Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on aurait pu s’attendre à ce que ce projet de loi fasse consensus, tout simplement dans la mesure où il est le complément nécessaire d’un texte ayant substantiellement modernisé les règles de la représentativité syndicale.
On l’a rappelé, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, en supprimant la présomption irréfragable et en lui substituant, notamment, le critère de l’audience, a vraiment démocratisé le jeu.
Cependant, comme nous l’ont très clairement exposé M. le ministre et M. le rapporteur, en l’absence d’une nouvelle intervention législative, cette réforme resterait largement cosmétique.
Les entreprises de moins de onze salariés, et donc les 4 millions de travailleurs qu’elles représentent, pourraient s’en trouver exclues dans la mesure où des élections professionnelles ne sont pas obligatoirement organisées en leur sein. Cela n’est évidemment pas acceptable. Le projet de loi dont nous sommes saisis y remédie. En sus, il entend dynamiser le dialogue social dans les TPE.
Ce texte porte donc deux réformes principales, sur lesquelles je me concentrerai : d’une part, il organise la mesure de l’audience dans les TPE et, d’autre part, il permet la création des commissions paritaires régionales.
Ces deux questions ne paraissaient pas, de prime abord, devoir poser problème. Pourtant, je le répète, ce texte est loin d’être consensuel. Schématiquement, il fait l’objet d’une double critique : une critique politique et une critique syndicale. Schématiquement encore, le groupe de l’Union centriste ne souscrit pas à la critique politique, mais est sensible à la critique syndicale.
La critique politique se fonde sur le fait que le texte organise la mesure de l’audience dans les TPE sans en garantir l’effectivité dans les instances de discussion et de négociation. En effet, le projet de loi ne prévoit d’organiser qu’une élection sur sigle. Chaque salarié voterait pour une étiquette syndicale, et non pour une liste de candidats.
Dans ces conditions, il n’y a aucune raison que la composition des commissions paritaires régionales, consacrées par l’article 6, ni, surtout, celle des instances de négociation de branche et du dialogue national interprofessionnel comprennent autant de salariés des TPE que leur poids réel dans l’ensemble de la population des travailleurs l’exigerait. Les centrales syndicales pourront désigner qui bon leur semblera pour les représenter au sein de ces instances. En pratique, les salariés des TPE pourraient ne pas participer au dialogue social.
Cette critique se justifie théoriquement, mais nous n’y souscrivons pas parce qu’elle témoigne d’une méfiance de la démocratie politique à l’égard de la démocratie sociale. Or, l’une et l’autre ne peuvent se renforcer qu’à partir d’un climat de confiance.
Ce n’est pas notre rôle de tenir les partenaires sociaux par la main. Il appartient au législateur que nous sommes de faciliter les conditions du dialogue social, et non d’en dicter les modalités dans les moindres détails. C’est une position que j’ai souvent entendue sur l’ensemble des travées de notre assemblée.
En l’occurrence, comment croire que les centrales syndicales fuiront leurs responsabilités au point de sous-représenter volontairement les salariés des TPE dans le dialogue social ? Nous, nous nous y refusons.
En revanche, la critique syndicale est plus intéressante. Elle conduit une partie des membres du groupe de l’Union centriste à émettre de sérieuses réserves sur ce texte. Elle explique aussi les conditions d’intervention du législateur aujourd’hui.
La loi du 20 août 2008 avait prévu qu’une loi ultérieure fixerait les règles de mesure de l’audience syndicale dans les TPE à l’issue d’une négociation interprofessionnelle. Or cette négociation, qui s’est tenue à l’automne 2009, n’a pas abouti. Le législateur vient maintenant pallier la carence des partenaires sociaux qui n’ont pu s’entendre.
Quelle est la pomme de discorde ? Elle porte principalement sur les commissions paritaires régionales, que l’article 6 du projet de loi consacre. Inutile de nous cacher derrière notre petit doigt, cet article est très vivement combattu par deux organisations patronales, le MEDEF et la CGPME.
Les querelles politiques d’influence entre organisations syndicales n’ont pas à être prises en compte dans cet hémicycle.