Je souscris aux propos tenus par Mme Khiari dans son intervention sur l’article 1er. La façon dont vous interprétez les données du problème me paraît terriblement orientée, monsieur le ministre.
Historiquement, les intellectuels sont venus exercer leurs talents en France – dans diverses professions, d’ailleurs –, parce que la France était un pays d’accueil ! Ainsi, certains chercheurs sont venus en France parce qu’ils pouvaient y poursuivre leurs travaux, ce qui leur était impossible dans leur propre pays.
Par la suite, vous avez voulu faire prévaloir la notion d’immigration choisie qui revient, au fond, à profiter des compétences des élites des pays pauvres, en les attirant en France tout en les payant moins bien que des Français ! Je me réfère à la situation des médecins hospitaliers étrangers, car l’injustice est flagrante : notre pays manque de médecins, il attire des médecins étrangers, mais les paie moins que des médecins français.
Nous ne pouvons donc pas partager cette conception qui consiste à profiter de la situation dans laquelle se trouvent les élites de pays moins favorisés.
Aujourd’hui, vous attirez notre attention sur la situation des étrangers présentant un « parcours exceptionnel d’intégration », qui se manifeste par des « actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportifs » – à la gloire de la France, évidemment ! Ces étrangers mériteraient donc d’obtenir la nationalité française plus facilement.
L’intégration à un pays, à une nation, ne suppose-t-elle pas un engagement qui dépasse la simple activité que l’on exerce ? Permettez-moi de vous rappeler les propos d’Ernest Renan, que vous aimez citer, selon lequel une nation réside dans « le consentement actuel, le désir de vivre ensemble » ; elle est « une grande solidarité » et crée une « conscience morale [qui] prouve sa force par le sacrifice qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté ».
Les auteurs de ce projet de loi, non contents d’introduire une distinction inadmissible en termes de droits, car fondée sur la nationalité des individus, introduisent également une distinction entre les étrangers qui pourraient être « nominés », parce que distingués par des prix littéraires ou scientifiques, des médailles olympiques ou d’autres exploits sportifs, et les autres.
Évidemment, ces autres qui, selon votre philosophie, ne sont pas, par définition, « méritants », auraient plutôt tendance à être assimilés à des délinquants potentiels, des gêneurs, des fauteurs de troubles…
Cette conception nous paraît extrêmement dangereuse. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.