Je rappelle que l'article 63 C, tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale, met en danger l'activité du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, établissement public assurant une mission de mutualisation des ressources dans le secteur de la musique, dans une optique de service public.
Les députés ont repris à leur compte la revendication de certains acteurs du secteur qui, se cantonnant à leur point de vue partiel ou partial, souhaitent être exonérés de la taxe. Cette exonération satisferait l'intérêt mal compris d'une partie limitée du secteur et mettrait en difficulté l'ensemble de l'édifice, fondé sur la notion de mutualisation.
Pour être précis, selon le CNVJ, l'adoption définitive de cet article pourrait le priver de 8 % de ses ressources.
En l'occurrence, la démarche est analogue à celle qui a coûté à l'archéologie préventive 25 % de ses ressources lors de la discussion de la loi de finances pour 2003, et qui a précédé le démantèlement du service public de l'archéologie préventive.
Pour résoudre un problème effectif dans l'application de la taxe, plutôt que de redéfinir celle-ci, une partie des ressources est purement et simplement coupée.
D'ailleurs, dans le cas de l'archéologie préventive, le barème de la redevance méritait d'être revu et corrigé, mais la majorité parlementaire a préféré amputer l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, d'une part de ses ressources, sans chercher à savoir comment il pourrait mener à bien ses missions.
Le but de notre amendement est d'empêcher que l'on commette la même erreur pour le CNVJ tout en reconnaissant que la revendication des organisateurs de « festoù-noz » - je crois que c'est le terme exact - pose une vraie question. En effet, est-il juste que les organisateurs non professionnels de spectacles musicaux participent à un système de mutualisation des ressources qui bénéficie aux seuls organisateurs professionnels ?
L'ambiguïté de l'article 63 C, tel qu'il est rédigé, repose sur la confusion entre représentation de musique traditionnelle et représentation de musique non professionnelle. De fait, la notion de musique traditionnelle renvoie à l'idée d'un secteur non professionnel qui ne serait pas soumis aux règles du marché. A première vue, il est donc logique d'exclure ces activités du mécanisme de taxation et de redistribution mis en oeuvre par le CNVJ.
Or, si les deux catégories, représentation musicale traditionnelle et représentation musicale non professionnelle, peuvent se confondre à l'occasion, elles sont loin d'être identiques. Est-il nécessaire de rappeler que de nombreux spectacles de musique traditionnelle, qui ont un grand succès, sont organisés de façon très professionnelle ? Souvenons-nous également que le rayon de musique world, catégorie qui regroupe les musiques traditionnelles du monde entier, très fourni chez tous les disquaires, correspond à des spectacles de musique, certes, traditionnelle mais donnés par des professionnels.
En outre, cet article pose des problèmes d'application non négligeables. La notion de musique traditionnelle n'est pas une notion juridique. Où s'arrête la tradition, où commence la modernité ? De quelle catégorie relève un groupe utilisant à la fois des chants polyphoniques corses et de la musique électronique ? De plus, lorsque M. Méhaignerie a défendu son amendement, il a soutenu à ses collègues que les grands festivals, comme le Festival Interceltique de Lorient ou les Vieilles Charrues de Carhaix, ne bénéficieraient pas de cette exonération. Au nom de quoi ? Pourtant, ce sont bien des festivals de musique traditionnelle !
Notre amendement prévoit donc de remplacer la notion de spectacle de musique traditionnelle par celle, bien plus opérationnelle, de spectacle non professionnel, c'est-à-dire non lucratif au sens fiscal du terme. Ainsi, les fêtes populaires, quel que soit le style de musique joué, ne seront plus assujetties à la taxe du CNVJ. Cela serait plus juste dans la mesure où le but du CNVJ est d'organiser un système de péréquation et de redistribution des ressources à l'intérieur de la profession.