Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 3 février 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 2 ter

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je saisis l’occasion qui m’est donnée d’intervenir sur cet article, tendant à exiger une déclaration de nationalité, pour alerter notre assemblée sur les dérives de la politique d’immigration du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne les futurs étudiants.

Nous dénonçons la mesure totalement discriminatoire, antirépublicaine et illégale prise par le ministère de l’éducation nationale à l’encontre des futurs bacheliers de nationalité étrangère.

Depuis la semaine dernière, en effet, l’ensemble des lycéens ont la possibilité de formuler leurs vœux d’inscription dans l’enseignement supérieur via la plateforme internet Admission Post Bac. Cette procédure, déjà dénoncée par les organisations lycéennes et étudiantes comme une forme de sélection masquée, interdit désormais aux lycéens étrangers scolarisés en France de s’inscrire à des formations en apprentissage. Quand ils se connectent, le message suivant apparaît sur l’écran : « Seuls les candidats de nationalité française peuvent s’inscrire dans une formation en apprentissage sur Admission Post Bac » !

Le ministère de l’éducation nationale se défend en expliquant que ces lycéens relèvent d’une autre procédure d’inscription : cela ne manquera pas de transformer l’accès aux études supérieures, déjà extrêmement complexe pour les étrangers, en un véritable parcours du combattant, dont seuls les plus acharnés viendront à bout !

Parfaitement discriminatoire et scandaleuse, cette pratique est totalement illégale : chaque jeune scolarisé en France a le droit de s’inscrire à la formation de son choix. M. le ministre de l’éducation nationale a donc pris la décision de créer une véritable situation d’exception pour les jeunes les plus en difficulté, et de rompre l’égalité de traitement en se fondant sur des critères de nationalité.

Ce système d’inscription permet d’identifier automatiquement la nationalité du candidat. Nous dénonçons cette pratique manifeste, et totalement illégale, d’interconnexion entre les fichiers. Nous exigeons que l’anonymat des données collectées par le ministère de l’éducation nationale soit scrupuleusement respecté. L’éducation nationale n’a pas à servir d’informateur aux services de police, au titre de la chasse aux sans-papiers !

Par ailleurs, si l’ensemble des jeunes de France connaissent des conditions de vie et de formation de plus en plus difficiles, les étudiants étrangers subissent, quant à eux, une triple précarité : administrative, sociale et pédagogique.

Sur le plan administratif, d’abord, avant même l’arrivée en France, les démarches pour obtenir un visa étudiant sont lourdes et coûteuses. La dépense peut par exemple équivaloir, dans certains pays, à un mois de SMIC !

La politique d’« immigration choisie » mise en place par le Gouvernement aggrave cette situation. Elle se traduit en effet, pour les étudiants étrangers, par un contrôle accru des préfectures. Celles-ci n’ont pourtant pas la moindre prérogative pédagogique pour l’exercer, et n’appliquent bien souvent qu’une logique de chiffre. Cela conduit au renforcement d’un système totalement arbitraire, dans lequel, pour un simple redoublement ou une réorientation, l’étudiant peut perdre son titre de séjour.

Par ailleurs, la précarité sociale de ces étudiants est très importante, dans la mesure où un très grand nombre d’entre eux n’ont pas accès aux bourses attribuées sur critères sociaux.

Enfin, précarité administrative et précarité sociale entraînent une précarité pédagogique. Le fait de consacrer la moitié de l’année universitaire à des démarches administratives et de connaître des soucis financiers permanents, ainsi que l’absence de dispositifs pédagogiques spécifiques, conduisent de plus en plus d’étudiants étrangers à s’enfoncer dans une spirale de l’échec, voire à abandonner leurs études.

La majorité a décidé d’aggraver encore cette situation en reprenant les thèses du Front national. En effet, la mesure en question revient à appliquer le principe de la préférence nationale pour l’entrée à l’université.

Nous attendons d’entendre les explications du Gouvernement et soutenons la saisine conjointe de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, par l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, l’Union nationale lycéenne et la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, la FCPE.

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