Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pensais intervenir plus tard, mais il me paraît souhaitable de mener jusqu’à son terme le débat qui s’est engagé sur ce sujet.
Nous pensons bien sûr qu’une bonne connaissance de la langue française constitue un facteur d’intégration. Comment vivre dans un pays si l’on n’en parle pas l’idiome ou si l’on n’en a pas au moins une connaissance qui permette d’entrer en relation avec les autres ?
Derrière le débat sémantique sur les mots « intégration » et « assimilation », je distingue pour ma part un véritable débat philosophique.
En la matière, nous sommes confrontés à deux modèles extrêmement différents, que je situerais aux deux extrémités d’un spectre.
Le premier est celui du melting pot américain, qui accepte tous les individus, sans condition de langue, de culture ou même de valeurs. Dans ce pays d’immigration, l’assimilation se fait naturellement et progressivement.
Le second est le modèle français, très normatif. Pour être un « bon Français » – je caricature un peu –, il faut avoir fait l’École alsacienne, Sciences Po et l’ENA.
Le terme d’« assimilation » nous renvoie à l’époque des colonies, qui n’est pas si lointaine. À l’origine, il n’était probablement pas négatif en tant que tel et nous pensions – l’histoire a montré que nous avions tort – que nous apportions des valeurs de progrès aux populations dites « indigènes ». Nous leur proposions de devenir français, par la fréquentation de l’école et la maîtrise de notre langue.
En contrepartie, ces populations devaient abandonner toutes leurs valeurs, leurs religions, leurs coutumes et leurs langues traditionnelles. Et nous combattions valeurs, religions, coutumes, langues qui n’étaient pas les nôtres. À cet égard, on évoque souvent le cas de la Bretagne, mais, en pays baoulé, l’enfant qui utilisait sa langue maternelle dans la cour de récréation risquait un coup de badine sur les doigts !
Les conceptions qui s’opposent aujourd’hui se réfèrent à ces deux modèles. Le malaise suscité par ces questions se reflète dans le débat sémantique que nous avons.
Pour notre part, nous pensons que le mot « intégration » traduit mieux la volonté de la société ouverte qui est la nôtre, volonté à laquelle vous adhérez sans doute également, au moins en partie. Celle-ci se construit grâce à un mélange de valeurs et l’acceptation de ce que l’autre peut apporter.
Tel est l’enjeu, me semble-t-il, de notre débat.