Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez un projet de budget en augmentation de 4 %, ce dont nous pourrions nous réjouir, si n'était à craindre la pratique dite de la régulation budgétaire, qui a été la norme en 2003 et en 2004 et qui a entraîné une exécution effective des budgets marquée par des gels, des reports et - ce qui est encore plus grave - des annulations de crédits.
Et quand bien même une telle régulation budgétaire ne serait pas décidée, soit ce projet de budget pour 2005 est très insuffisant à bien des égards, soit les crédits dont il bénéficie sont particulièrement mal affectés.
Je pense en particulier à la création de 1 070 postes, dont vous venez de vous réjouir, mais qui correspond tout de même au taux de création d'emplois le plus faible que nous ayons connu depuis cinq ans.
Je m'attarderai un instant sur l'administration pénitentiaire.
L'augmentation des moyens prévue est, permettez-moi de vous le dire, monsieur le garde des sceaux, très insuffisante au regard de la surpopulation carcérale et de son aggravation constante. Je vous le rappelle, la population carcérale, au 1er juillet 2004, s'élevait à 64 813 détenus, soit un taux d'occupation des prisons de l'ordre de 130 %.
Cette situation est d'autant plus dommageable que l'application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes avait permis de faire baisser sensiblement le nombre de détenus. Rappelons aussi que le parc pénitentiaire se caractérise par une grande vétusté, puisque 109 établissements sur 188 ont été construits avant 1920.
Comment, dans ces conditions, la prison pourrait-elle jouer son rôle de réinsertion et de prévention de la récidive ?
Cette situation s'explique pour une bonne part par la politique particulièrement répressive que vous avez mise en oeuvre. L'inflation constante du recours à l'enfermement pour des peines courtes ne témoigne que d'une volonté de procéder à un traitement pénal des problèmes sociaux.
Le nombre des détenus est ainsi passé de 60 000 au 1er juillet 2003 à 65 000 au 1er juillet 2004, ce qui représente un accroissement d'environ 6 %. En revanche, force est de constater que l'augmentation des effectifs de l'administration pénitentiaire n'atteint que 1, 7 %, ce qui va aggraver les problèmes d'encadrement.
L'efficacité de la méthode ne résiste pas à l'épreuve des faits. C'est de l'affichage, une communication qui se veut habile pour rassurer nos concitoyens. Or, me semble-t-il, ces derniers ne sont pas dupes. Comme moi, ils constatent que le taux de récidive ne diminue pas, loin s'en faut !
En outre, les mesures à venir prévues notamment dans la loi « Perben II » devraient aggraver cet état de fait, en mettant des activités supplémentaires à la charge du personnel d'insertion, alors que seulement 200 emplois sont créés dans ce domaine. Au total, en effet, on recense 1 500 personnels d'insertion, contre 20 000 personnels de surveillance, ce qui représente un rapport de un à dix. A mon avis, nous n'allons pas dans le bon sens !
S'agissant de la politique immobilière, nous soutenons, bien sûr, toutes les mesures visant à la rénovation de nos établissements, à la construction de nouveaux établissements et au plan d'action en faveur de la création de nouvelles prisons.
Dans ce domaine, nous sommes tous d'accord pour souligner la nécessité de rattraper notre retard, mais pas au prix de la privatisation des prisons !
Par ailleurs, presque rien n'est prévu, dans votre projet de budget, pour les traitements psychologique et psychiatrique des détenus, alors même que l'ensemble des personnels pénitentiaires, et des observateurs, dénoncent une situation préoccupante.
Certes, on peut noter la mise en place d'unités hospitalières spécialement aménagées. Très peu nombreuses et offrant peu de lits, elles sont une goutte d'eau dans la mer, compte tenu de l'ampleur du problème.
Quel est donc, monsieur le garde des seaux, votre plan pour traiter à terme ce problème de façon satisfaisante ?
Une autre difficulté tient au regroupement, en prisons, de différents types de délinquants, y compris les délinquants sexuels. Comptez-vous séparer ces différentes catégories de détenus ou envisager toute autre solution qui éviterait un mélange fâcheux ?
En conclusion, il est temps d'infléchir sensiblement votre démarche pour envisager une politique pénale pensée sur le long terme et mettant en avant prévention de la récidive et réinsertion. Je me contente donc de renouveler le souhait de nombreux de mes collègues d'une véritable loi pénitentiaire.