orientation ne se réalise pas au même rythme pour tous les services. En outre, s'il est un fait que les créations d'emplois prévues au terme de l'année 2005 représenteront déjà 72 % des objectifs du programme quinquennal à l'échelon de l'administration centrale, elles n'en représenterontglobalement que 40 % à l'échelon des juridictions et 38 % seulement pour les personnels non-magistrats.

De plus, je constate que, malgré la volonté affichée de mieux distinguer les emplois qui sont affectés à l'administration centrale de ceux qui sont affectés aux services déconcentrés, 492 agents des services déconcentrés travaillent toujours, en réalité, dans les services centraux du ministère.

Alors que les dispositions législatives nouvelles adoptées ces dernières années, telles que la procédure de rétablissement personnel introduite par la loi du 1er août 2003 ou encore la mise en place des juges de proximité, ont indiscutablement créé des charges nouvelles pour les juridictions, notamment les greffes, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur ce que vous comptez faire pour atteindre les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ, s'agissant des créations de postes dans les juridictions, et pour réaffecter les personnels, magistrats et non-magistrats, là où l'on en a le plus besoin.

J'ai bien noté ce que vous aviez répondu à M. le rapporteur spécial, mais le nouveau corps des secrétaires administratifs dont vous avez dit qu'il offrait de nouvelles perspectives s'agissant des personnels non-magistrats, n'est pas encore opérationnel. Les textes nécessaires à sa mise en application ne sont pas publiés. Que comptez-vous faire, monsieur le garde des sceaux, pour accélérer la mise en place de ce nouveau corps ?

A la fin de l'année 2002, la Chancellerie a conclu deux contrats d'objectifs avec les cours d'appel de Douai et d'Aix-en-Provence en vue de résorber les stocks importants d'affaires en instance devant ces deux cours. Les renforts attribués à ces juridictions ont permis de réduire de manière significative ces stocks. Au moment où la Chancellerie envisage de signer des nouveaux contrats d'objectifs avec six autres cours d'appel, pouvez-vous nous dire, monsieur le garde des sceaux, quel bilan vous tirez de ce mode d'intervention et si vous envisagez, de pérenniser cette méthode en en faisant un mode de gestion habituel des juridictions en difficulté ?

Si, sur l'ensemble des cours d'appel, notamment en raison de ces contrats d'objectifs, le délai moyen de jugement s'est réduit d'un mois en 2003, malgré la hausse des affaires nouvelles, on constate, en revanche, que les tribunaux de première instance n'arrivent toujours pas à renverser la tendance à la hausse de leurs délais de jugement. Ceux-ci s'établissent, par exemple, à 9, 5 mois pour les tribunaux de grande instance et à 4, 9 mois pour les tribunaux d'instance.

Dans le domaine pénal, malgré les efforts qui ont été réalisés par l'institution judiciaire, dont la productivité indiscutablement augmente, le stock d'affaires en attente est toujours en progression qu'il s'agisse des cours d'assises comme des tribunaux correctionnels.

Aussi, monsieur le garde des sceaux, je souhaiterais que vous nous indiquiez les mesures que vous entendez prendre pour que les juridictions puissent améliorer durablement leurs délais de traitement et puissent atteindre les objectifs ambitieux, il est vrai, qui ont été fixés par la loi de programmation quinquennale prévoyant, par exemple, de ramener les délais de traitement des affaires à six mois devant les tribunaux de grande instance et à trois mois devant les tribunaux d'instance.

Pour terminer, je voudrais souligner la forte implication du ministère de la justice dans la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Le ministère a notamment été en mesure de présenter, à titre indicatif, dès cette année, son projet de budget dans la nouvelle forme prévue par la LOLF, qui comprendra, s'agissant de la « mission justice », un découpage en six programmes et trente-trois actions.

Par ailleurs, le ministère expérimente, avec la cour d'appel de Lyon, le nouveau mode de gestion des crédits prévu par la LOLF, qui fait notamment des chefs de cours d'appel des ordonnateurs secondaires. A cette fin, le service administratif régional placé sous l'autorité des chefs de cours a vu ses moyens sensiblement renforcés.

Compte tenu de l'importance que vont prendre les services administratifs régionaux, les SAR, et du rôle stratégique qu'ils vont devoir jouer dans la gestion des crédits déconcentrés du ministère de la justice, envisagez-vous, monsieur le garde des sceaux, de faire évoluer l'organisation de ces services en les dotant, par exemple, de spécialistes de la gestion des marchés publics, alors qu'aujourd'hui ils fonctionnent principalement avec des personnels judiciaires qui manquent parfois aux autres secteurs des juridictions ?

Par ailleurs, vous l'avez longuement évoqué, les chefs de juridiction sont très inquiets de l'évolution exponentielle des frais de justice, notamment dans la perspective de l'application de la LOLF qui donne à ces crédits un caractère limitatif.

Voilà, monsieur le garde des sceaux, les quelques points sur lesquels je souhaiterais que vous éclairiez le Sénat.

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