Cet amendement a pour objet de rapprocher les instances de bassin de leur terrain en créant des comités de bassin au niveau des sous-bassins.
Tout d'abord, je rappellerai quelques éléments. En 1964, lors de la création des agences de bassin, les problèmes les plus aigus étaient liés à la densité de population et d'industrie de la région Nord-Pas-de-Calais, dans un secteur que n'irrigue aucun grand fleuve qui aurait pu apporter à cette grande concentration d'usagers de l'eau les ressources d'un vaste amont rural et peu dense, comme c'est le cas pour Paris, Lyon, Toulouse ou Nantes.
La situation de la Lorraine, bien que moins difficile, était assez semblable à celle du Nord : l'agriculture ne retenait pas l'attention, parce que l'irrigation n'existait que dans le Midi, où de grands aménagements avaient été réalisés dès la fin de la guerre, aménagements qui étaient loin d'être saturés - canal de Provence, canal du Bas-Rhône-Languedoc et côteaux de Gascogne, notamment -, et que la pollution des nappes souterraines par les nitrates n'était pas encore connue.
Il eût été logique de ne faire que deux agences, à titre expérimental ; mais, dans notre pays, on a l'habitude de vouloir faire les choses globalement - on n'a pas forcément tort ! - et on a partagé le reste du territoire en quatre grands groupements de bassin.
Quand les agences ont été officiellement créées, toutes les six ensemble, deux ans plus tard, le premier programme d'intervention de l'agence Artois-Picardie était déjà très avancé, avec la justification de redevances très modulées géographiquement, « dans la mesure où les usagers de chaque secteur rendaient nécessaires ou utiles les actions d'intérêt commun de leur secteur. »
Les redevances instaurées dès la mi-1968 étaient modulées à l'intérieur des trois départements que couvrait l'agence : redevances pour prélèvements d'eau souterraine modulées dans un rapport de 1 à 16, redevances pour consommation nette, en période d'étiage, de juin à octobre, dont le taux était nul sur les trois quarts du bassin mais atteignait dix centimes par mètre cube dans certains secteurs, redevances pollution, enfin, qui variaient dans un rapport de 1 à 2, 5 selon les zones.
Les aides apportées étaient tout aussi modulées, pour bien affirmer les priorités des actions à susciter ; elles atteignaient parfois 100 % de l'investissement à réaliser.
Expliquées au sein d'une communauté restreinte d'usagers qui comprenaient aisément leur solidarité et les priorités, ces redevances furent pédagogiques et incitatives.
Cette démarche n'a pu être conduite dans les quatre grands bassins : leur territoire, beaucoup trop vaste, n'a pas permis d'y analyser et d'y expliquer les problèmes de l'eau à des usagers qui n'avaient souvent entre eux aucune solidarité physique et dont la dispersion géographique rendait en tout cas difficile la perception de cette solidarité, quand elle existait.
Faute de pouvoir expliquer les redevances autant qu'il eût fallu, on a dû, pour les faire accepter, rendre les redevances aussi indolores que possible par des taux trop uniformes, et l'on a multiplié les bénéficiaires des aides de l'agence avec des interventions trop tarifées, au-delà même du champ des actions d'intérêt commun au bassin.
On a inconsciemment favorisé une expansion insuffisamment efficace de la dépense publique, alors que les redevances avaient pour objet de réduire cette dépense en la répartissant mieux.
L'actuel projet de loi est une occasion de rectifier l'erreur commise en 1966.
Il faut réduire la surface des zones de compétence des instances des grands bassins : plusieurs comités s'appuieront alors sur une même agence.
La fixation du nombre de « bassins » relève du Gouvernement, mais, à l'occasion du présent débat, il convient que le Parlement insiste sur ce point et que la loi ouvre la possibilité pour une même agence de relever de plusieurs comités, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Considérant que, pour assumer pleinement et efficacement l'ensemble de leurs missions, les comités de bassin doivent avoir des instances décentralisées au niveau des sous-bassins, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.