Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 3 février 2011 à 9h30
Immigration intégration et nationalité — Article 2

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le principe, pourquoi pas une charte des droits et devoirs du citoyen ? Après tout, on peut demander à un étranger de connaître nos valeurs et d’y adhérer avant de rejoindre la communauté nationale ; je pense notamment au principe de laïcité, qui est la matrice de nos identités plurielles.

Le dispositif que nous examinons aujourd’hui fait tout de même un peu fantaisiste, au sens où j’aimerais bien savoir comment nous allons vérifier que l’étranger adhère réellement à ces valeurs. Une commission sera-t-elle nommée à chaque fois pour vérifier la validité et la sincérité de cette adhésion ? Va-t-on faire passer des tests pratiques au candidat ? S’il échoue, cela remet-il en cause sa sincérité ?

Autant de questions auxquelles nous aimerions bien recevoir des réponses.

Plus sérieusement encore, un point me préoccupe en tant que législatrice. En effet, cette charte semble être définie comme porteuse des valeurs fondamentales de la République, et nous n’avons même pas pu la voir. Existe-t-elle ? Si oui, quelles valeurs ont été retenues ? Pouvez-vous nous informer sur ce point, monsieur le ministre ? J’ai en effet l’impression que cette charte n’est pas prête…

Vous nous demanderiez donc de donner notre blanc-seing à un texte dont nous ne connaissons pas le contenu. Tel est bien le problème : nous ne saurions vous autoriser à rédiger cette charte comme vous l’entendez. Nous ne pouvons accepter qu’un texte censé exposer aux étrangers les fondements de notre pays, nos valeurs les plus importantes, soit le fruit des réflexions d’un cénacle obscur.

La plus grande transparence doit présider à la rédaction de cette charte et je trouverais même normal que celle-ci figure en annexe au présent projet de loi.

Surtout, la notion d’assimilation, qui fonderait cette charte, me heurte considérablement et, à ce stade de mon intervention, je voudrais ajouter un mot plus personnel.

Je veux pouvoir dire, comme Raymond Aron, que je suis Française, citoyenne française et restée en fidélité avec la tradition qui m’a portée.

La notion d’assimilation est pour moi la négation du respect de mon propre héritage culturel, et vous savez bien qu’en favorisant les situations de rupture entre l’individu et son héritage culturel, on fabrique des clients pour les psychanalystes.

Comme le rappelle, à juste titre, une pétition signée par des dizaines de milliers de Français, il est temps de faire des citoyens en respectant les identités plurielles. L’introduction de la notion d’assimilation, c’est la négation symbolique de la diversité culturelle de la Nation. Nous ne pouvons l’accepter.

Enfin, la volonté de contrôler la pensée de personnes qui souhaitent s’intégrer dénature le processus de naturalisation. Elle est même dangereuse.

Parce que la notion d’assimilation – je le répète avec force – est la négation d’un héritage et sous-tend une rupture avec une part d’identité, le groupe socialiste demande que cette charte soit validée par le Parlement et qu’un consensus se forme quant à son contenu.

En effet, mes chers collègues, c’est par les mots que tout commence. Ils ont souvent été le préalable aux horreurs qu’a vécues notre Europe. C’est pourquoi nous souhaitons connaître le contenu de cette charte.

Cela motivera notre vote sur l’article 2 du projet de loi.

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