Si nous voulons soutenir l'économie et l'emploi, il faut, d'une part, simplifier la vie des entreprises et, d'autre part, rendre la loi fiscale la plus neutre possible.
Actuellement, monsieur le ministre, une discrimination fiscale, qui peut être importante parfois, existe pour une même entreprise, selon qu'elle est exploitée en nom personnel ou en société.
Il me semble que nous devrions savoir - d'ailleurs, ce matin, lors de la réunion de la commission des finances, le rapporteur général nous invitait à clarifier notre pensée sur le sujet - si nous souhaitons vraiment favoriser l'exercice d'activité en société ou si, au contraire, nous pensons qu'il faut laisser les entrepreneurs choisir le mode d'exercice qui leur paraît le plus approprié à leur activité.
Dans le cas visé par cet amendement, il s'agit d'éviter que l'acquéreur d'une entreprise en société ne soit pénalisé par rapport à celui qui acquiert une entreprise équivalente en nom personnel.
Le meilleur moyen pour assurer l'égalité de traitement fiscal de ces acquéreurs d'entreprise consiste à admettre la déduction des frais et droits du résultat de l'entreprise lorsque ces dépenses sont indissociables de l'acquisition. Ainsi, l'égalité fiscale est respectée au regard de l'acquisition d'entreprises individuelles ou de l'acquisition de titres de société.
Au surplus, cette déductibilité permettrait d'écarter nombre de montages juridiques complexes de superposition de société mère et de filiales, dont l'objet est d'ailleurs exclusivement fiscal, afin de pouvoir bénéficier du régime d'intégration des résultats.
Je crains qu'on n'oppose à ma proposition cette idée qu'il suffit de constituer une holding de rachat, soumise à l'impôt sur les sociétés, afin de pouvoir déduire les intérêts de l'emprunt souscrit pour financer cette acquisition des revenus tirés de l'activité de la société cible.
Mais, quand on propose à un entrepreneur de maçonnerie, de plomberie, à tous ceux qui, aujourd'hui, créent des emplois, de fonder une société mère pour parvenir à des montages de cette nature, une telle proposition leur semble très éloignée de leurs préoccupations au quotidien.
La doctrine administrative considère que l'acquisition de titres de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés est une opération qui vise exclusivement le patrimoine privé. Or, quand on examine cette doctrine administrative, on s'aperçoit qu'elle est fondée sur des arrêts d'espèces du Conseil d'Etat - l'un date de février 1983 et l'autre de décembre 1987 - et sur une réponse ministérielle : la réponse CORNU de 1983.
Or l'article 13-1 du code général des impôts pose un principe général - et je souhaite que le Gouvernement me confirme qu'il s'agit bien d'un principe général : « Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut (.) sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. »
J'indique d'ailleurs à ce sujet que, postérieurement à la jurisprudence dont je parle, les dispositions relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune ont substantiellement modifié les règles fiscales qui s'appliquent pour les biens professionnels.
Dans ces conditions, l'argument avancé dans la réponse CORNU ne résiste plus, car les titres émis par les sociétés ne peuvent être regardés juridiquement comme un élément entrant dans la composition d'un actif privé : ils constituent bien un actif professionnel.
Le critère de la déductibilité des intérêts d'emprunt est celui de l'acquisition des biens nécessaires à l'exercice de la profession. L'acquisition de titres de société, quel qu'en soit le régime fiscal, dans laquelle est exercée la profession du contribuable à titre principal, et de laquelle il tire ses revenus, ne saurait être considérée comme un acte de gestion du patrimoine privé au même titre que la gestion d'un simple portefeuille de valeurs mobilières à vocation spéculative.
Je voudrais, monsieur le ministre, insister sur un point : sous l'angle des finances publiques, admettre la déductibilité des intérêts d'emprunt souscrits pour l'acquisition des titres de société professionnelle ne constituerait en aucun cas une perte pour l'Etat. En effet, le montage « holding de reprise - société cible », retenu par défaut, lui est moins favorable. Le régime « mère-filiale » applicable à la holding rend non imposables les dividendes perçus.
De nombreux départs en retraite surviendront dans les prochaines années eu égard à la pyramide des âges et les transmissions doivent être facilitées. Le système de reprise des entreprises exploitées sous une forme sociale doit être simplifié et fiscalement équitable. La déductibilité immédiate et sans montage de holdings participe de cette simplification et de cette égalité.