Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 13 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Justice

Photo de Philippe GoujonPhilippe Goujon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour l'administration pénitentiaire :

Monsieur le garde des sceaux, le débat qui s'est instauré avec M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur spécial vient d'apporter une preuve supplémentaire de l'attention que le Sénat porte à la situation de nos établissements pénitentiaires. Permettez-moi, à cette occasion, de rendre hommage ici à mon prédécesseur, M. Georges Othily, dont les rapports pour avis ont beaucoup contribué à l'information de la Haute Assemblée dans ce domaine.

C'est d'ailleurs dans le droit-fil des recommandations présentées en 2000 par la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons présidée par M. Jean-Jacques Hyest que le Gouvernement a engagé une nouvelle politique pénitentiaire.

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a posé les fondements de cette politique. Le projet de loi de finances pour 2005 s'inscrit pleinement dans le cadre ainsi tracé. Les crédits prévus pour les services pénitentiaires en 2005 s'élèveront à 1, 65 milliard d'euros, soit une progression de 3, 8 %.

Mes chers collègues, ce projet de budget présente trois points forts.

Le premier concerne l'augmentation des effectifs, avec la création de 533 emplois. De ce point de vue, le taux de réalisation de la loi d'orientation et de programmation s'élèvera à 68, 28 %. A l'issue de trois exercices budgétaires, un tel résultat méritait d'être particulièrement souligné.

Le deuxième point fort de ce projet de budget est également marqué par la progression de 9, 7% des crédits de fonctionnement visant à favoriser l'humanisation, tellement souhaitée, des conditions de détention et, aussi, à développer des alternatives à l'incarcération, notamment avec la mise en oeuvre du bracelet électronique.

Enfin, troisième point fort, une enveloppe de 438 millions d'euros d'autorisations de programme permettra de lancer la construction de huit nouveaux établissements.

Nous venons d'avoir un débat passionnant en ce qui concerne le partenariat public-privé, je n'y reviendrai donc pas, sinon pour rappeler que, dans la LOPJ, 70% des autorisations de programme concernent l'administration pénitentiaire.

Cependant, nous restons confrontés à l'augmentation de la population pénale, puisque l'on enregistrait 58 989 détenus au 1er décembre, et, en conséquence, à l'aggravation du taux d'occupation des établissements pénitentiaires et plus particulièrement des maisons d'arrêt, comme l'a souligné de façon fort opportune M. le rapporteur spécial.

Sans doute ce phénomène concerne-t-il également les autres pays européens, mais il place l'administration pénitentiaire sous une tension constante. On ne saurait prendre le moindre retard dans ce domaine ; il faut au contraire avoir la volonté d'accélérer le programme en cours.

Ce constat me conduit à une première question.

La mise en oeuvre des mesures alternatives à l'emprisonnement est aujourd'hui une priorité, encouragée d'ailleurs par la loi « Perben II ».

Je me réjouis que le nombre de ces mesures ait augmenté de manière significative cette année, alors qu'elles avaient connu un infléchissement en 2003.

En outre, le placement sous surveillance électronique, dont il convient de rappeler, mes chers collègues, qu'il résulte d'une initiative sénatoriale, concerne actuellement plus de 800 personnes contre une centaine seulement en 2002.

Enfin, quelque 500 places de semi-liberté seront créées en 2005.

J'ajoute encore que le projet de budget pour 2005 prévoit la création de 200 emplois de personnels d'insertion et de probation.

Ces évolutions sont donc très encourageantes. Cela étant, quelles dispositions particulières envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, afin d'accélérer le déploiement des mesures alternatives à l'incarcération ?

Par ailleurs, la diversification des missions dévolues aux personnels pénitentiaires, appelée de leurs voeux par la grande majorité des organisations professionnelles que j'ai reçues, mérite d'être encouragée.

A cet égard, la mise en place des équipes régionales d'intervention et de sécurité, les ERIS, intervenant en appui des agents de surveillance doit être saluée.

Les missions des personnels pénitentiaires pourraient être étendues à l'escorte et à la garde des détenus hospitalisés.

Cette évolution suppose naturellement le transfert des moyens humains nécessaires ; nous vous rejoignons sur cette analyse. Pourriez-vous nous indiquer si les difficultés actuellement rencontrées sur ce point pourraient être prochainement levées ? Le statut des personnels de surveillance devra-t-il être adapté en conséquence ?

D'une manière plus générale, quelles réformes statutaires envisagez-vous actuellement ?

L'hétérogénéité de la population pénale appelle sans doute une plus grande différenciation des conditions de détention. Nous avons eu à cet égard un débat en commission.

Une telle préoccupation vaut plus particulièrement pour les détenus atteints de troubles mentaux, dont la proportion s'est beaucoup accrue, comme en témoigne une étude publiée la semaine dernière.

La mise en place, à compter de 2007 - mais 2007 seulement - des unités hospitalières spécialement aménagées constituera un progrès certain dans l'accès aux soins. Mais ne faut-il pas envisager, monsieur le garde des sceaux, des structures spécifiques, à plus large échelle, qui permettraient de concilier détention et soins psychiatriques ?

Enfin, le suivi socio-judiciaire des délinquants sexuels demeure encore insuffisant, alors même qu'il est impératif de prévenir la récidive des personnes les plus dangereuses.

A Nîmes, le 8 novembre dernier, le Président de la République a appelé de ses voeux un renforcement des dispositifs dans ce domaine et évoqué une amélioration de la loi du 17 juin 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, ainsi que la mise en place, pour les personnes les plus dangereuses, sorties de détention, d'un « nouveau type d'établissement » qui ne soit ni une prison, ni un hôpital psychiatrique.

Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les prolongements en particulier législatifs que vous donnerez aux deux propositions formulées par le chef de l'Etat?

Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à adopter les crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

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