Séance en hémicycle du 3 février 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • charte
  • l’immigration
  • nationalité
  • nationalité française
  • naturalisation

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 114 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, le rapport sur la situation des conjoints survivants de ressortissants du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales ainsi qu’à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Acte est donné du dépôt de ce rapport. Il sera disponible au bureau de la distribution.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (projet n° 27, texte de la commission n° 240, rapport n° 239).

Nous poursuivons l’examen des motions.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie, par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 6.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (240, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues – peu nombreux sur les travées de droite –, …

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

Mais guère plus nombreux à gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

… « vous aviez aimé ma proposition de loi sur les tests ADN pour des candidats au regroupement familial ? Eh bien, vous allez adorer ce projet de loi sur l’immigration ! », a lancé Thierry Mariani.

Tout le mépris et la provocation condensés dans ces propos reflètent parfaitement l’esprit du projet de loi.

À l’heure où le Gouvernement prend la décision de ne pas faire figurer l’auteur Louis-Ferdinand Céline dans les célébrations nationales, autant vous dire que la conception de l’étranger qui infuse ce texte de loi est tout aussi condamnable que celle dont le livre Bagatelles pour un massacre s’est fait l’écho.

En transformant ainsi la législation d’exception en règle de droit commun, vous semblez vouloir conforter les propos chers à l’extrême droite. Du moins, soutenez-vous le parallèle avec avantage.

Ainsi, comme vous n’avez cessé de nous le répéter, la procédure de déchéance de nationalité a certes toujours existé. Il est vrai que, jusqu’au régime de Vichy, cette sanction était exclusivement destinée à réprimer l’espionnage et les actes contraires à l’intérêt de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cela dit, cette procédure d’exception de triste mémoire a surtout été utilisée par Vichy à l’encontre de personnes de religion juive ou de personnes naturalisées par la loi libérale de 1927.

Le Conseil constitutionnel avait admis l’introduction du terrorisme dans les motifs de déchéance, mais il avait aussi rappelé dans un même mouvement qu’« au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ». Voilà ce qui nous importe !

Malgré les menus aménagements ornementaux apportés par la commission, cette mesure demeure strictement contraire à l’article 1er de la Constitution, qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.

De même, comment ne pas s’indigner face à la réactivation du concept d’assimilation ?

Il est outrageux pour nos concitoyens français d’origine étrangère, injurieux pour les étrangers et particulièrement délétère pour nos valeurs républicaines de voir que vous amalgamez ainsi assimilation et intégration. Une petite précision étymologique s’impose donc.

L’intégration signifie faire entrer une partie dans un tout. Ainsi dit-on d’une société qu’elle est intégrée lorsqu’elle a un fort taux de cohésion sociale.

L’assimilation, terme en vogue du temps de l’administration coloniale, est le processus par lequel un ensemble d’individus se fond dans un nouveau cadre social beaucoup plus large. Le meilleur indice d’assimilation est la disparition totale des spécificités des personnes assimilées, ce qui implique la renonciation à leur culture, la mise au pas de leur personnalité et leur atomisation au sein de la société qui les absorbe.

En tant que républicains, nous refusons la promotion de toute forme de communautarisme. Reste que le communautarisme ne se réglera pas par la réactivation du concept d’assimilation.

Le communautarisme naît de la conviction qu’il n’existe pas de perspective en dehors de la communauté. Cela implique que, pour le vaincre et donner pleinement sens aux valeurs républicaines qui sont les nôtres, aucune communauté ne doit se sentir dominée par l’autre. D’où l’exigence d’une confiance réciproque, que nous n’obtiendrons pas en aménageant le code pénal spécialement pour les migrants, en allongeant leur durée de rétention à quarante-cinq jours sans même leur avoir notifié leurs droits – sans doute parce qu’ils sont supposés ne pas en avoir – et en les accusant de ne rien comprendre aux principes fondamentaux de notre République, contrairement aux « bons Français », qui, eux, sont présumés en être naturellement imprégnés.

Cela dit, le procédé dont vous faites usage nous est désormais bien connu, tant il est systématique.

Dès que vous vous sentez fragilisés sur des questions sociales, vous agitez la xénophobie et le racisme. Il vous est alors aisé de stigmatiser, au sein de la population, des catégories pour les lâcher en pâture à l’opinion.

Lorsqu’on révèle que le pouvoir est mis en cause dans une affaire fiscale, on accuse à l’emporte-pièce les revenus des gens du voyage ou bien les Roms à qui on les amalgame grossièrement.

Lorsque ce même pouvoir trempe dans des affaires de cigares ou d’évasion fiscale, il accuse « les grosses cylindrées des gens du voyage ».

Lorsque la délinquance augmente, vous fournissez à l’opinion publique des proies plus accessibles, bien qu’itinérantes, proies que les volontaires de la milice citoyenne créée par la LOPPSI, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, arrêteront et jugeront bientôt peut-être eux-mêmes.

Le problème est que, simultanément et délibérément, vous laissez infuser une logique xénophobe dans l’ensemble de notre société.

C’est en vertu de cette logique qu’un préfet ose déclarer qu’il n’a pas de « tendresse particulière » pour les Roms car « ils vivent à nos crochets », et se dit agacé de voir que « certains roulent dans des Mercedes » que lui-même « ne peut pas [se] payer ».

C’est en vertu de cette logique également que, contrairement au principe d’accueil inconditionnel, les préfectures demandent maintenant aux associations chargées de l’hébergement d’urgence de « prioriser le public de droit commun », autrement dit de refuser les étrangers en situation administrative irrégulière en cas de manque de place. Cela n’est somme toute que l’application du principe de préférence nationale aux centres d’hébergement.

C’est en raison de cette xénophobie promue par l’État que, pour la première fois, les instances communautaires et internationales ont condamné la France avec autant de virulence pour discrimination raciale.

Le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU a été jusqu’à dénoncer « une montée des manifestations et des violences à caractère raciste envers les Roms » et un « manque de volonté politique » face à cette recrudescence du racisme.

Votre réponse a été claire. Elle s’incarne dans la notion d’ « abus de droit au court séjour », qui empêchera la communauté des Roms de faire des allers-retours, partant du postulat que ceux-ci ne sont là que pour profiter des prestations sociales.

Votre réponse se matérialise aussi par l’ensemble des mesures du projet de loi : port du bracelet électronique, élargissement de la palette des mesures d’éloignement, création de zones d’attente ad hoc, promotion de l’immigration choisie ou encore atténuation « paillette » du délit de solidarité. Contrairement aux injonctions communautaires, les tendances à surveiller, à enfermer, à éloigner et à bannir se précisent et se renforcent encore davantage.

Les résultats de cet électoralisme primaire sont donc dramatiques et nombreux. Dès lors, permettez-nous de vous demander comment vous définissez l’identité nationale et si toutes ces dérives en font partie.

Vous agissez comme si l’identité pouvait se penser au singulier, comme s’il s’agissait d’un credo partagé par tous, sans tenir compte de ce qui constitue nos fondements individuels. Et le pire est que vous avez tenté de l’institutionnaliser via un ministère.

La notion de « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » n’est ni un motif proportionnel ni un motif nécessaire pour limiter la liberté fondamentale de circulation dont jouit un citoyen de l’Union. En outre, l’instrumentalisation électoraliste que vous en faites est déraisonnable et scandaleuse.

Vos arguments financiers sont tous aussi faux les uns que les autres. Vous avez tenté à maintes reprises de vous placer sur le terrain des chiffres pour faire accepter vos options en matière de politique migratoire. Autant dire que, à chaque fois, le Gouvernement se prend à son propre piège.

Le Comité interministériel de contrôle de l’immigration a constaté, dans son rapport de décembre 2009, que le nombre de cartes de séjour temporaire délivrées aux étrangers en raison de leur état de santé s’était stabilisé en 2008, après une diminution de 12, 8 % en 2007, représentant seulement 0, 8 % des étrangers résidant en France.

À ce jour, seules les pathologies particulièrement graves, celles qui mettent en jeu le pronostic vital, sont des motifs considérés comme suffisants pour délivrer un titre de séjour provisoire pour soins. Ainsi, substituer aux termes « accessibilité effective » la notion d’indisponibilité serait tout simplement criminel. Car si l’article 17 ter du projet de loi a été supprimé, d’autres articles, outre l’amendement que M. Nègre a déposé pour le rétablir dans sa rédaction initiale, prennent le relais de sa transposition.

Le durcissement des conditions d’accès initial au dispositif et le basculement dans l’illégalité ainsi que la précarité de patients actuellement suivis par le biais de ce type de titre de séjour provisoire retardent l’accès aux soins. Or ces retards engendrent des surcoûts pour le système de santé.

Le rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, rendu public le 31 décembre 2010, conclut au caractère marginal de la fraude. Voilà qui s’oppose au droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’État ! Il estime en effet que le fait pour 10 % des bénéficiaires de l’AME de retarder leur prise en charge médicale pourrait entraîner une majoration des dépenses de soins de 20 millions d’euros.

Par ailleurs, le rapport sur le coût de l’immigration, réalisé en 2009 par une équipe de chercheurs de l’université de Lille pour le compte du ministère des affaires sociales, nous révèle aussi que l’immigration fait de bons comptes. Les immigrés reçoivent de l’État, par diverses voies de transfert, 47, 9 milliards d’euros. Mais ils reversent quelque 60, 3 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Le solde positif pour l’État est donc de plus de 12 milliards d’euros !

Rappelons-nous aussi que le très officiel Conseil d’orientation des retraites révélait que « l’entrée de 50 000 nouveaux immigrés par an permettrait de réduire de 0, 5 point de PIB le déficit des retraites ».

M. Besson avait évoqué une « crise nationale de l’asile », notant que les demandes avaient augmenté de plus de 43 % en deux ans, ce qui justifierait l’absence de recours suspensif pour les demandeurs d’asile et les restrictions de leur accès à l’aide juridictionnelle.

En 2003, il y avait en France 50 000 demandeurs d’asile. Huit ans plus tard, le nombre de demandes n’a pas varié.

En revanche, la somme consacrée à l’hébergement et à l’accompagnement des demandeurs est en recul.

Compte tenu d’un budget global d’un montant de 240 millions d’euros, la somme consacrée à la protection de chaque demandeur s’élève à 13 euros par jour, en moyenne.

Sous couvert d’arguments financiers démentis même par les institutions de notre pays, c’est notre identité républicaine que vous défigurez !

La suppression du ministère de l’identité nationale, d’ailleurs reconstitué sous une appellation ripolinée, ne vous freine pas dans votre acharnement à vouloir expulser et susciter des peurs à l’égard des étrangers.

En réalité, ce sont l’ensemble des mesures honteuses contenues dans ce projet de loi qu’il faut bannir de notre République !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il va de soi que je m’en tiendrai à la question préalable qui a été posée, sans me laisser entraîner dans de plus longues digressions.

Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de cette motion, on ne peut pas douter de la pertinence des objectifs poursuivis par le présent projet de loi.

Il s’agit tout d’abord de renforcer la politique d’intégration en faveur des primo-arrivants et des candidats à l’acquisition de la nationalité française.

À cette fin, le texte crée la charte des droits et devoirs du citoyen, facilite l’accès à la nationalité pour les étrangers présentant un parcours d’intégration exceptionnel et précise les obligations auxquelles sont tenus les signataires du contrat d’accueil et d’intégration.

Il s’agit ensuite de procéder à la transposition de trois directives européennes, relatives à la promotion de l’immigration professionnelle, à la lutte contre l’immigration irrégulière et à la répression des employeurs d’étrangers sans papiers.

Je rappelle à cet égard que la France est tenue d’assurer la transposition des directives européennes : ce projet de loi lui permet de se mettre en conformité avec ses obligations.

Enfin, les autres dispositions du texte visent à améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière en réformant les procédures et le contentieux applicables aux étrangers en situation irrégulière.

À ce sujet, la commission des lois a veillé à apporter, lorsque cela lui a paru nécessaire, les précisions requises afin d’assurer un équilibre entre l’efficacité de la procédure et la garantie des droits reconnus aux étrangers, qu’il s’agisse de la définition des zones d’attente ou des modalités d’intervention du juge judiciaire.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission ne peut émettre qu’un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

M. le rapporteur vient de rappeler la teneur du projet de loi dont nous débattons.

Chacun a compris que ce texte visait plusieurs objectifs.

Tout d’abord, ce projet de loi, ainsi que M. le rapporteur l’a indiqué, tend à transposer trois directives communautaires. Que la France honore les engagements pris dans le cadre communautaire est quand même bien la moindre des choses que l’on puisse attendre d’elle !

Ensuite, le texte met en œuvre certaines propositions formulées en 2008 par une commission présidée par Pierre Mazeaud et visant à clarifier les modalités d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire dans le contentieux de l’éloignement.

Enfin, ce texte traduit, s’agissant notamment de la déchéance de nationalité, plusieurs orientations politiques qui ont été débattues depuis l’été dernier.

Madame Mathon-Poinat, en demandant que ce projet de loi ne soit pas discuté, vous êtes, je le comprends, dans votre rôle d’opposante,

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Permettez-moi cependant de vous dire que, en agissant de la sorte, vous refusez à l’État les moyens de se mettre en conformité avec la réglementation européenne, ainsi que les moyens nécessaires à une lutte plus efficace contre l’immigration irrégulière.

Libre à vous de refuser la transposition des directives européennes ! Nous savons bien que vous êtes une opposante fervente à l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Pas à l’Europe, mais à la construction européenne !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Vous vous êtes prononcée à plusieurs reprises contre l’Union européenne.

Quant à nous, nous sommes favorables à l’Europe.

Ces directives ont été adoptées dans le cadre, largement initié par la France, du pacte européen sur l’immigration et l’asile. Tous les États de l’Union européenne ont plébiscité ce pacte. Ils ont maintenant décidé de passer aux actes. Ensemble, ils ont admis la nécessité absolue de réguler les flux migratoires et de lutter fermement contre l’immigration irrégulière et clandestine.

J’ai l’impression qu’il y a une seule gauche, en Europe, pour refuser de voir la réalité : c’est la gauche française !

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

J’ajoute que vous refusez aux immigrés légaux et à ceux qui deviennent Français au terme d’un parcours exigeant la reconnaissance de leurs efforts.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Vous vous refusez en effet à sanctionner ceux qui, à l’opposé de l’immense majorité des nouveaux Français, n’hésitent pas, très rapidement, à fouler aux pieds les valeurs du pays qu’ils ont choisi, par exemple en assassinant des détenteurs de l’autorité publique.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

J’ai pris seulement deux exemples de vos contradictions, mais j’aurai l’occasion d’en relever d’autres.

Comme vous l’aurez compris, il me paraît nécessaire que nous puissions débattre de ce texte. Je demande donc au Sénat de ne pas adopter la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je n’avais pas l’intention, à vrai dire, d’intervenir à ce stade de la discussion. Mais les propos de M. le ministre m’y contraignent.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je considère en effet que vous avez attaqué la gauche en travestissant ses positions.

Pour notre part, nous soutiendrons cette motion.

Il nous faut naturellement transposer les trois directives. Il le faut d’autant plus que, si nous avons jusqu’au mois de juin ou juillet 2011 pour transposer deux d’entre elles, nous sommes déjà en retard s’agissant de la directive « retour », laquelle aurait dû être transposée avant le mois de décembre. Comme d’habitude, la France est en retard ! Aussi ne venez pas, « vêtu de probité candide et de lin blanc », nous dire que là réside votre motivation !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Nous aurions dû agir plus vite, je le reconnais !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Mais votre intention est au fond de tirer parti de ces transpositions nécessaires pour faire adopter des mesures sans rapport avec le contenu des directives, soit que ces dernières n’exigent rien de ce que vous proposez, – c’est le cas s’agissant par exemple de l’allongement de 32 jours à 42 ou 45 jours des délais de rétention –, soit que vous utilisiez ce prétexte pour faire adopter par le Parlement des mesures totalement étrangères aux directives : mariages gris, zones d’attente « sac à dos », déchéance de nationalité, etc. – la liste est longue !

Nous considérons donc qu’il ne s’agit pas d’une bonne transposition ; c’est une transposition prétexte. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Les membres du groupe UMP sont assez opposés à la question préalable, dont l’adoption bloque la discussion et interdit de débattre des vrais sujets.

Comme vient de le dire très justement M. Yung, le projet de loi prévoit non seulement la transposition de directives européennes, qui constitue pour nous une obligation absolue, mais aussi un certain nombre d’autres dispositions, telle la déchéance de nationalité.

Il serait à mon avis absurde de nous priver de débat sur un sujet aussi essentiel, auquel l’opinion publique attache à l’heure actuelle une si grande importance.

C’est la raison pour laquelle nous sommes absolument opposés à la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix la motion n° 6, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 147 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie, par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n°7.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (240, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Yvon Collin, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

C’est notre excellent collègue Jacques Mézard qui devait initialement défendre cette motion de renvoi à la commission. Mais, compte tenu du retard pris par nos travaux en séance, il m’a demandé de le remplacer, ayant dû rentrer ce matin dans son département du Cantal, où il trouvera, j’imagine, un climat plus clément...

Nous considérons qu’une politique d’immigration doit résulter de la volonté de concilier le respect absolu des principes des droits de l’Homme, qui sont au fondement de notre République, et la capacité d’intégration, économique comme sociologique, de notre société.

L’intégration signifie le respect par les immigrés des lois de la République laïque, qui incluent des devoirs aussi bien que des droits. Ceux qui voudraient entrer en France pour continuer à vivre et à agir selon les lois de leur pays d’origine font fausse route.

La nation française s’est toujours enrichie des apports d’autres cultures, elle ne saurait s’y dissoudre.

Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que la République peut accueillir tout le monde, dans n’importe quelles conditions et pour faire n’importe quoi. En revanche, elle se doit dans tous les cas d’assurer à tous ceux qui entrent sur le territoire – et bien entendu également à ceux qu’elle entend en faire sortir – le respect de leur dignité, des droits fondamentaux découlant de nos principes constitutionnels.

Nous savons tous que la pression migratoire va s’accentuer dans l’avenir, que ceux qui n’ont aucun espoir d’assurer à leurs enfants nourriture, santé, liberté au sens premier du terme, seront toujours plus nombreux à tenter l’aventure de l’expatriation. Quand, dans certains pays, la vie a si peu de prix, le risque de la perdre dans l’aventure migratoire pèse peu dans la balance ; et le droit d’asile a un sens pour nous.

De la même façon, nous connaissons l’apport considérable que l’immigration amène dans nombre de secteurs de notre société. Monsieur le ministre, combien de jours les hôpitaux publics pourraient-ils fonctionner si vous reconduisiez à la frontière les médecins et auxiliaires médicaux qui y travaillent ?

Ce projet de loi est le cinquième texte législatif d’envergure consacré à l’immigration et au droit des étrangers depuis 2002. Il survient dans un climat particulièrement délétère.

Les sondages sont certes toujours contestables, mais ils appréhendent au moins partiellement la réalité. Or ils mettent en évidence l’existence d’un rejet croissant des immigrés. Ainsi, le sondage réalisé pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po et dévoilé ces derniers jours montre que, pour 59 % des personnes interrogées, il y a trop d’immigrés en France, ce pourcentage étant en croissance de 10 % par rapport à 2009 ; et 40 % d’entre elles estiment que « la France doit se protéger davantage du monde ». Voilà qui, à l’évidence, est révélateur d’une société qui se recroqueville sur elle-même, qui est inquiète, qui manque de dynamisme, qui impute la crise aux autres : l’Europe, l’euro, l’étranger.

Nous sommes conscients des réalités de terrain ; l’angélisme ne sera jamais notre credo et, à titre personnel, je souscris aux déclarations récentes de notre collègue Jean-Pierre Chevènement sur les statistiques relatives à la délinquance et à son origine. Oui, il a raison de craindre que « le politiquement correct ne finisse par tuer le débat républicain ».

Cela étant, et sous des gouvernements de sensibilités différentes, les pouvoirs publics portent depuis des décennies une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Nul besoin d’en rajouter sur les cités, l’échec scolaire, les ghettos et leur rejet dans des zones de non-droit.

D’une manière générale, les pays européens souhaitent attirer par l’immigration des travailleurs qualifiés. La politique de l’Allemagne est significative en la matière, dans la ligne du rapport de l’Office fédéral pour les migrations et les réfugiés de juin 2010, intitulé La couverture des besoins en force de travail par l’immigration, et ce tout en réussissant à faire baisser régulièrement le nombre d’entrées illégales sur le territoire, au moins depuis 1998.

Les cas de l’Espagne et de l’Italie sont fort différents, et ces disparités marquent, au-delà des directives européennes, l’importance des traditions politiques de chaque nation. L’excellente étude comparative des politiques d’immigration en Europe publiée au mois de janvier 2011 par la commission des affaires européennes est à cet égard très instructive.

En réalité, ce qui caractérise ces dernières années la politique du gouvernement français, c’est l’utilisation des problèmes réels posés par les flux migratoires à des fins d’affichage médiatique, avec un objectif électoraliste.

Nous, nous attendons une simplification des procédures applicables aux entrées sur le territoire français, au séjour et éventuellement à l’éloignement. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un labyrinthe juridique d’une complexité exceptionnelle, dont on peut se demander si elle n’est pas voulue et entretenue, avec des contentieux parallèles, face à des traitements parfois indignes du pays des droits de l’Homme, face parfois à l’arbitraire, face aussi, souvent, à l’inexécution des décisions administratives et de justice.

Cette volonté d’affichage médiatique est apparue en pleine lumière avec le trop fameux débat sur l’identité nationale. La dérive malsaine véhiculée dans l’opinion sur « l’identité nationale » correspond à des objectifs qui ne seront jamais les nôtres. Un ancien Premier ministre du Président Chirac, Dominique de Villepin, a même affirmé, le 30 octobre 2009, que ce débat était « piégé, absurde et autoritaire », dénonçant une « tentation récurrente du pouvoir actuel que de donner la primauté à l’émotion, au spectacle, sur la réalité politique » ; et M. Baroin a même déclaré que ce débat était « gros comme un hippopotame dans une mare desséchée » et que « la confusion, l’amalgame et les facilités de langage peuvent flatter les bas instincts ».

Que reste-t-il du débat sur l’identité nationale ? Un échec cuisant, des braises sur lesquelles souffle le démon de l’intolérance. Il fut enterré par le séminaire gouvernemental du 8 février 2010 accouchant de quatorze propositions mineures dont seules trois trouvent une solution législative dans le présent texte. Quelle nouvelle preuve du caractère purement déclamatoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

… de votre politique ! Quelle constance dans la volonté d’utiliser la peur comme vecteur politique ! Après l’identité nationale, le discours de Grenoble du 30 juillet 2010 a correspondu au lancement de nouveaux brûlots sur la déchéance de la nationalité française, sur la suppression automatique de la nationalité française pour les jeunes délinquants…

Si nous avons déposé une motion de renvoi à la commission, en application de l’article 44 du règlement du Sénat, c’est qu’il serait effectivement sage de suspendre le débat jusqu’à la présentation d’un nouveau rapport par la commission, un rapport autre que fondé sur une étude d’impact – monument de paperasse n’amenant aucun élément sérieux et crédible sur le véritable impact du projet de loi, …

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le président Collin exagère ! C’est insultant pour le Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

… qui ne dit pas un mot sur la déchéance de nationalité, introduite par un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale, qui n’« étudie » pas les personnes directement concernées : les milliers d’hommes et de femmes qui aspirent à vivre en France et aussi l’ensemble de nos concitoyens qui méritent d’être confortés dans ce qu’ils ont de meilleur au lieu d’être portés vers ce qui divise, au nom de votre principe de rupture qui fait tant de dégâts.

Oui, avant de légiférer à nouveau, il convient de réaliser un bilan objectif sur la question de l’immigration.

De fait, on s’aperçoit vite que la réalité ne correspond pas aux chiffres avancés. Prenez par exemple le chiffre des reconduites à la frontière : en comptabilisant les réadmissions sur le territoire d’un État membre de l’espace Schengen ou les reconduites des ressortissants bulgares et roumains séjournant au-delà des trois mois réglementaires, il est artificiellement gonflé ; en réalité, seules 46 % de celles-ci – le chiffre date de 2009 – s’effectuent hors d’une zone de libre circulation vers la France.

De même, exiger que soit privilégiée, à hauteur de 50 % du total, une immigration de travail au profit des secteurs économiques manquant de main-d’œuvre aboutit à manipuler l’utilisation des statistiques : les demandeurs d’asile sont exclus des chiffres de l’immigration, des régularisations relevant de la catégorie « vie privée et familiale » sont transférées vers la catégorie « travail ». Enfin, avec la nouvelle procédure de naturalisation, qui déconcentre la décision vers les préfectures, on se rapproche dangereusement de la rupture d’égalité, au vu des différences de traitement des dossiers d’une préfecture à l’autre.

Le slogan « passer d’une immigration subie à une immigration choisie » reste lettre morte, comme le montre l’augmentation incessante du nombre des entrées en France, passé de 97 000 en 2000 à 134 800 en 2005, en dépit de la mise en place depuis 2002 d’outils législatifs visant à tarir le flux et à complexifier les politiques d’accueil.

Au-delà des chiffres et des statistiques, le projet de loi est dangereux parce qu’il intègre des évolutions que nous ne pouvons cautionner, des évolutions vraiment contraires aux traditions de notre République.

Sur la déchéance de la nationalité française, vous êtes clairement dans un schéma provocateur ; la modification de l’article 25 du code civil que vous proposez par l’article 3 bis du texte, même revu par la commission des lois, contrevient à la Convention européenne sur la nationalité – signée mais non ratifiée par la France – n’autorisant la déchéance de nationalité qu’à l’encontre de personnes ayant commis des actes portant un préjudice grave à l’État. Le droit positif français ne relevant que du droit commun, ces cas liés au terrorisme avaient été validés par le Conseil constitutionnel en 1996, ce dernier rappelant que tous les ressortissants français étaient égaux quel que soit le mode d’acquisition ou d’attribution de la nationalité ; vous créez une confusion discriminante dans le discours symbolique entre les Français selon leur origine ; c’est inacceptable et n’a aucune vertu exemplaire.

S'agissant de la limitation du droit de séjour des étrangers, sous couvert de transposition de la directive « retour », vous réduisez fortement ce droit ; c’est une transposition ultra-petita, vous affaiblissez les garanties légales de principe constitutionnel applicables en matière de procédure contentieuse par le recul des délais de notification des droits. Or, nous le savons tous, la restriction des droits doit obéir à des principes stricts, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme.

La zone d’attente ad hoc est un régime de privation de liberté, ainsi que l’a indiqué le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 février 1992. Certes, notre commission a limité à vingt-six jours la durée de vie de cette zone ; néanmoins, ce dispositif revient à banaliser la privation de liberté comme mode de gestion ordinaire de l’immigration – je vous renvoie à l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme du 6 janvier 2011 –, privation de liberté pour laquelle, en outre, l’accès au juge est restreint. C’est une transposition fallacieuse de l’article 18 de la directive « retour ». Votre projet de loi ne mentionne ni le caractère exceptionnel de la procédure ni les conditions d’urgence.

Sur les modes d’éloignement du territoire, le projet de loi prévoit d’abord, à l’article 49, que l’administration pourra reconduire à la frontière tous les étrangers constituant une menace pour l’ordre public, sans intervention d’un juge et en prenant « notamment » en compte des critères de simple commission de faits passibles de certaines poursuites pénales, donc sans condamnation ; pour nous, ce n’est point conforme à la directive de 2004.

Il en est de même pour l’utilisation de la notion d’abus de droit pour autoriser l’éloignement des ressortissants communautaires. Vous noterez une définition bien différente des prescriptions communautaires, dont le fait de ne rester en France que pour bénéficier des prestations sociales ; ce n’est pas : « cherchez l’erreur », mais : « chassez le Rom », à la suite de la circulaire trop célèbre de l’été 2010.

Sur l’assignation à résidence pour placement sous surveillance électronique mobile, votre texte fait de l’utilisation du bracelet électronique une quasi-norme à la disposition de l’administration, contrairement à la décision du Conseil constitutionnel du 5 décembre 2005, et ce sans intervention du juge, sans consentement de la personne visée, d’où notre amendement.

Plus globalement, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis du 5 juillet 2010, a clairement rappelé que « les étrangers ont comme les nationaux droit au respect de leur liberté individuelle » et que « leur enfermement ne peut devenir un instrument ordinaire de politique migratoire ». La CNCDH a expressément demandé le renoncement à la création des zones d’attente ad hoc, l’abandon de l’allongement de la durée de rétention administrative, l’institution d’un recours suspensif en cas d’application de la procédure prioritaire à un demandeur d’asile.

La CNCDH rappelle que « les règles communautaires ne doivent pas servir d’alibi à une politique migratoire restrictive qui contrarie l’engagement international de la France de rendre effective la possibilité reconnue à chacun de quitter son pays. »

Mes chers collègues, notre nation est le fruit de diversités, s’enrichissant au fil des siècles pour construire un sentiment national, une continuité historique. Les labeurs, les souffrances, les réussites des générations qui se sont succédé ne méritent pas un tel projet. La nation n’a pas de problème d’identité avec elle-même. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’a pas une ride, elle est le fil conducteur de la République ; la respecter loyalement, c’est pour nous le premier programme de tout élu de la République, celle dont la devise justifie pleinement que vous votiez avec conviction le renvoi à la commission.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je relèverai d’abord le propos tenu par M. Yvon Collin sur le rôle de la commission, l’intérêt du rapport qui a été rendu. Finalement, à quoi servons-nous ? C’est à cette question qu’il faut répondre ! C’est porter une accusation assez forte contre l’institution elle-même et contre le travail qu’elle réalise !

Si l’on renvoie un texte à la commission, c’est pour étudier d’autres sujets, d’autres thèmes, et travailler plus. Je voudrais simplement attirer l’attention sur le fait que les auditions auxquelles nous avons procédé étaient ouvertes à tous les membres de la commission. Or, je n’ai vu, à mes côtés, que quelques collègues ici présents, notamment Mmes Boumediene-Thiery et Borvo Cohen-Seat. Personne d’autre n’est venu participer à ces auditions pour débattre des sujets que vous venez de soulever ! Cela méritait d’être souligné. Les propos qui ont été tenus étaient sans doute dus uniquement à l’intérêt de la cause momentanée et ont certainement dépassé la pensée de celui qui les a prononcés.

J’en viens maintenant au fond.

Les auteurs de la motion fondent leur demande de renvoi à la commission sur le fait que, sur de nombreuses questions, le projet de loi contreviendrait à certains principes constitutionnels ou engagements internationaux de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Bien sûr.

Or, tous les points cités par les auteurs de la motion ont fait l’objet d’un examen attentif de la commission, comme je viens de l’indiquer.

Ainsi, la commission s’est en particulier penchée sur la définition des zones d’attente, à laquelle elle a apporté les précisions et les modifications nécessaires.

Par ailleurs, s’agissant de l’intervention du juge judiciaire au cours de la procédure de rétention administrative et de la conformité avec les dispositions de l’article 66 de la Constitution, elle a adopté une position inverse de celle du projet de loi.

La commission a également travaillé sur les pouvoirs des juges de première instance et des juges d’appel, et elle a notamment réinstauré l’effet dévolutif de l’appel.

Elle a aussi veillé, s’agissant de la transposition de la directive européenne, à l’intelligibilité d’un certain nombre de dispositions transposées, afin qu’elles soient parfaitement compréhensibles.

Enfin, elle s’est attachée, en apportant les précisions requises, à garantir la constitutionnalité de certains dispositifs ajoutés par l’Assemblée nationale au projet de loi initial, en particulier du plus symbolique d’entre eux, l’extension des cas de déchéance de nationalité.

Rien ne semble justifier que ce texte soit renvoyé à la commission des lois. Les débats doivent continuer. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur la motion.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur Collin, j’ai moi aussi été très surpris par vos propos. Vous mettez en effet en cause la qualité et l’importance du travail réalisé par la commission des lois du Sénat. Cette commission fait pourtant référence, me semble-t-il, dans le paysage politique français. Elle s’est en effet illustrée à plusieurs reprises par des attitudes et un travail de fond qui ont été remarqués. La mise en cause de la qualité de ce travail pour justifier un nouveau passage du projet de loi devant la commission ne laisse pas indifférent l’ancien sénateur que je suis. Je le répète, je suis un peu surpris par la violence des attaques qui ont été lancées contre la qualité du travail de la commission des lois.

À cet instant, je tiens à mon tour à remercier M. le président de la commission, M. le rapporteur, ainsi que tous les membres de la commission, de leur assiduité et des améliorations qu’ils ont apportées au texte.

M. Yung a rappelé que l’une des trois directives aurait dû être transposée au plus tard le 24 décembre 2010, les deux autres devant l’être avant juin ou juillet 2011. Il considère que, le délai de transposition ayant été dépassé de quelques semaines, le texte peut être renvoyé à la commission. Ce n’est à mon avis pas une bonne raison pour prendre tout notre temps. Ce ne serait pas de bonne politique.

Certes, la France a dépassé le délai du 24 décembre 2010. Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est toujours en cours de discussion, le Gouvernement n’ayant pas décidé d’avoir recours à la procédure accélérée sur ce texte. On ne va tout de même pas le lui reprocher. Ce serait à ne plus rien y comprendre !

Le dépassement du délai a été acté lorsque le champ de compétences du ministère de l’intérieur a été élargi à l’immigration voilà un peu plus de deux mois.

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, disons-le clairement, la France n’est pas plus en retard que ses partenaires européens. À cet égard, je tiens à votre disposition un tableau comparatif des processus de transposition des différents États membres. Il n’y a pas à rougir de la situation de notre pays. Je pourrais aller plus loin sur ce sujet, mais je pense que c’est inutile.

Chacun ici comprendra que, compte tenu de ces quelques semaines de retard, il est important que nous nous attaquions désormais au travail de fond et à la discussion de ce projet de loi, d’autant plus, je le répète, que les membres de la commission des lois – et je les en remercie encore – ont réalisé un travail tout à fait remarquable.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur la motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix la motion n° 7, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission et du Gouvernement sont défavorables.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 148 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La République assure, dans le respect de la Constitution et de ses engagements internationaux, une politique migratoire et d’asile respectueuse de la dignité de la personne humaine. Elle garantit, dans le respect des lois, à tout étranger qui en exprime la volonté, et quelle que soit sa condition, le droit de s’établir en France avec sa famille et de s’intégrer à la communauté nationale.

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Nous venons de rappeler en défendant la motion tendant au renvoi à la commission les raisons qui fondent, pour la majorité des membres de notre groupe, notre opposition à ce texte. La transposition des trois directives communautaires, déjà largement évoquée, n’est qu’un prétexte pour renforcer la suspicion qui frappe les étrangers.

Le combat politique pour la dignité étant de ceux qui valent toujours la peine d’être menés, le présent amendement vise à rappeler les principes qui devraient logiquement inspirer une politique migratoire respectueuse des valeurs qui honorent la République : « La République assure, dans le respect de la Constitution et de ses engagements internationaux, une politique migratoire et d’asile respectueuse de la dignité de la personne humaine. Elle garantit, dans le respect des lois, à tout étranger qui en exprime la volonté, et quelle que soit sa condition, le droit de s’établir en France avec sa famille et de s’intégrer à la communauté nationale. »

Ces deux phrases, courtes et simples, véhiculent les valeurs auxquelles nous sommes profondément attachés et que nous entendons rappeler tout au long des débats à venir : la tradition d’ouverture sur l’autre et d’accueil qui a construit notre nation ; le syncrétisme d’individus d’origines diverses dans le creuset républicain, que nous ne confondons pas avec la dissolution de la nation dans le communautarisme ; le devoir d’intégration qui oblige aussi bien ces individus que la communauté nationale dans sa capacité à respecter les différences ; et bien sûr, plus que tout, le respect intangible des droits fondamentaux de la personne humaine, à commencer par la dignité.

Je rappelle, comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, que nous ne sommes pas de ceux qui défendent l’idée que notre pays peut accueillir tout le monde dans n’importe quelles conditions. Notre Constitution, nos engagements internationaux et nos lois ont vocation à énoncer des droits, mais aussi à poser des limites légitimes aux flux migratoires.

À l’évidence, les limites posées par le présent texte outrepassent les principes que je viens de rappeler. Nous y reviendrons sans doute tout au long de la discussion des articles.

Cet amendement vise enfin à rappeler en filigrane que, à partir du moment où le sort de personnes est en jeu, les notions de performance ou de rentabilité, ou les chiffres, n’ont plus aucun sens, à l’opposé de la philosophie de ce projet de loi.

On nous répondra, j’imagine, que cet amendement est inutile au motif qu’il n’est pas normatif ou qu’il énonce des principes déjà pris en compte dans le projet de loi. Nous attendons impatiemment que nos débats fassent la démonstration éclatante que nous avons tort de nous inquiéter...

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’amendement n° 17 rectifié vise à énumérer les principes que la politique migratoire de la France devrait, selon ses auteurs, respecter.

Le rappel du respect de la dignité de la personne humaine est dénué de portée normative – c’est un point important – dans la mesure où cette exigence constitutionnelle s’impose au législateur comme au pouvoir réglementaire.

Ensuite, l’amendement vise à consacrer un droit et non une simple possibilité pour les étrangers de s’établir en France avec leur famille. Or, si le droit à mener une vie familiale normale fait d’ores et déjà l’objet d’une protection particulière, en revanche, aucune exigence constitutionnelle ni aucun engagement international n’imposent de consacrer un droit général à s’établir sur notre sol. Une telle consécration interdirait à l’État français de s’opposer, pour de justes motifs, à l’établissement d’un étranger sur son sol et lui ferait évidemment perdre la maîtrise de sa politique migratoire.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Cet amendement vise à énumérer les grands principes de la politique d’immigration, lesquels ont déjà été fixés en 2007, conformément aux engagements pris devant les Français par le Président de la République lors de son élection.

Ces principes ont été rappelés au début de nos débats. Ils sont connus, et je les rappellerai brièvement.

Premier principe, la France a le droit de choisir, comme tout pays au monde, ni plus ni moins, qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire.

Deuxième principe, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf situation particulière, notamment d’ordre humanitaire, politique, sanitaire ou sociale.

Troisième principe, un étranger qui est accueilli légalement sur notre territoire a pour l’essentiel les mêmes droits économiques et sociaux que les Français.

J’ajoute que le texte relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité n’est pas un projet de loi d’orientation. Son objet est non pas de fixer les grands principes de la politique d’immigration, mais de transposer trois directives européennes et de modifier les règles du contentieux des étrangers.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Avec cet amendement, nous retrouvons la discussion que nous avons eue hier avec M. le ministre de l’intérieur. C’est que nous sommes au cœur du débat : quelles sont les valeurs et les orientations profondes qui sous-tendent la politique de l’immigration ?

Et est-il meilleur endroit pour faire figurer ces grands principes et ces grandes orientations qu’en ouverture d’un texte dont l’examen va nous occuper pendant cinq ou six jours et qui traite de l’ensemble des questions relatives à l’immigration ? Non, et notre initiative est donc opportune ne serait-ce que sous cet angle-là.

Mais cet amendement serait de surcroît inutile et dénué de portée normative.

Monsieur le ministre, en vous écoutant j’ai compris que vous aviez une approche négative de l’immigration. Vous affirmez que la France ne peut pas accueillir tout le monde, en insistant sur les étrangers en situation irrégulière…

Mais ce n’est pas de cela que parle M. Collin ; son approche est positive. Il nous propose de préciser ce que doit être notre attitude envers les étrangers qui choisissent notre pays pour y résider « dans le respect des lois », pour reprendre la deuxième phrase de l’amendement.

Tout le monde s’accorde sur ce point ; aucun d’entre nous ne défend l’immigration clandestine !

Cet amendement vise uniquement les personnes de nationalité étrangère qui viennent en toute légalité s’établir en France souvent pour de nobles raisons. Ce sont des gens qui quittent des pays pauvres ou en grande difficulté et viennent chez nous pour travailler, souvent durement, dans les conditions que vous connaissez, afin de nourrir leur famille, restée au pays. De telles motivations morales et économiques sont respectables.

Ce ne sont pas des « gangsters » ; ce sont des personnes qui ont le droit d’être accueillies dans la dignité et le respect des valeurs de République !

C’est pourquoi nous soutiendrons cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous voterons également cet amendement, car, à l’instar de ses auteurs, nous estimons qu’il est important de rappeler les principes devant guider l’attitude de la France envers les étrangers.

Monsieur le ministre, chers collègues, en refusant un tel amendement, vous manifestez votre conception de l’immigration : la méfiance est la règle et l’accueil, l’exception !

Cela dit, je trouve dans cette attitude la preuve d’une véritable schizophrénie ! En effet, vous vous intéressez beaucoup plus aux immigrés qu’à ces employeurs qui déclarent explicitement vouloir continuer à embaucher des travailleurs immigrés, soit du fait de la pénurie de nationaux pour occuper certains emplois, soit tout simplement pour exploiter ces personnes étrangères, en les payant moins. C’est donc bien un problème de conception de l’immigration qui est ici posé.

Quelles que soient les visées actuelles de l’exécutif, la représentation nationale s’honorerait, me semble-t-il, de réaffirmer un principe général d’humanité de la République à l’égard des étrangers !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Pour notre part, nous voterons contre cet amendement, et ce en dépit de son inspiration, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

… de la référence qui y est faite aux valeurs de la République et de notre volonté de ne pas manifester d’opposition de principe à toute forme d’immigration.

D’abord, la commission des lois, à laquelle je tiens à rendre hommage au nom de mon groupe, a fort bien travaillé sur le présent projet de loi, adoptant un certain nombre de modifications et formulant des propositions. Or insérer une telle disposition en préambule au présent projet de loi reviendrait à suggérer que la commission des lois n’a pas suffisamment travaillé.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Mes chers collègues, je ne me suis pas permis de vous interrompre. Je vous prie donc d’en faire autant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Par ailleurs, dans l’état actuel du monde, compte tenu des circonstances climatiques, géographiques, économiques et politiques que nous connaissons, la rédaction de cet amendement, où le « respect des lois » figure en début de paragraphe et non à la fin, pourrait être interprétée comme un appel à faire venir en France tous ceux qui, quelle que soit leur situation, aspirent à une vie meilleure. Or c’est quelque chose que l’opinion publique ne supporte pas !

C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à l’insertion d’une telle disposition dans le texte issu des travaux de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Nous voyons bien le débat dans lequel certains cherchent à nous enfermer.

Il y aurait, d’un côté, ceux qui feraient preuve de générosité envers le monde entier et seraient uniquement animés par les valeurs de la République et, de l’autre, ceux qui, en se prononçant contre cet amendement, seraient forcément des gens fermés aux autres et peu respectueux de nos valeurs fondamentales.

Franchement, je trouve cela insupportable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

De toute manière, ce n’est pas de cela qu’il s’agit !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

D’ailleurs, êtes- vous vraiment sincères lorsque vous tenez de tels propos !

Pouvez-vous véritablement soutenir que notre pays devrait faire droit à toutes les demandes, d’où qu’elles viennent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il y a des milliards d’habitants sur Terre. Nous savons que, pour des millions d’entre eux, peut-être même des centaines de millions, les conditions de vie sont particulièrement difficiles, voire impossibles ! Et, selon vous, toutes les personnes qui en font la demande devraient avoir le droit de venir s’installer en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce n’est pas ce qui figure dans l’amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. Mais si ! C’est bien de cela qu’il s’agit !

Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. La véritable question est de savoir si, au-delà de l’invocation de grands principes, nous avons les moyens et la possibilité matérielle d’accueillir toutes ces personnes.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, je vous prie de laisser l’orateur s’exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Avec vos bons sentiments, vous risquez, je le crains, de favoriser précisément ceux qui professent des thèses contraires aux valeurs républicaines.

Nous ne voterons donc pas cet amendement. Mais sachez que vous n’avez pas ici le monopole des valeurs de la République !

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En l’occurrence, il nous est demandé de nous prononcer sur un amendement, et non sur les arrière-pensées réelles ou supposées des uns et des autres !

D’ailleurs, nous connaissons vos intentions, chers collègues : MM. Fourcade et Dallier viennent de les rappeler. Vous avez l’intention de ne respecter ni la Constitution…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… ni la loi, y compris celle-là même qui sera issue de nos travaux.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Pour ce qui nous concerne, bien que ce texte ne nous convienne pas, nous allons cependant tenter, sans doute en vain, de l’amender, et ce dans le respect du texte lui-même !

Pour le moment, nous sommes invités à nous prononcer sur un amendement, et rien de plus. Vous pouvez donc continuer à agiter des épouvantails. Mais, sachez-le, d’autres qui les agitent encore mieux que vous en tireront aussi plus de bénéfices !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié tendant à insérer un article additionnel avant le titre Ier.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 149 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Titre IER

DISPOSITIONS RELATIVES À LA NATIONALITÉ ET À L’INTÉGRATION

Chapitre unique

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 272 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Cerisier-ben Guiga, Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 21-12 du code civil, après le mot : « simple », sont insérés les mots : « ou qui a été recueilli régulièrement en France en application d'une décision de recueil légal dont la kafala judiciaire, ».

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Depuis une disposition introduite par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, le mineur étranger recueilli et élevé en France par une personne de nationalité française ne peut solliciter la qualité de Français qu’à l’issue d’une période de cinq ans de résidence.

Une telle condition aggrave la situation des enfants recueillis par décision légale, puisque l’acquisition de la nationalité française est une condition de leur accès à l’adoption, et donc de la normalisation de leur statut.

En revanche, il n’existe aucun délai pour les enfants adoptés en la forme simple, ce qui accentue le caractère discriminant de ce délai pour les enfants recueillis par décision légale.

Pour toutes ces raisons, je vous propose d’adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 273 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Cerisier-ben Guiga, Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 21-12 du code civil, après le mot : « adopté », sont insérés les mots : « ou recueilli régulièrement en France en application d'une décision de recueil légal dont la kafala judiciaire, ».

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Il s’agit d’un amendement de conséquence par rapport à celui que je viens de présenter. Il concerne en effet la question de l’acquisition de la nationalité française par les enfants également recueillis par décision légale.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’amendement n° 272 rectifié, qui reprend une proposition formulée par le groupe de travail créé par le Médiateur de la République sur la reconnaissance juridique de la kafala, vise à supprimer la condition de résidence de cinq ans actuellement imposée aux enfants recueillis et élevés par une personne de nationalité française pour pouvoir réclamer la nationalité française.

L’amendement vise, notamment, le cas d’enfants recueillis dans le cadre d’une kafala de droit coranique. Il s’agit de la prise en charge de l’enfant orphelin par le « kafil » qui produit des effets équivalents à une tutelle ou à une délégation d’autorité parentale sans toutefois, ce point est important, aboutir à une adoption, interdite par le droit coranique.

Cependant, si la kafala produit bien en France des effets équivalents à ceux d’un recueil de l’enfant par l’intéressé, elle n’emporte aucun effet sur la filiation de l’enfant et du « kafil ».

Il n’y a, en conséquence, pas lieu de la traiter comme une adoption simple et de la faire bénéficier de la dispense de la condition de résidence. En effet, en l’absence de tout lien de filiation, la condition de résidence de cinq ans manifeste le lien que l’enfant a forgé avec le pays dans lequel il a été recueilli.

C'est la raison pour laquelle la commission des lois est défavorable à cet amendement et, par coordination, à l’amendement n° 273 rectifié.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Ces amendements visent à supprimer la condition de résidence de cinq ans pour les enfants régulièrement recueillis selon une décision de kafala judiciaire et qui souhaitent acquérir la nationalité française.

À la suite de M. le rapporteur, je rappelle que le droit civil français ne reconnaît pas la kafala comme une adoption simple. La kafala est une institution de droit coranique, sans équivalent dans notre droit, permettant de confier un enfant durant sa minorité à une famille musulmane qui assurera son éducation, sa protection et son entretien.

De plus, vous voudriez qu’une personne puisse faire acquérir la nationalité française à un mineur étranger né à l’étranger et recueilli en kafala en France sans durée de recueil de l’enfant avant son accès à la nationalité française.

En supprimant toute condition de durée de recueil, cet amendement rendrait l’accès à la nationalité française plus favorable à l’enfant né à l’étranger qu’à l’enfant né en France de parents étrangers, lequel ne pourra acquérir la nationalité française qu’à compter de l’âge de treize ans.

C’est pourquoi, d’ailleurs, le droit actuel subordonne la recevabilité des déclarations de nationalité française des enfants recueillis par des Français à une durée de résidence de cinq ans pour s’assurer de la réalité de l’intégration du mineur étranger qui acquiert la nationalité française.

Cette condition permet aussi de prévenir des abus ; sans la condition de durée, le mineur pourrait arriver en France à seize ou dix-sept ans, être éventuellement confié à l’aide sociale à l’enfance et, un an après, demander la nationalité.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 144, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 21-12 du code civil est ainsi modifié :

I. - Les 1° et 2 ° sont ainsi rédigés :

« 1° L'enfant qui est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;

« 2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État, soit par un étranger résidant en France depuis cinq ans au moins. »

II. - Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 3° L'enfant étranger régulièrement recueilli en France dont la loi personnelle ne connaît pas la rupture des liens juridiques de filiation et élevé par une personne de nationalité française ou confié à l'aide sociale à l'enfance. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des amendements précédents, même s’il est quelque peu différent.

Il vise à donner une nouvelle rédaction à l’article 21-12 du code civil afin de permettre aux enfants qui ont fait l’objet d’une adoption simple par une personne de nationalité française de demander, jusqu’à leur majorité, la qualité de Français.

D’une part, il conviendrait d’étendre cette possibilité aux enfants qui ont été élevés par un étranger vivant depuis au moins cinq ans en France.

D’autre part, nous souhaiterions permettre aux enfants recueillis en France sous un régime de kafala, ou régime de recueil légal en vigueur dans les pays de droit coranique qui ne donne pas droit à un lien de filiation, d’acquérir la nationalité française.

Nous avions déposé une proposition de loi en ce sens. Je précise que les enfants dont il s’agit ne peuvent être adoptés par des candidats à l’adoption de nationalité française. Or, dans les faits, ils sont d’ores et déjà recueillis par des couples français dans le cadre d’une kafala judiciaire.

Cette nouvelle formulation entend remédier à cette incohérence et aux difficultés que connaissent les couples souhaitant adopter des enfants d’origine maghrébine.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’avis est défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

Même si cet amendement présente une légère différence dans sa présentation avec les amendements n° 272 rectifié et 273 rectifié, le fond reste identique et les conséquences juridiques sont donc les mêmes.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement est quelque peu différent et se rapporte directement à un débat que nous avons déjà eu.

Lors de l’examen de la dernière loi sur l’adoption – j’ai oublié la date exacte, mais beaucoup de sénateurs présents aujourd'hui siégeaient déjà ici – le ministre de l’époque n’avait pas fait droit à l’une de nos propositions, tout à fait similaire. En revanche, il s’était engagé à mener une réflexion sur la façon de traiter la kafala en France.

Vous avez beau dire que la kafala n’est pas une adoption simple, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, concrètement, de la même chose.

Si les pouvoirs publics français ne peuvent statuer sur la façon dont les pays de droit coranique traitent les problèmes de l’adoption, ils peuvent cependant prendre des dispositions pour les droits des personnes concernées afin de se rapprocher de ce qui existe déjà dans notre pays en matière d’adoption simple.

Je m’en souviens donc très bien : le ministre de l’époque, probablement un garde des sceaux, avait reconnu qu’une réflexion sur le sujet était nécessaire. Depuis, il s’est écoulé un certain nombre d’années, mais, chaque fois que nous soulevons de nouveau le problème, bien réel, de ces enfants, élevés par des familles françaises ou par des personnes étrangères qui résident normalement sur le territoire français, vous nous dites qu’il faut réfléchir à la façon de trouver des équivalences pour la kafala. Or, lorsque nous sommes en situation, il se trouve que l’on n’a jamais encore assez réfléchi !

Allez-vous continuer longtemps à nous faire ce type de réponse ?

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

L’article 21-18 du code civil est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Pour l’étranger qui présente un parcours exceptionnel d’intégration, apprécié au regard des activités menées ou des actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportif. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Dès le premier article, les fondements du texte sont posés : vous désirez une immigration choisie de grands sportifs, de grands scientifiques, de grands lettrés, de grands décideurs. À ceux qui ont de l’argent, vous dites qu’ils peuvent venir en France, que nous nous mettrons en quatre pour les seconder dans leur démarche et les aider dans leur parcours. À l’inverse, vous dites à ceux qui sont pauvres, affamés et en danger dans leur pays de passer leur chemin, que notre pays ne peut « accueillir toute la misère du monde ».

Je cite à dessein Michel Rocard, car je sens que, dans ce débat vous allez, une énième fois, nous ressortir cette citation tronquée pour tenter de prouver que certains socialistes vous soutiennent.

Cette disposition est proprement choquante et, surtout, contre-productive. Vous vivez sur le mythe de la sélection. C’était l’immigration choisie. On pouvait faire son marché. Les mots changent, cela devient l’immigration professionnelle.

Il n’est rien de plus faux : si vous voulez des grands chercheurs, des êtres d’exception, vous devrez commencer par vous montrer aptes à accueillir correctement les étudiants étrangers.

M. le président de la commission des lois approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’histoire offre de nombreux exemples, à de multiples époques, de pays qui brillaient par le nombre de résidents étrangers cultivés qu’ils savaient accueillir.

Or, si on regarde précisément les choses, on constate que ce rayonnement était le fruit d’une réelle tolérance envers les étrangers, en général, et non seulement envers les plus distingués d’entre eux.

Les savants, les intellectuels, ne sont pas cyniques, ni sourds et aveugles à l’actualité. Avant de s’installer dans un pays, ils regardent avec attention sa politique migratoire et ses tendances sociales lourdes. Le Gouvernement, par ce projet de loi, tente de se rapprocher de l’électorat du Front national en multipliant les effets d’annonce. Croyez-vous que ce message soit de nature à construire une représentation positive de notre territoire chez les savants, les artistes et les grands décideurs que vous souhaitez attirer ? Rien n’est moins sûr.

En effet, ils auront plutôt tendance à croire, avec cette sixième loi, que la France se ferme peu à peu aux apports de la diversité, elle qui est pourtant une richesse pour tous.

Il faut cesser cette approche manichéenne, il faut arrêter d’opposer le bon grain et l’ivraie. Vous ne pourrez avoir l’un en rejetant l’autre, car l’immigration n’est pas aussi facilement sécable. Les flux sont généraux et le processus n’est pas sélectif au sens où vous l’entendez.

Si des personnalités aussi éminentes et talentueuses qu’Yves Montand, Edgar Morin, Amin Maalouf, Samuel Pisar, Marie Curie, Guillaume Apollinaire, Tahar Ben Jelloun, Émile Ajar et bien d’autres, ont choisi la France, c’est parce que notre pays était ouvert à tous, fraternel et ne faisait aucune distinction de talent.

Eux savent qu’il faut un certain talent pour être titulaire d’un doctorat et accepter de balayer la France, lorsque l’on est en danger dans son propre pays. Eux savent qu’il faut un certain talent pour, en étant professeur de médecine, accepter de faire des gardes de nuit. Eux savent que cette seule dignité vaut talent !

Au nom de ces talents silencieux, le groupe socialiste n’est pas favorable à des systèmes différenciés. Qu’elles soient ou non talentueuses, ces personnes souhaitent l’égal accès à la naturalisation pour s’ancrer définitivement dans notre pays et être simplement des citoyens.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 18 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 100 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 18 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Nous débutons avec l’examen de cet article le chapitre dans lequel on vise à remettre en cause les principes de notre droit de la nationalité.

L’article 1er prévoit de réduire la durée de condition de résidence nécessaire à la naturalisation de l’étranger présentant un « parcours exceptionnel d’intégration ». Cet article entérine donc le concept d’immigration choisie auquel nous nous étions déjà opposés en son temps, car il induit l’inégalité de traitement entre individus et l’appauvrissement des pays d’origine.

Surtout, cet article introduit une rupture d’égalité entre les étrangers résidant depuis une période donnée sur le territoire français et qui aspirent à acquérir la nationalité française.

Le droit à la naturalisation doit être apprécié sur des critères clairs, précis, objectifs et prévisibles, inhérents à la personne, à savoir le degré d’intégration dans notre pays. Or cet article permettrait à des individus de bénéficier d’un délai raccourci selon des critères essentiellement socio-économiques, qui valorisent, en particulier, la seule réussite sociale et non le degré global d’intégration dans la société.

Nous rejetons cette conception utilitariste de la naturalisation, qui revient à donner la priorité aux plus favorisés et à rejeter dans l’ombre ceux qui n’ont pas connu pareille fortune. Cet article creuse encore davantage les inégalités sociales en actant une inégalité juridique dont nous demandons la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 100.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je souscris aux propos tenus par Mme Khiari dans son intervention sur l’article 1er. La façon dont vous interprétez les données du problème me paraît terriblement orientée, monsieur le ministre.

Historiquement, les intellectuels sont venus exercer leurs talents en France – dans diverses professions, d’ailleurs –, parce que la France était un pays d’accueil ! Ainsi, certains chercheurs sont venus en France parce qu’ils pouvaient y poursuivre leurs travaux, ce qui leur était impossible dans leur propre pays.

Par la suite, vous avez voulu faire prévaloir la notion d’immigration choisie qui revient, au fond, à profiter des compétences des élites des pays pauvres, en les attirant en France tout en les payant moins bien que des Français ! Je me réfère à la situation des médecins hospitaliers étrangers, car l’injustice est flagrante : notre pays manque de médecins, il attire des médecins étrangers, mais les paie moins que des médecins français.

Nous ne pouvons donc pas partager cette conception qui consiste à profiter de la situation dans laquelle se trouvent les élites de pays moins favorisés.

Aujourd’hui, vous attirez notre attention sur la situation des étrangers présentant un « parcours exceptionnel d’intégration », qui se manifeste par des « actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportifs » – à la gloire de la France, évidemment ! Ces étrangers mériteraient donc d’obtenir la nationalité française plus facilement.

L’intégration à un pays, à une nation, ne suppose-t-elle pas un engagement qui dépasse la simple activité que l’on exerce ? Permettez-moi de vous rappeler les propos d’Ernest Renan, que vous aimez citer, selon lequel une nation réside dans « le consentement actuel, le désir de vivre ensemble » ; elle est « une grande solidarité » et crée une « conscience morale [qui] prouve sa force par le sacrifice qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté ».

Les auteurs de ce projet de loi, non contents d’introduire une distinction inadmissible en termes de droits, car fondée sur la nationalité des individus, introduisent également une distinction entre les étrangers qui pourraient être « nominés », parce que distingués par des prix littéraires ou scientifiques, des médailles olympiques ou d’autres exploits sportifs, et les autres.

Évidemment, ces autres qui, selon votre philosophie, ne sont pas, par définition, « méritants », auraient plutôt tendance à être assimilés à des délinquants potentiels, des gêneurs, des fauteurs de troubles…

Cette conception nous paraît extrêmement dangereuse. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ces deux amendements recueillent un avis défavorable, car ils sont totalement opposés à la position de la commission. En effet, celle-ci défend cet article parce qu’il constitue une avancée par rapport au droit positif, en ce qu’il facilitera l’acquisition de la nationalité française. La suppression de cette disposition représenterait un recul fort regrettable.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je pourrais me contenter de faire miens les arguments de M. le rapporteur. Je tiens simplement à rappeler que le raccourcissement de cinq ans à deux ans de la durée de résidence nécessaire pour obtenir la nationalité française existe déjà : cette possibilité est ainsi actuellement utilisée par les ministères de la défense et des affaires étrangères. Je ne reviendrai pas dans le détail sur cet aspect, car vous l’avez étudié en commission.

Il est aussi normal que la loi permette d’abréger ce délai, dans le cadre de « l’immigration réussie » – si vous me permettez l’expression –, de parcours exceptionnels dans le domaine civique ou dans ceux dont la liste vient d’être rappelée.

Il s’agit d’adresser un signe positif à des personnes qui résident déjà en France – il ne s’agit pas de les y faire venir, c’est un autre débat ! –, en raccourcissant la condition de résidence en raison de leur parcours d’intégration particulièrement réussi et qui mérite d’être reconnu.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous sommes résolument favorables à l’adoption de ces amendements !

Monsieur le ministre, le Gouvernement nous soumet un projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité en tête duquel il inscrit une conception totalement élitiste de l’immigration ! Or je crois que la France des droits de l’homme ne peut pas être une France élitiste.

La France des droits de l’homme est une France qui, dans le respect de sa Constitution et de ses lois, accueille tous les étrangers, quelles que soient leur condition, leur formation ou leur destination.

Cette conception élitiste est totalement discriminatoire, et très déplaisante, monsieur le ministre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat appelait à l’instant notre attention sur ces médecins étrangers que notre pays tente d’attirer. Et que faisons-nous, une fois que nous les avons attirés dans nos hôpitaux ? Nous envoyons Médecins sans frontières ou Médecins du monde dans les pays d’origine ! Voilà où nous en sommes : nos hôpitaux fonctionnent avec des médecins étrangers, dont la présence serait ô combien nécessaire dans leurs pays, alors que nous y envoyons des organisations non gouvernementales pour soigner les populations à bas prix. Et tout cela coûte très cher !

Cette conception élitiste de l’immigration ne peut donc véritablement pas être retenue.

En outre, je pense profondément que tous ces étrangers qui présentent un « parcours exceptionnel » devraient faire leurs preuves dans leurs pays plutôt que chez nous !

Les amendements ne sont pas adoptés.

L’article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 125, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 21-19 du même code est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« 8° L’enfant mineur resté étranger bien que l’un de ses parents ait acquis la nationalité française ;

« 9° Le conjoint et l’enfant majeur d’une personne qui acquiert ou a acquis la nationalité française ;

« 10° Le ressortissant ou ancien ressortissant des territoires et des États sur lesquels la France a exercé soit la souveraineté, soit un protectorat, un mandat ou une tutelle. »

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Nous souhaitons compléter l’article 1er, qui prévoit les exemptions de stage pour naturalisation.

La loi de 2006 est venue fortement réduire cette liste, pour ne plus y faire figurer que les étrangers ayant accompli des services militaires, ayant rendu des services exceptionnels à la France ou ayant le statut de réfugié. Les enfants et le conjoint d’une personne française sont, dès lors, exclus d’un accès facilité à la naturalisation, tout comme les ressortissants des anciennes colonies.

Notre amendement tend à rétablir la suppression de la condition de stage pour les enfants mineurs dont un parent a acquis la nationalité française, pour le conjoint et l’enfant majeur d’une personne qui a acquis la nationalité française, ainsi que pour les ressortissants des anciennes colonies françaises.

Il s’agit seulement d’offrir un accès facilité et légitime à la nationalité française à des personnes dont la situation familiale ou les anciennes relations politiques avec la France démontrent, par elles-mêmes, un lien avec notre pays et/ou une vocation à demeurer sur le sol français.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement tend à revenir sur la suppression, opérée par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, de trois cas de dispenses de stage. Or la situation actuelle ne présente pas de changements susceptibles de justifier une modification des dispositions en vigueur.

En effet, cette suppression, justifiée à l’époque, l’est encore aujourd’hui pour l’enfant mineur resté étranger bien que l’un de ses parents ait acquis la nationalité française : la seule raison pour laquelle l’enfant n’a pu bénéficier de l’effet collectif de l’acquisition de la nationalité française par son ascendant est qu’il ne résidait pas avec lui à ce moment-là. Ce défaut de résidence habituelle justifie que l’intéressé ne bénéficie pas de la dispense de stage.

Cette suppression est également justifiée pour le conjoint ou l’enfant majeur d’un étranger devenu français, car il n’est pas acquis que les intéressés séjournent effectivement en France ou aient un lien avéré avec la France. La condition de stage garde, dans ce cas, toute sa pertinence.

Enfin, cette suppression doit être maintenue pour les ressortissants ou anciens ressortissants de territoires ou d’États sur lesquels la France a exercé sa souveraineté ou un protectorat. En effet, les demandes de naturalisation concernaient le plus souvent des personnes âgées de moins de 50 ans, nées après l’indépendance de leur pays. Or le juge administratif faisait bénéficier les intéressés de cette dispense, alors même qu’il n’était pas acquis qu’ils aient eu un lien réel avec la France. C’est pourquoi ce cas de dispense a été supprimé en 2006.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. le rapporteur vient de développer les raisons pour lesquelles il semble difficile d’accepter d’émettre avis favorable sur cet amendement. Le Gouvernement exprime donc la même position : avis défavorable !

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 21-24 du même code est ainsi modifié :

1° A Après la deuxième occurrence du mot : « française », sont insérés les mots : «, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret, » ;

1° Sont ajoutés les mots : « ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République » ;

2° Il est ajouté un second alinéa ainsi rédigé :

« À l’issue du contrôle de son assimilation, l’intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d’État, rappelle les principes et valeurs essentiels de la République. »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Cet article 2 prévoit que le candidat à l’obtention de la nationalité française subit – c’est bien le mot ! – le contrôle de son assimilation.

Même si le code civil, depuis la loi du 26 novembre 2003, que nous n’avons pas votée, fait dépendre la naturalisation de « l’assimilation » à la communauté française, nous aurions préféré l’emploi du terme « intégration » - nous avons déposé un amendement en ce sens -, car ce terme figure dans le titre même du présent projet de loi.

Le mot « assimilation » revêt une connotation carnassière. Alors que, dans le monde entier, les hommes sont de plus en plus en quête de leurs racines, en invoquant la notion d’assimilation vous allez dans le sens d’un effacement du passé, d’une perte des repères ; vous niez le droit à la diversité qui fait la richesse et le rayonnement d’une nation, son ouverture sur le reste du monde.

Ce repli, ce « racornissement » du Gouvernement et de ceux qui le soutiennent, explique comment ils ont pu ne rien comprendre aux récents événements du monde arabe, à commencer par ceux de Tunisie.

Le même article 2 prévoit la création d’une charte qui devra être signée par les personnes souhaitant être naturalisées.

Pour réduire le risque de discrimination, la commission des lois du Sénat a prévu, par un amendement à l’article 3, que tous les jeunes se verraient remettre cette charte des droits et devoirs dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté.

Mais, lorsque vous prévoyez pour la définition du contenu de cette charte un simple décret en Conseil d’État, vous faites fi d’une compétence essentielle du Parlement. Je vous renvoie à l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles […] concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».

Vous remarquerez d’ailleurs que l’affirmation des droits civiques et des garanties fondamentales suffit à inclure, dans l’esprit du constituant et des pères fondateurs de la République, les devoirs. La formulation « droits civiques », avec tout ce qu’elle inclut, a bien plus de force et de prestige que tous les compléments et les arguties juridiques moralisantes dont on l’affuble aujourd’hui.

L’article 2, dans le fond, est un véritable lever de rideau avant le déroulement du reste du projet de loi, marqué par la confusion et par la perversité de ses insinuations. À vous lire en creux, l’immigré, l’étranger, serait porteur de toutes les menaces contre la sécurité – il menace en effet particulièrement, même lorsqu’il a acquis la nationalité française, les policiers et les magistrats ! – ; il représente un risque pour l’équilibre de la sécurité sociale ; il peut même provoquer le chômage. Et j’en passe.

Il faut donc faire peur. Nous sommes loin de l’époque où Bernard Stasi écrivait un petit livre percutant, L’Immigration : une chance pour la France !

Alors que vous brandissez l’emblème de l’assimilation, regardez les résultats de votre politique : de nombreux immigrés en sont réduits à vivre dans de véritables ghettos !

Les ghettos… Ce serait donc cela, l’assimilation ?

Et vous vous étonnez que, comme l’a très bien démontré Mme Bariza Khiari, l’immigration dite choisie, que vous prônez, ait si peu de résultats. Vous faites régner un tel climat et vous multipliez à ce point les embûches administratives que les étudiants et les chercheurs dans les domaines scientifiques préfèrent aujourd’hui se tourner vers des universités canadiennes et américaines. Vous voyez bien le déclin qui en résulte pour notre pays.

Il serait temps d’avoir le courage de renverser la logique en adoptant – oui, monsieur Fourcade – une politique d’accueil des immigrés, et non de refoulement, quand l’économie de marché, de plus en plus prédatrice, ruine chez eux toute chance de vivre décemment et d’avoir un avenir.

Pour reprendre une formule de Michel Rocard que vous aimez à tronquer, oui, la France doit prendre sa part de la misère du monde, même si elle ne peut pas à elle seule – mais l’Europe pourrait aussi être présente… – accueillir toute cette misère !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le principe, pourquoi pas une charte des droits et devoirs du citoyen ? Après tout, on peut demander à un étranger de connaître nos valeurs et d’y adhérer avant de rejoindre la communauté nationale ; je pense notamment au principe de laïcité, qui est la matrice de nos identités plurielles.

Le dispositif que nous examinons aujourd’hui fait tout de même un peu fantaisiste, au sens où j’aimerais bien savoir comment nous allons vérifier que l’étranger adhère réellement à ces valeurs. Une commission sera-t-elle nommée à chaque fois pour vérifier la validité et la sincérité de cette adhésion ? Va-t-on faire passer des tests pratiques au candidat ? S’il échoue, cela remet-il en cause sa sincérité ?

Autant de questions auxquelles nous aimerions bien recevoir des réponses.

Plus sérieusement encore, un point me préoccupe en tant que législatrice. En effet, cette charte semble être définie comme porteuse des valeurs fondamentales de la République, et nous n’avons même pas pu la voir. Existe-t-elle ? Si oui, quelles valeurs ont été retenues ? Pouvez-vous nous informer sur ce point, monsieur le ministre ? J’ai en effet l’impression que cette charte n’est pas prête…

Vous nous demanderiez donc de donner notre blanc-seing à un texte dont nous ne connaissons pas le contenu. Tel est bien le problème : nous ne saurions vous autoriser à rédiger cette charte comme vous l’entendez. Nous ne pouvons accepter qu’un texte censé exposer aux étrangers les fondements de notre pays, nos valeurs les plus importantes, soit le fruit des réflexions d’un cénacle obscur.

La plus grande transparence doit présider à la rédaction de cette charte et je trouverais même normal que celle-ci figure en annexe au présent projet de loi.

Surtout, la notion d’assimilation, qui fonderait cette charte, me heurte considérablement et, à ce stade de mon intervention, je voudrais ajouter un mot plus personnel.

Je veux pouvoir dire, comme Raymond Aron, que je suis Française, citoyenne française et restée en fidélité avec la tradition qui m’a portée.

La notion d’assimilation est pour moi la négation du respect de mon propre héritage culturel, et vous savez bien qu’en favorisant les situations de rupture entre l’individu et son héritage culturel, on fabrique des clients pour les psychanalystes.

Comme le rappelle, à juste titre, une pétition signée par des dizaines de milliers de Français, il est temps de faire des citoyens en respectant les identités plurielles. L’introduction de la notion d’assimilation, c’est la négation symbolique de la diversité culturelle de la Nation. Nous ne pouvons l’accepter.

Enfin, la volonté de contrôler la pensée de personnes qui souhaitent s’intégrer dénature le processus de naturalisation. Elle est même dangereuse.

Parce que la notion d’assimilation – je le répète avec force – est la négation d’un héritage et sous-tend une rupture avec une part d’identité, le groupe socialiste demande que cette charte soit validée par le Parlement et qu’un consensus se forme quant à son contenu.

En effet, mes chers collègues, c’est par les mots que tout commence. Ils ont souvent été le préalable aux horreurs qu’a vécues notre Europe. C’est pourquoi nous souhaitons connaître le contenu de cette charte.

Cela motivera notre vote sur l’article 2 du projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce débat révèle tout d’abord les obstacles, toujours plus hauts, qui sont placés dans le processus de naturalisation.

Dans la logique même de la politique de la majorité, établissant des distinctions y compris dans les droits attachés à la citoyenneté – par exemple, le droit de vote aux élections locales ou nationales des étrangers en situation régulière en France –, il y a un problème.

La majorité estime qu’un étranger résidant en France doit être naturalisé s’il souhaite pouvoir exercer des droits civiques et elle ne cesse, à chaque fois qu’elle est au pouvoir – cela fait maintenant dix ans qu’elle y est –, de limiter, de conditionner, de rendre plus difficile cette acquisition de la nationalité.

Au fond, monsieur le ministre, votre doctrine est claire et vous aurez du mal, sur ces bases, non seulement à permettre les naturalisations, mais aussi à créer une dynamique de société en faveur de l’intégration des étrangers vivant sur notre sol et en faveur du « vivre ensemble ».

Quel que soit le sens que vous voulez lui donner, l’assimilation est une notion à laquelle nous devons réellement réfléchir.

Au xixe siècle, peut-être avec de bonnes intentions, on est allé coloniser un certain nombre de territoires, en prétendant assimiler et apporter la véritable civilisation. Au début du siècle dernier, on partageait toujours cette même conception, tout en étant profondément attaché à la République… Aujourd’hui, il faut bien constater que, à un moment donné, quelque chose n’a pas fonctionné !

L’identité de la République, de la Nation s’est constituée autour des gigantesques vagues d’immigration qui se succèdent depuis le milieu du xixe siècle et des apports de cultures différentes. Européennes au début, celles-ci ont ensuite été principalement méditerranéennes et sont maintenant de toutes origines, notamment asiatique.

Le terme « assimilation » nous renvoie précisément à l’idée d’une culture unique, et n’a donc rien à voir avec le contrat social. Or, respectant en cela la tradition de la République, nous sommes favorables à l’intégration par le contrat social.

J’ai demandé la parole, mes chers collègues, afin de partager avec vous cette citation d’Amin Maalouf, qui, d’une certaine façon, explique comment peut fonctionner une société et combat, sans prononcer le mot, l’assimilation. L’auteur écrit : « De la même manière, les sociétés devraient assumer, elles aussi, les appartenances multiples qui ont forgé leur identité à travers l’histoire, et qui la cisèlent encore ; elles devraient faire l’effort de montrer, à travers des symboles visibles, qu’elles assument leur diversité, afin que chacun puisse s’identifier à ce qu’il voit autour de lui, que chacun puisse se reconnaître dans l’image du pays où il vit, et se sente encouragé à s’y impliquer plutôt que de demeurer, comme c’est trop souvent le cas, un spectateur inquiet, et quelque fois hostile. »

Ce propos traduit la situation telle que nous la vivons aujourd’hui. Vous pouvez regretter, monsieur le ministre, qu’on ne chante pas La Marseillaise lors de certains événements ou que l’on ne soit pas enthousiaste à l’idée de porter le drapeau français, alors que l’on vit en France. Mais la société doit envoyer des signes au lieu de demander systématiquement à l’individu de faire ses preuves, de montrer patte blanche.

Si, en tant que législateurs, nous légiférons pour la société, pour favoriser l’intégration et l’adhésion à la République, il nous faut, sans frilosité, avec audace, réfléchir aux signes que nous devons envoyer par la législation que nous élaborons.

Ni assimilation ni communautarisme à l’anglo-saxonne ! Ces deux modèles ont échoué. Le communautarisme à l’anglo-saxonne, c’est faire en sorte que des communautés vivent côte à côte, sans se mélanger. L’assimilation, c’est croire que l’on peut fondre tout le monde dans un même moule mythique. Entre les deux, il y a le contrat social, le « vivre ensemble », la République laïque et sociale. C’est notre projet !

Mme Bariza Khiari applaudit.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Au-delà des déclamations, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir au sujet.

À entendre certains d’entre vous, la France serait un pays opposé aux naturalisations et à l’accueil de nouveaux Français sur son territoire.

Je voudrais donc rappeler, notamment à l’attention des orateurs qui viennent de s’exprimer, que nous accueillons tous les ans environ 130 000 nouveaux Français et que, sur cette population, environ 90 000 personnes acquièrent la nationalité française par naturalisation.

Je vais donner des chiffres plus précis pour que la situation soit claire : il y a eu 36 000 naturalisations en 1995, 50 000 en 1996, 53 000 en 1997, 68 000 en 2000 et, en 2009, nous en enregistrions exactement 84 730.

Le phénomène n’est donc pas du tout accessoire ou marginal, la France ayant mis en place, dans ce domaine, des dispositifs à l’efficacité reconnue.

Nous constatons simplement que, bien que connaissant notre langue et nos institutions, certains postulants à la nationalité française n’adhèrent pas réellement ou totalement aux valeurs et aux droits conférés par la nationalité française. Ce n’est pas rien !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Les électeurs du Front national y adhèrent-ils ?

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Permettez-moi de dire que, pour les postulants, acquérir cette nationalité française n’a rien d’un geste anodin et que disposer d’une charte à laquelle se référer n’est pas neutre.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Les situations de non-adhésion aux valeurs s’observent notamment à l’occasion des procédures engagées dans le cadre des décrets d’opposition à l’acquisition de nationalité par déclaration de mariage ou de retrait de la nationalité acquise par naturalisation. Dans ces cas, les postulants s’inscrivent davantage dans une démarche personnelle de facilitation administrative que dans un processus d’intégration à la communauté nationale.

Dans quelle situation nous trouvons-nous ? Actuellement, le droit limite l’appréciation de l’assimilation du postulant à la nationalité française à la seule connaissance des droits et devoirs du citoyen français.

Le projet de loi tend à rendre obligatoire le recueil de l’adhésion du postulant à la nationalité française par la signature d’une charte des droits et devoirs du citoyen. La signature de cette charte, dont le refus sera sanctionné par l’irrecevabilité de la demande de naturalisation, matérialise l’adhésion du postulant aux valeurs de notre pays, en rappelant les principes et valeurs essentiels de la République.

À cet égard, je voudrais répondre aux questions très précises de Mme Bariza Khiari. Comment le dispositif sera-t-il mis en œuvre ? Qui rédigera la charte ?

Au-delà de l’engagement pris, la charte n’aura pas d’effet ultérieur, ce qui signifie qu’il n’est pas prévu qu’elle puisse être opposable une fois la naturalisation obtenue.

Autre précision, le document rappellera les principes et valeurs essentiels de la République. Enfin, son élaboration pourra être confiée à une commission comprenant des parlementaires, assistés d’historiens, de chercheurs et de juristes. Un décret pris après avis du Conseil d’État en fixerait le contenu définitif.

Le Parlement sera donc associé à la rédaction de cette charte. Nous souhaitons qu’il puisse avoir toute sa place dans ce travail, assisté, comme je l’ai déjà indiqué, d’historiens, de chercheurs et de juristes.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter avant que nous abordions l’examen des amendements déposés sur cet article, tel qu’il est issu des travaux de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

L'amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 102 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement vise à supprimer l’article 2 du projet de loi, qui renforce le pouvoir réglementaire en matière de contrôle de l’assimilation des nouveaux Français et crée une charte des droits et devoirs du citoyen français dépendant entièrement du pouvoir réglementaire.

D’une part, le Parlement ne dispose d’aucun regard sur le contenu de cette charte, qui prévoit un contrôle de l’assimilation des nouveaux Français par naturalisation – d’ailleurs, nous ne connaissons pas les critères retenus pour cette prétendue assimilation ! –, ni sur les conséquences en cas de non-respect de celle-ci.

D’autre part, en réactivant ce concept d’assimilation qui rappelle une époque révolue du code civil durant laquelle on parlait aussi de « citoyens de second collège », nous assistons à une négation symbolique de la diversité culturelle de la Nation. Le Gouvernement aurait pu lui préférer la notion d’intégration, présente d’ailleurs dans l’intitulé du projet de loi, ou celle d’insertion, qui lui ont été progressivement substituées, notions qui ouvrent non seulement à la nationalité, mais aussi à la diversité.

Il est donc proposé au législateur d’ajouter une condition contractuelle obligatoire sans que le Parlement puisse contrôler la nature de ce contrat, le contenu étant, je le répète, totalement mystérieux, à l’instar des critères, d’ailleurs, qui sont laissés à la subjectivité de l’agent instructeur de la préfecture. En fait, c’est cet agent qui in fine décidera ou non de la naturalisation !

Ainsi, le pouvoir de contrôle des décisions de naturalisation sera totalement anéanti, puisque les juridictions seront tenues par la loi et le décret. En outre, il suffira à l’administration de considérer que le candidat n’a pas adhéré à la charte pour que la décision de naturalisation réponde à cette condition de motivation. Ce pouvoir arbitraire est tout à fait inacceptable dans un État de droit.

J’en profite pour appeler les deux assemblées à réfléchir davantage sur la notion de citoyenneté, une notion qui doit évoluer au regard d’une citoyenneté de résidence, qui constituerait une réponse en faveur de l’égalité des droits, notamment des droits politiques, et ce dans le respect de la diversité. Ainsi, de nombreux problèmes pourraient être réglés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Cet article est l’une des rares traductions des propositions formulées à l’issue du séminaire gouvernemental du 8 février 2010, qui était censé clore le sinistre débat sur l’identité nationale. Il institue, entre autres, une charte des droits et devoirs du citoyen français que l’étranger en voie de naturalisation devra signer à l’issue du contrôle de son « assimilation ».

Avec cette charte, nous nous situons bien sûr sur le plan du symbole, mais il s’agit d’un symbole dont l’utilité n’a guère de sens dès lors que la naturalisation relève avant tout de l’intégration de l’individu dans notre société et de son adhésion aux principes qui en font l’essence et la vitalité.

Par définition, l’étranger qui réussit son intégration et satisfait aux conditions de naturalisation n’a pas besoin, nous semble-t-il, d’un énième document réitératif. Cette charte est donc superfétatoire.

Sur le plan juridique, nous nous interrogeons sur la nature de cette charte. Faut-il la considérer comme une condition contractuelle préalable obligatoire ? La naturalisation relèverait alors d’un contrat entre l’État et un individu. Nous sommes plus que perplexes, a fortiori quand la rédaction de cet article laisse toute latitude à l’administration pour apprécier l’adhésion à la charte de l’étranger, ou sa non-adhésion, et donc sa condition de motivation.

De plus, la conception de cette charte est renvoyée au pouvoir réglementaire. En principe, il revient au minimum au législateur de pouvoir exercer sa compétence sur un élément conditionnant l’accès à la nationalité. Il ne nous semble pas acceptable de nous en remettre au pouvoir réglementaire, dont nous avons récemment évoqué le manque de diligence à prendre les textes d’application des lois dans des délais raisonnables.

Pour ce qui nous concerne, nous ne souhaitons pas alourdir la charge des services du ministère de l’intérieur. Aussi, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 102.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Cet article modifie les conditions requises pour obtenir une naturalisation.

Actuellement, il faut avoir une connaissance suffisante de la langue française ainsi que des droits et devoirs conférés par la nationalité.

Le niveau de connaissance en français était jusqu’à présent évalué lors d’un entretien individuel mené de manière totalement subjective, puisqu’il n’était fondé sur aucun critère. Il sera désormais réalisé en fonction de critères fixés par décret.

Si cette évaluation peut sembler plus objective, une grande incertitude plane sur les critères retenus, qui doivent s’apprécier au regard des conditions socio-économiques et culturelles de la personne en question.

De plus, cette certification aura un coût - les services du ministère l’évaluent entre 100 euros et 230 euros -, qui sera supporté par l’étranger, alors que la somme, vous en conviendrez, est loin d’être négligeable.

Enfin, est introduite une nouvelle condition d’assimilation, notion ô combien colonialiste, sur laquelle j’ai cru comprendre que M. le ministre de l’intérieur lui-même demeurait sceptique.

Vous prévoyez la signature d’une charte des droits et devoirs du citoyen qui rappellerait les valeurs essentielles de la République, mais le débat qui vient de s’instaurer montre combien tout cela demeure, au fond, extrêmement vague.

Je reste opposée à la définition de « critères » d’évaluation d’une assimilation, notamment lorsqu’il s’agit des « droits et devoirs » du citoyen français et des « valeurs de la République », car ils sont nombreux et multiples. Réduits à quelques-uns, ils « essentialisent » les droits français et les opposent aux autres, ceux de l’étranger, barbare par essence, que l’on enferme dans une vision du droit aussi erronée que régressive ; le débat sur la polygamie en a fourni la malheureuse illustration.

Nous pourrions avoir de longs débats sur ce que sont les valeurs de la République. En effet, parce qu’elles portent et reflètent une vision du monde, une vision politique de la France, elles ne sont pas neutres.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je refuse cet article, qui ne fait qu’entériner des critères subjectifs tendant à durcir encore une fois les conditions de naturalisation. C’est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ces trois amendements identiques visent à supprimer l’article 2 du projet de loi, mais pour des raisons différentes. Aussi, j’expliquerai sur chacun d’eux les raisons de l’avis défavorable de la commission.

L’amendement n° 8 est motivé par le refus du terme « assimilation » pour définir la façon dont le candidat à la naturalisation s’est intégré et acculturé à la société française.

Pourtant, il s’agit du terme de référence employé par le code civil aux articles 21-4, 21-24 et 21-25. Il ajoute à la notion d’intégration dans la société française l’idée d’une adhésion active à certaines valeurs communes qui traduisent l’assimilation de l’intéressé à la communauté française, dans le respect toutefois de ses différences culturelles.

L’interprétation n’est donc pas neutre.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Au sens propre, l’assimilation est le fait de devenir semblable au citoyen d’un pays. Cette similitude n’est cependant pas un arasement des différences dans la mesure où la société française est une société pluraliste, la République assurant, aux termes de l’article 1er de la Constitution, l’égalité de tous devant la loi, sans distinction d’origine, de race ou de religion, et respectant toutes les croyances.

Cette assimilation à la société française est la condition requise pour acquérir la nationalité.

Quant à l’intégration à la société française, elle est prise en compte pour autoriser l’étranger qui ne souhaite pas forcément acquérir la nationalité française à se maintenir durablement sur notre territoire.

Dans ce cadre, l’assimilation s’appréciera notamment au degré de maîtrise de la langue et à l’adhésion aux valeurs communes, dont rend compte la signature de la charte créée par le présent article.

L’amendement n° 19 rectifié est motivé par l’opposition de ses auteurs à l’élaboration, par le pouvoir réglementaire et non par le législateur, de la charte des droits et devoirs du citoyen français.

Cette charte n’a, il faut le rappeler, aucune valeur normative et ne relève pas, pour cette raison, de la compétence du législateur. Il s’agit seulement ici de rassembler dans un document les principes et valeurs de la République française sur lesquelles tous s’accordent : la dignité de la personne humaine, l’égalité de tous devant la loi, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Le fait qu’elle soit adoptée par décret en Conseil d’État nous paraît suffisant.

En revanche, pour éviter toute contestation et permettre, le cas échéant, l’organisation d’un débat parlementaire, il pourrait être utile que M. le ministre s’engage à transmettre le texte qu’il envisage aux deux assemblées afin que les parlementaires aient la possibilité, s’ils le souhaitent, de présenter une question orale avec débat ou déposer une proposition de résolution sur ce sujet. Je rappelle que M. Besson s’y était engagé devant l'Assemblée nationale.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Enfin, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de l’amendement n° 102, la signature de la charte des droits et devoirs du citoyen français ne constitue ni un obstacle supplémentaire pour l’acquisition de la nationalité française ni une négation de la diversité culturelle.

La signature de la charte vise uniquement à demander au candidat à la naturalisation de manifester par écrit son adhésion aux valeurs essentielles qui fondent notre société. Il s’agit d’une formalité très légère, mais à forte portée symbolique dans la mesure où le sens de l’écrit n’est pas tout à fait le même que celui de l’oral !

Concernant la négation alléguée de la diversité française, il suffit de relire les dispositions de l’article 1er de notre Constitution pour voir qu’il y a, au fondement de notre République, la diversité culturelle et que la condition d’assimilation n’impose aucunement un arasement des différences culturelles, au contraire !

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques de suppression.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je pourrais tout simplement vous renvoyer, mesdames, messieurs les sénateurs, aux arguments qui viennent d’être développés par M. le rapporteur, car ils sont pertinents et leur portée est si large que chacun d’entre vous pourra y trouver son compte. Mais j’aimerais revenir sur le terme d’« assimilation ».

Je rappelle que la notion d’assimilation, qui est présente dans le code civil, ne soulève aucune difficulté d’ordre juridique, et le Conseil d’État l’a rappelé récemment !

Par ailleurs, Patrick Weil, spécialiste de la question – de nombreux auteurs ont été cités ce matin ! – et que vous ne pouvez soupçonner d’être proche du Gouvernement, déclarait à un quotidien le 27 septembre 2010 qu’un étranger qui demande la nationalité française demande son assimilation non pas du point de vue de ce qu’il mange, de la manière dont il s’habille ou de sa religion.

Pour Patrick Weil, il ne faut pas avoir peur du mot « assimilation » et le rejeter, car cette notion existe dans tous les pays d’immigration et ne concerne que certains aspects de la vie. Il conclut son propos par ces mots : « Ce n’est donc pas une dilution de l’identité. »

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Ainsi que l’a souligné M. le rapporteur, le contrôle de l’assimilation est prévu par le code civil dans les articles 21-4, 21-24 et 21-25, et il est normalement pratiqué sans que cela empêche de nombreuses personnes d’acquérir, chaque année, la nationalité française ; je vous ai communiqué les chiffres tout à l'heure.

Pour conclure, permettez-moi de préciser que l’assimilation se définit souvent, aujourd'hui, par défaut, dans le cadre des règles d’opposition à déclaration. À cet égard, je rappelle que les principaux motifs d’opposition à déclaration sont, il importe de le savoir, la polygamie, le militantisme extrémiste et le refus de la laïcité.

Eu égard à ces motifs de refus, nous avons le droit de demander aujourd'hui un engagement.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements identiques de suppression.

M. Pierre Hérisson applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté, mais je ne suis absolument pas d’accord avec vous.

Le terme « assimilation » me fait penser à un boisseau d’où rien ne doit dépasser ! Il rappelle la politique de Napoléon III en Algérie dans les années 1850, et on en connaît le résultat !

Est-on sûr que tous les Français de France sont « assimilés » au sens où ils adhèrent à la République et à la Constitution ?

Quid de ceux qui prônent l’autonomie de leur province ?

Quid de ceux qui continuent à parler leur langue régionale, notamment dans votre région, monsieur le ministre ?

Quid de tous ceux qui, ici ou là, ne sont pas d’accord avec le principe de laïcité ?

Quid d’un président de conseil général qui a pris pour emblème de son département celui des Chouans, c'est-à-dire un emblème totalement antirépublicain ?

Lorsque l’on sillonne les routes du département de la Vendée, on est confondu de se retrouver à l’ère des Chouans, qui voulaient abattre la République !

Les « bons » Français de France, ceux qui ne sont pas basanés et ne sont pas venus par hasard dans notre pays, sont-ils vraiment « assimilés » au regard de la Constitution française ? Je n’en suis pas certain, monsieur le ministre ! Vous-même, étant d’une région où l’assimilation à la République française fut assez compliquée et même conflictuelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. … vous devriez le savoir !

Mme Bariza Khiari applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Selon moi, d’un point de vue sémantique, le terme d’« assimilation » renvoie plutôt à un clonage ou à un formatage des esprits ou des individus, et me paraît donc particulièrement dangereux.

Au demeurant, je souhaite revenir sur un autre point, monsieur le ministre.

Dans son rapport, M. François-Noël Buffet lui-même rappelle les propos tenus par M. Besson à propos de la charte. Celui-ci prévoyait en effet que ce texte serait présenté aux députés – et, je l’imagine, aux sénateurs –, puis transmis à la commission des lois et, le cas échéant, amendé. Comme vous pouvez le constater, M. Besson allait un tout petit peu plus loin que vous.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Mais non, c’est le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Dans ces conditions, pouvez-vous nous assurer que cette charte nous sera soumise et qu’il nous sera possible de l’amender ?

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le rapporteur, pour apporter la preuve que nous vous faisions un mauvais procès, vous avez été jusqu’à nous donner une définition de l’assimilation.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Soit ! Toutefois, le code civil est rédigé en langue française, et les termes qu’il utilise possèdent une définition dans le dictionnaire. Pour éclairer nos débats, je me permets donc de vous rappeler la définition, d’une clarté limpide, proposée par Le Petit Robert pour ce terme.

Il s’agit d’un « processus par lequel les êtres organisés transforment en leur propre substance les matières qu’ils absorbent ». On ne peut pas mieux dire !

Protestations au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Or notre conception de la République est radicalement différente. Nous pensons en effet que les individus, apportant leur propre substance au corps social initial, le transforment par un constant métissage. C’est ce processus qui a façonné la nation et la culture françaises, si bien que celles-ci sont différentes de ce qu’elles étaient voilà deux siècles, voilà dix siècles. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’agit d’une culture riche et toujours vivante.

Cessez donc de considérer la Nation et la République les yeux dans le rétroviseur ! Soyez optimistes, et allons de l’avant ! Au demeurant, notre demande étant des plus simples, vous ne pourrez pas toujours tourner autour du pot !

Certes, ce sont souvent les municipalités de gauche qui ont organisé des cérémonies d’accès à la nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Dès 1995, je m’étonnais que tous les jeunes gens accédant à la nationalité ne soient pas accueillis en mairie, dans le cadre d’une cérémonie qui les conforte dans leur choix. Il s’agissait de leur remettre un document, comportant notamment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous faisions tout cela.

Aujourd’hui, vous proposez d’instaurer une charte qui ne sera pas élaborée ici. Pourtant, les questions que ce document soulève font l’objet d’un véritable désaccord.

Les valeurs de la République ? De nombreux Français, dont personne ne remet en cause la nationalité, manifestent régulièrement contre !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Même l’UMP le reconnaît, le Front national, qui représente une part importante de la population française, est un parti antirépublicain !

Quel est donc cet examen que vous voulez faire passer à ceux qui veulent être naturalisés ?

Pouvez-vous nous garantir, monsieur le ministre, que cette charte sera annexée au projet de loi et examinée par le Parlement ? Si tel n’était pas le cas, l’adoption de cet article reviendrait à signer un chèque en blanc au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

J’en reviens au fond du débat.

L’utilisation que vous faites du terme d’« intégration » me gêne. Dans votre bouche, il ne concerne en effet que les immigrés qui poseraient problème, puisque l’intégration des Français « de souche » n’est jamais remise en cause, même quand ils commettent des délits.

M. le ministre et M. le président de la commission des lois protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Déjà, en matière d’intégration, il y a vraiment deux poids, deux mesures.

Pour moi, être intégré, c’est se sentir bien dans la société où l’on vit, y avoir une place, sur le plan social comme sur le plan économique. Or force est de constater que des millions de nos concitoyens ne se voient pas aujourd’hui accorder une telle place, tant il est vrai que vos discours et vos actes sont contraires à vos prétendues ambitions d’intégration.

Sur le terme d’« assimilation », je partage la plupart des analyses qui viennent d’être faites, notamment s’agissant des relents colonialistes de la notion.

Je compléterai les propos de David Assouline, qui citait tout à l’heure Le Petit Robert. Selon ce même dictionnaire, assimiler, c’est aussi rendre semblable. Or au nom de quoi un étranger devrait-il être semblable ? Et à qui ? Au « bon Français » ? Mais qui est-ce, ce « bon Français » ?

Au demeurant, M. Patrick Weil dit ce qu’il veut ! En la matière, il n’a pas la parole divine et je ne suis pas toujours d’accord avec lui.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cessez de vous cacher, pour masquer vos échecs, derrière des mots que je considère comme violents ! Arrêtez de construire ces usines à gaz dont nous ne connaissons même pas les finalités ! Acceptez de discuter ici pleinement de vos propositions !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

En tant qu’immigrée de troisième génération, ce débat sur l’assimilation me met assez mal à l’aise.

Dans ma famille, cette assimilation ne nous a pas posé le moindre problème. Grâce à l’existence, dans la société, d’un certain nombre de structures, elle s’est faite naturellement, ce qui ne nous a pas empêchés de conserver notre identité.

Je rappelle en effet que l’école républicaine a permis à des générations d’enfants issus de l’immigration de devenir des Français respectant la loi et traversant « dans les clous ». Ils savaient qui ils étaient et comment ils devaient se comporter à l’égard de la société.

Or, aujourd’hui, nous sommes confrontés à un certain nombre de difficultés. Parallèlement, les structures sociales et éducatives, l’encadrement ne sont plus tout à fait les mêmes.

C’est vers l’éducation civique et le respect de la différence que nous devrions orienter notre action plus que vers des mesures de plus en plus répressives visant à encadrer l’individu. Le respect de la différence constitue en effet l’une des richesses de notre République.

La notion de « preuves » d’assimilation me met extrêmement mal à l’aise. La meilleure preuve n’est-elle pas de trouver sa place à l’école et dans le monde du travail, en gardant son identité, sa religion et ses principes, lesquels doivent être exposés dans la sphère privée et non pas dans la rue ?

Nous avons d’ailleurs été un certain nombre à voter le texte contre le port de la burqa dans la rue, parce que ce choix était conforme à notre pacte civil, à notre pacte républicain.

Très franchement, plutôt que de prévoir des « preuves » d’assimilation, je préférerais voter l’augmentation du budget de l’éducation nationale !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pensais intervenir plus tard, mais il me paraît souhaitable de mener jusqu’à son terme le débat qui s’est engagé sur ce sujet.

Nous pensons bien sûr qu’une bonne connaissance de la langue française constitue un facteur d’intégration. Comment vivre dans un pays si l’on n’en parle pas l’idiome ou si l’on n’en a pas au moins une connaissance qui permette d’entrer en relation avec les autres ?

Derrière le débat sémantique sur les mots « intégration » et « assimilation », je distingue pour ma part un véritable débat philosophique.

En la matière, nous sommes confrontés à deux modèles extrêmement différents, que je situerais aux deux extrémités d’un spectre.

Le premier est celui du melting pot américain, qui accepte tous les individus, sans condition de langue, de culture ou même de valeurs. Dans ce pays d’immigration, l’assimilation se fait naturellement et progressivement.

Le second est le modèle français, très normatif. Pour être un « bon Français » – je caricature un peu –, il faut avoir fait l’École alsacienne, Sciences Po et l’ENA.

Le terme d’« assimilation » nous renvoie à l’époque des colonies, qui n’est pas si lointaine. À l’origine, il n’était probablement pas négatif en tant que tel et nous pensions – l’histoire a montré que nous avions tort – que nous apportions des valeurs de progrès aux populations dites « indigènes ». Nous leur proposions de devenir français, par la fréquentation de l’école et la maîtrise de notre langue.

En contrepartie, ces populations devaient abandonner toutes leurs valeurs, leurs religions, leurs coutumes et leurs langues traditionnelles. Et nous combattions valeurs, religions, coutumes, langues qui n’étaient pas les nôtres. À cet égard, on évoque souvent le cas de la Bretagne, mais, en pays baoulé, l’enfant qui utilisait sa langue maternelle dans la cour de récréation risquait un coup de badine sur les doigts !

Les conceptions qui s’opposent aujourd’hui se réfèrent à ces deux modèles. Le malaise suscité par ces questions se reflète dans le débat sémantique que nous avons.

Pour notre part, nous pensons que le mot « intégration » traduit mieux la volonté de la société ouverte qui est la nôtre, volonté à laquelle vous adhérez sans doute également, au moins en partie. Celle-ci se construit grâce à un mélange de valeurs et l’acceptation de ce que l’autre peut apporter.

Tel est l’enjeu, me semble-t-il, de notre débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je souhaite réagir « à chaud » sur la question de l’assimilation.

Je suis fatiguée d’entendre sans cesse les uns ou les autres venir se justifier de leur ascendance en disant qu’ils sont de la première, de la deuxième ou de la troisième génération.

Je crois que l’on mélange un peu tout dans ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

D’une part, n’oublions pas que l’immigration actuelle n’est pas comparable aux autres immigrations qui ont nourri notre histoire.

Toutes les immigrations qui ont pu se faire à l’intérieur des frontières d’une grande Europe judéo-chrétienne, qui existait déjà au Moyen-Âge, n’ont certainement pas posé les mêmes problèmes que les immigrations récentes, qui, pour nombre d’entre elles, résultent d’une histoire coloniale dont il convient de ne pas minimiser l’impact. Fernand Braudel a d’ailleurs avancé que la France avait transposé sur son territoire les problèmes de son ancien empire, ce qui n’est pas tout à fait faux.

Or le terme d’« assimilation » nous renvoie à cette histoire coloniale, qui reste présente. Il s’agit bien d’un passé qui ne « passe » pas.

D’autre part, cette « assimilation » est présentée comme l’acceptation d’un pacte républicain. Si tel est vraiment le cas, allez jusqu’au bout de votre démarche, monsieur le ministre, et accordez à ces hommes et à ces femmes l’égalité politique, c’est-à-dire le droit de vote. Parce que le pacte républicain, c’est aussi une égalité et une justice qui se traduisent au niveau politique !

Enfin, nous ne devons pas évacuer les questions sociales et économiques. Si l’intégration soulève aujourd’hui autant de problèmes, c’est avant tout en raison de difficultés d’insertion tant sociale qu’économique.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions dans la suite de l’examen des amendements ; aussi, je ne m’appesantirai pas. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez de préciser une nouvelle fois un certain nombre de points à la suite des explications que j’ai déjà données.

Comme vous l’avez fort justement dit les uns et les autres, dans notre pays, l’unité, ce n’est pas l’uniformité !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Me permettez-vous de poursuivre ? Je n’ai rien dit quand les différents orateurs se sont exprimés !

Plusieurs d’entre vous l’ont dit, notamment Louis Mermaz : les Français sont eux-mêmes divers. Pourtant, ils se retrouvent sur l’essentiel : les valeurs de la République. Voilà ce qui est important ! En fait, ce sont les valeurs essentielles de la République que nous souhaitons tout simplement voir reprises dans cette charte.

Lorsque des étrangers résidents adhèrent à ces mêmes valeurs, les font pleinement leurs, ils sont, au regard du code civil, assimilés. C’est le code civil, monsieur le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Eh oui ! Quant au dictionnaire, il donne cinq définitions du mot « assimilation ».

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, le mot « assimilation » ne doit pas être entendu ici au sens de « digestion ». Il existe toujours plusieurs acceptions pour un mot, et il est bien évident que les sens peuvent être très différents.

Pour notre part, nous entendons le mot « assimilation » au sens qu’en donne le code civil ; il n’est aucunement question de digestion !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je veux bien que nous poursuivions cette discussion, mais je crains, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, que vous n’ayez d’autre objectif que d’entretenir la polémique. À cet égard, je vous fais toute confiance, car je vous sais très talentueux en la matière.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Lorsque les étrangers résidents adhèrent à ces valeurs et les font pleinement leurs, ils sont, au regard du code civil, assimilés. Un point c’est tout !

L’adhésion à ces valeurs ne leur retire pas le droit de penser librement, droit garanti par la Constitution ; être assimilé n’interdit pas de penser et de parler librement, le cas échéant de pratiquer une langue régionale – les langues régionales, selon la Constitution, monsieur Michel, appartiennent désormais au patrimoine de la France.

Au moment où des personnes font un pas important en demandant leur intégration à la nation française, il est nécessaire qu’on leur demande si elles adhèrent aux principes et valeurs essentiels de la République.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Voilà ce que nous proposons.

Enfin, je rappelle que le Gouvernement s’est engagé à associer en amont le Parlement à la rédaction de la charte plutôt que de lui demander une simple approbation.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Sauf si l’objectif est d’entretenir une vaine polémique, je ne comprends pas les raisons pour lesquelles un certain nombre d’entre vous ont tenu à revenir sur ces différents points, sur lesquels je m’étais amplement exprimé dans ma réponse aux orateurs qui sont intervenus sur l’article.

Vous comprendrez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement confirme son avis défavorable sur ces amendements identiques.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Les mots : « assimilation à » sont remplacés par les mots : « intégration dans »

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, si vous me le permettez, je présenterai conjointement les amendements n° 20 rectifié et 22 rectifié, qui procèdent de la même logique. Ils visent en effet l’un et l’autre à remplacer, dans le texte proposé par l’article 2 pour l’article 21-24 du code civil, le mot « assimilation » par le mot « intégration ».

Il nous paraît plus conforme à l’évolution de notre société et à celle de sa composition de procéder à ce changement lexical.

Du reste, l’intitulé même du projet de loi et vos propos, monsieur le ministre, visent en permanence l’intégration et non l’assimilation.

De plus, quand bien même la Nation ne saurait tolérer l’institutionnalisation du communautarisme, il ne lui revient pas pour autant de demander aux étrangers qui deviennent français de nier du jour au lendemain leur culture d’origine et ce qui constitue leur histoire personnelle.

Or l’assimilation est bien un processus qui exige de l’individu qu’il se fonde dans un nouveau cadre social plus large dont les référents culturels doivent se substituer aux précédents. Cela, nous ne le souhaitons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je ne prolongerai pas le long débat que nous venons d’avoir sur le sujet. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 20 rectifié, mais aussi, par anticipation, sur l’amendement n° 22 rectifié.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Compte tenu des explications que j’ai données tout à l’heure, je ne peux qu’émettre, moi aussi, un avis défavorable sur ces deux amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

sont fixés par décret

insérer les mots :

en Conseil d’État

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Il s’agit d’abord un amendement de pure légistique.

Il est constant, et cela a été rappelé à juste titre par M. le président de la commission et par M. le rapporteur, que la mention d’un décret simple n’est pas utile dans la loi dès lors que le pouvoir réglementaire conserve une large marge d’appréciation pour prendre les mesures d’application nécessaires.

Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à ce que la naturalisation soit conditionnée et subordonnée à une maîtrise minimale de la langue française. Cependant, il est indispensable que, si le Parlement ne peut exercer de contrôle sur les critères d’évaluation du niveau de maîtrise de la langue française par l’étranger aspirant à devenir français, le pouvoir réglementaire doive au moins recueillir l’avis, toujours éclairant, du Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission émet un avis favorable sur cet amendement de précision.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Avis favorable !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 274 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

assimilation

par le mot :

intégration

L’amendement n° 22 rectifié a été précédemment défendu.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 274.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le cinquième alinéa de cet article 2 réaffirme l’obligation pour l’étranger postulant à la nationalité française de se soumettre à un contrôle de son « assimilation ».

Nous proposons de remplacer, le terme « assimilation » par le terme « intégration », beaucoup plus consensuel pour ceux – et seulement pour eux – qui demandent leur naturalisation.

Le terme « intégration », comme l’a rappelé notre collègue Éliane Assassi, ne devrait plus être utilisé pour ceux qui sont français depuis plusieurs générations. Utilisé constamment pour cette partie de nos concitoyens, ce terme montre à quel point il est difficile, dans le regard de l’autre, d’être tout simplement français.

Ce sixième texte ne facilitera certainement pas les choses - d’autant moins après les débats sur l’identité nationale, sur le port de la burqa, sur la viande halal, sur les minarets, et j’en passe, qui ont manifesté une forme de stigmatisation d’État -, mais il ne faut plus utiliser ce terme « intégration » pour ceux qui sont français.

Dans mon intervention sur l’article, j’ai rappelé que la notion d’assimilation exige de gommer la personnalité et la culture des intéressés. Elle constitue une forme d’acculturation au cours de laquelle un individu ou un groupe abandonne totalement sa culture d’origine pour adopter les valeurs d’un nouveau groupe.

Comment ne pas mettre en lumière les contradictions de ceux qui, sur les travées de la majorité, proclament la nécessité de « défendre nos racines » tout en mettant en demeure les immigrés d’oublier les leurs ? Lorsque certains proposent d’exiger des immigrés un serment solennel de fidélité à la nation française, combien de Français de souche accepteraient de prêter eux-mêmes un tel serment, ou même pourraient sincèrement le faire, comme l’a souligné notre collègue Jean-Pierre Michel ?

C’est pourquoi nous préférons le concept d’intégration, qui exprime davantage une dynamique d’échange dans laquelle chacun accepte de se constituer partie d’un tout, où l’adhésion aux règles de fonctionnement de la société d’accueil et le respect de ce qui fait l’unité et l’intégrité de la communauté n’interdisent pas le maintien des différences.

Mes chers collègues, la France doit se regarder telle qu’elle est ; elle ne peut se construire sur ce qu’elle n’est plus. La force et l’originalité de la République française ne consistent pas à exiger que tous soient semblables, mais résident au contraire dans le fait que nous partageons des valeurs dans le respect de la diversité.

Le terme « intégration » ici proposé pour désigner l’inclusion dans la nation française au moment de la naturalisation, et à ce seul moment, traduit le respect de cette diversité tout en soulignant l’importance de l’adaptation de l’étranger à la communauté française.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je ne peux que renouveler l’avis défavorable qu’a émis le Gouvernement sur l’amendement similaire défendu par M. Collin.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 275, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer les mots :

décret en Conseil d'État

par les mots :

le Parlement

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’article 2 dispose que la nationalité ne pourra être conférée qu’à des personnes qui non seulement connaissent bien les droits et devoirs conférés par la nationalité, mais encore y adhérent.

Le contrôle de cette adhésion s’effectue en préfecture, au cours d’un entretien individuel qui se clôt par la signature d’une charte des droits et devoirs du citoyen français.

L’article 2, dans sa rédaction actuelle, prévoit que la charte sera rédigée par le Gouvernement et approuvée par décret en Conseil d’État.

Nous estimons que le contenu de cette charte ne peut relever d’un simple décret en Conseil d’État. En effet, la définition et le choix des principes et valeurs essentielles de la République qui seront contenus dans cette charte sont une compétence du Parlement, en vertu de l’article 34 de la Constitution.

Dans le but de lui donner plus de solennité et plus de force, mais aussi de traduire la volonté de la Nation, la charte doit donc être approuvée par le Parlement et annexée au présent projet de loi.

Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, la charte des droits et devoirs du citoyen français n’aura pas de caractère normatif ; par conséquent, elle ne relève pas du domaine de la loi.

En outre, nous avons demandé au Gouvernement de s’engager à nous soumettre le projet de charte afin de pouvoir l’examiner préalablement à son approbation. À cet égard, nous avons d’ores et déjà obtenu quelques indications.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Pour les raisons que j’ai exposées à deux reprises en réponse à Mme Khiari, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5, seconde phrase

Supprimer le mot :

essentiels

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Cet amendement n’est pas seulement de nature rédactionnelle.

L’alinéa 5 de l’article 2 dispose que la charte des droits et devoirs du citoyen français doit rappeler les principes et valeurs essentiels de la République. Nous considérons, pour notre part, que tous les principes et valeurs de la République sont essentiels et que l’on ne saurait établir de hiérarchie entre eux.

Ainsi, le Conseil constitutionnel s’est toujours refusé à établir une telle hiérarchie. Il a au contraire, et de façon constante, cherché le meilleur moyen de concilier ces principes et valeurs, même lorsque certains d’entre eux pouvaient apparaître contradictoires.

Monsieur le ministre, je vous remercie donc par avance de bien vouloir nous éclairer sur cette hiérarchie.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Parler de principes ou valeurs essentiels de la République ne vise pas forcément à établir une hiérarchie entre les principes républicains ; cela vise à désigner ceux qui se rattachent le plus évidemment aux valeurs communes des citoyens français.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Cet amendement, qui vise à supprimer le mot « essentiels » pour qualifier les principes et valeurs de la République, repose sur le fait que, par essence, tous les principes sont « essentiels ».

Monsieur le sénateur, l’adjectif « essentiel » est utilisé à dessein. L’objectif du Gouvernement n’est pas de dresser, dans la charte des droits et devoirs du citoyen français, la liste des très nombreux principes sur lesquels est fondé notre droit ou ceux qui régissent les règles du comportement, de la politique ou de la morale publique : ce serait trop long, et bien fastidieux.

Ce texte a pour vocation de rappeler les principes que l’on considère les plus importants.

Monsieur Collin, je ne suis pas d’accord avec pour considérer que la frontière entre ce qui est essentiel et ce qui l’est moins est quelquefois ténue. Il conviendra au comité qui rédigera le texte de la charte de peser les termes qui seront utilisés.

Il ne s’agit pas de faire une exégèse en plusieurs volumes de la nature de notre République ni des principes qui la régissent. La lecture de la charte devra simplement permettre de comprendre les principes essentiels du « vivre ensemble », auxquels il est si souvent faire référence. Nous allons associer à ce travail des historiens, des philosophes et des parlementaires afin que cette charte soit rédigée de la manière la plus intelligente possible.

Monsieur Collin, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sinon, je serais obligé d’émettre un avis défavorable, ce qui me désolerait.

L’objet de la charte n’est pas, je le répète, de rappeler les fondements de notre République, il est simplement de faire en sorte que les personnes qui souhaitent acquérir la nationalité française puissent comprendre ce qu’on leur demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour notre part, nous voterons cet amendement.

L’adjectif « essentiels » est l’un de ces nombreux termes qui encombrent la législation française, qui n’apportent rien et qui, loin d’éclairer le débat, le rendent plus complexe.

Si nous sommes hésitants sur ce projet de charte, c’est bien parce que vous avez des difficultés à en définir le contenu, monsieur le ministre.

Il me semble suffisant de préciser que la charte rappelle les principes et les valeurs de la République. Cette rédaction a le mérite de la clarté : tout le monde comprend qu’il s’agit des principes et des valeurs fondamentaux de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Je ne vous comprends pas très bien, monsieur le ministre. Dans un premier temps, vous déclarez que tous les principes de la République sont essentiels, qu’il n’y a pas de hiérarchie. Puis, dans un second temps, vous refusez la suppression du mot « essentiels », considérant qu’il convient de simplifier et de choisir les principes les plus essentiels.

M. le ministre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Si tous les principes sont essentiels, il est inutile de le préciser, sous peine de créer une confusion.

Vous pouvez certes considérer que ce n’est pas important, parce que cela vient consacrer le fait que tous les principes sont essentiels. Monsieur le ministre, notre débat montre que les conceptions des uns et des autres divergent, qu’il y a un doute sur ce qui est essentiel et sur ce qui ne l’est pas. Afin de parvenir à un certain consensus, de lever ce doute, vous vous en remettez à une charte, dont nous aurons en principe à connaître. Mais, si vous voulez vraiment trouver un certain consensus, si vous voulez lever l’ambiguïté, pour ne pas dire la suspicion, il vous suffit d’accepter la suppression de l’adjectif « essentiels ».

En la refusant, vous ne faites que renforcer notre conviction sur le fait qu’il y a là un problème.

L’amendement de M. Collin est « basique », si je puis m’exprimer ainsi, et je m’étonne que, même sur ce point, il n’y ait aucune ouverture.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Si l’on veut que les choses soient bien comprises, il faut qu’elles soient énoncées de manière claire et simple. On ne peut donc pas établir une liste trop longue.

Il y a des principes fondamentaux. D’ailleurs, peut-être sans s’en rendre compte, Richard Yung a justifié son refus de reconnaître que certains principes étaient essentiels en disant qu’il suffisait de se référer aux principes fondamentaux de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Principes essentiels ? Principes fondamentaux ? Soyons clairs et simples. Il y a quelques principes de base sur lesquels la société ne peut pas transiger. Il s’agit, comme l’a indiqué M. le ministre, des principes du « vivre ensemble ». N’établissons pas une liste trop longue qui, par définition, serait incompréhensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On s’amuse beaucoup, on coupe les cheveux en quatre : très bien ! Mais, mes chers collègues, les principes essentiels, ou fondamentaux, ce sont en effet les valeurs du « vivre ensemble ».

L’indépendance des professeurs d’université est un principe important et reconnu, mais il n’est pas pour autant essentiel pour la vie en commun des citoyens. Et je pourrais citer d’autres exemples.

Les principes essentiels sont notamment ceux qui figurent dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, même s’il convient sans doute de ne pas tous les décliner.

Nous pourrions rappeler que le droit de propriété est inviolable et sacré ; il en est certains à qui cela ferait beaucoup de bien…

Mes chers collègues, tout le monde comprend très bien ce dont il s’agit. Il me semble que notre débat devient un peu byzantin, même si j’emploie ce terme à regret, car j’admire Byzance !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 276 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 21-25 du code civil, le mot : « assimilation » est remplacé par le mot : « intégration ».

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Défavorable !

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

Après le mot : « doit », la fin du dernier alinéa de l’article 21-2 du même code est ainsi rédigée : « également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 103 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Cet amendement, comme l’un des amendements que nous avons déposé à l’article 2, vise à préciser qu’il revient au législateur, et non au pouvoir réglementaire, d’exercer sa compétence sur un élément conditionnant l’accès à la nationalité, ici par le mariage.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 103.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Les lois du 26 novembre 2003 et du 24 juillet 2006 ont relevé la durée du délai de communauté de vie après mariage nécessaire à l’acquisition de la nationalité française pour un conjoint de Français.

Ce délai est actuellement de quatre ans, ce qui est excessivement long. Il est en outre assorti d’une condition de maîtrise de la langue française que cet article prévoit d’évaluer selon un barème encore inconnu, qui sera déterminé par décret.

Au regard des politiques actuelles menées en France et en Europe en matière d’immigration, on ne peut pas imaginer que ce décret serve à autre chose qu’à l’introduction d’une évaluation restrictive utilisée comme instrument de régulation de l’immigration.

La maîtrise de la langue est indispensable, mais elle doit s’accompagner d’une obligation pour la France de dispenser des formations à ceux qui le souhaitent.

En outre, nous sommes opposés à toutes les mesures prises depuis 2003 qui font peser des soupçons inadmissibles sur les mariages dits « mixtes » et qui durcissent les conditions d’acquisition de la nationalité française.

Pourtant, un certain nombre de vérifications sont déjà effectuées avant et après ces mariages, ainsi qu’au moment de la délivrance des cartes de séjour et de résident : personne n’échappe au droit !

Ces multiples conditions et contrôles assortis d’un délai sont encore plus abusifs et porteurs d’atteintes au droit de ces couples lorsque de l’union naît un enfant. Comment les soupçons de fraude peuvent-ils alors encore perdurer ?

Le seul effet de cette reconnaissance tardive et complexe est de maintenir un grand nombre de personnes résidant sur le sol français dans une situation précaire au regard du droit. Cette mesure s’inscrit dans une tendance plus large, en France comme en Europe, alors que se développe l’idée d’une immigration restrictive et choisie, tendant à la fermeture des frontières.

Sans empêcher l’immigration, ces politiques ont pour principal effet de maintenir les migrants dans un statut de séjour précaire et irrégulier, dont le principal bénéficiaire reste le marché, à qui la clandestinité permet d’outrepasser les droits des travailleurs, considérés comme autant d’entraves à leurs profits.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La définition des modalités et des conditions d’évaluation de la maîtrise par l’étranger de la langue française relève non pas de la loi, mais bien du règlement. La loi fixera uniquement le principe selon lequel cette évaluation s’effectue en tenant compte de la condition de l’étranger.

J’ajoute que la précision apportée par le texte conférera plus d’objectivité aux évaluations actuellement réalisées par les fonctionnaires des préfectures et constituera, pour cette raison, un progrès.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Personne ne peut imaginer que soient définis dans une loi les modalités d’évaluation et le niveau de connaissance et de maîtrise de la langue française que doit atteindre une personne qui souhaite acquérir la nationalité française. Il est bien évident que cela ne peut se faire que par décret.

J’ajoute que la formation des candidats à la naturalisation à la langue française est intégralement financée par l’État, qui y consacre 50 millions d’euros par an. Les propos qui ont été tenus tout à l’heure – des « dérapages » - ne correspondent donc pas tout à fait à la réalité. Et la réalité, c’est que l’État consacre chaque année 50 millions d’euros pour permettre à des personnes qui veulent acquérir la nationalité française de mieux maîtriser notre langue. Cet effort méritait d’être souligné.

Nous sommes l’un des seuls pays à financer entièrement cette formation.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

J’ai dit que nous étions « l’un des seuls pays », je n’ai pas dit « le seul pays ». Mais je vous remercie de me donner l’occasion de préciser, monsieur Yung, qu’une politique similaire est conduite en Allemagne. Je n’ai pas souhaité évoquer cet exemple tout à l’heure, car je ne veux pas trop me référer à ce qui se fait dans d’autres pays.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Au début de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

L’article 21-2 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».

2 °Au deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » et les mots : « trois ans » par les mots : « un an ».

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Nous souhaitons, par cet amendement, revenir à l’état du droit antérieur à la loi du 24 juillet 2006.

Le délai de quatre ans imposé au conjoint étranger d’un ressortissant français pour obtenir la nationalité française est manifestement excessif, alors que les contrôles préalables sont déjà particulièrement rigoureux. Il peut même constituer une entrave à l’intégration, dans la mesure où la multiplication des contrôles et la longueur des délais font peser une forme de soupçon.

Il convient au contraire de donner toutes ses chances d’intégration au conjoint, en revenant à des délais beaucoup plus raisonnables.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 292 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

L'article 21-2 du code civil est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois ».

La parole est à M. Louis Mermaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Depuis 2003, les couples dits binationaux font l’objet d’un véritable acharnement juridique. Au nom de la lutte contre les mariages de complaisance et du contrôle de l’immigration dite familiale, trois lois ont sévèrement durci les conditions d’acquisition de la nationalité française par mariage. Le présent amendement vise à limiter les dégâts…

En l’état actuel du droit, si le conjoint étranger d’un ressortissant français désire acquérir la nationalité française, les époux doivent partager effectivement leur vie depuis au moins quatre ans, le délai ne pouvant courir qu’à compter du mariage. Par ailleurs, ce délai est porté à cinq ans lorsque le conjoint étranger n’a pas résidé sans interruption pendant au moins un an sur le territoire français.

Ces conditions sont disproportionnées, car de nombreuses vérifications sont faites avant et après la célébration d’un mariage entre un Français et un étranger, puis au moment de la délivrance du visa, de la carte de séjour temporaire et, enfin, de la carte de résident.

D’après le mouvement Les Amoureux au ban public, ces contrôles, qui visent à prévenir ou à réprimer les unions frauduleuses, conduisent à des situations inadmissibles : multiplication des procédures d’opposition au mariage ; difficultés pour obtenir la transcription des unions célébrées à l’étranger ; multiplication des refus de visa ou de titre de séjour – nous parlementaires sommes souvent obligés d’intervenir auprès des consulats pour demander un peu plus de générosité et de logique ; éloignement des conjoints de Français en situation irrégulière ; enquêtes de police sur la communauté de vie ne respectant pas les règles élémentaires de déontologie, d’objectivité et de respect des personnes auditionnées ; non-reconnaissance du droit au séjour des couples binationaux vivant hors mariage…

Dans ces conditions, les délais de vie commune nécessaires pour acquérir la nationalité française apparaissent excessivement longs. Il faut vraiment être amoureux !

Mme Isabelle Debré rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Par conséquent, nous proposons de revenir, au minimum, à la situation qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, que nous n’approuvions déjà pas.

Concrètement, nous proposons, d’une part, de restaurer le délai de deux ans de vie commune – c’est déjà beaucoup – pour l’obtention de plein droit de la nationalité française par mariage, et, d’autre part, de fixer ce délai à trois ans lorsque le conjoint étranger, au moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an sur le territoire français à compter du mariage.

Je ne me fais pas trop d’illusions sur le sort qui sera réservé à cet amendement, dans la mesure où un autre article prévoit la vérification des mariages « gris ». Où va-t-on ? Désormais, l’inquisition consistera à vérifier les sentiments des gens !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. Comment entrerez-vous dans le cœur des gens ? Au xixe siècle, peu de mariages bourgeois auraient été agréés selon vos critères, puisqu’ils étaient généralement arrangés.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. Monsieur Fourcade, organisons le meilleur accueil possible, en attendant que cesse le pillage de tant de pays au nom du sacro-saint marché !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 26 rectifié, puisque les dispositions de la loi de 2006 avaient avant tout pour objet de lutter contre les nombreux détournements de procédure que permettait le délai applicable à l’époque. Il avait alors été admis qu’un délai de quatre ans permettait un meilleur contrôle de la réalité de la situation matrimoniale des époux. La commission a estimé qu’il n’était pas utile de revenir en arrière.

L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 292 rectifié.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Il s’agit non pas de mettre des entraves au mariage, mais simplement de fixer le délai au terme duquel le conjoint étranger pourra obtenir la nationalité française.

Un certain nombre de dérapages ont été observés dans ce domaine, personne ne peut le nier. La loi de 2006 visait donc à y remédier, et il me semblerait tout à fait prématuré de modifier ses dispositions aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l’amendement n° 26 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Monsieur le ministre, nous ne voyons pas la nécessité de revenir sur la loi de 2006, qui, vous venez de le dire, avait pour objet de mettre fin à certaines manœuvres frauduleuses.

M. Mermaz, comme moi, a été maire. Pour ma part, je l’ai été pendant trente-trois ans, de deux villes différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

J’ai pu constater que beaucoup de mariages étaient arrangés. À Boulogne-Billancourt, environ vingt par an avaient pour seule finalité l’acquisition de la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade. Le dispositif de la loi de 2006 fonctionne correctement. Nous n’avons pas à vérifier la profondeur des sentiments des futurs conjoints, même lorsqu’il s’agit d’unir un vieillard cacochyme et une très jeune femme, dont la passion pour son futur mari est certainement vive…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Le groupe UMP s’en tient au texte de la loi de 2006 et votera donc contre ces amendements.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je viens dans cet hémicycle pour m’exprimer sur les textes qui nous sont soumis, et non pour brailler et lire le journal, comme d’autres ! Ne m’interrompez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Fixer le délai à quatre ans est arbitraire ! Pourquoi pas cinq, six ou même dix ans ? Espérez-vous vraiment empêcher tous les détournements de la loi d’une façon aussi artificielle et bureaucratique ? Toutes les lois ont des failles !

Les mariages arrangés sont-ils le problème central de la société française ? Représentent-ils une menace pour la France ? Des mariages qui ne soient pas purement motivés par l’amour, il en existe dans notre société depuis toujours, y compris entre Français.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Quant aux unions entre deux personnes d’âges très différents, sommes-nous bien placés, dans cette enceinte, pour donner des leçons ?…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous n’avons pas à porter un jugement moral sur de tels mariages ! Nous en connaissons tous, et il ne s’agit pas forcément de couples binationaux ! Assez d’hypocrisie : vous cherchez à compliquer les choses pour les conjoints étrangers de Français. C’est toujours le même message de frilosité, de peur, alors qu’il n’y a pas de danger. Cela vous amène même à vouloir légiférer sur l’amour ! Vraiment, vous êtes sur la mauvaise voie !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

En cette matière, les contentieux se multiplient depuis plusieurs années et constituent une part importante du travail des sénateurs représentant les Français de l’étranger.

La loi française se contente d’exiger le consentement au mariage, rien d’autre ! Si deux personnes nées à cinquante années d’intervalle veulent se marier, cela peut sans doute surprendre, mais rien ne s’y oppose : il suffit qu’elles soient consentantes.

J’ajoute que, dans de nombreuses régions du monde, le mariage organisé par les familles est la norme et correspond à une tradition culturelle, quoi que l’on puisse en penser. Il en fut d’ailleurs longtemps de même chez nous, même si nous ne concevons plus le mariage de cette façon aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

À Pondichéry, tous les mariages sont, aujourd’hui encore, arrangés par les familles. Faut-il pour autant annuler ces unions ?

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Ce n’est pas la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce sont des Français, monsieur le ministre !

En fait, vous menez une politique de méfiance, inspirée par l’idée que le monde serait peuplé de gourgandines qui courent après nos jeunes et beaux Français pour essayer d’obtenir indûment la nationalité française !

Mmes Isabelle Debré et Catherine Procaccia s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Au demeurant, je vous signale, mes chers collègues, que le cas inverse existe : de jeunes et beaux Français cherchent à épouser des Brésiliennes afin d’obtenir la nationalité et le droit de travailler au Brésil. Sont-ils eux aussi concernés par le dispositif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Il convient de ne pas trop durcir le dispositif et de garder une certaine souplesse, car de nombreux conjoints de Français souhaitent acquérir la nationalité française et le méritent tout à fait.

Cependant, ne jouez pas les naïfs, monsieur Yung ! Dans certains consulats, notamment en Tunisie, au Maroc ou en Algérie, les mariages « gris » représentent un problème considérable. Nous avons le devoir de protéger les jeunes femmes concernées ! Les consuls savent très bien que ces mariages ne tiendront pas, mais ils ne peuvent rien faire !

Nombre de Françaises passant des vacances en Tunisie rencontrent des hommes qui leur font de grandes déclarations, mais ont en fait pour seul objectif d’obtenir la nationalité française par mariage… Les cas de ce genre abondent, mes chers collègues. Soyons réalistes !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après les mots :

sont fixés par décret

insérer les mots :

en Conseil d’Etat

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Nous avons déjà défendu un amendement similaire à l’article 2.

Premièrement, la mention du renvoi à un décret simple nous semble superfétatoire.

Deuxièmement, si le Parlement ne peut exercer de contrôle sur les critères d’appréciation du niveau de maîtrise de la langue française acquis par l’étranger qui aspire à devenir Français, le pouvoir réglementaire doit au moins recueillir l’avis du Conseil d’État.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 2 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.