Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, mon propos portera plus particulièrement sur la délinquance des mineurs. C'est un sujet important qui ne peut laisser personne indifférent, car il concerne nos enfants, nos adolescents, ceux qu'il est de notre devoir de protéger, parfois contre eux-mêmes : il en va de leur insertion dans la société.
Je ferai un bref rappel historique. Il y a encore à peine trois ans, un profond sentiment d'insécurité envahissait les Français. Chaque jour, la presse quotidienne se faisait l'écho de faits divers toujours plus alarmants : de l'explosion des incivilités, considérées alors comme mineures par le pouvoir en place et pourtant premier facteur d'exaspération pour la population, aux faits délictueux, parfois effrayants de violence. La croissance exponentielle de la délinquance des mineurs, délinquance d'exclusion, territorialisée, semblait alors inéluctable.
En février 2002, la Haute Assemblée a pris l'initiative de constituer une commission d'enquête, sous l'égide de notre ancien collègue Jean-Pierre Schosteck, auquel je souhaite rendre un hommage appuyé pour la qualité du travail qu'il a mené au sein de cette assemblée.
Dans ce contexte passionné, le rapport remis par Jean-Claude Carle sur l'évolution de la situation était saisissant et riche de propositions. Nous nous souvenons tous que le problème de l'insécurité était alors au coeur des débats de la campagne présidentielle.
Ce fut l'honneur du Sénat, une fois encore, que de jouer pleinement son rôle d'éclaireur et de force de propositions, tant législatives que d'organisation, pour que l'éducation et la sanction cessent enfin d'être opposées et dissociées, et que de véritables parcours de réinsertion puissent être mis en oeuvre.
C'est à l'aune de ces propositions que vous engagiez, monsieur le garde des sceaux, dès votre prise de fonctions, une réforme profonde de la justice. L'adaptation du droit pénal des mineurs trouva dès lors sa place au coeur du dispositif constitué par les grands chantiers de la loi d'orientation et de programmation pour la justice.
L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui semblait pourtant intangible, a ainsi pu être enfin aménagée pour permettre à l'autorité judiciaire d'apporter des réponses adaptées à ces phénomènes nouveaux.
Bien évidemment, nous n'avons pas la naïveté de croire que seule la réponse pénale peut endiguer la délinquance des mineurs. Il fallait, bien sûr, mettre en oeuvre un dispositif décliné à chaque maillon de la production de la délinquance, de la responsabilisation des parents jusqu'aux moyens d'éducation et de réinsertion des primo-délinquants.
Aujourd'hui, les chiffres parlent d'eux-mêmes. La délinquance des mineurs s'est tout d'abord stabilisée, pour décroître de manière encourageante. De surcroît, et il faut saluer l'action de la protection judiciaire de la jeunesse en particulier sur ce point, le phénomène de la récidive semble aujourd'hui en récession.
Il y a trois ans, la protection judiciaire de la jeunesse était en pleine crise d'identité. Malgré le fort potentiel humain de ses éducateurs, qui a été souligné à juste titre, elle peinait à assurer l'ensemble des missions qui lui étaient confiées.
Aujourd'hui, elle bénéficie d'une forte croissance de ses crédits, en augmentation de 4, 4 %, qui sont désormais orientés vers une meilleure efficacité de son fonctionnement, et ce à effectif pratiquement constant. Le législateur qui, je l'espère, votera dans un instant les crédits de la justice, ne peut que s'en féliciter.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la performance et la réactivité des services de la protection judiciaire de la jeunesse, et notamment les délais d'intervention judiciaire, dont la longueur est la première cause de récidive, comme l'a très justement souligné le rapporteur pour avis M. Nicolas Alfonsi.
Ma question est simple, monsieur le garde des sceaux : comment comptez-vous déployer les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse et quels sont vos objectifs de performance pour optimiser l'intervention éducative, favoriser les conditions d'insertion, raccourcir les délais d'intervention judiciaire et prévenir la récidive ?
Enfin, en tant que sénateur du Val-de-Marne, je me permets d'appeler brièvement votre attention sur le programme de rénovation de la prison de Fresnes, l'une des plus anciennes prisons de la région parisienne, dont vous connaissez, monsieur le ministre, et l'état et les difficultés.
En effet, comme l'a indiqué dans son rapport notre excellent collègue Philippe Goujon, la rénovation de la prison de Fresnes a dû être retardée, hélas, en raison de l'état d'avancement du projet de rénovation de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et de la réhabilitation d'autres grands établissements pénitentiaires franciliens, alors même que le déficit de places de détention s'est aggravé depuis deux ans.
Je souhaite donc connaître le calendrier de rénovation prévu pour cet établissement et obtenir de votre part l'assurance de mesures susceptibles de rassurer les personnels pénitentiaires, qui sont particulièrement inquiets.