Je commencerai par répondre à M. Yves Détraigne, sur les créations de postes dans les services judiciaires.
En termes d'organisation, deux réformes en cours devraient peser dans le sens d'une amélioration de l'utilisation des moyens.
D'abord, nous développons, en accord avec les chefs de cour, la formule des magistrats et greffiers placés. Cela permet de tenir compte de la variation des taux d'activité dans les juridictions à l'intérieur du ressort de telle ou telle cour et ainsi de pallier les défauts de la carte judiciaire dus à la diversité d'ampleur des tribunaux de grande instance.
Ensuite, le transfert des dossiers pénaux les plus complexes des 181 tribunaux de grande instance vers huit pôles spécialisés dans la criminalité organisée, que nous avons dotés de moyens spécifiques, contribuera également à une meilleure gestion de certains dossiers, qui n'auront donc pas à être traités deux fois.
S'agissant maintenant des méthodes de travail et des procédures, je prendrai deux exemples des efforts accomplis. Ainsi, à partir du 1er janvier prochain, pour un divorce par consentement mutuel, il n'y aura plus qu'un seul passage devant le juge. Cela constituera un gain de temps non négligeable. De même, la formule de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC, couramment appelée « plaider-coupable », devrait également alléger l'audiencement des tribunaux correctionnels.
Le rapport de M. Jean-Claude Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, apporte, en matière de simplification de procédures, des suggestions très intéressantes dans la perspective d'une accélération du cours de la justice. Pour l'instant, il ne s'agit que d'un rapport, mais il est largement diffusé et j'ai bien l'intention d'en tirer, après concertation, le maximum d'enseignements pour faciliter le travail de nos juridictions.
La formule des contrats d'objectifs fonctionne bien. Il s'agit non pas de tout réinventer, mais de fixer un cadre aux discussions entre les juridictions et la Chancellerie. Il convient d'abord de faire un constat, juridiction par juridiction, de ce qui va et de ce qui ne va pas, et ensuite, à partir de ce constat, de se mettre d'accord sur les moyens supplémentaires à accorder à telle ou telle juridiction, en contrepartie d'engagements précis sur le rythme de traitement des dossiers, sur l'activité et sur les résultats.
Cette formule fait entrer progressivement dans l'institution judiciaire, comme le disait M. Roland du Luart tout à l'heure, une « culture du résultat », et cela se passe bien.
Les deux premiers contrats d'objectifs ont été signés à Aix-en-Provence et à Douai, deux cours qui totalisaient des retards considérables et où la situation s'est grandement améliorée. En effet, à la cour d'appel d'Aix, les stocks ont diminué de 11 % et le délai de traitement des affaires a diminué de deux mois. A la cour d'appel de Douai, le nombre d'arrêts rendus a augmenté de 37 % et le stock des affaires a diminué de 17 %.
Certes, le ministère a fait un effort en termes de moyens, mais les cours ont tenu leurs engagements.
La formule est en train de se généraliser. Sept autres contrats d'objectifs ont été signés et vingt-trois contrats d'objectifs sont en cours de finalisation. Vous le voyez, nous sommes vraiment entrés dans une logique de contrats et d'engagements réciproques.
S'agissant des services administratifs régionaux, les SAR, il est vrai que l'application de la LOLF va donner aux chefs de cour et à ces services, qui sont leurs collaborateurs, des responsabilités nouvelles. Il nous faut incontestablement augmenter les moyens humains dans ces services et améliorer la formation des greffiers qui y exerceront.
Nous avons décidé la bonification des postes de greffier en chef et de greffier au sein des SAR, à travers la mise en place de la nouvelle bonification indiciaire, la NBI. Il faudra peut-être aller plus loin et envisager une réforme plus importante pour que ces services, compte tenu de la responsabilité qu'ils auront, soient pourvus dans de bonnes conditions par des fonctionnaires de qualité. La discussion reste donc ouverte sur une éventuelle étape supplémentaire.
J'en viens aux questions abordées par M. Philippe Goujon, qui m'a interrogé sur la pénitentiaire. Je commencerai par le rôle des services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP.
Ce rôle va, bien sûr, être renforcé - c'est ce que nous souhaitions les uns et les autres- pour que la fin de peine soit vraiment préparée et que l'on sorte de cette situation absurde qui voulait qu'une personne incarcérée passe sans préparation aucune de la prison à la liberté.
La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité prévoit une phase de semi-liberté ou de placement à l'extérieur ou encore de placement sous surveillance électronique, le tout préparé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Dans les SPIP, 150 emplois ont été créés en 2003, 160 en 2004, et 200 le seront en 2005, soit un total de 510. Sur un nombre d'emplois qui était au départ de 1 500, cela représente une augmentation de 33 % en trois ans. C'est évidemment significatif ! Certes, cela ne suffira pas et il convient de poursuivre cet effort, mais un vrai service de préparation à la sortie se met progressivement en place. Il faut ajouter à cela l'apport de crédits supplémentaires en 2005 afin d'encourager le recours au monde associatif pour le travail de préparation de ces libérations.
S'agissant de la prise en charge par l'administration pénitentiaire d'une partie des transferts, des gardes et des escortes, comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis loin d'y être hostile. Je suis même convaincu que cela peut être une chance pour l'administration pénitentiaire en termes de diversification des métiers, à condition toutefois que cette chance soit préparée pour devenir un succès. J'ai souhaité aller vers cette diversification des métiers avec la mise en place des équipes régionales d'intervention et de sécurité, les ERIS.
On pourrait effectivement avoir des équipes chargées des transfèrements et de gardes, mais je souhaite d'abord une expérimentation dans une région pénitentiaire. J'avais proposé la région de Strasbourg, en particulier à l'occasion de l'ouverture des unités hospitalières sécurisées interrégionales, les UHSI.
Pour l'instant, il n'y a pas d'accord avec le ministère de l'intérieur sur les conséquences, en termes de moyens, de ces expérimentations, mais j'espère que les choses évolueront.
S'agissant toujours des personnels de surveillance, il est vrai qu'il faut faire avancer la réforme statutaire. Nous sommes actuellement en discussion avec les organisations syndicales.
Je souhaite, pour l'essentiel, renforcer l'encadrement de l'administration pénitentiaire et le valoriser, car c'est l'administration d'Etat qui compte le moins de cadres, de sorte que les jeunes qui « entrent dans la pénitentiaire » se retrouvent, assez vite, finalement, sans perspectives d'évolution de carrière, ce qui pose également des problèmes dans le fonctionnement des services.
En définitive, il est somme toute normal d'accorder aux fonctionnaires un statut correspondant aux responsabilités de plus en plus nombreuses qu'ils sont dorénavant obligés d'assumer.
Les discussions en cours ont donc pour objectif de renforcer l'encadrement, de revaloriser les fins de carrière par une augmentation des « indices sommitaux » de la filière, pour reprendre le jargon de la fonction publique, et d'élever le niveau de qualification, en organisant les parcours professionnels et en favorisant la prise de responsabilité.
Même si ce genre de discussions n'est jamais très facile, nous nous sommes mis d'accord sur ces objectifs avec les partenaires sociaux, avec les grandes organisations syndicales de l'administration pénitentiaire. Dans notre esprit, il s'agit de tout faire pour finaliser ces discussions dans les toutes prochaines semaines.
En effet, l'administration pénitentiaire, qui représente la troisième force de sécurité en France, mérite une réforme statutaire correspondant à la qualité du travail qu'elle assume, je le répète, dans des conditions souvent bien difficiles.
S'agissant de la prise en charge des délinquants malades mentaux, l'étude épidémiologique qui a été citée à plusieurs reprises nous a été remise il y a seulement quelques heures. Cela n'a pas empêché la presse de beaucoup en parler avant, mais il faut bien admettre que c'est dans la nature des choses...
Les résultats de cette étude sont effectivement préoccupants et nous incitent à faire évoluer les dispositifs existants.
Par ailleurs, vous le savez, avec M. Douste-Blazy, nous avons demandé au procureur général près la Cour de cassation, M. Burgelin, de réfléchir plus particulièrement sur le suivi des personnes particulièrement dangereuses et sur le devenir de leur fin de peine.
Monsieur Goujon, nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau ce problème. Le dispositif pénal actuel ne prend pas suffisamment en compte la dimension psychologique et psychiatrique des problèmes que posent les personnes auxquelles nous avons affaire.
A cet égard, la politique psychiatrique dans notre pays n'est probablement pas celle qu'il serait en droit d'avoir. Il y a eu une sorte d'« évitement » du sujet de la part de la médecine psychiatrique.