Intervention de Dominique Perben

Réunion du 13 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Justice

Dominique Perben, garde des sceaux :

Je ne reviendrai pas sur les moyens : le débat budgétaire a montré qu'ils augmentent.

Il reste un travail qualitatif à effectuer, et je vais prendre un exemple. Ayant des difficultés pour recruter des éducateurs, nous avons ouvert le recrutement à des personnes déjà insérées dans la vie professionnelle, avec donc une certaine expérience et pouvant, de ce fait, apporter aux jeunes recrues, au sein des équipes pédagogiques, l'expérience d'hommes et de femmes plus mûrs, afin de mieux faire face à des situations délicates comme peuvent l'être celle des jeunes délinquants ou des jeunes en difficulté.

Pour avoir, à plusieurs reprises, été sur le terrain à la rencontre des équipes éducatives, je sais qu'elles sont parfois désemparées face à des jeunes - guère plus jeunes qu'eux - qui ont parfois des comportements extraordinairement difficiles. Ce travail de diversification dans les recrutements est donc nécessaire.

Pour répondre plus directement à votre question sur les CEF, deux cents jeunes, garçons et filles, sont déjà passés dans ces centres. Il est intéressant d'étudier ce qu'ils ont fait à leur sortie : 50 % des jeunes ont été placés dans des structures d'hébergement classique de la PJJ ou en familles d'accueil et 30 % ont bénéficié d'un retour dans leur famille avec un suivi éducatif de la PJJ. Une importante majorité a donc retrouvé un parcours plus classique, démontrant ainsi le caractère positif du travail réalisé au sein des CEF. Pour le reste, 16 % des jeunes ont malheureusement été incarcérés, avec suivi PJJ, 2 % ont été hospitalisés en service pédopsychiatrique et 2 % sont sortis du dispositif de suivi. En ce qui concerne leur scolarité, 32 % ont intégré une structure de remise à niveau scolaire, 16 % sont retournés poursuivre une scolarité classique, 32 % sont allés en préapprentissage ou en apprentissage professionnel et 20 % se sont orientés vers une formation professionnelle.

Incontestablement, ces structures sont donc utiles : leur apport aux jeunes qui leur sont confiés est tout à fait positif, raison pour laquelle nous devons absolument créer un établissement de ce genre dans chaque région, de sorte que les magistrats qui souhaitent recourir à cette solution puissent le faire dans de bonnes conditions, notamment de proximité.

Vous souhaitez une évaluation des différents dispositifs des CER et les CEF. A vrai dire, cette évaluation est permanente, mais je retiens votre suggestion de faire le point sur l'ensemble des dispositifs. Ces derniers sont d'ailleurs parfois assez voisins les uns des autres. On aime bien, en France, raisonner par catégorie, mais, dans la pratique, il n'est pas toujours aisé de faire la différence entre les centres.

Vous avez ensuite évoqué l'expérience de décentralisation qui est autorisée par le texte récemment adopté ici même relatif aux responsabilités et libertés locales.

S'agissant d'une expérimentation, un nombre relativement limité de départements - quatre ou cinq, peut être un petit peu plus - seront candidats. Dans chaque cas, une convention sera négociée et signée par le ministère de la justice, d'une part, et le président du conseil général, d'autre part. Les modalités seront donc clairement définies, et ce pour cinq ans : il n'y a donc pas de risque de dérive. A l'issue de cette expérimentation, le Parlement et le gouvernement du moment seront amenés à se poser la question de la suite à donner à cette expérimentation. Ce sera alors un autre débat.

Vous avez rapproché ce débat de celui, plus général, que Mme Brisset a ouvert - mais elle n'était pas la seule - sur le fonctionnement actuel de la politique de la protection de l'enfance : c'est un débat beaucoup plus vaste et qui, d'ailleurs, dépasse très largement les compétences du ministère de la justice. J'ai eu l'occasion de m'entretenir assez longuement avec Mme Brisset après que son rapport a été rendu public. D'ailleurs, lorsque l'on se donne la peine de lire le rapport - ce qui est mon cas -, on en tire un sentiment assez différent de celui qui pouvait résulter de la lecture de certains organes de presse. Je ne suis pas là pour défendre ou justifier Mme Brisset, qui assume sa propre responsabilité, mais les termes du rapport étaient autrement plus précis, et subtiles, que ce qui en a été dit.

D'une manière générale, nous devons incontestablement améliorer la coordination entre l'Etat et les départements en matière de politique de protection de l'enfance et, en particulier, je trouve tout à fait anormal que certains départements ne possèdent pas de schéma départemental. Et par là j'entends non seulement un texte, mais aussi et surtout une règle du jeu commune face à ces très douloureux problèmes que sont l'enfance victime et l'enfance délinquante, ce qui est souvent un peu la même chose. Bref, il faut un vrai partenariat entre les départements et l'Etat.

En ce qui concerne les services qui dépendent du ministère de la justice, je suis déterminé à faire en sorte qu'ils participent le plus activement possible à la définition, département par département, d'une politique commune de protection de l'enfance.

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