Intervention de David Assouline

Réunion du 3 février 2011 à 9h30
Immigration intégration et nationalité — Article 2

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Ce débat révèle tout d’abord les obstacles, toujours plus hauts, qui sont placés dans le processus de naturalisation.

Dans la logique même de la politique de la majorité, établissant des distinctions y compris dans les droits attachés à la citoyenneté – par exemple, le droit de vote aux élections locales ou nationales des étrangers en situation régulière en France –, il y a un problème.

La majorité estime qu’un étranger résidant en France doit être naturalisé s’il souhaite pouvoir exercer des droits civiques et elle ne cesse, à chaque fois qu’elle est au pouvoir – cela fait maintenant dix ans qu’elle y est –, de limiter, de conditionner, de rendre plus difficile cette acquisition de la nationalité.

Au fond, monsieur le ministre, votre doctrine est claire et vous aurez du mal, sur ces bases, non seulement à permettre les naturalisations, mais aussi à créer une dynamique de société en faveur de l’intégration des étrangers vivant sur notre sol et en faveur du « vivre ensemble ».

Quel que soit le sens que vous voulez lui donner, l’assimilation est une notion à laquelle nous devons réellement réfléchir.

Au xixe siècle, peut-être avec de bonnes intentions, on est allé coloniser un certain nombre de territoires, en prétendant assimiler et apporter la véritable civilisation. Au début du siècle dernier, on partageait toujours cette même conception, tout en étant profondément attaché à la République… Aujourd’hui, il faut bien constater que, à un moment donné, quelque chose n’a pas fonctionné !

L’identité de la République, de la Nation s’est constituée autour des gigantesques vagues d’immigration qui se succèdent depuis le milieu du xixe siècle et des apports de cultures différentes. Européennes au début, celles-ci ont ensuite été principalement méditerranéennes et sont maintenant de toutes origines, notamment asiatique.

Le terme « assimilation » nous renvoie précisément à l’idée d’une culture unique, et n’a donc rien à voir avec le contrat social. Or, respectant en cela la tradition de la République, nous sommes favorables à l’intégration par le contrat social.

J’ai demandé la parole, mes chers collègues, afin de partager avec vous cette citation d’Amin Maalouf, qui, d’une certaine façon, explique comment peut fonctionner une société et combat, sans prononcer le mot, l’assimilation. L’auteur écrit : « De la même manière, les sociétés devraient assumer, elles aussi, les appartenances multiples qui ont forgé leur identité à travers l’histoire, et qui la cisèlent encore ; elles devraient faire l’effort de montrer, à travers des symboles visibles, qu’elles assument leur diversité, afin que chacun puisse s’identifier à ce qu’il voit autour de lui, que chacun puisse se reconnaître dans l’image du pays où il vit, et se sente encouragé à s’y impliquer plutôt que de demeurer, comme c’est trop souvent le cas, un spectateur inquiet, et quelque fois hostile. »

Ce propos traduit la situation telle que nous la vivons aujourd’hui. Vous pouvez regretter, monsieur le ministre, qu’on ne chante pas La Marseillaise lors de certains événements ou que l’on ne soit pas enthousiaste à l’idée de porter le drapeau français, alors que l’on vit en France. Mais la société doit envoyer des signes au lieu de demander systématiquement à l’individu de faire ses preuves, de montrer patte blanche.

Si, en tant que législateurs, nous légiférons pour la société, pour favoriser l’intégration et l’adhésion à la République, il nous faut, sans frilosité, avec audace, réfléchir aux signes que nous devons envoyer par la législation que nous élaborons.

Ni assimilation ni communautarisme à l’anglo-saxonne ! Ces deux modèles ont échoué. Le communautarisme à l’anglo-saxonne, c’est faire en sorte que des communautés vivent côte à côte, sans se mélanger. L’assimilation, c’est croire que l’on peut fondre tout le monde dans un même moule mythique. Entre les deux, il y a le contrat social, le « vivre ensemble », la République laïque et sociale. C’est notre projet !

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