Cet article 2 prévoit que le candidat à l’obtention de la nationalité française subit – c’est bien le mot ! – le contrôle de son assimilation.
Même si le code civil, depuis la loi du 26 novembre 2003, que nous n’avons pas votée, fait dépendre la naturalisation de « l’assimilation » à la communauté française, nous aurions préféré l’emploi du terme « intégration » - nous avons déposé un amendement en ce sens -, car ce terme figure dans le titre même du présent projet de loi.
Le mot « assimilation » revêt une connotation carnassière. Alors que, dans le monde entier, les hommes sont de plus en plus en quête de leurs racines, en invoquant la notion d’assimilation vous allez dans le sens d’un effacement du passé, d’une perte des repères ; vous niez le droit à la diversité qui fait la richesse et le rayonnement d’une nation, son ouverture sur le reste du monde.
Ce repli, ce « racornissement » du Gouvernement et de ceux qui le soutiennent, explique comment ils ont pu ne rien comprendre aux récents événements du monde arabe, à commencer par ceux de Tunisie.
Le même article 2 prévoit la création d’une charte qui devra être signée par les personnes souhaitant être naturalisées.
Pour réduire le risque de discrimination, la commission des lois du Sénat a prévu, par un amendement à l’article 3, que tous les jeunes se verraient remettre cette charte des droits et devoirs dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté.
Mais, lorsque vous prévoyez pour la définition du contenu de cette charte un simple décret en Conseil d’État, vous faites fi d’une compétence essentielle du Parlement. Je vous renvoie à l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles […] concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».
Vous remarquerez d’ailleurs que l’affirmation des droits civiques et des garanties fondamentales suffit à inclure, dans l’esprit du constituant et des pères fondateurs de la République, les devoirs. La formulation « droits civiques », avec tout ce qu’elle inclut, a bien plus de force et de prestige que tous les compléments et les arguties juridiques moralisantes dont on l’affuble aujourd’hui.
L’article 2, dans le fond, est un véritable lever de rideau avant le déroulement du reste du projet de loi, marqué par la confusion et par la perversité de ses insinuations. À vous lire en creux, l’immigré, l’étranger, serait porteur de toutes les menaces contre la sécurité – il menace en effet particulièrement, même lorsqu’il a acquis la nationalité française, les policiers et les magistrats ! – ; il représente un risque pour l’équilibre de la sécurité sociale ; il peut même provoquer le chômage. Et j’en passe.
Il faut donc faire peur. Nous sommes loin de l’époque où Bernard Stasi écrivait un petit livre percutant, L’Immigration : une chance pour la France !
Alors que vous brandissez l’emblème de l’assimilation, regardez les résultats de votre politique : de nombreux immigrés en sont réduits à vivre dans de véritables ghettos !
Les ghettos… Ce serait donc cela, l’assimilation ?
Et vous vous étonnez que, comme l’a très bien démontré Mme Bariza Khiari, l’immigration dite choisie, que vous prônez, ait si peu de résultats. Vous faites régner un tel climat et vous multipliez à ce point les embûches administratives que les étudiants et les chercheurs dans les domaines scientifiques préfèrent aujourd’hui se tourner vers des universités canadiennes et américaines. Vous voyez bien le déclin qui en résulte pour notre pays.
Il serait temps d’avoir le courage de renverser la logique en adoptant – oui, monsieur Fourcade – une politique d’accueil des immigrés, et non de refoulement, quand l’économie de marché, de plus en plus prédatrice, ruine chez eux toute chance de vivre décemment et d’avoir un avenir.
Pour reprendre une formule de Michel Rocard que vous aimez à tronquer, oui, la France doit prendre sa part de la misère du monde, même si elle ne peut pas à elle seule – mais l’Europe pourrait aussi être présente… – accueillir toute cette misère !