Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis s’inscrit dans le prolongement des réformes adoptées depuis 2002 pour rénover notre démocratie sociale.
Pour ne pas intervenir trop longuement, je rappellerai simplement que la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi Larcher, a rendu obligatoire une concertation avec les partenaires sociaux avant le dépôt de tout projet de loi modifiant le droit du travail. Puis, à l’été 2008, une réforme de portée historique a substitué aux critères de représentativité syndicale mis en place en 1962 de nouveaux critères, plus démocratiques et plus transparents, de manière à renforcer la légitimité des organisations syndicales et à donner plus de poids aux accords que celles-ci négocient au nom des salariés.
Pour déterminer si un syndicat est représentatif, il a été décidé de retenir un critère principal, l’audience, appréciée à partir des résultats obtenus par les syndicats au moment de l’élection des représentants du personnel.
Ainsi, pour être représentatif au niveau de l’entreprise, un syndicat doit avoir obtenu au moins 10 % des voix lors de l’élection des délégués du personnel ou des élus au comité d’entreprise. Au niveau de la branche et au niveau national interprofessionnel, ce seuil est fixé à 8 %.
La loi du 20 août 2008 a cependant laissé un problème en suspens : comment mesurer l’audience syndicale dans les très petites entreprises, celles qui emploient moins de onze salariés, dans la mesure où elles n’élisent pas de représentants du personnel ?
Pour régler cette difficulté, la loi demandait aux partenaires sociaux de négocier sur les « moyens de renforcer l’effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d’y mesurer l’audience des organisations syndicales ». Cette négociation, qui s’est tenue à l’automne de 2009, n’a pas abouti, le MEDEF et la CGPME refusant d’aller au-delà d’un simple état des lieux.
Toutefois, le 20 janvier 2010, quatre syndicats de salariés – la CGT, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC –, ainsi que l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, ont adressé au Premier ministre une lettre commune, dans laquelle ils proposaient que la représentation des salariés des très petites entreprises soit assurée grâce à des commissions paritaires territoriales. Ils suggéraient que ces salariés élisent leurs représentants dans ces commissions et que ce scrutin serve à apprécier l’audience des différentes organisations syndicales.
Le projet de loi qui nous est soumis s’inspire de cette proposition, tout en tenant compte de certaines critiques qui ont été émises.
Pour mesurer l’audience syndicale dans les très petites entreprises, il est proposé d’organiser, tous les quatre ans, au niveau régional, une élection sur sigle : chaque salarié voterait, non pas pour une liste de candidats, mais pour une étiquette syndicale. Le vote aurait lieu par voie électronique ou par correspondance, en distinguant un collège « cadres » et un collège « non-cadres ».
Des commissions paritaires pour les très petites entreprises pourraient également être constituées, par voie d’accord collectif : leur création serait donc facultative. Elles apporteraient une aide aux salariés et aux employeurs en matière de dialogue social et veilleraient à l’application des accords collectifs. Les représentants des salariés au sein de ces commissions seraient désignés par les syndicats, en tenant compte des résultats du scrutin organisé auprès des salariés des très petites entreprises.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, ce projet de loi, qui repose largement sur le dialogue social, créera très peu de contraintes supplémentaires pour les très petites entreprises.
Cependant, pour rassurer certaines organisations d’employeurs qui redoutaient que les commissions paritaires ne s’immiscent dans le fonctionnement des très petites entreprises, la commission des affaires sociales a précisé, sur mon initiative, que ces commissions n’auront aucun pouvoir de contrôle et que leurs membres ne pourront pénétrer dans les locaux d’une entreprise sans l’accord du chef d’entreprise.
Nous avons également décidé que ces commissions pourront être créées au niveau national, régional ou départemental, mais pas au niveau local, afin de limiter la multiplication de ces structures et d’éviter qu’elles ne soient tentées de s’intéresser au cas particulier de telle ou telle entreprise.
Mais il ne m’a pas échappé que ce projet de loi continue de susciter l’inquiétude de nombreux chefs d’entreprise, malgré les garanties supplémentaires que nous avons apportées. Il ne m’a pas non plus échappé que des responsables de premier plan, au sein de la majorité, se sont exprimés contre l’article 6, qui vise à instituer les commissions paritaires pour les très petites entreprises.
Le débat qui s’ouvre cet après-midi nous donnera l’occasion, j’en suis sûr, de répondre à beaucoup d’interrogations et de dissiper ces inquiétudes, que je crois largement infondées.
Soyez sûrs, mes chers collègues, que je ne souhaite pas ajouter des contraintes supplémentaires à celles qui pèsent déjà sur les TPE, car ce sont ces entreprises, je le sais, qui créeront les emplois de demain. Les chefs des petites entreprises se plaignent déjà de la lourdeur et de la complexité des formalités qui leur sont imposées, et je ne veux pas leur donner de nouveaux motifs d’insatisfaction.
Toutefois, gardons présents à l’esprit deux éléments.
Tout d’abord, la constitutionnalité de la réforme de 2008 serait sujette à caution si la voix des 4 millions de salariés employés dans les très petites entreprises, ce qui représente un peu plus de 20 % des salariés du secteur privé, était ignorée au moment de déterminer la représentativité des organisations syndicales.
C’est pourquoi l’organisation d’un scrutin pour mesurer l’audience syndicale auprès des salariés des très petites entreprises me paraît indispensable.
Ensuite, n’oublions pas que quatre syndicats et plusieurs organisations patronales soutiennent ce texte et défendent la création des commissions paritaires.
Alors que nous voulons encourager le dialogue social, veillons à ne pas désavouer, par notre vote, ces organisations qui ont travaillé ensemble et ont réussi à aboutir à un compromis.
Pour conclure, j’évoquerai l’article 8 du projet de loi, qui prévoit de reporter la date des prochaines élections prud’homales au 31 décembre 2015, au plus tard.
Ce report devrait nous permettre de disposer d’un temps suffisant pour élaborer, puis mettre en œuvre une réforme du scrutin prud’homal, qui apparaît aujourd’hui comme une nécessité. En effet, le taux de participation à ces élections ne cesse de baisser – il n’était plus que de 25 % en 2008 ! –, alors que le coût de l’organisation de ce scrutin est supérieur, j’y insiste, à 90 millions d’euros.
Un rapport qui explore plusieurs pistes de réforme vous a été remis, monsieur le ministre. Peut-être nous direz-vous si l’une d’entre elles retient plus particulièrement votre attention à ce stade ! En tout état de cause, toute réforme devra être précédée d’une discussion approfondie avec les partenaires sociaux, concernés au premier chef.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis est d’une double nature : d’un côté, il parachève la réforme de la représentativité syndicale engagée en 2008 et, de l’autre, il prépare la prochaine étape en rendant possible la réforme du scrutin prud’homal. Dans les deux cas, il constitue un progrès. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à le soutenir !