C’est notre excellent collègue Jacques Mézard qui devait initialement défendre cette motion de renvoi à la commission. Mais, compte tenu du retard pris par nos travaux en séance, il m’a demandé de le remplacer, ayant dû rentrer ce matin dans son département du Cantal, où il trouvera, j’imagine, un climat plus clément...
Nous considérons qu’une politique d’immigration doit résulter de la volonté de concilier le respect absolu des principes des droits de l’Homme, qui sont au fondement de notre République, et la capacité d’intégration, économique comme sociologique, de notre société.
L’intégration signifie le respect par les immigrés des lois de la République laïque, qui incluent des devoirs aussi bien que des droits. Ceux qui voudraient entrer en France pour continuer à vivre et à agir selon les lois de leur pays d’origine font fausse route.
La nation française s’est toujours enrichie des apports d’autres cultures, elle ne saurait s’y dissoudre.
Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que la République peut accueillir tout le monde, dans n’importe quelles conditions et pour faire n’importe quoi. En revanche, elle se doit dans tous les cas d’assurer à tous ceux qui entrent sur le territoire – et bien entendu également à ceux qu’elle entend en faire sortir – le respect de leur dignité, des droits fondamentaux découlant de nos principes constitutionnels.
Nous savons tous que la pression migratoire va s’accentuer dans l’avenir, que ceux qui n’ont aucun espoir d’assurer à leurs enfants nourriture, santé, liberté au sens premier du terme, seront toujours plus nombreux à tenter l’aventure de l’expatriation. Quand, dans certains pays, la vie a si peu de prix, le risque de la perdre dans l’aventure migratoire pèse peu dans la balance ; et le droit d’asile a un sens pour nous.
De la même façon, nous connaissons l’apport considérable que l’immigration amène dans nombre de secteurs de notre société. Monsieur le ministre, combien de jours les hôpitaux publics pourraient-ils fonctionner si vous reconduisiez à la frontière les médecins et auxiliaires médicaux qui y travaillent ?
Ce projet de loi est le cinquième texte législatif d’envergure consacré à l’immigration et au droit des étrangers depuis 2002. Il survient dans un climat particulièrement délétère.
Les sondages sont certes toujours contestables, mais ils appréhendent au moins partiellement la réalité. Or ils mettent en évidence l’existence d’un rejet croissant des immigrés. Ainsi, le sondage réalisé pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po et dévoilé ces derniers jours montre que, pour 59 % des personnes interrogées, il y a trop d’immigrés en France, ce pourcentage étant en croissance de 10 % par rapport à 2009 ; et 40 % d’entre elles estiment que « la France doit se protéger davantage du monde ». Voilà qui, à l’évidence, est révélateur d’une société qui se recroqueville sur elle-même, qui est inquiète, qui manque de dynamisme, qui impute la crise aux autres : l’Europe, l’euro, l’étranger.
Nous sommes conscients des réalités de terrain ; l’angélisme ne sera jamais notre credo et, à titre personnel, je souscris aux déclarations récentes de notre collègue Jean-Pierre Chevènement sur les statistiques relatives à la délinquance et à son origine. Oui, il a raison de craindre que « le politiquement correct ne finisse par tuer le débat républicain ».
Cela étant, et sous des gouvernements de sensibilités différentes, les pouvoirs publics portent depuis des décennies une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Nul besoin d’en rajouter sur les cités, l’échec scolaire, les ghettos et leur rejet dans des zones de non-droit.
D’une manière générale, les pays européens souhaitent attirer par l’immigration des travailleurs qualifiés. La politique de l’Allemagne est significative en la matière, dans la ligne du rapport de l’Office fédéral pour les migrations et les réfugiés de juin 2010, intitulé La couverture des besoins en force de travail par l’immigration, et ce tout en réussissant à faire baisser régulièrement le nombre d’entrées illégales sur le territoire, au moins depuis 1998.
Les cas de l’Espagne et de l’Italie sont fort différents, et ces disparités marquent, au-delà des directives européennes, l’importance des traditions politiques de chaque nation. L’excellente étude comparative des politiques d’immigration en Europe publiée au mois de janvier 2011 par la commission des affaires européennes est à cet égard très instructive.
En réalité, ce qui caractérise ces dernières années la politique du gouvernement français, c’est l’utilisation des problèmes réels posés par les flux migratoires à des fins d’affichage médiatique, avec un objectif électoraliste.
Nous, nous attendons une simplification des procédures applicables aux entrées sur le territoire français, au séjour et éventuellement à l’éloignement. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un labyrinthe juridique d’une complexité exceptionnelle, dont on peut se demander si elle n’est pas voulue et entretenue, avec des contentieux parallèles, face à des traitements parfois indignes du pays des droits de l’Homme, face parfois à l’arbitraire, face aussi, souvent, à l’inexécution des décisions administratives et de justice.
Cette volonté d’affichage médiatique est apparue en pleine lumière avec le trop fameux débat sur l’identité nationale. La dérive malsaine véhiculée dans l’opinion sur « l’identité nationale » correspond à des objectifs qui ne seront jamais les nôtres. Un ancien Premier ministre du Président Chirac, Dominique de Villepin, a même affirmé, le 30 octobre 2009, que ce débat était « piégé, absurde et autoritaire », dénonçant une « tentation récurrente du pouvoir actuel que de donner la primauté à l’émotion, au spectacle, sur la réalité politique » ; et M. Baroin a même déclaré que ce débat était « gros comme un hippopotame dans une mare desséchée » et que « la confusion, l’amalgame et les facilités de langage peuvent flatter les bas instincts ».
Que reste-t-il du débat sur l’identité nationale ? Un échec cuisant, des braises sur lesquelles souffle le démon de l’intolérance. Il fut enterré par le séminaire gouvernemental du 8 février 2010 accouchant de quatorze propositions mineures dont seules trois trouvent une solution législative dans le présent texte. Quelle nouvelle preuve du caractère purement déclamatoire…