Intervention de Annie David

Réunion du 8 juin 2010 à 15h00
Démocratie sociale — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Annie DavidAnnie David :

C’est un manque criant de considération pour les salariés. En outre, fouler aux pieds le « dialogue social » et reculer ainsi sur les engagements passés revient à envoyer un signal détestable aux partenaires sociaux.

En lieu et place du dialogue social, nous assistons à une parodie de dialogue entre, d’un côté, le Gouvernement – sourd et autoritaire – et, de l’autre, les salariés du privé ou du public, qui n’arrivent pas à se faire entendre. Le Gouvernement continue son monologue et le drape dans une fausse concertation ! Cela rappelle au groupe CRC-SPG l’actualité sur la réforme des retraites…

Décidément, les textes se suivent et se ressemblent, la méthode gouvernementale étant toujours la même : passage en force et recours aux cavaliers législatifs. Je pense ici, bien sûr, à l’article 8 du projet de loi relatif aux élections prud’homales, mais également au projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dans lequel a été mise à mal, au détour d’un cavalier législatif, la retraite des infirmiers.

Mais quand ce n’est pas le Gouvernement qui bafoue directement le dialogue social, comme ce fut le cas avec le projet de loi que je viens de mentionner, ce sont les parlementaires de la majorité qui s’en chargent, à l’exemple du texte que nous examinons aujourd’hui !

En définitive, nous assistons à un numéro de duettiste, dans lequel tantôt l’un, tantôt l’autre fixe le cap d’une position commune qui va toujours dans le sens des intérêts bien compris des employeurs et ne connaît, au final, qu’une seule et même catégorie de perdants : les salariés !

Pour notre part, nous ne partageons pas votre vision archaïque du dialogue social et, même si nous mesurons les limites de ce projet de loi, nous formulerons, au cours du débat, un certain nombre de propositions visant, au contraire, à satisfaire aux exigences soulignées par le Conseil d’État.

Ainsi, mes chers collègues, nous vous proposerons que la mise en place des commissions paritaires régionales soit obligatoire, et non pas facultative. Ce caractère obligatoire est une condition de leur existence, nous ne le savons que trop, et les exemples de mise en œuvre facultative sont là pour nous le confirmer.

C’est pourquoi nous vous proposerons également, au travers d’un amendement, que le Gouvernement soit tenu de mettre en place les commissions paritaires dans les branches où elles n’auraient pas encore été instaurées au moment de la remise du rapport, dans deux ans.

Nous proposons, par ailleurs, que les salariés des TPE élisent leurs représentants sur la base d’une liste de noms, comme les salariés des autres entreprises, et non sur un simple sigle. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments à ce sujet, mais nous considérons que le vote sur sigle aggravera la désaffection pour les élections des représentants des salariés, une désaffection que chacun constate déjà.

Nous proposons également que la représentativité des TPE soit mieux affirmée et garantie, en veillant à ce que les conseillers élus dans les TPE soient eux-mêmes des salariés issus de ces entreprises.

Nous proposons encore que les modes de calcul de l’effectif des entreprises de plus ou moins de onze salariés soient harmonisés. Ce n’est là qu’une mesure de justice, d’équité si vous préférez, mais il s’agit, surtout, d’une mesure juridique, à laquelle vous devriez porter attention, monsieur le ministre. En effet, introduire dans le code du travail des inégalités de traitement entre salariés est toujours source de contentieux.

Enfin, nous proposons que la disposition visant à prolonger le mandat des conseillers prud’homaux soit retirée du projet de loi. Nous avons bien compris – vous l’avez même confirmé, monsieur le ministre – que ce report est uniquement destiné à attendre de voir si les conclusions du rapport de M. Jacky Richard permettront de supprimer, purement et simplement, l’élection de ces conseillers par les salariés.

Nous anticipons cette disparition du vote direct, au profit d’une mise en place des conseillers prud’homaux fondée sur les résultats obtenus par les organisations syndicales au sein des entreprises ou sur une élection au second tour, et nous la dénonçons dès à présent, sachant que cette élection est l’unique occasion offerte, aujourd’hui, aux salariés des TPE de voter pour leurs représentants.

C’est une exclusion pure et simple de ces salariés de toute démocratie sociale ! Il nous semble que ce n’était pas l’objectif visé – ou du moins affiché –, d’un texte dont le Gouvernement nous a vanté les mérites à longueur de pages. Comment, ensuite, affirmer qu’un changement d’état d’esprit est nécessaire ?

Décidément, je le répète, le patronat français, en particulier celui du CAC 40, n’est pas prêt pour que s’installent, en France, les conditions d’un véritable dialogue social ! Concrètement, on constate effectivement que c’est lui qui dicte ses conditions aux organisations patronales concernées par ce texte : non seulement l’UPA, mais également d’autres organisations, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.

Ainsi, nous avons reçu un courrier cosigné par l’UPA, la FNSEA et l’UNAPL, nous demandant de voter ce projet de loi.

Cet évident coup de force du MEDEF et de la CGPME contre les autres organisations syndicales patronales, pourtant principales intéressées dans ce dossier, souligne à quel point la question de la représentativité des organisations patronales en France devient un chantier prioritaire si l’on veut vraiment faire avancer le dialogue social. L’examen de ce projet de loi nous donne l’occasion de poser de nouveau la question, et nous présenterons un amendement en ce sens.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, à l’ouverture des débats, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG s’interrogent sur le bien-fondé de ce texte, dans sa rédaction actuelle.

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