Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 8 juin 2010 à 15h00
Démocratie sociale — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de ce projet de loi, qui va permettre aux salariés des très petites entreprises, c’est-à-dire celles qui emploient moins de onze salariés, de s’exprimer sur le plan syndical.

Le présent texte s’inscrit dans le prolongement de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail dont ici, au Sénat, Alain Gournac avait été le rapporteur.

Cette loi a permis de mettre à plat les règles de représentativité syndicale, qui reposaient sur des critères historiques quelque peu dépassés, comme la présomption irréfragable. Elle a complètement rénové le dispositif en introduisant de nouveaux critères, objectifs, ainsi que des seuils d’audience.

À l’issue de la période de transition, qui s’achèvera au plus tard en août 2013, seront représentatifs, au niveau de l’entreprise, les syndicats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors de l’élection des délégués du personnel ou des élus au comité d’entreprise. Au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel, il faudra obtenir 8 % des suffrages.

Cette audience sera mesurée au moins tous les quatre ans, lors des élections professionnelles.

Cette réforme est importante, car elle permet de faire reposer la validité des accords collectifs sur des signataires légitimes. Cependant, cela a été rappelé, la loi de 2008 ne prenait pas en compte les TPE, au sein desquelles il n’y a pas nécessairement d’élections professionnelles.

Or les salariés des TPE représentent 20 % des salariés du secteur privé, soit 4 millions de personnes. Non seulement le fait de ne pas tenir compte d’un cinquième de la population active était en soi un déni de démocratie, mais aussi, comme l’ont souligné avec justesse M. le rapporteur et M. le ministre, l’adoption de ce projet de loi est indispensable d’un point de vue juridique, pour garantir la constitutionnalité de la réforme de 2008.

De son côté, le Conseil d’État a confirmé la nécessité de respecter le principe constitutionnel de participation des salariés. Il ne faut pas oublier non plus que les accords négociés au niveau des branches s’appliquent déjà aux salariés des TPE, comme la fixation des salaires minimums pour les opticiens ou la prévoyance des salariés de la boucherie.

Le présent projet de loi vise donc à ce que les choix des salariés des très petites entreprises soient pris en compte dans la détermination de l’audience des organisations syndicales, au niveau des branches comme au niveau interprofessionnel.

La négociation entre les partenaires sociaux, qu’il avait souhaitée, n’ayant pas abouti, le Gouvernement a tenu compte des propositions faites au Premier ministre, François Fillon, par quatre syndicats de salariés et par l’Union professionnelle artisanale, mais aussi des critiques émises au sujet de ces propositions.

L’article 4 vise à organiser un scrutin régional tous les quatre ans, au plus tard à la fin de l’année 2012. Ce scrutin reposera non pas sur une liste de candidats, mais sur des sigles de syndicats. En aucun cas il ne s’agit de créer des délégués du personnel dans les TPE.

J’apprécie qu’il soit prévu que la consultation des salariés se fasse uniquement par voie électronique et par correspondance, sous le contrôle du juge judiciaire. J’ose espérer que cette procédure facilitera la participation et évitera toute charge supplémentaire aux entreprises.

Par souci de transparence et afin de s’assurer que les partenaires sociaux seront correctement informés des conditions d’organisation du scrutin, la commission des affaires sociales a souhaité, par la voix de son rapporteur, amender l’article 4 en faisant du Haut Conseil du dialogue social, créé par la loi du 20 août 2008, l’organe responsable de la transmission de cette information aux partenaires sociaux.

Dans le second volet du projet de loi, avec le fameux article 6, il est prévu la création de commissions paritaires.

Ces commissions, dont les deux missions seront de veiller à la bonne application des accords collectifs et d’apporter une aide aux salariés comme aux chefs d’entreprise, ont suscité des polémiques que j’avoue ne pas comprendre.

Tout d’abord, la création de ces commissions sera purement facultative. Ensuite, les représentants des syndicats de salariés qui y siégeront seront désignés sur le fondement des résultats de la consultation électorale qui aura mesuré leur audience dans les TPE.

Certes, il aurait été possible de prévoir, plus simplement, que les commissions paritaires qui existent déjà jouent ce rôle. Mais tel n’a pas été le choix du Gouvernement.

Le groupe UMP soutiendra les deux amendements proposés en commission par le rapporteur, Alain Gournac. Ils sont de nature à rassurer les chefs d’entreprise qui s’interrogeraient sur les pouvoirs de ces commissions et sur une éventuelle ingérence des syndicats dans les TPE.

En premier lieu, la création des commissions à l’échelon local est exclue, permettant ainsi aux commissions paritaires d’œuvrer de façon globale, c’est-à-dire dans l’intérêt des TPE, et non uniquement en fonction de la situation particulière de telle ou telle entreprise. À cet effet, les commissions paritaires devront couvrir un champ géographique suffisamment étendu pour accomplir correctement leur mission.

En second lieu, en réponse aux inquiétudes de certaines organisations patronales, nous soutenons l’amendement visant à préciser que les commissions ne se verront confier aucune mission de contrôle et que leurs membres élus ne pourront pénétrer dans les locaux sans l’accord du chef d’entreprise.

Le groupe UMP ne partage donc pas du tout l’approche de la gauche sénatoriale, qui voulait au contraire rendre ces commissions obligatoires. Ce texte doit favoriser le dialogue social, sans accroître les contraintes ni heurter qui que ce soit.

L’article 8 traite, lui, d’un sujet distinct. Il prévoit de proroger le mandat des actuels conseillers prud’homaux, jusqu’à une date fixée par décret, le 31 décembre 2015, au plus tard.

Le Gouvernement avance trois justifications principales à ce report : éviter que les élections prud’homales n’aient lieu en même temps que la mise en œuvre de la réforme de la représentativité syndicale ; permettre d’analyser les propositions du rapport de Jacky Richard sur les modalités de ces élections ; prendre en compte la multiplicité des élections municipales, territoriales et européennes déjà programmées au début de 2014.

Je dis d’emblée que ce dernier argument ne me semble pas totalement pertinent, puisque nous nous préoccupons ici de scrutins organisés dans le cadre professionnel. Sans doute fallait-il profiter de toutes ces raisons pour inscrire dans le présent projet de loi la prorogation du mandat des conseillers prud’homaux. Néanmoins, à titre personnel, je reste sceptique sur le lien de cette disposition avec le texte.

De toute façon, comme je vous l’ai dit en commission, monsieur le ministre, il faudra bien une loi pour modifier le système électif prud’homal. Pourquoi ne pas attendre, pour proposer un texte complètement achevé, d’avoir tiré tous les enseignements du rapport Richard et des négociations qui en découleront ?

En conclusion, je souhaite insister sur l’importance de l’équilibre trouvé par la commission dans la rédaction du projet de loi. Il garantit en effet le dialogue social tout en respectant le fonctionnement des TPE et le climat social qui y règne.

J’apprécie également que l’on ait préservé la spécificité des chambres d’agriculture.

Ainsi, comme l’ensemble du groupe UMP, j’apporte mon soutien et mon suffrage à ce projet de loi, tel que modifié par la commission des affaires sociales.

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