La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre d’État, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La promesse du président Moubarak de ne pas être candidat à l’élection présidentielle de septembre prochain n’a pas suffi à calmer la colère du peuple égyptien.
La réaction violente d’éléments troubles partisans du régime, qui a fait de nombreuses victimes, dont des journalistes, et terrorisé les manifestants, ne peut que nous inquiéter pour la suite du processus. Le régime à l’agonie tente-t-il de provoquer le chaos pour conserver le pouvoir ?
Nous l’avons vu hier en Tunisie et aujourd’hui en Égypte : les peuples de cette région ne veulent plus subir des régimes dictatoriaux qui nient les droits fondamentaux, la démocratie, et oppriment les populations pour préserver l’ordre économique libéral et protéger des oligarchies souvent corrompues. Votre politique envers ces pays a été cynique à l’égard des peuples et complaisante avec les pouvoirs.
L’absence de projets et de résultats tangibles de l’Union pour la Méditerranée, que le Président de la République co-présidait avec le président Moubarak, montre dans quelle impasse vous vous trouvez.
Les erreurs diplomatiques et les fautes morales et politiques de Mme la ministre des affaires étrangères n’ont pu que contribuer à dégrader encore la crédibilité de notre pays.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Lorsque l’image de la France et de sa République est ainsi ternie, il revient à chacune et à chacun, en toute conscience, de prendre ses responsabilités : à titre personnel pour Mme la ministre d’État, au nom de l’intérêt supérieur du pays pour le Président de la République et pour vous-même, monsieur le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes déclaré « préoccupé par la dégradation de la situation » et vous êtes prononcé « pour une transition rapide vers un gouvernement à représentation élargie ».
Il s’agit donc maintenant de prendre des initiatives concrètes pour restaurer le crédit de la France, porter de nouveau nos valeurs et aider le peuple égyptien dans sa marche vers la démocratie, la justice sociale et le développement.
Quelles initiatives prendrez-vous ? Demanderez-vous une réunion en urgence du Conseil de sécurité des Nations unies ? Quelles propositions ferez-vous, lors du prochain Conseil européen, pour que la politique européenne d’aide au développement des pays de cette région soit redéfinie dans un sens favorable aux peuples, et ne soit plus assujettie aux seuls intérêts du libéralisme économique ?
Il faut une politique qui soit à la hauteur des mutations historiques en cours, à la hauteur de l’autorité de notre pays dans le monde – de l’honneur de la France !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Hue, la devise de ma famille est « bien faire et laisser dire ».
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
J’ai beaucoup laissé dire, et j’ai démontré que toutes les attaques dont j’ai été l’objet étaient dépourvues de fondement et ignominieuses.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Hue, les membres du Gouvernement ont autre chose à faire que de parler de questions totalement vaines, médiocres et, pour tout dire, indignes de la politique et de votre parti.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Oui, la situation en Égypte est de plus en plus préoccupante. Je l’ai redit ce matin encore très fermement : les violences, d’où qu’elles viennent, doivent cesser. Les Égyptiens doivent pouvoir manifester leurs aspirations sans risquer leur vie.
J’avais d'ailleurs été la première à dénoncer, au moment des événements de Tunisie, avant que M. Ben Ali ne quitte le pouvoir, l’usage disproportionné de la force et les morts qu’il a entraînées.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Vous êtes donc très mal placés pour critiquer mon attitude, car si je vous ai beaucoup entendu vous exprimer sur cette question, c’était après le départ du président Ben Ali !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Oui, monsieur Hue, la France a bien l’intention de continuer à appliquer sa politique internationale, qui est fondée sur l’État de droit, la promotion de la démocratie et des libertés, mais aussi sur le respect des peuples et de leur souveraineté, et donc sur le refus de l’ingérence dans les affaires intérieures des États.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il n'y a aucune complaisance de notre part quand ces principes sont mis en cause ! Monsieur Hue, peut-être auriez-vous pu adopter la même ligne quand des événements analogues se déroulaient en Europe de l’Est. On vous a peu entendu à l’époque !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
La comparaison est extraordinaire ! Vous n’êtes pas une personne privée, madame le ministre des affaires étrangères !
Ma question s'adresse à M. le ministre de la ville.
Le 26 janvier dernier, l’État et la région d’Île-de-France sont parvenus à un accord, au moins partiel, en vue de la réalisation des infrastructures de transports du Grand Paris.
Je tenais à saluer cette excellente nouvelle, qui doit beaucoup à votre implication personnelle, monsieur le ministre.
Je voudrais néanmoins faire une remarque et poser une question.
Tout d'abord, je souhaite rappeler que, conformément à l’article 2 de la loi relative au Grand Paris, il convient de procéder par priorité au renforcement des réseaux existants, en termes de sécurité, de fréquence et de ponctualité. C’était le sens de l’amendement que Christian Cambon et moi-même avions défendu.
Je me réjouis donc que la modernisation des réseaux actuels, en particulier des lignes du RER, ait été prise en compte, même si je m’interroge sur le montant des crédits réservés à cette première opération.
Ma question portera sur la desserte du plateau de Saclay.
Je partage bien sûr le souci de nombreux élus de cette région de préserver l’existence de la zone agricole, que les projets de cluster universitaire ne doivent pas remettre en cause.
J’avais d’ailleurs déposé un amendement à l’article 28 du projet de loi relatif au Grand Paris, tendant à préciser que la zone de protection devrait comporter au moins 2 300 hectares de terres consacrées à l’agriculture.
Cette exigence est pleinement compatible avec le développement du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, qui vise un rayonnement international, conformément aux vœux du Président de la République, et qui est une chance pour notre pays.
C’est pourquoi il est impératif que le plateau de Saclay dispose de réseaux de transports conformes à cette stratégie, ce qui suppose de pouvoir relier ce territoire à Paris en moins de trente minutes et à Roissy en moins de cinquante minutes.
Monsieur le ministre, je souhaite donc vous faire part de l’inquiétude des élus, de l’ensemble de la communauté scientifique concernée et des milieux économiques en ce qui concerne l’absence d’accord sur la desserte du plateau. Les déclarations cacophoniques des membres de la majorité régionale ne sont pas de nature à nous rassurer.
Aussi, pouvez-vous indiquer, monsieur le ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour que ce territoire stratégique soit convenablement desservi et pour que cette desserte soit en adéquation avec les projets de développement du cluster et, plus simplement, avec la loi elle-même ?
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Monsieur le sénateur, nous ne pouvons que nous réjouir avec vous de cet accord historique conclu avec le président de la région d’Île-de-France, M. Jean-Paul Huchon, en vue de la réalisation des infrastructures de transports.
Cette vision partagée en matière de transports a été portée à la connaissance des deux débats publics.
Elle permettra de conjuguer les efforts de tous pour moderniser le réseau existant et réaliser au plus vite un projet de métro automatique en rocade. D'ailleurs, les Franciliens ont très largement exprimé leur soutien à ce projet tout au long des deux débats publics.
En ce qui concerne le réseau actuel, l’urgence est bien le RER, monsieur Béteille. Je vous confirme donc l’engagement de l’État, exprimé notamment par Nathalie Kosciusko-Morizet, de consacrer aux lignes C et D du RER, en particulier, plus d’un milliard d'euros, auquel s’ajoutera le financement du renouvellement du matériel roulant de la ligne A.
En ce qui concerne le développement et la desserte du plateau de Saclay, nous ne sommes pas parvenus à dégager une vision commune, en effet. Je le déplore, mais cela ne compromet en rien les engagements de l’État.
Le protocole expose clairement la vision de l’État concernant Saclay et sa desserte. Nous assurerons bien une desserte de Massy, de Saclay, de Saint-Quentin-en-Yvelines et de Versailles par un métro automatique, en respectant la zone de protection naturelle agricole et forestière, comme vous l’avez souhaité, monsieur Béteille, ainsi que votre collègue Christian Cambon, lors de l’examen du projet de loi.
Le pôle scientifique de Saclay sera bien relié à Paris en trente minutes et à l’aéroport de Roissy en cinquante minutes. C’est un engagement ferme du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement ; il sera tenu !
M. René -Pierre Signé s’exclame.
M. Maurice Leroy, ministre. Le développement du plateau de Saclay est une condition essentielle du renforcement de l’attractivité de notre région capitale. Vous pouvez donc compter sur ma détermination sans faille pour le mener à bien, en partenariat avec les acteurs locaux. À cet égard, je tiens à souligner devant l’assemblée qui représente les collectivités territoriales que le conseil général de l’Essonne s’est prononcé à l'unanimité en faveur de la réalisation de la desserte du plateau de Saclay. Avec son soutien et celui de l’État, ce projet devrait pouvoir être réalisé.
Applaudissementssur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le ministre, voilà quelques jours, le 30 janvier dernier, est enfin paru au Journal officiel le décret relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI.
Ces commissions, bien connues des maires et des élus locaux de nos départements, auront très prochainement la responsabilité de dessiner la nouvelle carte de l’intercommunalité, et ainsi d’élaborer, avec les préfets et avant la fin de cette année, le schéma départemental de coopération intercommunale. L’enjeu est donc de taille : il s’agit de rien de moins que d’achever la carte de l’intercommunalité, et cela avant le 1er juin 2013.
Or, monsieur le ministre, si l’on peut accepter ces délais prévus par la loi portant réforme des collectivités territoriales, il en va tout autrement du calendrier précipité imposé par le récent décret du 30 janvier. Ce texte enjoint aux préfets d’organiser avant le 17 mars prochain les élections en vue du renouvellement des CDCI conformément à leur nouvelle composition.
Monsieur le ministre, ce calendrier pose problème.
D’une part, les délais sont trop courts, puisque le calendrier laisse à peine plus d’un mois pour organiser et mener la campagne en vue du renouvellement des CDCI.
D’autre part, cette campagne va se télescoper avec celle des élections cantonales, lesquelles amèneront nécessairement un renouvellement substantiel des conseils généraux, et parfois même des majorités départementales : le jeu est donc faussé !
Comment tolérer que les préfets entament des consultations et commencent à élaborer des projets de schéma départemental en concertation avec tous les élus locaux, qui, dans le même temps et pour une grande partie d’entre eux, se présentent devant le suffrage universel ? Cette situation n’est pas acceptable.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne pas envisager un report du renouvellement des CDCI ? Pourquoi autant de précipitation, alors que le Parlement attend toujours que vous proposiez un nouveau tableau de répartition des conseillers territoriaux, comme vous y oblige la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre dernier ? Quand nous présenterez-vous ce tableau ? Une chose est sûre : pas avant les élections cantonales ! Pourquoi faire preuve de si peu de considération à l’égard des élus locaux de nos territoires, ces élus de la République qui font vivre quotidiennement la démocratie locale ?
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez, comme l’avait fait avant vous Mme Goulet, sur l’organisation des commissions départementales de la coopération intercommunale.
Cette réforme concernant l’intercommunalité a été votée dans un très large consensus. Cependant, le Gouvernement aurait souhaité disposer de délais un peu plus amples pour sa mise en œuvre. C’est le Parlement qui a fixé des délais aussi courts !
Les élections pour le renouvellement des CDCI doivent être organisées au plus tard trois mois après la publication de la loi, soit d’ici au 16 mars 2011. Ce sont les termes mêmes de la loi qui a été votée par le Sénat, monsieur Collin !
Ensuite, les préfets doivent arrêter un projet de schéma départemental de coopération intercommunale au plus tard le 31 décembre 2011.
Enfin, les communes devront appartenir à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au plus tard le 1er juin 2013.
Il revient donc au Gouvernement d’organiser l’ensemble de ces procédures en tenant compte des exigences formulées dans la loi, que vous ne pouvez ignorer, monsieur le sénateur !
Dès lors, nous avons publié le 28 janvier le décret précisant la répartition des sièges au sein de la CDCI : 40 % pour les représentants des communes, 40 % pour les représentants des EPCI, 5 % pour les représentants des syndicats de communes et syndicats mixtes, 10 % pour les représentants du conseil général et 5 % pour les représentants du conseil régional.
La CDCI sera complétée après le 27 mars par les représentants du conseil général. En effet, les conseils généraux disposeront de trois semaines à compter de cette date pour désigner leurs nouveaux représentants, ce qui nous amène au 17 avril. Par conséquent, il est bien tenu compte des élections cantonales. Je pense que ce calendrier spécifique sera de nature à vous rassurer, monsieur le sénateur.
C’est après la désignation des représentants des conseils généraux au sein des CDCI, et pas avant, qu’interviendra la présentation du projet de schéma départemental de coopération intercommunale. Suivra une phase de consultation des communes et des EPCI d’une durée de trois mois, à l’issue de laquelle les CDCI auront quatre mois pour se prononcer, soit un total de sept mois. Compte tenu des trois mois de délai entre la publication de la loi et la tenue des élections pour le renouvellement des CDCI, il n’était pas possible d’aller au-delà.
Quoi qu’il en soit, les élus auront tout le temps nécessaire, à compter du mois d’avril, pour améliorer la carte intercommunale de leur département.
Mme Raymonde Le Texier s’exclame.
Le Gouvernement s’est montré réactif, pour permettre aux élus d’être opérationnels et aux préfets de s’organiser et de transmettre les informations.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.
En novembre dernier, je m’inquiétais de la disparition du Forum des droits sur l’internet, d’autant qu’aucune structure de remplacement n’était annoncée. En presque dix ans, cet organisme avait prouvé son utilité et son efficacité. Il travaillait depuis plusieurs mois à son évolution institutionnelle, notamment, et, conformément à l’une de vos propositions faites en 2008 au titre du « Plan numérique 2012 », à la création d’un Conseil national du numérique, rassemblant le Forum des droits sur l’internet et d’autres structures. Pourquoi le Forum n’a-t-il pas été maintenu quelques mois supplémentaires, le temps que soit installé le Conseil national du numérique ?
En décembre, monsieur le ministre, vous annonciez la création d’un groupe de travail préliminaire chargé de vous faire des propositions pour ce futur conseil. Or, le 20 janvier, on découvrait sur internet la mise en place d’une consultation publique remplaçant le comité d’experts prévu. Quelles sont les raisons de ce changement ? Celui-ci aura-t-il une incidence sur le calendrier annoncé pour avril ? On peut le penser, car pour qu’une consultation soit sérieuse, on doit lui laisser un peu de temps. Pouvez-vous nous garantir la transparence des résultats ? Certains propos que j’ai récemment entendus de la bouche même des responsables étaient peu rassurants à ce sujet.
Nous avons noté que vous aviez confié cette mission au président-directeur général de PriceMinister, un acteur du numérique. Nous ne nions pas les compétences de ce dernier, mais ne pensez-vous pas que désigner une personnalité moins impliquée professionnellement dans ce secteur, n’étant ni juge ni partie, aurait permis une approche plus objective et globale des problématiques de cet « écosystème » qu’est aujourd'hui le monde du numérique ?
Au-delà de la méthode, se pose aussi un vrai problème de fond.
De nombreuses questions d’ordre culturel, économique, financier, juridique ou éthique découlent des bouleversements que connaît aujourd’hui ce secteur.
Ainsi, pouvez-vous nous indiquer quels seront le rôle, les missions et les outils du futur Conseil national du numérique ? Sera-t-il un club d’experts défendant les intérêts d’un secteur ou s’investira-t-il dans une réflexion plus générale, incluant des sujets sociétaux et éthiques, ce qui nous semble essentiel ? Sera-t-il, autre possibilité, un outil de régulation ? Comment s’articulerait-il alors avec les autorités déjà existantes ?
Quoi qu’il en soit, sa composition devra être équilibrée et représentative des acteurs concernés. Bon nombre d’entre eux s’inquiètent en effet de l’opacité du projet.
Autorégulation, régulation, législation : autant de vrais sujets sur lesquels réfléchissent les parlementaires, comme en témoignent les nombreux rapports publiés ces dernières années. En conséquence, monsieur le ministre, le Parlement ne doit pas être tenu à l’écart de la réflexion.
À l’heure où la mise en place d’une gouvernance mondiale d’internet et la dimension multiacteur s’imposent comme des éléments clés, j’espère que vous saurez apporter des réponses à ces interrogations.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur certaines travées de l ’ UMP.
Madame Morin-Desailly, nous vivons en effet une véritable révolution numérique, …
M. Éric Besson, ministre. … une révolution de l’internet. Nous avons d’ailleurs participé ensemble ce matin à un colloque largement consacré à la lutte contre la fracture numérique et aux initiatives qu’il convient de prendre dans ce domaine.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Parce que cette révolution numérique affecte nos modes de travail, de recherche d’emploi, d’accès à des loisirs ou à la culture, il importe de consulter les acteurs de l’internet avant que n’interviennent les politiques publiques, la loi, le règlement.
C’est dans cet esprit que le Président de la République a récemment confirmé la création d’un Conseil national du numérique, qui sera une instance de consultation et de concertation.
Comme vous l’avez indiqué, j’ai confié une mission à M. Pierre Kosciusko-Morizet.
Au-delà de ses responsabilités professionnelles, il est un acteur incontesté du monde de l’internet. Il me remettra avant le 15 février un rapport analysant les besoins des acteurs, présentant des éléments de comparaison internationale et comportant des préconisations sur le fonctionnement et la composition du Conseil national du numérique.
Ce rapport, que je transmettrai au Président de la République et au Premier ministre, servira de base à la définition, par décret, de l’organisation du Conseil national du numérique, dont le Président de la République a souhaité nommer lui-même les membres.
M. Éric Besson, ministre. Bien entendu, le Parlement sera très étroitement associé à la démarche. Le Conseil national du numérique comprendra en son sein a minima un représentant de l’Assemblée nationale et un représentant du Sénat.
Applaudissementssur certaines travées de l’UMP.
Madame le ministre, les révolutions qui ont éclaté au sud de la Méditerranée condamnent les orientations de la diplomatie sarkozienne que vous devez mettre en œuvre.
Sur l’avenir de ces révolutions, seuls les États-Unis exercent une influence évidente, alors que la France, à l’origine de la création de l’Union pour la Méditerranée, est ignorée.
À confondre diplomatie et intérêts économiques, à sombrer toujours davantage dans la complaisance et le copinage, à force de pratiquer le double langage, le Gouvernement français s’est attiré l’hostilité de ces peuples, spoliés du produit de leur travail, terrifiés par une effroyable répression, bâillonnés, soumis au culte imbécile de la personnalité, que ce soit en Égypte ou en Tunisie, …
… là où, selon le Président Sarkozy, « s’élargissait l’espace des libertés »…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. De tels propos ont eu un effet ravageur, croyez-moi, tout comme la vision de la brochette de dictateurs se pavanant autour de notre Président de la République à la tribune d’honneur, le 14 juillet 2008. Les geôliers de leurs peuples fêtaient la prise de la Bastille : quelle dérision !
Murmures sur les travées de l’UMP.
Les peuples du sud de la Méditerranée ont vivement ressenti ce mépris du Gouvernement français, qui les condamnait à subir des dictatures mafieuses, …
… au motif fallacieux qu’il fallait protéger les Européens de l’extrémisme religieux.
À cela se sont ajoutées, en huit ans, sept lois hostiles aux immigrés et à leurs descendants devenus Français, …
… des lois hostiles aux étudiants étrangers.
Ces politiques ont contribué à creuser le fossé entre la France et la rive sud de la Méditerranée. Vous tournerez-vous enfin vers l’avenir, madame le ministre ?
Toute une jeunesse, des associations, des partis politiques, des syndicats, des médias défendent, dans le monde arabe et musulman, les mêmes valeurs que celles qui animaient nos jeunes ancêtres de 1789.
Êtes-vous disposée à mener une politique méditerranéenne qui tienne enfin compte des oppositions et les respecte ?
Êtes-vous prête à recevoir des télégrammes politiquement incorrects de diplomates aux relations et aux sources d’information multiples ?
Quand un juge d’instruction sera-t-il saisi du devenir des avoirs de Ben Ali et de son entourage ?
Êtes-vous prête, enfin, à mener une politique méditerranéenne qui échappe au carcan technocratique de l’UPM, pour que puisse triompher la démocratie ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
De nombreux événements se déroulent aujourd’hui au sud de la Méditerranée. Le Gouvernement français doit être aux côtés des peuples tunisien et égyptien, pour leur permettre d’exercer sans violences leur droit de manifester leurs aspirations, mais aussi pour participer au redressement et à l’installation dans la démocratie de leur pays. Nous avons formulé des propositions en ce sens à la Tunisie et nous avons appelé les dirigeants égyptiens à s’engager dans la voie d’une transition démocratique qui permette notamment la tenue d’élections libres.
Telle est notre conception des relations internationales. L’UPM se fonde précisément sur l’idée que ses membres ont des intérêts communs qu’ils doivent défendre ensemble, dans un esprit de grande solidarité.
Les principes de la politique internationale de la France sont le respect de l’État de droit, la non-ingérence et l’appel à la démocratie et aux libertés.
J’ai développé ces idées devant le Conseil des ministres des affaires étrangères européens la semaine dernière. Nous continuons à agir tous les jours en ce sens.
Il en va de même s’agissant du processus de paix au Proche-Orient. Ainsi, je recevrai tout à l’heure Mme Ashton et je donnerai ce soir un dîner de travail consacré au suivi de la conférence de Paris des donateurs pour l’État palestinien. Voilà ma politique au quotidien.
Vous entendez donner de grandes leçons sur ce qu’il aurait fallu faire ou ne pas faire, mais je vous invite à la plus grande prudence : certains faits pourraient être embarrassants pour vos amis.
Ainsi, le compte rendu du conseil de l’Internationale socialiste des 15 et 16 novembre derniers…
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. … nous apprend que le parti socialiste avait invité M. Jalel Trabelsi et Mme Hager Cherif, qui, si je ne me trompe, sont très proches de M. Ben Ali.
Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l’UMP.
Avez-vous également oublié qu’après le départ de M. Ben Ali, le parti socialiste a attendu trois jours avant de demander l’exclusion de son parti de l’Internationale socialiste ?
Vous pourriez vous en excuser !
Et que dire de M. Gbagbo ? Qu’attendez-vous encore pour l’exclure, ainsi que son parti, de l’Internationale socialiste ? Vous gardez dans vos rangs un homme qui refuse de reconnaître le résultat d’une élection démocratique !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP – Protestations sur les travées socialistes.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la formation des enseignants.
L’année dernière, 21 000 candidats se sont présentés aux concours de recrutement de professeurs de l’enseignement du second degré. C’était un peu moins que l’année précédente. Or il faut faire en sorte que les concours de l’enseignement continuent à attirer de bons candidats, si possible les meilleurs !
Le recrutement au niveau du mastère est un facteur de revalorisation de la condition enseignante aux yeux de la société tout entière. Cette réforme était indispensable dans une société devenue de plus en plus exigeante. Il est bon de l’avoir faite, mais…
… cette élévation du niveau de recrutement doit s’accompagner de mesures de revalorisation financière ; cela me paraît normal. Qu’en est-il exactement à cet égard, monsieur le ministre ?
En outre, la « mastérisation » du recrutement doit également s’accompagner d’une formation pédagogique. Si la formation disciplinaire est absolument nécessaire – on l’a parfois oublié –, nous savons bien qu’elle n’est pas suffisante : il ne suffit pas de posséder parfaitement une discipline pour savoir transmettre son savoir à des enfants ou à des jeunes. Il faut donc une formation pédagogique, qui soit pratique, utile, et non théorique.
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que vous envisagiez de mettre en place avec votre collègue le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche des mastères pluridisciplinaires, voire des mastères en alternance. Qu’en sera-t-il ? Où allons-nous ?
Par ailleurs, n’est-ce pas là l’occasion de bien distinguer les fonctions d’enseignement ? En effet, on n’enseigne pas au collège comme on enseigne en classe de terminale. Il convient donc d’en tenir compte dans la formation des professeurs : que comptez-vous faire à cet égard ?
Monsieur le ministre, toutes ces questions intéressent la France et son avenir.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le sénateur, si le nombre de candidats aux concours de recrutement de l’éducation nationale a marqué un recul l’année dernière, c’est en grande partie dû au fait qu’une promotion d’étudiants a pu présenter deux fois ces concours, sous l’ancienne forme et sous la nouvelle, l’année 2011 étant celle de la transition vers la mastérisation. C’est donc l’année prochaine que nous verrons si le nombre de candidats aux concours est comparable à celui des années précédentes.
Vous avez raison d’insister sur l’importance de la formation initiale des enseignants. Les enquêtes internationales qui ont été publiées récemment, notamment l’enquête PISA, démontrent d’ailleurs l’importance de ce paramètre dans la performance des systèmes éducatifs.
Nous avons bien fait d’augmenter d’une année la durée de la formation initiale de nos enseignants, comme le font la plupart des grands pays développés. Désormais, la formation se déroule à l’université et alterne des phases d’enseignement disciplinaire avec des phases d’enseignement pédagogique.
Nous avons déjà mis en place des formations pédagogiques, avec deux cycles de 108 heures en quatrième et en cinquième années d’études, des stages d’observation, des stages de mise en situation. Nous avons également développé des modules de formation spécifique pour les professeurs stagiaires l’année de leur titularisation.
Depuis la rentrée scolaire, j’ai indiqué que nous étions prêts à tirer toutes les leçons de cette phase d’adaptation, de transition, pour améliorer, si nécessaire, la formation l’année prochaine.
Valérie Pécresse et moi-même travaillons à la mise en place de mastères polyvalents, notamment pour les futurs enseignants du premier degré, et de mastères en alternance, pour assurer un meilleur équilibre entre formation disciplinaire et formation pédagogique.
Enfin, nous allons développer des modules spécifiques pour certains enseignements. En primaire, par exemple, 75 % des professeurs des écoles ont une formation plutôt littéraire. Il convient donc qu’ils étudient les disciplines scientifiques, afin de pouvoir transmettre aux élèves le goût des sciences.
Cette mastérisation se traduit aussi par une revalorisation de la fonction enseignante. Il s’agit là d’un point très important. Ainsi, nous avons augmenté le traitement de tous les nouveaux professeurs de 10 % à la dernière rentrée scolaire, soit 157 euros de plus par mois pour un professeur certifié et 259 euros de plus par mois pour un professeur agrégé. Cela représente un effort considérable.
Notre politique consiste à exiger davantage en allongeant la formation initiale et à revaloriser la fonction d’enseignant.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Bruno Retailleau applaudit également.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.
Pour 15 millions de Français, la fin du mois se joue souvent à quelques dizaines d’euros près.
Aujourd’hui, il existe une France de la précarité, une France pour qui vivre et se loger décemment est un combat quotidien.
Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre jette un éclairage glaçant sur une réalité dramatique, inacceptable, pour tout dire indigne de notre pays.
La situation s’est encore aggravée, et l’on compte aujourd’hui en France 3, 6 millions de personnes non logées ou mal logées, dont 33 000 sans abri, 100 000 sans domicile et 117 000 sans logement personnel.
Pour remédier à cette situation, il faudrait construire plus, et surtout construire mieux, là où sont les besoins.
Le mal-logement est une blessure au cœur de notre pacte républicain. Vous répondez à ce problème dramatique par des satisfecit convenus et des propositions de réforme fiscale hasardeuses, comme le projet de mettre en place une fiscalité foncière variant selon les territoires ! Les solutions existent pourtant.
Monsieur le secrétaire d'État, quand supprimerez-vous les aides fiscales à la construction, qui, en l’absence de contrepartie sociale, ne profitent qu’aux plus riches ?
Quand consacrerez-vous l’argent public à porter réellement remède aux difficultés les plus criantes et quand assumerez-vous vos responsabilités dans la lutte contre les marchands de sommeil ?
Enfin, quand imposerez-vous un quota de 30 % de logements à prix accessible dans tous les programmes de construction de logements ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le sénateur, je veux d’abord saluer le travail de la Fondation Abbé Pierre, qui, par la qualité de ses analyses et de sa réflexion, apporte une contribution exemplaire au débat.
Le Gouvernement entend reprendre certaines des propositions avancées par cette association.
Ainsi, la Fondation Abbé Pierre nous demande d’élaborer une grande loi foncière : à la demande du Président de la République et du Premier ministre, Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même lancerons une réforme de l’urbanisme en 2011.
La Fondation Abbé Pierre nous demande de construire plus de logements sociaux : en 2010, ce gouvernement, cette majorité en ont financé 130 000.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Non, ce sont des chiffres trompeurs ! Vous additionnez des carottes et des navets !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vous rappelle qu’à l’époque où vous étiez au pouvoir, vous en financiez à peine 40 000 !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
La Fondation Abbé Pierre nous demande de consacrer 2 % du produit intérieur brut au logement : en 2010, l’effort en faveur du logement aura représenté 1, 96 % du PIB, ce qui constitue un record depuis 1986.
La Fondation Abbé Pierre nous demande de lutter contre la précarité énergétique : nous consacrerons 1, 25 milliard d'euros, dont 500 millions d'euros au titre des dépenses d’avenir, au financement de travaux d’amélioration dans 300 000 logements.
Toutefois, il est un point sur lequel nous sommes en désaccord avec la Fondation Abbé Pierre : l’accession à la propriété. Cette majorité, ce gouvernement souhaitent que les plus modestes de nos concitoyens puissent eux aussi devenir propriétaires de leur logement.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est un engagement que nous avons pris lors de la campagne électorale, c’est notre conviction : il faut que le plus grand nombre possible de nos concitoyens, et pas seulement les plus riches, comme c’est le cas aujourd'hui, puissent accéder à la propriété !
Applaudissements sur les travées de l’
Ma question s'adresse à Mme la ministre des sports.
Madame la ministre, en tant que sénateur de la Haute-Savoie et élu d’Annecy, je crois pouvoir affirmer que l’on voit naître une adhésion des Français à la candidature d’Annecy à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2018. J’associe à mes propos mes collègues Jean-Paul Amoudry et Jean-Claude Carle, ainsi que Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, et tous les députés de la Haute-Savoie.
Je puis également vous assurer que toutes les collectivités concernées sont pleinement mobilisées, à l’instar du monde économique et sportif, d’autant que cette candidature fait évoluer nos territoires de montagne vers un mode de développement durable plus respectueux de l’environnement. C’est notre projet à tous et pour tous.
Le président du Comité international olympique, Jacques Rogge, a déclaré que la candidature d’Annecy gardait toutes ses chances.
Toutefois, il ne faut pas se cacher que les candidatures adverses bénéficient de moyens autrement plus importants. Or il semble que ce soit de plus en plus les moyens et les réseaux qui priment pour l’attribution de l’organisation des grands événements sportifs.
À cet égard, je pense ne pas être le seul à avoir été très déçu de voir l’organisation des Championnats du monde de handball de 2015 échapper à la France, alors que nous sommes une grande nation du handball ; les « Experts » l’ont encore démontré dimanche dernier.
Désormais, des questions se posent. Cela va faire un mois qu’une nouvelle équipe a été placée à la tête de la candidature d’Annecy.
Mme Jouanno ne peut pas tout faire : elle s’occupe de la composition de l’équipe de France de football !
L’arrivée de Charles Beigbeder devrait permettre de remédier à deux faiblesses de la candidature française : la difficulté que nous avons à nous « vendre » à l’international et l’insuffisance des financements privés.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Dans quelques jours, madame la ministre, vous devrez défendre cette candidature devant le comité d’évaluation du CIO, à Annecy. Vous savez bien sûr pouvoir compter sur les élus de Rhône-Alpes, de la Haute-Savoie, d’Annecy. Comment le Gouvernement compte-t-il s’investir pour défendre au mieux la candidature d’Annecy, qui est aussi celle de la France ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Une candidature aux jeux Olympiques et Paralympiques est toujours un grand moment pour une nation, car elle permet de relancer la dynamique sportive.
Nous sommes dans la dernière ligne droite, puisque la décision doit être prise à Durban le 6 juillet prochain. J’ai souhaité que l’État s’investisse beaucoup plus fortement sur ce dossier, parce qu’il y va de la dignité nationale : nous devons présenter une candidature solide et professionnelle.
Une nouvelle dynamique a été insufflée, avec la constitution d’une nouvelle équipe autour d’un chef d’entreprise, de sportifs, tels Jean-Pierre Vidal et une grande championne suédoise, Pernilla Viberg, qui a décidé de soutenir la candidature française.
Nous avons relancé une dynamique s’appuyant sur une nouvelle stratégie à l’international pilotée par Guy Drut, membre du Comité international olympique.
Avons-nous une chance de gagner ?
Notre candidature est la seule qui s’appuie sur des sites de haute montagne, à forte orientation écologique. Notre objectif est de montrer, au travers de notre dossier, qu’il est possible d’organiser des jeux Olympiques d’hiver écologiques dans une montagne du xxie siècle.
Sept membres du Gouvernement seront présents pour accueillir la commission d’évaluation du CIO qui se rendra sur place la semaine prochaine.
L’État doit certes s’investir. D’ores et déjà, la nouvelle dynamique que j’évoquais a permis de mobiliser 1, 8 million d’euros supplémentaires, apportés par la Compagnie nationale du Rhône.
Cependant, il n’est pas question de mobiliser des sommes faramineuses. La situation budgétaire ne le permet de toute façon pas. Il ne serait d’ailleurs pas à notre honneur, me semble-t-il, de cautionner cette dérive qu’est la course à l’argent dans le sport.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste. – MM. Philippe Darniche et Bruno Retailleau applaudissent également.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.
Nous le savons, la colère monte chez les éleveurs français, qu’il s’agisse des éleveurs de porcs, de bovins ou de volailles.
La hausse des coûts de production due à la forte augmentation du prix des céréales, donc des aliments pour le bétail, et la stagnation des prix de vente placent les producteurs de viande dans une situation de plus en plus difficile, qui leur offre peu de perspectives d’avenir.
Entre les mois de juin et de décembre derniers, le prix du blé sur les marchés internationaux a augmenté de 94 %, celui du maïs de 63 %.
La pérennité de nos filières d’élevage est donc aujourd’hui sérieusement remise en cause.
La Fédération nationale porcine a exprimé le profond désarroi des éleveurs la semaine dernière, lors d’une grande manifestation à Paris. Aujourd’hui, à l’occasion de son congrès national tenu à Autun, berceau du Charolais, c’est au tour de la Fédération nationale bovine d’alerter les pouvoirs publics sur la détresse de ses adhérents.
Les éleveurs bovins et porcins réclament une augmentation du prix de la viande. Depuis quatre ans, ce secteur est en crise et le prix de vente aux négociants n’a pas augmenté, alors que le prix à la consommation a progressé de 40 %.
La viande doit être achetée à un prix raisonnable, afin que les éleveurs puissent vivre de leur travail. Ne faudrait-il pas se pencher sur les marges des intermédiaires et des grandes et moyennes surfaces ? La transparence doit être partout de rigueur. N’est-ce pas le rôle de l’Observatoire des prix et des marges, ainsi que des interprofessions, de l’assurer ?
Alors que les productions céréalière et laitière reprennent du poil de la bête, les producteurs de viande subissent toujours une crise interminable, induite par le bas niveau des cours.
L’ensemble des filières d’élevage ont besoin de recevoir rapidement un signal de la part du Gouvernement. En conséquence, je souhaite connaître les mesures que M. le ministre de l’agriculture compte prendre pour mieux réguler ce secteur et soutenir la production d’une viande française compétitive et durable.
Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Philippe Darniche et Bruno Retailleau applaudissent également.
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Bruno Le Maire, qui est justement en train de défendre la position du Gouvernement devant l’assemblée générale de la Fédération nationale bovine. Son implication auprès des éleveurs n’est plus à démontrer.
Afin d’aider nos filières d’élevage, les pouvoirs publics ont notamment mis en place, en 2009, un programme exceptionnel de soutien, qui a permis d’apporter une bouffée d’oxygène aux éleveurs. Les négociations avec nos partenaires européens se poursuivent : un déblocage est intervenu sur la question du stockage, et M. Le Maire a récemment obtenu l’accord de la Commission européenne sur l’aide d’urgence aux éleveurs.
Vous avez raison d’affirmer, monsieur le sénateur, qu’il faut ouvrir des perspectives. Trois sujets importants doivent être traités : l’évolution des prix, la compétitivité et la lutte contre la volatilité des cours des matières premières à l’échelle internationale. Le marché est aujourd'hui trop instable pour que nos éleveurs aient suffisamment de garanties pour investir à long terme, même si leur métier les passionne et relève souvent d’une tradition familiale.
S’agissant de l’évolution des prix, nous avons suffisamment avancé pour offrir des assurances à court terme. Le Gouvernement poursuivra ses efforts.
En matière de compétitivité, le Gouvernement s’est engagé, à hauteur de 300 millions d’euros, dans la mise en œuvre d’un plan d’ensemble de développement des filières, afin notamment de soutenir la reprise des exploitations et d’aider les jeunes agriculteurs.
S’agissant de la volatilité des cours des matières premières, cette problématique doit être abordée à l’échelon international. Le Président de la République et le Premier ministre en ont fait l’un des points prioritaires de l’ordre du jour du G20. Nous avons d’ailleurs obtenu des avancées sur la scène diplomatique internationale, puisque les États-Unis eux-mêmes ont reconnu l’importance de cette question et l’ont intégrée parmi les thèmes de discussion. Nous devons aussi en débattre au sein de l’Organisation mondiale du commerce et avec le Mercosur. Les évolutions au plan international des cours des matières premières ne doivent pas s’opérer au détriment des éleveurs. L’élevage est une filière prioritaire pour l’agriculture française, et donc pour les pouvoirs publics.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste. – M. Bruno Retailleau applaudit également.
J’indique que, en ce moment même, des députés du Bundestag sont présents dans nos murs pour évoquer avec des parlementaires français la position franco-allemande sur la politique agricole commune.
Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, il est bon de rappeler certains chiffres, dont l’addition pèse très lourd.
En France, 8 millions de personnes, dont 2 millions d’enfants, vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
En décembre 2010, on comptait 4 millions de chômeurs, soit deux fois la population de Paris.
Aujourd’hui, 700 000 personnes se trouvent en situation de chômage de longue durée, un jeune actif de moins de 25 ans sur cinq est sans emploi, tandis que le taux de chômage des seniors a connu une augmentation de 20 % et nos territoires une désindustrialisation massive.
Derrière ces chiffres impressionnants, on trouve des réalités sociales, des drames humains dans les familles et un combat quotidien pour la dignité.
Monsieur le ministre, une conclusion s’impose : ce bilan est le vôtre, et il est accablant.
Quand allez-vous mobiliser le pays tout entier pour favoriser l’émergence d’une véritable culture industrielle ? Dans ce domaine, il faut mener une politique de haut niveau, fondée sur l’innovation, des formations de qualité, des infrastructures productives, un financement adapté des filières, des dynamiques territoriales, en considérant les collectivités territoriales non pas comme des ennemies, mais comme des alliées majeures.
Quand allez-vous sortir de ce budget de crise et d’austérité, pour vous engager pleinement dans la lutte en faveur du plein emploi…
… et de la croissance durable ? Quand accepterez-vous de redonner du lest au pouvoir d’achat ?
Quand allez-vous vous décider à rééquilibrer la fiscalité pour favoriser enfin l’économie réelle, celle qui crée des emplois, et non de nouvelles bulles financières ?
Monsieur le ministre, il faut inverser le logiciel ! Cessez d’agir pour la France des rentiers, agissez pour la France qui travaille, qui se lève tôt, qui produit des richesses, mais qui peine actuellement comme jamais auparavant.
Il faut moins d’autosatisfaction, moins d’effets d’annonce, plus d’actions vigoureuses et déterminées pour faire de l’emploi une véritable cause nationale !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le sénateur, inversez donc vous-même votre logiciel ! Vous égrenez les statistiques pour essayer d’obtenir un effet spectaculaire, mais tandis que vous vous bornez à commenter les chiffres, nous agissons pour faire reculer le chômage. Voilà la réalité !
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.
C’est vrai, la situation est difficile. Pendant la crise, le taux de chômage a augmenté de 33 % dans notre pays. Cependant, vous vous êtes bien gardé d’indiquer qu’il a progressé, dans le même temps, de 43 % à l’échelle de l’Europe, …
M. Xavier Bertrand, ministre. … et de beaucoup plus encore dans certains pays gérés par vos amis socialistes, telles l’Espagne et la Grande-Bretagne !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le sénateur, si les choses étaient faciles, cela se saurait.
Vous sollicitez les chiffres d’une façon manichéenne !
Inversons le logiciel, comme vous l’avez proposé, et considérons que l’emploi est un enjeu national, au-delà des clivages politiques. Nous aurions tous aimé que le chômage recule en 2010 ; cela n’a pas été le cas, mais il a beaucoup moins augmenté qu’en 2009.
Il suffit donc d’attendre : les chefs d’entreprise vont régler le problème !
La hausse a été de 3 % en 2010, contre 18, 9 % en 2009.
Grâce aux moyens engagés, nous entendons faire reculer le chômage des jeunes, mais aussi éviter que de nombreux chômeurs ne basculent dans l’exclusion. La volonté du Président de la République et du Premier ministre est de faire régresser le chômage de longue durée.
Sur tous ces sujets, on peut certes choisir, comme vous le faites, de dresser un camp contre l’autre. Pour ma part, je vous fais une proposition : dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens pour la modernisation et le développement de l’apprentissage, quand l’État met un euro, que les régions, gérées par vos amis, en mettent également un !
Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.
Voilà qui nous permettra d’être beaucoup plus efficaces et de faire reculer le chômage des jeunes ! Nous croyons à l’alternance. Sur tous ces sujets, il ne sert à rien de chercher à polémiquer.
M. Xavier Bertrand, ministre. L’élection présidentielle est encore loin, surtout dans l’esprit de nos concitoyens. En tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, libre à vous de vous en tenir à un rôle de commentateurs ; quant à nous, nous avons décidé de faire reculer le chômage dès cette année 2011 !
Applaudissementssur les travées de l’UMP. –MM. Philippe Darniche et Bruno Retailleau applaudissent également.
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Monique Papon.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre unique du titre Ier, à l’article 2 ter.
Titre IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA NATIONALITÉ ET À L’INTÉGRATION
Chapitre unique
(Non modifié)
Après l’article 21-27 du même code, il est inséré un article 21-27-1 ainsi rédigé :
« Art. 21 -27 -1. – Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique ou par déclaration, l’intéressé indique à l’autorité compétente la ou les nationalités qu’il possède déjà, la ou les nationalités qu’il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer. »
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je saisis l’occasion qui m’est donnée d’intervenir sur cet article, tendant à exiger une déclaration de nationalité, pour alerter notre assemblée sur les dérives de la politique d’immigration du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne les futurs étudiants.
Nous dénonçons la mesure totalement discriminatoire, antirépublicaine et illégale prise par le ministère de l’éducation nationale à l’encontre des futurs bacheliers de nationalité étrangère.
Depuis la semaine dernière, en effet, l’ensemble des lycéens ont la possibilité de formuler leurs vœux d’inscription dans l’enseignement supérieur via la plateforme internet Admission Post Bac. Cette procédure, déjà dénoncée par les organisations lycéennes et étudiantes comme une forme de sélection masquée, interdit désormais aux lycéens étrangers scolarisés en France de s’inscrire à des formations en apprentissage. Quand ils se connectent, le message suivant apparaît sur l’écran : « Seuls les candidats de nationalité française peuvent s’inscrire dans une formation en apprentissage sur Admission Post Bac » !
Le ministère de l’éducation nationale se défend en expliquant que ces lycéens relèvent d’une autre procédure d’inscription : cela ne manquera pas de transformer l’accès aux études supérieures, déjà extrêmement complexe pour les étrangers, en un véritable parcours du combattant, dont seuls les plus acharnés viendront à bout !
Parfaitement discriminatoire et scandaleuse, cette pratique est totalement illégale : chaque jeune scolarisé en France a le droit de s’inscrire à la formation de son choix. M. le ministre de l’éducation nationale a donc pris la décision de créer une véritable situation d’exception pour les jeunes les plus en difficulté, et de rompre l’égalité de traitement en se fondant sur des critères de nationalité.
Ce système d’inscription permet d’identifier automatiquement la nationalité du candidat. Nous dénonçons cette pratique manifeste, et totalement illégale, d’interconnexion entre les fichiers. Nous exigeons que l’anonymat des données collectées par le ministère de l’éducation nationale soit scrupuleusement respecté. L’éducation nationale n’a pas à servir d’informateur aux services de police, au titre de la chasse aux sans-papiers !
Par ailleurs, si l’ensemble des jeunes de France connaissent des conditions de vie et de formation de plus en plus difficiles, les étudiants étrangers subissent, quant à eux, une triple précarité : administrative, sociale et pédagogique.
Sur le plan administratif, d’abord, avant même l’arrivée en France, les démarches pour obtenir un visa étudiant sont lourdes et coûteuses. La dépense peut par exemple équivaloir, dans certains pays, à un mois de SMIC !
La politique d’« immigration choisie » mise en place par le Gouvernement aggrave cette situation. Elle se traduit en effet, pour les étudiants étrangers, par un contrôle accru des préfectures. Celles-ci n’ont pourtant pas la moindre prérogative pédagogique pour l’exercer, et n’appliquent bien souvent qu’une logique de chiffre. Cela conduit au renforcement d’un système totalement arbitraire, dans lequel, pour un simple redoublement ou une réorientation, l’étudiant peut perdre son titre de séjour.
Par ailleurs, la précarité sociale de ces étudiants est très importante, dans la mesure où un très grand nombre d’entre eux n’ont pas accès aux bourses attribuées sur critères sociaux.
Enfin, précarité administrative et précarité sociale entraînent une précarité pédagogique. Le fait de consacrer la moitié de l’année universitaire à des démarches administratives et de connaître des soucis financiers permanents, ainsi que l’absence de dispositifs pédagogiques spécifiques, conduisent de plus en plus d’étudiants étrangers à s’enfoncer dans une spirale de l’échec, voire à abandonner leurs études.
La majorité a décidé d’aggraver encore cette situation en reprenant les thèses du Front national. En effet, la mesure en question revient à appliquer le principe de la préférence nationale pour l’entrée à l’université.
Nous attendons d’entendre les explications du Gouvernement et soutenons la saisine conjointe de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, par l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, l’Union nationale lycéenne et la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, la FCPE.
Cet article 2 ter pourrait sembler d’ordre purement administratif et anodin. Or son examen ouvre, de fait, le débat sur la déchéance de la nationalité. Il est, en quelque sorte, le premier étage du dispositif de déchéance de la nationalité.
Cet article prévoit en effet qu’une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l’autorité judiciaire ou par déclaration doit déclarer la ou les nationalités qu’il possède déjà, la ou les nationalités qu’il entend conserver en plus de la nationalité française, ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer.
À l’évidence, cette disposition va très au-delà du simple souhait, affiché par le Gouvernement, de collecter quelques éléments statistiques sur la binationalité. Si tel était vraiment le cas, monsieur le ministre, ce dont je suis loin d’être convaincue, pourquoi n’apporter aucune précision ni aucune garantie s’agissant de la collecte et de la conservation des données ?
En réalité, sous couvert de permettre une meilleure appréhension du phénomène de la plurinationalité, cet article a pour objet de renseigner les autorités publiques sur l’existence ou non d’une nationalité de substitution, et ainsi sur la possibilité de prononcer la déchéance de la nationalité française. Ce processus de « traçabilité » des nationalités introduit par l’article 2 ter vise, en définitive, à favoriser l’application du dispositif de déchéance de la nationalité. Cet article est le complément indissociable de l’article 3 bis du projet de loi. Il participe de la politique d’extension et de facilitation de la déchéance de la nationalité.
Nous réprouvons ce choix, car, à nos yeux, l’octroi de la nationalité française est non pas un cadeau révocable, mais l’acquisition d’un statut personnel inscrit dans notre droit. Votre choix d’étendre la déchéance de la nationalité est contraire à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », ainsi qu’à la Convention du Conseil de l’Europe, qui n’autorise pas la déchéance de la nationalité pour des motifs de droit pénal général. La France est tenue par ses engagements internationaux, et il est de la responsabilité du législateur de rappeler haut et fort ces principes, quand le chemin pris par le Gouvernement nous en éloigne.
Opposés à l’extension de la déchéance de la nationalité au droit pénal général, nous souhaitons la suppression de l’article 2 ter, qui est lemarchepied de l’article 3 bis. Nous avons donc déposé un amendement en ce sens.
Je sais que nombreux sont les sénateurs hostiles à ce projet d’extension de la déchéance de la nationalité. Je les invite à voter tout à l’heure notre amendement : ne mettons pas le doigt dans l’engrenage !
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 27 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L’amendement n° 104 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 277 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié.
Je ne reprendrai pas les arguments parfaitement fondés qui viennent d’être développés par Mmes Labarre et Tasca, mais quel est le véritable objet de cet article, monsieur le ministre ?
Pour connaître l’ensemble de la procédure permettant à un étranger de rester sur le sol français, puis, au terme d’un certain délai, de demander la nationalité française, je sais que la nationalité des requérants est déjà mentionnée à de nombreuses reprises dans les dossiers. Ces informations sont donc déjà accessibles.
Pourquoi, dans ces conditions, exiger une nouvelle déclaration de nationalité ? Je m’étonne, en outre, qu’aucune sanction ne soit prévue à l’article 2 ter. Je le répète, nous n’appréhendons pas clairement l’objet et la finalité d’un tel dispositif.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 104.
Nous souhaitons également la suppression de ce dispositif, qui n’a aucun rapport avec l’acquisition de la nationalité française.
Quelle que soit la nationalité possédée antérieurement, cela ne change rien au fait que les conditions nécessaires pour obtenir la nationalité française soient réunies. La déclaration de nationalité est inutile, …
… et même dangereuse. Elle permettra d’établir des statistiques d’ordre ethnique concernant les ressortissants étrangers acquérant la nationalité française : nous ne comprenons pas l’utilité de telles données, à moins que nous ne la comprenions trop bien… Ne s’agirait-il pas, à l’avenir, d’orienter la politique migratoire et les conditions d’acquisition de la nationalité en fonction de l’origine des demandeurs ? Ce serait ouvrir la voie à un traitement différencié des étrangers selon leur nationalité, totalement inadmissible à nos yeux.
L’article 2 ter prévoit que « lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique ou par déclaration, l’intéressé indique à l’autorité compétente la ou les nationalités qu’il possède déjà ». Or, lorsque cette personne remplit un dossier en vue de demander la nationalité française, elle doit déjà fournir une telle indication.
En outre, toujours aux termes de l’article 2 ter, l’intéressé doit également indiquer « la ou les nationalités qu’il conserve en plus de la nationalité française » : il s’agit d’une donnée tout à fait susceptible d’évoluer, car une personne, après avoir d’abord choisi de conserver sa nationalité d’origine, peut ensuite se raviser. Il en va de même pour « la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer » : l’intéressé pourrait très bien décider d’abandonner la nationalité monégasque, par exemple, …
Sourires.
… puis finalement décider de la conserver ; on peut imaginer pour quels motifs…
Tout cela n’est donc guère convaincant !
Ce qui est clair – et certains de mes collègues l’ont dit –, c’est que cet article est une marche de préparation à l’article 3 bis : il s’agit de vérifier si les personnes ayant acquis la nationalité française disposent d’une nationalité de secours en cas d’application de l’article 3 bis à leur encontre.
Il existe en effet une clause qui interdit l’apatridie ; si les abominables assassins visés par l’article 3 bis perdent la nationalité française, il faut donc qu’ils puissent avoir une nationalité de secours. L’article 2 ter vise donc à mettre en place un fichier qui détermine s’il y a ou non une roue de secours pour de tels individus. Voilà le fond du débat !
Cet article est un nouvel exemple de dispositions prises pour traiter un nombre infime de cas – en l’espèce, dix tous les cinq ans – et qui ennuient des milliers de personnes honnêtes ; en l’occurrence, celles qui souhaitent acquérir la nationalité française.
Mme Catherine Tasca applaudit.
S’agissant des amendements identiques n° 27 rectifié, 104 et 277, je rappelle tout d’abord que l’objet de l’article 2 ter est de permettre à notre administration de disposer de données statistiques globales sur les étrangers ayant acquis la nationalité française.
L’obligation d’information n’a cependant aucune portée contraignante dans la mesure où son non-respect n’est passible d’aucune sanction.
En outre, les déclarations qui sont faites par l’étranger ne lient aucunement ce dernier ; c’est à mon sens un point important.
L’étranger peut conserver la nationalité à laquelle il aurait déclaré vouloir renoncer.
Pour répondre aux craintes exprimées par certains d’entre vous au sujet d’un prétendu « fichage » des doubles nationaux, j’ajouterai que de tels fichiers nominatifs auraient un caractère totalement illégal. Le traitement statistique des données collectées ne pourrait être qu’anonyme et ne peut être de notre point de vue qu’anonyme.
À cet égard, lier l’article 2 ter à l’article relatif à la déchéance de nationalité me paraît à tous points de vue extrêmement osé, pour ne pas dire abusif.
C’est pourquoi, sur ces amendements, la commission a souhaité solliciter l’avis du Gouvernement.
Je reprendrai les propos du rapporteur. À cet égard, je souhaiterais que, de temps en temps, ce que ce dernier exprime en son âme et conscience soit perçu comme la lettre de la loi.
Il affirme qu’il est impossible de créer un fichier parce que ce serait contraire au droit. Il est évident que la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, se prononcerait très rapidement sur le sujet ; telle est la réalité. Dès lors, comment voulez-vous construire toute une démonstration à partir d’un argument qui, par définition, n’est pas valable ?
Je le répète ici : supprimer l’article 2 ter, qui prévoit que l’étranger acquérant la nationalité française doit indiquer la ou les nationalités qu’il possède déjà et celle qu’il entend conserver, aurait évidemment des conséquences.
Tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, cet article a été introduit à l’Assemblée nationale ; il n’est donc pas d’origine gouvernementale. Je tenais à clarifier ce point pour que chacun comprenne bien la situation.
Ensuite, lors des débats à l’Assemblée nationale, Éric Besson, alors ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, avait donné un avis favorable en insistant sur trois points.
Premièrement, l’objectif n’est nullement de remettre en cause la possibilité de posséder plusieurs nationalités ni même d’imposer de nouvelles conditions légales à l’acquisition de la nationalité française.
Deuxièmement, il ne s’agit évidemment pas non plus de créer un fichier de données personnelles ; aucun suivi de ce type ne sera réalisé.
Troisièmement, il s’agit de permettre la collecte d’informations statistiques pour parvenir à une meilleure connaissance du phénomène de plurinationalité.
Pour clore mon propos, j’avoue à titre personnel ne pas avoir eu l’occasion de contacter les députés à l’origine du dépôt de cet amendement, …
… mais il ne me semble pas qu’il faille aujourd’hui en caricaturer l’objet ou en surestimer la portée, ni faire les rapprochements qui ont été suggérés voilà quelques instants.
À mon sens, il est tout à fait normal qu’une telle question soit évoquée lors d’un débat parlementaire.
Par conséquent, compte tenu des éléments factuels que je viens de rappeler et qui, bien entendu, sont également portés par le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements. Je souhaite en effet que l’article conserve la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, vous avez expliqué votre avis en trois points : les deux premiers consistent à nier les arguments avancés par les auteurs des amendements et le troisième concerne l’établissement de statistiques.
Vous avez avoué vous-même ne pas connaître les intentions des députés à l’origine de l’introduction de cet article, ce qui est regrettable : quand le Gouvernement est favorable à une disposition, il est bon qu’il sache pourquoi elle a été présentée.
Je n’ai pas eu l’occasion de discuter avec eux !
Pour ma part, je vous pose la question : quel est le but d’une telle disposition ? Vous dites qu’elle permet d’établir des statistiques, mais vous savez comme moi qu’il est impossible d’établir des statistiques à caractère ethnique !
Mais je n’ai jamais dit qu’il s’agissait de statistiques « ethniques » !
La nationalité donne des indications ethniques, vous le savez très bien ! Nous aimerions donc connaître les motivations réelles d’une telle disposition. Les députés qui en sont à l’origine ne sont pas présents pour nous répondre, mais nous pensons que le Gouvernement est tout de même en mesure de justifier la position qu’il a adoptée à ce sujet !
Au-delà du simple objectif avoué d’établir des statistiques – et de quelles statistiques s’agirait-il –, je ne suis pas certaine que des statistiques sur la double nationalité soient très utiles. Cela dit, vous savez très bien que les statistiques de ce type ont forcément un caractère ethnique !
Mon explication ira dans le même sens que celle de Mme Borvo Cohen-Seat.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j’avoue ne pas comprendre vos arguments. Vous affirmez, d’un côté, qu’il n’est pas question d’établir un fichier parce que c’est illégal et, de l’autre, que les informations recueillies serviront à établir des statistiques. Mais à partir de quoi construirez-vous celles-ci ? Sur quel critère ? Un critère de nationalité !
Dans ce cas, monsieur le ministre, vous devez avoir le courage de vos opinions et le dire clairement : vous souhaitez procéder à un repérage d’origines !
De telles pratiques ont malheureusement eu cours à une certaine époque dans notre pays. C’est la raison pour laquelle je commence réellement à m’inquiéter.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que l’étranger n’est pas lié par ses déclarations, mais il suffit de lire l’article 2 ter pour constater que c’est le contraire : « Lors de son acquisition de la nationalité française […] par déclaration, l’intéressé indique […] » ; voilà le lien ! Il est dans le texte ! Je sais encore lire le français ! Je suis allée à l’école française, je ne sais d’ailleurs lire que cette langue, monsieur le rapporteur.
Au demeurant, s’il n’y a vraiment aucun lien, pourquoi vous opposez-vous à la suppression de cet article ?
Je voudrais rappeler que l’article 2 ter est issu des travaux de l’Assemblée nationale et qu’il a été porté par un groupe de députés de l’UMP assez clairement identifié.
Simultanément au dépôt de l’amendement portant article additionnel qui est devenu l’article 2 ter, M. Lionel Luca et quatorze de ses collègues du groupe UMP déposait un amendement tendant à empêcher toute possibilité de double nationalité.
Et dans leur esprit, les deux dispositions étaient liées. Le groupe socialiste n’est évidemment pas favorable à une telle limitation de la double nationalité, à la mononationalité.
Je ne dis pas que c’est la position que vous défendez, monsieur le ministre, j’essaie d’éclairer le débat ; il y a le texte et le contexte.
Je suis sénateur des Français de l’étranger : plus de la moitié de ces derniers – 60 % – ont la double nationalité, c’est-à-dire qu’ils cumulent la nationalité française et celle du pays où ils résident. Par conséquent, les personnes que je représente sont très sensibles à ce sujet.
L’initiative du député Lionel Luca est à rapprocher des tentatives de remise en cause du droit du sol et du processus de stigmatisation des mariages. D’ailleurs, un débat assez intéressant a eu lieu à l’Assemblée nationale – je vous invite à en consulter le compte rendu intégral – sur l’évolution du droit du sol et du droit du sang, qui constituait le cœur du sujet en discussion. Les débats sont ce qu’ils sont, mais on comprend du moins de quoi il s’agissait.
Marine le Pen s’est par exemple prononcée très clairement contre la possibilité de la double nationalité. À notre sens, une telle position revient à tourner le dos à l’évolution récente de la société.
Je vous rappelle que la France a dénoncé la Convention du Conseil de l’Europe de 1963, du moins l’article de cette convention qui interdisait la pluralité de nationalités pour les ressortissants des États signataires.
Ainsi, quand une Française épousait un Espagnol ou un Anglais – et inversement –, elle devait abandonner la nationalité française. Cette disposition était d’ailleurs une vaste plaisanterie, puisque la personne concernée, après avoir remis sa carte d’identité ou son passeport à l’autorité d’état civil du pays, pouvait se rendre au Consulat de France pour faire une nouvelle demande de carte d’identité ; comme vous le savez, on ne peut être déchu de la nationalité française selon le droit français. Donc ce dispositif ne fonctionnait pas. L’idée était néanmoins de réduire le nombre de ressortissants européens qui jouissaient d’une double nationalité.
Or dans un monde qui s’internationalise et où le nombre d’unions entre personnes de nationalité différente augmente, poser un tel objectif c’est tourner le dos à l’évolution de la société.
C’est également pour ces raisons de fond que le groupe socialiste votera contre l’article 2 ter.
Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la connaissance parfaite dont le ministère de l’immigration dispose au sujet des personnes qui, aujourd'hui, demandent et obtiennent leur naturalisation.
En effet, un étranger qui demande à acquérir la nationalité française est connu des services du ministère au minimum depuis cinq ans, dix ans ou plus pour certains ; pendant toutes ces années, le fichier application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France ou AGDREF répertorie toutes les informations à son sujet : origine, identité, parcours personnel. L’individu est donc parfaitement connu des services du ministère, et c’est ce qui lui permet d’ailleurs d’acquérir la nationalité française.
Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas de mauvais procès en affirmant que vous cherchez à établir des statistiques ou des analyses qui n’auraient pas lieu d’être. La question que je me pose est la suivante : aujourd’hui, n’ajoute-t-on pas au droit des étrangers, qui est d’une complexité que personne ne peut nier, des éléments qui n’apportent rien, puisqu’ils existent déjà par ailleurs ?
À cet égard, je voudrais remercier le rapporteur de la commission des lois, qui nous a amenés à une décision de sagesse. Ce dernier faisait remarquer – je l’avais moi-même souligné – que, actuellement, une fausse déclaration de l’individu ne le liait pas pour l’avenir et qu’il n’était pas passible de sanction à ce titre. Dans ces conditions, quelle est l’utilité d’une telle disposition ? Telle est la question que nous nous posons les uns et les autres et qui devrait au moins inciter à s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet article.
Pour ma part, je souhaiterais poser une question car, contrairement à mes collègues, je ne suis pas une spécialiste du droit de l’immigration.
Dans un certain nombre de pays, la double nationalité n’est pas autorisée.
Je voudrais savoir ce qui se passe quand nous accordons la nationalité française à un étranger : existe-t-il un lien avec les pays d’origine qui nous permet de les informer, notamment s’ils n’autorisent pas la double nationalité ? En effet, nous nous intéressons ici au cas de la France, mais peut-être faut-il également veiller à respecter le droit en vigueur dans les autres pays.
Une personne peut en toute bonne foi demander la nationalité française sans savoir qu’elle risque de perdre sa nationalité d’origine, à laquelle elle tient.
Il serait en effet souhaitable de clore le débat, mais je me dois cependant de répondre aux différents intervenants, et d’abord à Mme Procaccia.
S’agissant des autres pays, il n’y a pas réciprocité : nous ne demandons pas la réciprocité au pays d’origine.
Madame Escoffier, vous avez mentionné l’existence du fichier AGDREF. Vous savez bien, en tant qu’ancien préfet, que le fichier AGDREF est destiné aux étrangers. Par conséquent, dès qu’un étranger est naturalisé, dès qu’il acquiert la nationalité française, par définition, il n’est plus recensé dans ce fichier.
Vous êtes donc en train d’avancer des arguments qui démontrent que vos propos ne sont pas du tout compatibles avec les questions posées par M. Yung !
Monsieur Yung, vous avez dit que 60 % des Français de l’étranger étaient binationaux ; mais comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre ? Il est impossible de le connaître, puisque il n’existe pas de fichier.
Nous n’avons pas, je le répète, de fichier et, madame Assassi, j’ai redit clairement, au nom de l’État français, qu’il n’était pas question d’en créer et donc, a fortiori, de créer un fichier ethnique !
Pour en revenir aux éléments statistiques, monsieur Yung, il faut être prudent quand on lance des chiffres et avancer des preuves. Or, à l’heure actuelle, il n’y a pas de données qui permettent d’appréhender, sous l’angle de la statistique, la plurinationalité.
L’objectif est donc de recueillir des données, non pas personnelles ou ethniques, madame Borvo Cohen-Seat, mais qui permettent une approche chiffrée.
À titre d’illustration, je me permets de vous poser une question, monsieur Yung. Lorsque l’INSEE, lors de ses enquêtes, interroge des personnes sur leur nationalité – ce qui arrive, nous le savons tous –, croyez-vous qu’il ait pour principe de dresser automatiquement des statistiques ethniques ? Évidemment pas ! L’objectif est tout simplement de rassembler des données pour connaître notre pays.
Je rappelle que le recueil de la nationalité est légal ; c’est sur les mêmes bases que celles qui autorisent l’INSEE à mener ce type d’enquête que l’article 2 ter prévoit le recueil de ces renseignements.
Je vous appelais tout à l’heure à nous faire parfois confiance. Eh bien, croyez-moi, il n’est pas question de créer un fichier de données personnelles, et ce ne serait pas possible, tout simplement parce que la création de tels fichiers est interdite par nos textes, sur la confidentialité des données notamment.
Il n’est évidemment pas dans nos intentions de détourner ces textes dans l’article 2 ter et, comme M. le rapporteur, je le répète, ayant maintenant répondu à celles et ceux qui viennent d’intervenir, je souhaite le maintien de cet article dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 27 rectifié, 104 et 277 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 2 ter est adopté.
I. – L’article 21-28 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Au cours de la cérémonie d’accueil, la charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 est remise aux personnes ayant acquis la nationalité française visées aux premier et troisième alinéas. »
II. – Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 114-3 du code du service national, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« La charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 du code civil leur est remise à cette occasion. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 28 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 105 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
Monsieur le ministre, nous avons déjà exprimé notre opposition à la charte des droits et devoirs du citoyen français, et cet amendement pourrait donc n’être que de coordination.
Cependant, à titre tout à fait personnel, il ne me paraît pas de mauvaise gestion que la charte soit remise à l’intéressé dès lors qu’elle a été signée. Je ne saurais donc m’opposer au paragraphe 2 de l’article 3.
Quant au paragraphe 4, qui prévoit la remise de la charte à chaque Français lors de la journée défense et citoyenneté, je dois dire que j’y suis très favorable. C’est en effet l’occasion d’associer, dans la même information, tous nos jeunes.
Une telle position va, certes, à contre-courant de la demande de suppression de l’article, mais, je le disais, le présent amendement a été présenté par coordination avec un précédent amendement.
Je vais donc être très honnête, monsieur le ministre : dès lors que ce précédent amendement n’a pas été accepté et que le principe de la charte est inscrit dans la loi, je ne peux pas ne pas dire que j’estime qu’il s’agit de très bonnes dispositions.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 105.
L’article 3 prévoit que la charte des droits et des devoirs du citoyen français est remise aux personnes ayant acquis la nationalité française lors des cérémonies d’accueil et à tous les Français quand ils participent à la journée défense et citoyenneté.
C’est bien le seul article du texte qui n’introduit pas de différenciation entre les citoyens qui acquièrent la nationalité française et ceux qui la possèdent dès la naissance !
Évidemment, ce n’est qu’un article sans portée ni envergure, qui ne change rien à la politique d’immigration et d’intégration.
En outre, même après les débats de ce matin, le contenu de cette charte demeure inconnu. On sait seulement qu’elle « rappelle les principes et valeurs essentiels de la République », formule dont nous avons dénoncé le caractère flou et subjectif.
Quoi qu’il en soit, la charte n’aura aucun impact sur la vie réelle : elle n’affronte aucune des questions liées à l’intégration, à l’investissement dans la vie publique et politique du pays, à la participation à celle-ci. Elle restera donc une simple déclaration d’intention et de principe.
Lors de la cérémonie, est également remis le livret d’accueil, qui peut contenir des éléments tels que les paroles de La Marseillaise ou que les textes de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen...
Nous estimons que cette remise officielle est sans portée et qu’elle relève d’un « folklore républicain » servant à porter un discours identitaire et national souvent réducteur.
En matière d’immigration et d’intégration, il y a tant à faire que nous refusons de cautionner ces mesures simplistes et démagogiques.
Nous souhaitons donc supprimer cet article dérisoire au regard des autres mesures du projet de loi qui portent de graves atteintes au droit des migrants et des étrangers.
Même si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est – tout le monde en conviendra – un texte fondamental, qu’est-ce qu’en faire l’objet d’une remise lors d’une cérémonie peut-il bien changer ?
Cela étant dit, la majorité serait quant à elle bien inspirée de la relire, car ce projet de loi contient, lui, de véritables violations des droits de l’homme et des principes fondamentaux de la République !
Madame la présidente, je me permettrai d’abord, compte tenu de ses explications, de demander à Mme Escoffier si elle retire son amendement.
L'amendement n° 28 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
La commission des lois est évidemment défavorable à l’amendement de suppression n° 105 : la remise de la charte est un moment symbolique important qu’il convient de conserver.
D’abord, je veux remercier Mme Escoffier de sa sincérité. Il y a, en effet, un moment pour se battre, mais, une fois que les choix sont actés, autant en tirer toutes les conséquences.
S’agissant ensuite de l’amendement n° 105, j’ai trouvé les propos de Mme Assassi un peu excessifs, mais chacun a, bien sûr, le droit d’exprimer à sa manière ses opinions.
Pour avoir participé à des remises de certificats de nationalité française, je peux dire, madame Assassi, qu’il peut s’agir de moments très forts.
Comme Mme Escoffier, j’estime très franchement que l’occasion de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française est bien choisie pour marquer l’intégration dans notre communauté et exprimer l’unité de celle-ci, raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'amendement n° 106, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les étrangers résidant en France depuis au moins cinq ans ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Ces derniers ne peuvent exercer la fonction de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Il s’agit là d’un amendement identique à ceux que nous avons l’habitude de déposer chaque fois qu’un texte relatif à l’immigration est examiné et, même si nous connaissons la réponse qui, bien évidemment, nous sera faite à la fois par M. le rapporteur et par M. le ministre, nous persistons !
Comme dans la dernière proposition de loi que nous avons déposée, nous défendons avec cet amendement le droit de vote et l’éligibilité aux élections municipales pour les étrangers résidant depuis au moins cinq ans en France, sans que ces derniers puissent pour autant être maire, maire-adjoint ou participer d’une quelconque manière aux élections sénatoriales.
Installés durablement sur le territoire français, ces étrangers doivent pouvoir participer à la vie politique locale, laquelle les concerne tout autant que n’importe quel autre habitant de la commune. Ils forment ensemble et sans distinction une communauté de vie, de culture et de projets qui leur permet de participer à la vie civique municipale, car, quelle que soit leur nationalité, ils ne sont pas étrangers à leur ville.
D’ailleurs, le Parlement européen a voté une résolution demandant aux pays membres d’accorder le droit de vote aux élections locales à l’ensemble des étrangers vivant et travaillant sur leur territoire. Le Conseil de l’Europe comme le Comité économique et social européen se sont prononcés en sa faveur.
De plus, en vertu de l’article 88-3 de la Constitution, les ressortissants communautaires bénéficient des droits de vote et d’éligibilité aux élections municipales. La situation actuelle est donc contraire au principe d’égalité, qui veut que tous les étrangers aient accès aux mêmes droits.
C’est pourquoi nous proposons d’accorder ces mêmes droits à ceux qui ne sont pas ressortissants communautaires mais remplissent les conditions de résidence requises.
L’objet de l’amendement sort du champ du projet de loi : avis défavorable.
Mme Assassi, que je remercie d’avoir rappelé la position du Gouvernement à l’égard de cette proposition dont nous avons déjà débattu à de nombreuses reprises, sait donc que l’avis est défavorable.
Je précise – mais est-ce nécessaire ? – que, si cet amendement devait être adopté, il nous faudrait modifier l’article 3 de notre Constitution, ce qui ne peut être fait dans le cadre d’une loi ordinaire.
Une fois de plus, j’ai du mal à comprendre toutes ces contradictions.
L’intitulé du projet de loi comporte le mot « intégration » et il est question d’assimilation à l’article 1er, mais, dès que l’on parle, non plus des devoirs qui devraient être ceux des étrangers, mais de droits, et en particulier de droits politiques, tout change !
J’aurais aimé un peu plus de cohérence et de courage politique : que l’on cesse de nous opposer la Constitution, …
…car on sait bien que, lorsqu’il est besoin de modifier la Constitution, on modifie la Constitution !
Contre cet amendement, on trouve, encore une fois, le moyen de dire non. Cela me rappelle des paroles que j’ai souvent entendues lorsque j’étais plus jeune : quand on veut faire quelque chose, on trouve le moyen ; quand on ne veut pas faire quelque chose, on trouve des prétextes.
…car il correspond à une de nos orientations profondes, à un choix entériné depuis longtemps au sein de notre parti.
Le débat, on le sait, est ancien, dans la société française comme dans les différents partis – et non pas seulement dans le nôtre –, et il y a eu, si j’ose dire, des allers et des retours sur ce sujet.
On a progressé à l’échelon communautaire, avec la création de la citoyenneté communautaire, laquelle permet aux ressortissants de l’Union européenne de voter dans le pays où ils résident pour les élections européennes et pour les élections locales.
C’est un progrès, mais, pour reprendre le célèbre dicton chinois, ce n’est que la moitié du ciel ! Il reste tous ceux qui ne sont pas communautaires.
Il s’agit, pour l’instant, d’un amendement d’appel.
On se doute bien qu’il ne sera pas traduit immédiatement dans la Constitution, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Néanmoins, le Sénat s’honorerait en votant cet amendement.
Comme vient de le dire mon collègue Richard Yung, nous entendons bien l’argument juridique concernant le caractère constitutionnel de cette proposition. Mais nous aurions aimé, monsieur le ministre, que vous nous répondiez sur le fond.
En effet, la modification de la Constitution ne constitue pas un obstacle. Ces jours-ci, nous assistons à une grande campagne concernant l’éventuelle modification de la Constitution en vue d’inclure la contrainte budgétaire dans ce texte majeur de la République.
Si l’on peut envisager cette modification et si nous devions nous transporter à Versailles pour réviser la Constitution, comme le Gouvernement semble le souhaiter, il ne serait pas très difficile d’inclure dans la révision une disposition concernant le vote de ceux que nous considérons comme des concitoyens de fait mais auxquels vous vous obstinez à refuser la citoyenneté.
Monsieur le ministre, vous savez très bien que nous attendons une réponse sur le fond. Ce débat doit continuer à progresser, comme il l’a fait depuis vingt ans. Nous aimerions connaître l’état de vos réflexions.
J’ai cru comprendre que Nicolas Sarkozy commençait à ouvrir le débat. Bien avant lui, quelqu’un – on ne s’y attendait d’ailleurs pas de sa part – évoquait cette possibilité comme un tabou. Il s’agissait de Charles Pasqua.
Nous aimerions que vous puissiez aborder des débats délicats, appelant de l’engagement et des convictions. Mais lorsqu’il est question d’immigration, vous restez sur un seul sujet, la préparation de la prochaine campagne électorale !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Considérant que votre électorat est assez partagé sur cette question, vous évitez d’aborder les questions de fond. Cela permettrait pourtant d’élever le débat et d’amener votre électorat à adopter cette mesure relative aux élections locales, qui est juste et partagée en Europe.
Monsieur le ministre, il n’est pas dans votre rôle d’interrompre les orateurs.
Le principal argument théorique qui a été avancé contre le droit de vote des immigrés aux élections locales consistait à dire que, dans la tradition française, la nationalité et la citoyenneté sont intimement liées. C’est ce que j’ai entendu pendant toute ma jeunesse.
Mais un jour nous avons décidé qu’il n’en était plus ainsi puisque, en acceptant le cadre européen, nous avons accepté que des non-nationaux européens aient le droit de vote.
M. David Assouline. Non, cela n’existe pas dans la Constitution française.
M. le ministre proteste.
M. David Assouline. Cessez de m’interrompre ! Madame la présidente, j’en appelle à votre autorité pour faire régner l’ordre dans cet hémicycle.
Sourires sur les travées de l’UMP.
Les termes de ce concept de nationalité-citoyenneté se sont déconnectés parce que la nationalité européenne n’existe pas, même s’il existe une citoyenneté européenne. Les droits du citoyen se sont déconnectés de la nationalité française. Depuis, vous pataugez !
Voici un autre argument. Le lien social, l’harmonie sociale et l’intégration des étrangers à notre aventure collective passent par la citoyenneté, tout le monde le sait. Je prendrai un exemple simple.
Lors d’élections nationales, dans beaucoup de nos quartiers, certains enfants savent que, durant la semaine qui les précède, on en discute à table et, le dimanche électoral, dès leur plus jeune âge, ils voient leurs parents aller voter et parfois même, ils les accompagnent pour cet acte civique. Ils font ainsi, au plus profond d’eux-mêmes, l’expérience d’une appartenance à une communauté.
Dans ces mêmes quartiers, vivent d’autres jeunes – ils sont même souvent très nombreux dans un quartier –, qui n’ont jamais vu leurs parents participer à des élections. Ces jeunes sont français, ils sont nés et ont grandi ici, mais leurs parents étrangers, qui vivent ici, n’ont jamais exprimé leur choix par cet acte civique.
On s’étonne que ces jeunes s’abstiennent, on leur reproche de ne jamais aller voter alors qu’ils sont français. Mais on ne les a jamais habitués à voter, cela ne fait pas partie de leur culture ! Et, au fond, ils estiment qu’ils pourront voter quand leurs pères aussi pourront le faire. C’est une manière de nous dire qu’ils veulent une intégration de tous à la communauté nationale, qui ne soit pas une séparation avec leurs parents, leurs familles, leurs origines et leurs ancêtres.
Vous pouvez comprendre cela. Pourtant, lorsque vous abordez la question de l’immigration et des étrangers, voici la seule question que vous vous posez : « qu’est-ce qui peut être entendu pour la prochaine campagne électorale ? ».
Vous n’osez pas prendre les risques politiques qui consistent à éduquer, à former et à informer les citoyens sur les vrais enjeux. Mais aujourd’hui, les citoyens sont prêts ; vous êtes en retard par rapport à la majorité des Français !
L'amendement n'est pas adopté.
L’article 25 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou si elle constitue, compte tenu des conséquences pour l’intéressé, une mesure disproportionnée au regard de la gravité des faits perpétrés » ;
2° L’article est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° S’il a été condamné pour un acte qualifié de crime prévu et réprimé par le 4° des articles 221-4 et 222-8 du code pénal, lorsque ce crime a été commis contre un magistrat, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l’administration pénitentiaire, ou un agent de police municipale. »
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les vilaines idées font rarement de belles lois !
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la dernière fois que nous sous sommes trouvés avec M. Brice Hortefeux dans une opposition aussi marquée, c’était lors du débat sur le test ADN, alors que je venais de saisir le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE. Le ministre s’était alors engagé à faire prévaloir en commission mixte paritaire la version du texte élaborée par le Sénat, dont nous savions, lui et moi, qu’elle serait difficilement applicable. L’histoire nous a donné raison.
Nous voilà ici, de nouveau en complète opposition, avec l’article 3 bis.
En tant que membre de la commission des affaires étrangères, je vous rappelle – on l’a d’ailleurs dit souvent – que notre pays est lié par de nombreuses conventions au sujet des nationalités et que le droit international interdit de créer des apatrides, par le biais d’une convention du 30 août 1961, entrée en vigueur le 13 décembre 1975.
Les cas de révision et de suppression de la nationalité sont déjà prévus par des textes, qui ont été appliqués sept fois depuis 1999.
Notre arsenal juridique répressif est assez bien pourvu, à condition que les forces de police et de gendarmerie, ainsi que le pouvoir judicaire aient les moyens humains et matériels de l’appliquer.
Monsieur le ministre, c’est avec beaucoup de prudence que j’aborderai un dernier point. Comme je l’ai dit, les vilaines idées ne font pas de bonnes lois. C’est le régime de Vichy qui, avant vous, avait eu la triste et funeste idée de s’emparer de l’arme de la dénaturalisation.
La loi du 22 juillet 1940, « La France aux Français », a ainsi entraîné la perte de la nationalité française pour des milliers d’Espagnols et d’Italiens, fuyant la misère économique, la guerre civile ou le fascisme, ainsi que pour tous les émigrés des pays de l’Est, fuyant les persécutions antisémites et venus chercher refuge en France. L’abrogation du décret Crémieux a également rendu apatrides les Juifs d’Algérie.
On disait à l’époque « heureux comme Dieu en France », mais les lois de Vichy en ont décidé autrement.
À toutes ces raisons, j’en ajouterai une plus personnelle : mon père, ses parents et toute sa famille ont vu leur nationalité française leur être retirée par un décret de 1941, ce qui leur a valu une priorité pour la rafle du Vel’ d’Hiv’ et pour le convoi n° 9 à destination d’Auschwitz.
Comparaison n’est pas raison, bien entendu, et loin de moi l’idée de rapprocher les situations historiques. Cela serait injurieux à votre égard et à l’égard de la France dans laquelle nous vivons aujourd’hui, qui n’est pas, loin de là, la France de Vichy.
Même si, selon un récent sondage, 80 % des Français sont favorables au retrait de la nationalité française pour polygamie ou incitation à l’excision, et 70 % sont favorables au retrait de la nationalité française en cas d’atteinte à la vie d’un policier ou d’un gendarme, 95 % de ces sondages concernent les électeurs du Front national !
C’est surtout aux miens que je pense en vous disant que je ne voterai pas cet article. Avec moi, l’ensemble des sénateurs du groupe de l’Union centriste s’opposent fermement et solidairement au vote de cet article. Nous voterons donc les amendements de suppression et nous avons demandé un scrutin public sur l’amendement n° 30 rectifié.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis très émue par les propos de Mme Nathalie Goulet et j’apprécie la position collective du groupe de l’Union centriste sur cette question.
Nous voici devant le chiffon rouge que vous agitez devant les parlementaires socialistes pour tenter de noyer le débat. Ce projet de loi est, dans son ensemble, une atteinte aux droits des étrangers, aux valeurs de notre République, et l’on ne saura se focaliser sur la seule déchéance de la nationalité pour masquer d’autres dispositions très préoccupantes. Je pense notamment aux mariages dits gris ou bien à la zone d’attente clé en main qui traduit un recul net du droit.
La déchéance de la nationalité n’est donc malheureusement pas un cas isolé. La naturalisation est un processus complexe qui suppose l’adhésion à nos valeurs et la volonté de s’intégrer à notre société. Il me semble pour le moins curieux qu’une fois ce cap passé il faille encore faire ses preuves. Ce texte montre qu’un naturalisé n’est visiblement jamais réellement français.
Somme toute, nous sommes d’accord sur le fait qu’il est particulièrement abject de commettre un meurtre et, fait aggravant, sur un représentant des forces de l’ordre. Toutefois, je ne peux manquer de m’interroger sur le sens profond de cette disposition.
Pourquoi opérer une distinction entre le meurtre d’un représentant des forces de l’ordre par un Français dit de souche et celui qui aurait été commis par un Français naturalisé ? Estimez-vous que l’un de ces crimes est, par essence, plus grave que l’autre ?
Cette distinction n’a pas de sens, le crime est tout aussi condamnable dans un cas que dans l’autre ! Aussi, les personnes le commettant devraient être frappées des mêmes peines.
Redisons-le, cette différence dans la nature des peines n’est pas conforme à la Constitution. On ne peut prévoir un traitement distinct entre les Français naturalisés depuis moins de dix ans et les autres.
Admettez le caractère étrange de cette proposition. Un Français naturalisé depuis neuf ans et cinq mois aurait éventuellement une peine supplémentaire au travers de la déchéance de la nationalité alors qu’un Français naturalisé depuis dix ans et trois mois ne risquerait rien, et ce pour un même crime !
Quelle logique sous-tend votre propos ?
Pour nous tous, la nation est un bien précieux. Depuis 1870, nous sommes les promoteurs d’un modèle national reposant sur le « vivre ensemble » plus que sur l’histoire. Ernest Renan considérait, selon une célèbre formule, que la nation est un « plébiscite de tous les jours ».
C’est parce que nous avons envie d’avancer ensemble que nous sommes membres de la communauté nationale. Cependant, chers collègues, on voit mal comment ce plébiscite peut exister quand une partie de la nation possède un statut précaire.
Au regard de la loi, ces personnes ne seront pas des Français comme les autres. La suspicion sur leur statut n’est pas acceptable. Les naturalisés français sont déjà suspectés de double allégeance, à cela s’ajoutera la précarité de leur statut.
Certes, vous nous affirmez que cette disposition n’aurait concerné que sept personnes depuis 1998, et que, dès lors, la précarité est bien relative au vu du faible nombre de personnes concernées.
Doit-on mettre à bas notre modèle national, attaquer les fondements mêmes de la République pour sept individus qui, français ou non, passeront une bonne partie de leur vie en prison ?
Les événements de l’été dernier furent graves, leur exploitation politique l’est plus encore. Nos représentants dépositaires de l’ordre public méritent mieux que des effets de manche pour assurer leur protection.
Réfléchissez-y : arrêter la politique du chiffre, qui constitue pour eux un stress constant et qui les conduit à travailler dans des conditions extrêmes, serait sans doute plus efficace pour améliorer leurs relations avec la population et redorer leur blason. Commençons par leur donner les moyens de travailler, ne leur assignons pas d’objectifs ubuesques et nous contribuerons plus efficacement au respect de leur fonction.
Enfin, je veux faire une observation plus générale sur le projet de loi.
Je m’étonne que des textes importants fassent l’objet de la procédure accélérée et que seuls les textes sur la sécurité et l’immigration aient droit à la procédure normale et donc aux navettes parlementaires. C’est comme si l’on voulait instiller dans l’esprit de nos concitoyens les thèmes habituels de la prochaine campagne électorale.
Marine Le Pen cible l’islam et les musulmans et le Gouvernement, pour ne pas être en reste, cible l’immigration et l’insécurité. Tout cela se rejoint pour installer des peurs en vue des prochaines élections.
J’en reviens à la question de la déchéance de nationalité.
Parce que notre Constitution affirme que les Français sont égaux devant la loi et que, pour nous, les mots – encore les mots ! – ont un sens, on ne peut les travestir au gré des vicissitudes médiatiques.
Nous demandons donc avec force la suppression de cette mesure et appelons nos collègues, en résonance avec leurs valeurs humanistes, à agir comme nous l’avions fait ensemble pour les tests ADN.
Le Sénat, en sa qualité de chambre des sages, s’honorerait à rejeter un tel dispositif.
Pour ma part, je considère – d’ailleurs, je ne suis pas la seule – que la déchéance de la nationalité ne devrait pas exister, car une telle mesure est antirépublicaine.
On appartient ou non à la nation, quelle que soit la façon dont s’est faite cette appartenance. Il ne devrait pas y avoir de retour possible en arrière.
La réponse judiciaire sanctionnant des délits ou des crimes, les plus monstrueux soient-ils, doit être la même pour tous les Français, quelle que soit la date d’acquisition de la nationalité, ainsi que pour les étrangers présents sur le territoire. L’égalité exige qu’on ne fasse pas de différence entre les Français ni entre les Français et les étrangers en matière pénale.
J’ajoute que la déchéance de la nationalité est gravement connotée depuis que le pouvoir de Vichy – époque où, je dois le rappeler, la République, par la volonté de certains, s’est sabordée – a déchu des centaines de milliers, voire des millions de Français de leur nationalité, dont un groupe entier de Français de religion juive, avec les conséquences que l’on sait pour beaucoup d’entre eux.
La République se serait honorée et s’honorerait en bannissant la déchéance de la nationalité de son dispositif législatif. Tel n’est pas votre avis ni peut-être celui de la majorité des Français.
Reste que, jusqu’à aujourd’hui, il existait un consensus selon lequel la déchéance de la nationalité était réservée aux atteintes aux intérêts essentiels de l’État, c’est-à-dire en cas de trahison, d’espionnage, de terrorisme, ce qui est plus conforme à la Déclaration des droits de l’homme et aux accords internationaux. C’est ainsi que cette sanction a été rarement appliquée.
Le précédent gouvernement, qui n’était pas si éloigné de celui-ci, puisque le remaniement n’a pas été de nature à modifier sa composition, semblait de cet avis. Il aura donc fallu l’intervention du chef de l’État à Grenoble pour que soit introduite une extension plus ou moins précise de la déchéance de la nationalité.
Vous le savez, le Président de la République dit beaucoup de choses, mais on peut quelquefois regretter que le Gouvernement ne s’empare pas de certains de ses propos. Lorsqu’il parle de « moraliser le capitalisme », par exemple – voyez d’ailleurs ce qui se passe aujourd’hui –, ou lorsqu’il évoque le fait qu’il n’est pas hostile au droit de vote des étrangers aux élections locales, on aurait aimé que le Gouvernement se précipite sur cette occasion pour prévoir des dispositifs législatifs. Or rien ne se passe ! En fait, il y a les propos d’affichage et les propos d’affiche, qui seuls font l’objet de projets de loi.
Ainsi, vous avez décidé d’accepter d’étendre la déchéance de la nationalité aux meurtriers de dépositaires de l’autorité publique, dont le rapport cite la liste. Je me demande d’ailleurs si celle-ci est exhaustive. Il est difficile de le savoir.
La commission, sans doute pour éviter des difficultés inhérentes à cette vaste entreprise, a limité les possibilités de déchéance de la nationalité ou plutôt a défini de façon plus restrictive les personnes dépositaires de l’autorité publique en retenant les magistrats, les gendarmes, les fonctionnaires de la police nationale, les fonctionnaires de la police municipale, les agents des douanes et les personnels de l’administration pénitentiaire.
La commission veut ainsi nous faire comprendre qu’elle n’est pas totalement d’accord avec la liste très exhaustive des personnes dépositaires de l’autorité publique. Hélas ! elle crée un autre problème : pourquoi ne retenir que ces six catégories de fonctionnaires ? Les pompiers, les médecins hospitaliers, les professeurs, les élus ne sont-ils pas, eux aussi, dignes d’être dépositaires de l’autorité publique ?
Vous voyez bien que la volonté affichée du Président de la République de réprimer ou de stigmatiser les personnes issues de l’immigration ou sa conception de l’État – selon laquelle il y aurait peut-être de bons Français et de moins bons, je ne sais – ne résiste pas à un examen des règles fondamentales de notre droit : l’égalité entre les Français, l’égalité de tous devant la justice.
Je souhaite que la déchéance de la nationalité disparaisse totalement de notre législation. À défaut, cette condamnation doit uniquement sanctionner la trahison à l’égard de la République.
Au cours de la discussion générale, j’ai eu l’occasion d’exprimer fortement mon sentiment personnel sur cette question. Je veux maintenant revenir sur les principaux arguments qui ont été échangés ici.
Vous dites qu’il faut une loi, car il faut adapter notre droit et régler des problèmes concrets. Pourtant, personne ne peut raisonnablement soutenir ici que la mesure prévue à l’article 3 bis, qui ne touchera que quelques individus au mieux, changera quoi que ce soit à la régulation des flux migratoires ou à l’intégration, sujets qui sont censés être traités par ce texte.
Ce sujet n’avait jamais été brandi par l’UMP, ni même par ses ancêtres. Il faut dire que, depuis 1945, en France, les partis se sont constitués sur un socle commun fondamental : ne pas créer deux catégories de Français.
Finalement, vous ouvrez une brèche : l’origine étrangère restera indélébile et on pourra toujours la rappeler en supprimant la nationalité française. Une telle mesure, comme cela a déjà été dit, était associée au gouvernement de Vichy, dont l’idéologie était une rupture totale avec la République et même un déni de République.
Votre dispositif n’aura aucune utilité. En fait, il est purement symbolique. Les symboles en politique servent à envoyer des messages et à éduquer. Or le message que vous envoyez, c’est qu’il y existe deux catégories de Français. Déjà que l’on stigmatisait les étrangers, maintenant on rappellera aussi leur origine étrangère à certains Français !
Peut-être pensez-vous que c’est ainsi qu’on combat la montée du parti national-populiste, le Front national. Mais vous vous trompez sur toute la ligne ! J’en veux pour preuve que cette idée n’a jamais figuré dans votre programme, alors qu’elle est depuis toujours inscrite dans le sien. Vous la lui avez empruntée. Je vous rappelle quand même que le Front national, lui, va encore plus loin, puisqu’il demande que cette sanction soit appliquée à tous ceux qui ont été condamnés à six mois ferme, ce qui représenterait des milliers de personnes.
Je vous le dis : la seule façon de combattre le Front national, c’est de créer un cordon sanitaire républicain. Il nous faut lutter contre cette tentation de trouver des boucs émissaires, même si je sais que cette pratique est vieille comme le monde. Après tout, c’est humain – on a tous en soi du bon et du mauvais –, quand ça va mal, quand il y a une crise sociale, il est plus facile de rejeter sur l’autre toute la responsabilité.
Pensez-vous que, lorsqu’un crime qui aura ému l’opinion publique sera commis par un Français d’origine étrangère, vous répondrez : « On a la mesure, il va être déchu de sa nationalité ». Je sais que vous n’y croyez pas une seconde. Imaginez-vous également qu’un criminel suffisamment dangereux, fou, hors norme, hors morale, pour tuer un magistrat ou un policier va se dire : « je risque la perpétuité mais, surtout, d’être déchu de ma nationalité, alors, j’arrête » ?
Votre texte n’aura aucune efficacité préventive. Il est là uniquement pour le symbole.
La façon de reconquérir tous ces électeurs tentés par les discours faciles où l’on cherche les raisons de sa mauvaise situation chez l’autre, c’est de mener un combat d’éducation, d’information pour les élever, sinon on tombe dans le populisme.
N’oubliez pas : quand on prend les gens pour des imbéciles, ils ne vous aiment pas. De plus, ils préfèrent l’original à la copie. Vous n’arrivez même pas à remonter la pente depuis que vous empruntez vos idées au Front national, c’est lui qui progresse.
Il serait à l’honneur du Sénat, sur l’ensemble des travées, de dire que ce symbole est négatif et qu’il vaut mieux conserver le droit en vigueur. Jamais notre République n’a été ébranlée par le fait de ne pas déchoir de la nationalité les grands criminels, notamment ceux de magistrats ou de policiers. Restons tous ensemble sur ces valeurs et prenons une décision forte en créant ce cordon sanitaire
Je veux avant tout remercier Mmes Khiari et Goulet de leur intervention. J’ai été très sensible au ton qu’elles ont employé et à leurs arguments.
Chacun exprime en effet son point de vue en fonction de sa propre sensibilité.
J’ai été beaucoup moins heureux d’entendre les diatribes de ceux qui, de manière systématique, ne parlent que d’élections. On a l’impression que certains ont pour seul souci d’abaisser le débat au niveau de sa dimension électorale !
Soyons clairs : nous ne débattons pas d’un texte électoral, mais tout simplement d’un texte qui vise à organiser le vivre ensemble dans notre pays.
Le texte sur la déchéance de la nationalité existe. Nous ne sommes pas en train de l’inventer. Mme Borvo Cohen-Seat l’a reconnu.
Entre 1990 et 1998, la procédure en question a été deux fois plus souvent utilisée qu’entre 1998 et 2010.
Je donne ces chiffres parce qu’ils correspondent à la réalité : c’est un fait que les déchéances sont aujourd’hui moins fréquentes qu’entre 1990 et 1998.
J’ajoute que, sur les 130 000 personnes qui obtiennent chaque année la nationalité française, 90 000 l’acquièrent par naturalisation. Ce sont des chiffres importants qui, comparés avec les rares cas de déchéance de la nationalité, prouvent que nous n’en voulons pas à l’ensemble de ceux qui intègrent la communauté nationale !
En réalité, il s’agit de considérer que certaines personnes, à un moment ou à un autre, enfreignent les règles de la communauté nationale qu’elles ont rejointe. Jusqu’à présent, dans les cas les plus graves, elles ont été exclues de cette communauté en étant déchues de leur nationalité française : comme cela a été dit tout à l’heure, sept cas se sont présentés entre 1998 et 2010.
Nous prévoyons que les personnes ayant commis des actes d’une grande gravité, comme de tuer un policier, un gendarme, un préfet ou un pompier, puissent être déchues de leur nationalité dans les mêmes conditions que celles qui existent déjà. Il s’agit simplement d’étendre la procédure existante à un certain nombre de cas supplémentaires.
Nous estimons en effet, et c’est aussi ma conviction personnelle, que le fait de tuer de façon volontaire un préfet, un gendarme ou un policier est un acte aussi grave que ceux pour lesquels la procédure de déchéance est déjà prévue.
C’est la raison pour laquelle, en mon âme et conscience, je considère que l’extension de la déchéance de la nationalité aux cas dont nous parlons mérite d’être adoptée. Quand il s’agit d’actes d’une telle gravité, du meurtre d’un préfet, d’un policier ou d’un gendarme, je trouve normal que le geste consenti par la nation en admettant une personne en son sein puisse être remis en cause.
Je considère donc que, sur la base de la procédure qui existe, et que nous n’inventons pas, ces nouveaux cas méritent d’être pris en compte. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements tendant à supprimer le texte tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale et tel que la commission l’a modifié : la procédure de déchéance de la nationalité doit au contraire être confortée dans les cas que j’ai mentionnés.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je veux d’abord remercier M. le ministre d’avoir ramené le débat sur le terrain où il doit se situer : celui du calme et de la sérénité, …
M. Jacques Gautier. … dont certains de nos collègues populistes sont incapables.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
M. le ministre a rappelé que l’article 25 du code civil prévoyait l’existence de la déchéance de nationalité. Mme Borvo Cohen-Seat a regretté l’existence de cette procédure. Je lui rappelle que, lorsque – jusqu’en 2002 – la gauche était aux affaires, elle-même ou ses amis n’ont jamais demandé sa suppression !
Je lui rappelle aussi qu’avec la déchéance il n’est pas seulement question de trahison. C’est une procédure qui concerne aussi les infractions dans le domaine de la probité des agents publics.
Comme M. le ministre l’a souligné, ce projet de loi étend la déchéance aux crimes commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique, dont la fonction est porteuse d’une dimension symbolique essentielle pour notre nation.
Serions-nous un cas unique, les mauvais bougres de l’Europe ? Au Royaume-Uni, le seul fait d’exprimer ou de publier des propos incitant à la haine ou à des actes criminels peut justifier la déchéance de la nationalité. En Belgique, un projet de réforme du code de la nationalité prévoit une extension de la déchéance à certaines infractions manifestant une hostilité à l’égard de la société belge.
Dans un tout petit État qui ne passe pas pour être tyrannique, celui de Malte, la déchéance est encourue après toute condamnation à une peine de plus d’un an de prison : ne nous dites pas que nous sommes les seuls à vouloir reconnaître le respect que l’on doit aux grands serviteurs de l’État !
C’est le seul pays qui ne donne pas le droit de vote aux citoyens communautaires !
J’ajoute que l’article 3 bis – et c’est pourquoi je peine à comprendre que certains veuillent le supprimer –vise seulement les étrangers ayant une double nationalité. Comme cela a été dit en introduction de cette discussion, nous ne voulons pas faire des apatrides.
De plus, la déchéance ne peut être prononcée que pour des faits commis avant l’acquisition de la nationalité française, ou pendant un délai de dix ans après cette acquisition. La procédure de déchéance est donc très étroitement encadrée.
Il faut enfin savoir que le fait de tuer un policier, un gendarme ou une personne dépositaire de l’autorité publique est déjà puni, comme M. Assouline vient de le rappeler, de la réclusion criminelle à perpétuité.
M. Jacques Gautier. Comme M. le ministre, je ne trouve pas excessif que cette sanction soit accompagnée de la déchéance de la nationalité. C’est la raison pour laquelle, avec mes amis du groupe UMP, nous voterons contre les amendements de suppression.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Si le brillant auteur de la Critique de l’économie politique ressuscitait, je pense qu’il ferait aujourd’hui une critique de la communication. J’entends évidemment « critique » en son sens kantien.
Nous vivons en effet sous l’empire de la communication : gouverner, pour vous, c’est d’abord communiquer !
Je pense qu’il revient à l’opposition de s’efforcer de démonter inlassablement les ressorts de cet art de gouverner, ou de ne pas gouverner.
J’ai eu hier l’occasion de dire à M. Brice Hortefeux que les six lois sur l’immigration présentées en cinq ans n’avaient rien changé au fait que, comme l’a dit Richard Yung, il y a, aujourd’hui comme il y a sept ans, 300 000 personnes étrangères en situation irrégulière en France.
La situation n’a pas changé, mais, chaque année, on a reparlé du sujet. Or ce qui est important, dans votre stratégie, c’est d’en parler, et d’en parler à satiété. Car, au fond, vous n’avez pas beaucoup d’arguments pour défendre votre politique. Votre fonds de commerce, c’est ce message : immigration égale insécurité, qui égale immigration. Et même si on ne le dit pas, il faut tout faire pour le laisser penser.
Ce matin encore, j’ai eu l’honneur d’assister à la visite de M. le Président de la République dans le département dont je suis l’élu et de l’entendre prononcer avec beaucoup de talent un discours devant des policiers. Il affirmait qu’après l’assassinat de la jeune Laëtitia, les responsabilités allaient être établies, que, lorsque des personnes comparables au présumé coupable sortiraient de prison, elles feraient désormais l’objet d’une « étroite surveillance ».
Tout le monde est frappé par le propos. Seulement, nous, nous connaissons le budget du ministère de la justice ! Et nous nous demandons bien comment cette « étroite surveillance » sera assurée.
Frapper les esprits, c’est très bien ! Mais connaissez-vous les personnels qui permettront d’assurer l’étroite prise en charge des personnes qui sortent de prison, et ainsi d’éviter la récidive ? Éviter la récidive, nous y sommes tous favorables. Mais si cet objectif n’est pas considéré comme une priorité, tout cela reste sans effet concret.
Devant les gendarmes et les policiers, le chef de l’État a aussi évoqué la police du XXIe siècle, qui ne serait plus la police du XXe siècle, celle des effectifs. Aujourd’hui, il a expliqué qu’il fallait des équipements modernes et adaptés. Que peuvent-ils répondre à cela ! Peut-être se disent-ils, et certains d’entre eux me l’ont d'ailleurs rappelé en confidence, que 9 300 postes de gendarmes et policiers ont été supprimés depuis trois ans.
Qu’ils soient correctement équipés, c’est très bien ; mais le problème demeure.
À cet égard, le discours de Grenoble du Président de la République visait à frapper les esprits. L’évocation par M. Assouline des élections n’a rien d’incongru. J’imagine tout à fait, au paroxysme du débat électoral, quelle sera la rhétorique du candidat ou de la candidate : « Pensez-vous que des gens qui tuent des gendarmes et des policiers ont le droit de rester français ? Je vous le demande en vous regardant dans les yeux : vous le pensez vraiment ? » Quel effet devant l’opinion publique !
Mais je dis, moi, que s’il s’agit d’une personne franco-française, française depuis vingt-cinq générations, qui tue un gendarme, un préfet ou un policier, le crime est tout aussi monstrueux, tout aussi odieux.
Il faut par conséquent punir et sanctionner. Mais il ne faut pas mettre en place ce dispositif qui vise seulement à frapper les esprits.
Il y aura très peu de cas, nous dit-on. Mais l’essentiel n’est pas là. Il s’agit de frapper l’opinion !
D’ailleurs, ce dispositif sera en pleine illégalité. Car pour le même acte odieux, le Français de souche, naturellement, ne sera pas déchu ou banni. L’étranger, s’il a déjà une nationalité, sera déchu. Mais s’il n’en a pas, rien ne se passera, puisqu’il n’est pas possible de créer un apatride.
Cette situation, déjà étrange, est de surcroît injuste. Mais l’objectif essentiel est de frapper les esprits. C’est décidément le Gouvernement de la rhétorique ! Si on ne démonte pas cela, on ne joue pas son rôle d’opposant.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je souhaite revenir au débat concret, car je ne désespère pas que nous puissions un jour examiner les amendements ! M. Sueur vient de nous raconter son voyage dans le Loiret…
Certes…
Je voudrais attirer l’attention de mes collègues qui ont déposé des amendements de suppression de l’article 3 bis sur le point suivant : pourquoi le groupe socialiste a-t-il déposé un amendement visant à supprimer seulement les alinéas 3 et 4 ? Parce que les alinéas 1 et 2 comportent une disposition visant à sécuriser les cas pour lesquels la déchéance de nationalité existe : il s’agit du terrorisme et des atteintes aux intérêts supérieurs de la nation, en l’espèce l’espionnage. Cela n’a pas été supprimé.
Sachez aussi que, actuellement, selon le code du service national, une personne non recensée peut se voir retirer la nationalité française. Naguère, on pouvait perdre la nationalité française si on ne se soumettait pas aux obligations du service national. Cela figure encore dans le code du service national. C’est vrai aussi pour le secret des correspondances.
La commission des lois, conformément à la jurisprudence de l’Union européenne, a voulu que la procédure de déchéance soit proportionnée à la gravité des faits. Les deux premiers alinéas de l’article 3 bis visent ainsi à sécuriser la procédure.
Je suggère par conséquent aux collègues qui ont déposé un amendement de suppression de l’article de le retirer, leur objectif étant de supprimer les alinéas 3 et 4 concernant l’extension de la déchéance de nationalité. Nous pourrions ainsi débattre des amendements en discussion commune, ce qui serait plus simple.
L'amendement n° 108, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je me range à l’argument du président de la commission, madame la présidente. Nous rectifions notre amendement afin de proposer la suppression des seuls alinéas 3 et 4 de l’article 3 bis.
Je suis donc saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 30 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 108 rectifié est déposé par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 278 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié.
Je voudrais d’abord remercier la commission des lois de la modification qu’elle a apportée au premier alinéa en réintroduisant, suivant en cela l’avis du Conseil constitutionnel, la notion de mesure proportionnée à la gravité des faits.
Nous avons en revanche maintenu l'amendement de suppression des alinéas 3 et 4 de l’article 3 bis. J’ai écouté vos propos avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre, de même que ceux de notre collègue Jacques Gautier, mais je ne peux pas vous suivre.
Selon moi, il n’est pas plus grave de tuer un préfet, un magistrat, un policier ou un pompier que l’on soit Français, Français naturalisé récemment ou depuis plus de dix ans. Là, il y a une véritable difficulté à vouloir faire entrer un critère qui n’a jamais été inscrit dans la Constitution et qui ne peut y figurer. Nous avons été nombreux à le dire avec force.
Effectivement, la déchéance existe – et nous ne la remettons pas en cause –, selon des critères qui ont été aménagés et amendés. En revanche, établir une distinction selon la durée d’acquisition de la nationalité française rompt avec tous les principes de la République qui ont prévalu jusqu’à présent.
C’est pourquoi notre groupe demande, avec force et détermination, la suppression de ces deux alinéas. Nous avons d'ailleurs formulé, nous aussi, une demande de scrutin public sur ces amendements identiques.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 108 rectifié.
Pour les raisons que vient d’indiquer Mme Escoffier, nous proposons la suppression des alinéas 3 et 4 de cet article.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 278.
Mon propos sera bref, cette question ayant déjà été largement évoquée lors des prises de parole sur l’article.
Nous nous opposons aux alinéas 3 et 4 concernant l’extension de la déchéance de nationalité et non aux deux premiers alinéas, ce qui serait effectivement contraire à la position que nous défendons.
Nous pourrions débattre de l’existence même de la déchéance de nationalité dans la loi et prendre position sur cette question ; Mme Borvo Cohen-Seat en a parlé. En l’occurrence, il s’agit de savoir s’il faut aller plus loin. J’ai écouté vos arguments, monsieur le ministre, mais vous ne nous expliquez pas la raison pour laquelle il faudrait, aujourd'hui, étendre cette possibilité de déchéance aux criminels de policiers, de préfets… Ils ont pourtant toujours existé !
Si vous cherchez à faire diminuer leur nombre, l’effet recherché est dissuasif. Or, vous le savez, pour de tels crimes, ce n’est pas la déchéance de la nationalité française qui sera dissuasive, mais éventuellement la sévérité de la sanction – la perpétuité, l’incompressibilité de la peine… Vous ne pouvez pas nous accuser de faire de faux procès quand nous cherchons des explications.
Le champ politique n’est pas vide. La période de l’histoire où la déchéance de nationalité a été étendue, c’est Vichy : rupture avec la République ! Le parti politique qui la défend depuis toujours dans son programme, c’est le Front national : rupture avec la République !
Ce n’est pas dans le programme de la droite républicaine, et je ne l’en accuse pas. Mais si vous pensez réduire l’influence de cette force extrême en empruntant, de façon plus modérée, à son registre, je pense que vous vous trompez : vous ouvrez la brèche en donnant toujours plus de légitimité aux thèses antirépublicaines.
Nous ne sommes pas dans la polémique. Nous savons ce que nous pensons, et nous voudrions vraiment vous convaincre que toutes les forces républicaines doivent s’unir pour former un cordon sanitaire efficace en adressant un message clair : « on ne mange pas de ce pain-là ».
L'amendement n° 269 rectifié, présenté par MM. J. Gautier et P. Dominati, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° S'il a été condamné pour un acte qualifié de crime prévu et réprimé par le 4° des articles 221-4 et 222-8 du code pénal. »
La parole est à M. Jacques Gautier.
L’amendement n° 269 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques ?
Permettez-moi de revenir sur les conditions dans lesquelles cet article a été examiné. Le principe de la déchéance de nationalité n’a pas été remis en cause par la commission des lois. Elle a simplement souhaité clarifier le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale en procédant à deux ajustements.
D’une part, la commission a limité les cas dans lesquels cette déchéance peut être décidée aux crimes « commis contre un magistrat, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale, des douanes ou de l’administration pénitentiaire, ou à un agent de police municipale » et non à la liste établie par le code pénal.
Nous avons voulu rester au plus près des propositions du Gouvernement, sur la base du discours de Grenoble, à savoir viser les personnes qui ont la charge, pour le compte de l’État et de la nation, de faire respecter l’ordre public. Telles sont les conditions dans lesquelles nous avons procédé à ce premier ajustement.
D’autre part, la commission a souhaité ajouter l’exigence de proportionnalité, qui constitue une garantie nouvelle par rapport au texte d’origine. Il s’agit, dans l’appréciation de cette déchéance, de la possibilité pour le magistrat de tenir compte de l’infraction et du quantum de la peine pour assurer la proportionnalité au regard des faits perpétrés. Cet élément me paraît essentiel à la bonne appréhension de la situation.
J’ai d'ailleurs cru comprendre que ce point était perçu positivement par un certain nombre de collègues ; je les en remercie.
Compte tenu de ces ajustements, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements déposés.
Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je formulerai, pour conclure, une remarque à titre personnel.
La France décide d’octroyer à un étranger, d’où qu’il vienne, la nationalité française : ce n’est pas rien !
Vous avez d'ailleurs rappelé, monsieur le ministre, comme plusieurs collègues hier, que cela donnait souvent lieu à des cérémonies émouvantes.
En quoi serait-il choquant, lorsque celui-ci porte volontairement atteinte à la vie de personnes chargées de faire respecter l’ordre public, de revenir sur cette décision, à la condition, naturellement, que les circonstances dans lesquelles celle-ci intervient soient parfaitement encadrées, ce qui me semble, en l’état, être le cas ?
Permettez-moi de reprendre quelques-uns des arguments que j’ai développés en réponse aux propos liminaires des orateurs qui s’étaient exprimés sur l’article.
Je le répète, il ne s’agit pas de créer une situation nouvelle. Nous prenons acte du fait qu’il existe des procédures de déchéance de la nationalité française. Il est simplement prévu de les étendre, dans des conditions encadrées, à des hommes et des femmes ayant commis, madame Escoffier, des crimes non seulement gravissimes, quels que soient les citoyens qui en sont victimes, mais également symboliques de la défiance à l’égard de la nation française dans laquelle ces personnes ont été admises, de la nationalité française qu’on leur a permis d’endosser.
Quand on sait qu’environ 90 000 personnes par an acquièrent la nationalité française pas naturalisation, il n’est tout de même pas illogique de pouvoir prononcer la déchéance de nationalité lorsque l’une d’elles se retourne contre le symbole de l’autorité publique représentant cette nation.
Les crimes perpétrés sur un gendarme, un policier, un préfet, un pompier, un juge sont, je le répète, aussi odieux que ceux qui sont commis sur d’autres citoyens. Nous ne prenons pas cette décision sous le coup de l’émotion, nous le faisons parce que ces crimes visent des personnes qui incarnent l’autorité de l’État, la mise en œuvre du vivre ensemble, symbole de la République française, symbole de notre pays.
Ce n’est pas du tout convainquant !
Le Gouvernement souhaite que, dans ces cas précis, qui, certes – j’en donne acte à David Assouline –, ne sont pas si nombreux, la déchéance de la nationalité française soit possible.
Telles sont les raisons pour lesquelles il nous semble utile de prévoir cette possibilité, de manière encadrée, comme cela a été dit tout à l’heure. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
J’ai malheureusement l’impression que nous avons du mal à nous comprendre.
Franchement, je ne comprends pas que vous ne compreniez pas que, pour nous, la question n’est pas de savoir si le crime commis est horrible ou non. Un crime est, par définition, toujours horrible. Il va de soi qu’il ne doit pas rester impuni. Il ne saurait être question de fermer les yeux sur l’intolérable.
Vous ne comprenez pas non plus que déchoir quelqu’un de la nationalité parce que c’est un criminel et parce qu’il n’est pas un Français « de souche » est selon nous un traitement discriminatoire.
Un Français « de souche » – il est malheureux qu’il faille employer ce terme, que je ne supporte pas, …
… pour être compris – ne pourra pas être déchu de la nationalité. Ce n’est pas possible. En revanche, un Français « de papier », lui, pourra l’être. Vous faites donc bien, vous, monsieur le ministre, une différence entre ces deux Français. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter. C’est intolérable, c’est de la discrimination.
C’est non pas une question de nombre – notre position serait la même si une seule personne était concernée – mais de principe : un Français est un Français, un point c’est tout.
Tout d’abord, je rappelle que nous soutenons le dispositif de la commission sur la proportionnalité, lequel nous paraît être un dispositif de raison, de bonne raison.
Ensuite, je ne reviendrai pas sur les arguments, nombreux, qui ont déjà été avancés concernant la suppression des alinéas 3 et 4 de l’article 3 bis. Permettez-moi simplement d’aborder cette question sous un angle différent.
L’article 25 du code civil prévoit les cas dans lesquels un individu peut être aujourd'hui déchu de la nationalité française. Il s’agit d’actes graves. Peut ainsi être déchu de la nationalité un individu « condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme » ou « s’il s’est livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».
Je ne sais pas de quand date cet article, peut-être de l’entre-deux-guerres, en tout cas d’une époque où les questions d’espionnage et de services aux intérêts d’une puissance ennemie étaient au cœur du débat.
On comprend qu’il était nécessaire de punir ceux qui se rendaient coupables de tels actes.
Aujourd’hui, permettez-moi de dire que cet article est un peu daté. On peut même se demander si l’article 25, à l’exception de son alinéa 2, doit être maintenu. Compléter l’article 25 du code civil par le quatrième alinéa de l’article 3 bis nous pose un grave problème.
En voyant le Gouvernement manœuvrer – je n’irai pas plus loin dans mes réflexions –, je pense à Georges Bernanos, ce grand chrétien, qui a dit que, si le ridicule tuait, il y a longtemps que l’église serait morte.
Le Dictateur, de Charlie Chaplin, a très bien montré en quoi l’arbitraire et l’excès pouvaient être redoutables.
Comme tout un chacun, je ne manquerai pas de rappeler que tuer un policier, un gendarme ou tout être humain est un acte horrible, qui doit être sévèrement sanctionné.
Je ne reviendrai pas sur les débats sur la constitutionnalité du texte, sur l’égalité entre les citoyens. En revanche, je pointerai le ridicule du texte si on le prend en creux. Il faudra protéger – nous en sommes tous d’accord – les préfets, les gendarmes, les policiers, ... Je note, que, en route, monsieur le rapporteur, vous avez laissé tomber les gardiens d’immeuble et un certain nombre de braves gens. Il ne faudra surtout pas tuer un gendarme ou un policier dans les dix ans suivant l’obtention de la nationalité française. En revanche, une fois ce délai passé, l’auteur d’un tel crime sera sévèrement puni, bien sûr, mais il ne sera pas déchu de la nationalité française. Tout cela est grotesque !
Quiconque commet un crime de ce genre doit être sévèrement sanctionné. Tout le monde est d’accord sur ce point. Tout le reste, c’est de la propagande à destination de l’opinion publique. Monsieur le ministre, quoi que vous en disiez, vous avez bel et bien l’horizon 2012 dans votre viseur !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
L’article 3 bis, en ses alinéas 3 et 4, constitue assurément la mesure la plus symbolique de ce texte. Il est surtout symptomatique de la façon dont le Gouvernement envisage les questions, ô combien sérieuses et complexes, des migrations. Dans ce domaine, il fait preuve de démagogie, d’opportunisme politique et d’instrumentalisation.
Il n’est contesté par personne, comme en témoignent toutes les interventions dans notre hémicycle, que la portée de cette disposition sera très limitée et qu’elle concernera peu d’individus. De ce point de vue d’ailleurs, l’incapacité du Gouvernement à fournir des statistiques sur le nombre de criminels auxquels aurait pu être appliquée la déchéance de la nationalité selon les termes de ce nouvel article, autrement dit les personnes ayant acquis la nationalité française depuis moins de dix ans, témoigne du peu de cas que le Gouvernement fait de la réalité.
Cette mesure, chacun le sait, sera peu dissuasive. Les peines susceptibles d’être appliquées à ce type de crimes contre des agents dépositaires de l’autorité publique sont déjà très lourdes. Leurs auteurs sont passibles, pour beaucoup d’entre eux, de la perpétuité, tout à fait légitimement. Notre arsenal judiciaire contre les actes odieux perpétrés contre des policiers, des gendarmes ou des magistrats est d’ores et déjà très complet. Quels que soient les auteurs de ces crimes, ils doivent être condamnés lourdement.
Les réponses de M. le ministre et de M. le rapporteur montrent bien ce qui nous sépare.
Ce qui nous inquiète – et nous le dénonçons –, c’est que le Gouvernement, monsieur le ministre, ne cesse de mêler dans son discours et dans ses initiatives législatives criminalité et immigration, proposant à nos concitoyens une image confuse et menaçante de l’étranger, alors même que la nouvelle donne mondiale appelle au contraire à renforcer nos capacités d’accueil, d’échange, de compréhension.
Avec les alinéas 3 et 4 et l’extension de la déchéance de la nationalité, monsieur le ministre, vous prenez la lourde responsabilité de pousser l’opinion publique sur une pente que ne doivent emprunter ni la république ni la justice. C’est une politique dangereuse et à court terme.
Telles sont les raisons pour lesquelles les alinéas 3 et 4 de l’article 3 bis doivent absolument être supprimés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
On s’énerve, on essaie de se convaincre sur cette question. Vous n’arrivez pas à comprendre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pourquoi elle est très importante pour nous.
Dans un premier temps, monsieur le rapporteur, vous avez justifié l’extension de la déchéance de la nationalité par le fait que les crimes commis sont tellement odieux que ceux à qui on a fait l’honneur d’octroyer la nationalité française doivent savoir qu’elle peut leur être retirée. Vous avez encore l’illusion qu’une telle mesure peut être dissuasive. Nous sommes tous intervenus sur ce sujet. Personne n’est convaincu que le risque d’être déchu de la nationalité française pourrait être plus dissuasif que celui d’être condamné à perpétuité.
Ensuite, vous dites que cela ne laisse pas de trace. Nous essayons de vous convaincre que non seulement cette mesure ne sera pas efficace, mais que, d’un point de vue pédagogique et symbolique, elle sera néfaste pour notre société.
Au cours de la discussion générale hier, j’ai raconté une anecdote personnelle, que je vais répéter aujourd'hui. J’ai récemment participé à un débat télévisé avec Jacques Myard, député UMP, sur la déchéance de la nationalité. Alors que chacun avançait ses arguments, je lui ai dit qu’il était, comme moi, un représentant de la nation, de la République, mais que j’étais, moi, d’origine marocaine et que j’avais été naturalisé. Pensait-il, lui ai-je demandé, que nous étions aussi français l’un que l’autre ? Il n’a pas voulu me répondre. Nous étions en direct à la télévision, je lui ai posé quatre fois la question, il n’a jamais répondu !
Si un représentant UMP de la nation n’arrive pas à répondre à ma question, c’est parce qu’il a peur de mécontenter l’électorat auquel il s’adresse, qui ne me considère peut-être pas comme un Français comme les autres puisque je suis naturalisé. Sinon, cela lui serait facile de répondre à ma question. Je vous invite, mes chers collègues, à vous rendre sur les blogs, à regarder ladite émission. Vous verrez, c’est édifiant ! J’étais stupéfait.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, comprenez ce que nous vous disons : le message que vous envoyez flatte ceux qui pensent ainsi ou pour qui le fait d’être un Français d’origine étrangère pose problème.
Si M. Myard a du mal à me répondre, imaginez comment sont considérés ceux qui ne sont ni députés ni sénateurs !
Vous ne pouvez pas ignorer les conséquences des brèches que vous ouvrez. Elles font des dégâts dans les consciences de tous nos concitoyens. Alors qu’il faudrait les élever, vous cédez à la facilité : « Ah, mon bon monsieur, ce criminel a tué un gendarme, mais les socialistes ne veulent pas qu’il soit déchu de la nationalité française ! » Tout le monde trouvera cela odieux, naturellement, comme à l’époque du débat sur la suppression de la peine de mort. Il faut pourtant parfois faire preuve d’audace : aujourd'hui, plus grand monde ne remet en cause la suppression de la peine de mort, en tout cas pas la majorité des Français.
Comprenez donc notre propos, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et cessez de vous réfugier derrière des arguties qui ne passent pas !
La polarisation sur la déchéance de la nationalité française ne doit pas masquer les autres dispositions du projet de loi. Le texte ne serait pas parfait même s’il ne comprenait pas l’article 3 bis.
Cet article, comme bien d’autres, contribue à diviser les Français, selon qu’ils sont anciens ou récents, et à stigmatiser les étrangers.
Monsieur le ministre, votre réponse sur la déchéance de la nationalité n’est pas convaincante.
Vous dites que la déchéance de la nationalité ne sera appliquée qu’à la suite d’actes très graves contre la communauté que forment les Français. L’assassinat du préfet Claude Érignac par un nationaliste corse – je ne me prononce par sur l’auteur – qui refuse la République fut un acte très grave. Que direz-vous de l’appartenance de cette personne à la communauté que forme la République ? Rien ! Vous ne pourrez pas la déchoir de sa nationalité !
En clair, ce projet de loi vise seulement à diviser les Français entre ceux qui sont nés en France de parents français et ceux qui ont acquis leur nationalité de manière plus tardive.
Par conséquent, mieux vaut, me semble-t-il, s’abstenir d’adopter de telles mesures.
En outre, personne ne peut croire à la valeur dissuasive de ce type de dispositions. Vous le savez comme moi, monsieur le ministre, l’application de la peine de mort n’a jamais empêché les crimes – demandez donc aux Américains, qui s’entêtent pourtant dans cette voie ! –, et son abolition n’a pas fait augmenter la criminalité.
Au final, ce sont seulement des mesures d’affichage, et d’affichage très nauséabond !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Certains de nos collègues se plaisent à nous faire des grands discours sur l’Europe et affirment que nombre de pays membres de l’Union européenne ont introduit la déchéance de nationalité dans leur législation.
Je souhaite donc rappeler un élément. Aux termes de la Convention européenne sur la nationalité, la déchéance de nationalité ne peut être prononcée qu’en cas de trahison et d’activité contre les intérêts essentiels de l’État, et non pour les autres infractions à caractère pénal, quelle que soit leur gravité. Je souligne que la France n’a pas voulu ratifier cette convention…
Je mets aux voix les amendements identiques n° 30 rectifié, 108 rectifié et 278.
J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe de l'Union centriste et, l'autre, du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 150 :
Nombre de votants339Nombre de suffrages exprimés338Majorité absolue des suffrages exprimés170Pour l’adoption182Contre 156Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
L'article 3 bis est adopté.
L'amendement n° 279, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les perspectives de ratification de la Convention de New York de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Il s’agit d’un amendement d’appel. Comme vous le savez, un certain nombre de textes internationaux visent à réduire le nombre d’apatrides.
Ainsi, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, adoptée à New York le 30 août 1961, reconnaît un minimum de droits aux apatrides et incite les États à leur faciliter dans la mesure du possible l’acquisition de la nationalité. La France est signataire de cette convention des Nations unies, mais elle ne l’a jamais ratifiée.
Par conséquent, monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement sur les perspectives de ratification.
Tel est le sens de cet amendement.
La commission ne juge pas opportun que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur un tel sujet et émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le 31 mai 1962, la France a effectivement signé la Convention sur la réduction des cas d’apatridie du 30 août 1961, mais elle ne l’a pas ratifiée.
Comme vous le savez, notre droit tient compte de cette convention depuis 1961, et notre pays demeure très attaché à la prévention des cas d’apatridie.
À ce stade, le Gouvernement ne prévoit pas d’engager le processus de ratification d’un tel accord.
En effet, deux dispositions du code civil relatives à la nationalité seraient incompatibles avec cette ratification ; elles concernent des cas de figure très précis qu’il est légitime d’envisager et que la Convention ne prend pas en compte. Il serait donc juste de réclamer une modification du texte conventionnel plutôt que du droit français.
D’abord, l’article 27-2 du code civil prévoit la possibilité d’abroger les décrets portant naturalisation, réintégration en cas de fraude ou de constat que l’intéressé ne remplissait pas les conditions légales pour obtenir la nationalité française. Si la Convention prévoit bien les cas de fraude – c’est le b) du 2 de son article 8 –, elle n’institue aucune dérogation dans l’hypothèse où le requérant ne satisferait pas aux conditions légales.
Ensuite, l’article 21-4 du même code, modifié en 2006, permet au Gouvernement de s’opposer à l’acquisition de la nationalité française « pour indignité ou défaut d’assimilation ». Cette opposition peut également avoir pour effet de rendre l’intéressé apatride lorsqu’aucun des cas n’est autorisé par la Convention.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
À l’article 27-2 du même code, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 109 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 280 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 109.
Nous souhaitons supprimer l’extension du délai pendant lequel un décret de naturalisation ou de réintégration de la nationalité française peut être rapporté par l’administration si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales en cas d’erreur.
En cas de fraude, le délai serait maintenu à deux ans à compter de la découverte de ladite fraude. En cas d’erreur sur les conditions légales, le délai actuel d’un an serait également porté à deux ans, à compter de la publication du décret.
Si l’erreur ou la fraude est avérée à l’issu de ce délai, le retrait de la nationalité est prononcé par un avis conforme du Conseil d’État.
De notre point de vue, les douze mois qui sont prévus actuellement sont suffisants pour mener à bien l’instruction préalable et l’éventuelle procédure de retrait, eu égard au respect du principe de sécurité juridique de l’intéressé.
Nous ne sommes pas favorables à l’extension du délai, qui aurait pour effet d’altérer les droits des personnes acquérant la nationalité française, en les plaçant dans une situation d’incertitude pendant une trop longue période. L’erreur et la fraude sont deux cas de figure différents ; le délai ne saurait donc être le même pour les deux, et il doit être proportionné à la gravité de l’acte.
Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté par Mme Labarre.
Le Gouvernement propose de modifier l’article 27–2 du code civil pour porter le délai pendant lequel un décret de naturalisation ou de réintégration de la nationalité française peut être rapporté de un an à deux ans. D’ailleurs, nous observons qu’il y a beaucoup de dispositions de la sorte dans le projet de loi.
Pour nous, une telle extension crée de l’insécurité juridique et fait peser les conséquences éventuelles d’une erreur d’appréciation de l’administration sur l’individu ayant formulé une demande de nationalité française, alors qu’il n’en est pas responsable. C’est un peu comme une peine supplémentaire…
Nous proposons donc d’en rester au délai actuel d’un an.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’allongement d’un an du délai pendant lequel un décret de naturalisation, de réintégration ou d’acquisition de la nationalité française peut être rapporté lorsqu’il apparaît que l’intéressé ne satisfait pas les conditions légales se justifie par la durée d’instruction moyenne de telles procédures.
Tel n’était pas le cas des décisions rapportées pour cause de fraude. C’est ce qui a conduit la commission des lois à supprimer l’allongement pour ces dernières.
Je souhaite ajouter deux éléments. D’une part, le retrait se justifie par l’illégalité initiale, qui aurait en principe dû interdire l’acquisition de la nationalité. D’autre part, les faits retenus pour rapporter la décision doivent être suffisamment graves, ce dont s’assure le juge saisi d’une demande d’annulation du retrait en vertu d’un arrêt de principe du Conseil d'État du 13 février 1974.
Il s’agit d’harmoniser les durées dont dispose l’État pour retirer la nationalité en maintenant le délai à deux ans pour mensonge ou fraude et en le faisant passer de un à deux ans en cas de non-respect des conditions légales. L’ensemble des délais serait de deux ans. Le Gouvernement reste sur cette position et émet un avis défavorable sur les amendements n° 109 et 280.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 3 ter est adopté.
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article 26-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas où une procédure d’opposition est engagée par le Gouvernement en application de l’article 21-4, ce délai est porté à deux ans. »
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
L'amendement n° 31 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 110 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 9.
L’article 4 tend à allonger le délai d’enregistrement des déclarations acquisitives de nationalité française, à raison du mariage avec un français, afin de l’aligner sur le délai d’opposition du Gouvernement.
En effet, la modification proposée à l’article 4 a pour objet d’allonger d’une année supplémentaire le délai d’enregistrement de la déclaration.
Or rien ne justifie une telle inégalité de traitement des conjoints de ressortissants français par rapport aux autres personnes acquérant la nationalité française.
Le maintien des deux délais d’opposition ne se justifie pas plus et rend la situation juridique du déclarant conjoint de français au regard de la nationalité française provisoire et imprévisible.
Il convient donc d’adopter cet amendement afin de supprimer l’article 4 du projet de loi et de ne pas créer de discrimination supplémentaire.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 31 rectifié.
Je ne reprendrai pas les arguments qui viennent d’être développés. J’ajoute simplement que ce nouveau durcissement ne me paraît en aucun cas justifié. Il accentue la défiance à l’égard des étrangers alors que, à l’heure actuelle, toute notre action vise à faire en sorte que les étrangers soient mieux et plus vite intégrés. C’est notamment l’objet des contrats d’intégration.
Ce durcissement paradoxal, voire contradictoire, nous gêne, raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 110.
L’article 4 vise à étendre le délai pendant lequel l’administration peut refuser d’enregistrer une déclaration de nationalité française à raison d’un mariage en cas d’opposition formée par le Gouvernement afin d’aligner le délai d’enregistrement sur le délai d’opposition du Gouvernement.
En effet, le Gouvernement dispose d’un délai de deux ans pour s’opposer à l’acquisition de la nationalité de conjoints étrangers pour indignité ou défaut d’assimilation.
Ainsi, la décision de refus d’enregistrement par l’administration pourrait intervenir également dans un délai de deux ans au lieu d’un an actuellement. Ce délai de deux ans est excessif dans les deux cas. Il crée une grande insécurité et met le conjoint dans une situation imprévisible durant une période prolongée.
Certes, il est vrai que vous vous plaisez à laisser planer le plus grand soupçon sur les mariages mixtes alors même que les conjoints de ressortissants français sont présumés intégrés.
Depuis 2006, le Gouvernement a engagé un processus visant à diminuer l’immigration familiale en rendant le parcours d’intégration des conjoints particulièrement difficile. Alors que les délais et les contrôles prévus sont déjà nombreux, ils ne cessent d’être renforcés.
Nous refusons de souscrire à cet article, qui s’inscrit dans la droite ligne de la politique de restriction des conditions et d’augmentation des délais d’acquisition de la nationalité française. Avec les quatre années de mariage exigées, le délai de deux ans pendant lequel le Gouvernement peut s’opposer à l’acquisition de la nationalité et les deux ans supplémentaires après l’annulation de la décision de refus, il faut aujourd’hui entre sept et neuf ans pour que le conjoint acquière la nationalité française, contre cinq ans pour les candidats à la naturalisation !
Cette inégalité de traitement au détriment des conjoints de ressortissants français est injustifiable et ne saurait être renforcée par cet article 4, dont nous demandons la suppression.
L’allongement à deux ans du délai pendant lequel l’administration peut refuser l’enregistrement d’une déclaration d’acquisition de la nationalité française par mariage vise à rendre ce délai compatible avec le délai de deux ans pendant lequel le Gouvernement peut s’opposer à l’acquisition de la nationalité par le déclarant pour des raisons d’indignité ou de défaut d’assimilation autres que linguistiques.
Le délai actuel d’un an fait que l’administration peut être conduite à enregistrer la déclaration, ce qui permet à l’intéressé d’acquérir la nationalité française alors même que le Gouvernement envisage d’y faire opposition et attend pour cela, par exemple, les résultats d’une enquête en cours. Si l’opposition est fondée, il en résulte une insécurité juridique pour l’intéressé, qui pourra voir l’acquisition de sa nationalité remise en cause. L’alignement des délais de refus d’enregistrement et d’opposition est donc opportun.
J’ajoute que, contrairement à ce qu’estiment les auteurs des amendements, cette disposition ne porte pas atteinte au principe d’égalité compte tenu de la différence de situation des conjoints par rapport aux autres candidats à l’acquisition de la nationalité française. Il convient de donner à l’administration les moyens de lutter contre la fraude en matière matrimoniale. D’ailleurs, d’ores et déjà, le délai prévu pour le refus d’enregistrement est d’un an, contre six mois dans les autres cas.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Concrètement, la mesure prévue à l’article 4 permettra d’éviter qu’une incohérence apparaisse si, dans le délai d’examen de l’opposition, la déclaration de nationalité est engagée et que, quelques semaines ou mois plus tard, lui succède la décision d’opposition.
La mesure ne met donc pas en cause les droits des conjoints de Français, comme j’ai pu l’entendre dire tout à l’heure. Elle est un outil nécessaire pour faire respecter la loi dans les cas d’abus et ne concerne pas l’ensemble des situations qui ont pu être évoquées par ailleurs.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 4 est adopté.
L'amendement n° 281, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 27 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette décision ne peut être fondée sur les articles L. 622-1 à L.622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Un flou juridique permet aujourd'hui de prendre, sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, des sanctions administratives contre les demandes d’acquisition, de naturalisation et de réintégration dans la nationalité.
D’ailleurs, le code civil prévoyant que les réponses données par l’administration aux demandes d’acquisition de la nationalité, de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité doivent être motivées, il est arrivé que certains refus soient justifiés au nom de ce que les articles L. 622-1 à L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile appellent le délit d’aide au séjour et que nous appelons, comme beaucoup d’autres citoyens, le délit de solidarité.
Cet amendement puissamment humaniste suscitera, je l’espère, monsieur le ministre, votre intérêt, voire votre adhésion.
Nous avons déjà demandé à de nombreuses reprises que le délit de solidarité soit supprimé de notre droit. Sinon à quoi bon inscrire au frontispice de toutes nos mairies le mot « fraternité » ? Lorsqu’un citoyen, et il en est beaucoup, lorsqu’une association, et il en est dans toutes nos communes, s’emploie à tendre la main à un être humain, certes en situation irrégulière, mais aussi en grande précarité et en grande difficulté, pour l’aider à manger, à se soigner et pour lui offrir un toit, est-ce un délit ? Pour notre part, nous avons toujours considéré qu’il était contraire à l’esprit de fraternité de qualifier de délit un tel geste.
Peut-on refuser une demande de séjour, d’acquisition de la nationalité ou de réintégration dans la nationalité au motif que le demandeur a bénéficié de la générosité d’un citoyen, d’une citoyenne, d’une association française ? Très franchement, ce serait absurde !
Nous espérons pouvoir réussir à supprimer un jour de notre législation le délit de solidarité. En attendant, il serait raisonnable que l’on ne puisse refuser les demandes d’acquisition, de naturalisation ou de réintégration au motif que le demandeur a bénéficié de la générosité de citoyens français.
L’article 21-27 du code civil prévoit que nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s’il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement, non assortie d’une mesure de sursis.
Or les personnes qui se rendent coupables de délit d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier encourent une peine de cinq ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. C’est à ce titre, et en vertu de l’article 21-27 du code civil précité, que l’administration est tenue de refuser l’acquisition de la nationalité française aux intéressés condamnés à plus de six mois fermes ou de s’y opposer.
L’amendement aurait pour conséquence de remettre en cause cette règle générale, liée non à la nature de l’infraction, mais à sa gravité, dont rend compte la peine prononcée.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Cet amendement tend à remettre en cause la règle selon laquelle l’autorité administrative peut refuser l’octroi de la nationalité française sur le fondement d’une période de séjour irrégulier ou d’une infraction à l’interdiction de l’aide au séjour irrégulier. Nous ne souhaitons pas aller dans cette direction. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Soyons clairs : il nous semble tout à fait légitime – nous ne sommes pas irresponsables – que l’autorité administrative puisse refuser la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité pour toute une série de raisons qui viennent d’être énumérées par M. le rapporteur et par M. le ministre.
Le problème que soulève cet amendement, mais peut-être est-il mal rédigé, est celui du délit de solidarité. Monsieur le ministre, j’entends bien votre argumentation. Pourriez-vous néanmoins me confirmer – ce point est important pour l’interprétation de la loi – que le délit d’aide au séjour par autrui ne pourra pas être compté parmi les motifs de refus d’une naturalisation ?
Il est difficile de faire payer à une personne en situation irrégulière le prix de la générosité d’autrui en lui refusant l’accès à la nationalité.
Bref, monsieur le ministre, je comprends bien qu’il y ait des raisons parfaitement légitimes de refuser la nationalité, mais pouvez-vous nous assurer que la générosité d’autrui ne pourra pas être invoquée en l'occurrence, comme cela a pu être le cas, même si ce fut de manière assez rare, dans notre pays ?
J’ai l’impression que vous faites une mauvaise interprétation des textes, monsieur le sénateur.
Deux cas de figure peuvent se présenter.
Le premier cas de figure concerne l’étranger en situation irrégulière ; celui-ci peut être concerné par les articles évoqués, donc nous ne souhaitons pas la suppression.
Le deuxième cas de figure, qu’a considéré M. Sueur, concerne l’aide au séjour. Dans ce cas, c’est celui qui aide qui est mis en cause et non celui qui est aidé.
Au demeurant, si celui qui aide est de nationalité française, il ne peut pas être concerné. En revanche, s’il s’agit d’un étranger qui aide un autre étranger, à ce moment-là, il peut être touché.
En tout état de cause, le fait d’être aidé ne peut porter préjudice à la personne aidée. C’est bien celui qui aide qui est mis en cause. J’ai le sentiment qu’il était nécessaire que cela soit précisé.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 282, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article 55 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans la collectivité de Guyane, les déclarations sont faites dans les quinze jours de l'accouchement. Un décret en Conseil d'État détermine la zone géographique où cette disposition s'applique au regard de l'éloignement entre le lieu de naissance et le lieu où se situe l'officier de l'état civil. »
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
Avec cet amendement, je souhaite toucher le cœur d’un problème important en Guyane, celui des Français sans état civil.
II s’agit des amérindiens ou des bushinengués originaires des villages isolés qui ne sont pas déclarés à la naissance. Que propose la République pour offrir à ces populations la possibilité de remplir leur obligation de déclaration des naissances ?
Elle les inscrit dans le droit commun, obligeant ainsi un voyage en pirogue d’une demi-journée, voire de plusieurs journées entières, vers le centre administratif et autant pour le retour. Or les pirogues motorisées qui peuvent effectuer ces trajets sont rares et, si la solidarité des habitants du fleuve remplace les transports publics, les habitants d’Antecum Pata par exemple – un des villages les plus proches de Maripasoula – ne se rendent au chef-lieu de cette commune qu’une fois par semaine pour se ravitailler.
Que dire alors d’autres habitants, comme ceux de Sophie, Repentir ou Dorlin, isolés sur le bras de la rivière du Petit Inini ou celle de Mana, au cœur de communes d’une superficie allant de 10 000 à plus de 18 000 kilomètres carrés ?
La conséquence est une carence générale de déclaration de naissance de la part de ces populations et un grand nombre de difficultés pour voir établir leur identité et leur nationalité lorsque le besoin rend nécessaire cette reconnaissance de la République.
Les autorités, au moins localement, ne sont pas sans ignorer ce problème. Elles utilisent alors la solution que leur offre le droit commun : le jugement déclaratif du tribunal.
Ainsi, le procureur de la République organise des audiences foraines sur le fleuve. Si on peut saluer cette proximité du service public de la justice avec les populations reculées de notre territoire, à l’heure de la restructuration des tribunaux civils et du développement des audiences en visioconférence, cette solution n’est pas concevable.
En effet, elle règle les situations uniquement sur les lieux des audiences foraines ; descendre les fleuves est une chose, mais les villages amérindiens et bushinengués sont dispersés sur tout le domaine du parc, du Maroni jusqu’à l’Oyapock.
Ensuite, ces jugements supplétifs de naissance ne rétablissent dans le droit que les situations déjà créées et aucunement celles à venir. Les familles amérindiennes ou bushinengués ne sont pas incitées à déclarer les naissances, attendant l’hypothétique venue du procureur de la République.
Pourquoi ne pas adapter la législation aux spécificités de notre territoire ? Nous en sommes capables, l’immensité du territoire guyanais est en effet la cause d’une dérogation au régime de la garde à vue, qui peut commencer, pour les infractions liées à l’orpaillage, pas moins de vingt heures après l’arrestation afin de permettre aux gendarmes de ramener à la brigade les personnes interpellées au cœur de la forêt.
La solution que je vous propose offre la possibilité aux habitants isolés de déclarer les naissances en allongeant le délai d’ouverture de cette procédure. Si dans les trois jours de la naissance, un très long voyage en pirogue est une contrainte rédhibitoire, le délai de quinze jours responsabilise les populations de l’intérieur et permet à leurs enfants d’être reconnus, dès leurs premiers jours, par la République.
Cet amendement vise à étendre de trois à quinze jours le délai d’enregistrement des déclarations de naissance en Guyane, ce qui ne présente pas de liens directs avec le texte.
Pour cette raison, sans même parler du fond, cet amendement ne peut recevoir qu’un avis défavorable de la commission des lois. Je souhaiterais tout de même apporter une précision : une disposition similaire a été prévue par le passé, dans l’ordonnance du 8 juillet 1998 qui fixait un délai de déclaration à trente jours dans certains territoires de Guyane.
Cette disposition a fait l’objet d’une abrogation lors de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité au motif, et je cite les propos du Garde des Sceaux de l’époque, « qu’elle favorisait le développement d’un trafic d’enfants ».
L’avis de la commission est donc défavorable.
Je tiens à remercier et l’auteur de l’amendement et le rapporteur pour l’avis qu’il vient de donner, le Gouvernement se voyant conduit à adopter la même position.
J’aurais eu envie de donner une réponse favorable, compte tenu de la situation qu’a évoquée M. Antoinette.
Toutefois, nous nous sommes aperçus que, si les dispositions qui étaient en vigueur avaient été modifiées en 2004, c’était en raison d’un risque de trafics d’enfants.
Vous comprendrez donc qu’il nous est difficile de donner un avis favorable à cet amendement compte tenu des incertitudes qui demeurent en la matière. Cela dit, je propose qu’une étude d’impact soit réalisée, et si cette étude nous donne des réponses positives, je ferai en sorte, monsieur le sénateur, de soutenir l’adoption d’un amendement similaire à l’occasion de l’examen d’un autre texte.
C’est uniquement pour éviter d’avoir à revenir sur une disposition qui aurait été adoptée sans que les précautions nécessaires aient été prises, que nous émettons un avis défavorable.
Je vous demanderai donc, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement, sinon je serai obligé de donner un avis défavorable.
Monsieur Jean-Étienne Antoinette, l'amendement n° 282 est-il maintenu ?
Non, je le retire, madame la présidente.
Cependant, je tiens à affirmer qu’il a un lien direct avec le texte puisqu’il s’agit de personnes nées sur le territoire français et qui, faute d’une déclaration, se trouvent sans état civil.
En tout cas, je retiens la proposition de M. le ministre.
I A. –
Non modifié
I. – Le troisième alinéa du même article L. 311-9 est ainsi rédigé :
« Lors du renouvellement de la carte de séjour intervenant au cours de l’exécution du contrat d’accueil et d’intégration, ou lors du premier renouvellement consécutif à cette exécution, l’autorité administrative tient compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l’étranger des stipulations du contrat d’accueil, s’agissant des valeurs fondamentales de la République, de l’assiduité de l’étranger et du sérieux de sa participation aux formations civiques et linguistiques, à la réalisation de son bilan de compétences professionnelles et, le cas échéant, à la session d’information sur la vie en France. »
II. – Le début du troisième alinéa de l’article L. 311-9-1 du même code est ainsi rédigé : « Lors du renouvellement de la carte de séjour intervenant au cours de l’exécution du contrat d’accueil et d’intégration pour la famille, ou lors du premier renouvellement consécutif à cette exécution, l’autorité...(le reste sans changement) ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 111 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 283, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour défendre l'amendement n° 111.
Encore une fois, le Gouvernement ne prévoit d’aborder l’immigration, l’intégration et l’acquisition de la nationalité que pour mieux les limiter.
Cet article en est l’illustration pour le renouvellement de la carte de séjour des étrangers. En effet, les primo-arrivants sont tenus de conclure un contrat d’accueil et d’intégration qui se matérialise par le suivi d’une formation civique, et éventuellement linguistique.
Alors que le code actuel prévoit que le non-respect des obligations du contrat d’accueil est pris en compte pour le premier renouvellement de la carte de séjour, il a paru opportun au Gouvernement et à la majorité d’ajouter des éléments motivant le refus de renouvellement tels que le non-respect des valeurs fondamentales de la République, l’assiduité aux formations civiques et linguistiques et autres sessions dispensées dans le cadre du contrat d’accueil.
Ces restrictions au renouvellement de la carte de séjour ne sont évidemment pas limitatives car, quand il s’agit d’exclure et de refuser des droits aux étrangers qui souhaitent s’établir sur notre territoire, tout est envisageable.
Au lieu d’inventer sans cesse de nouveaux moyens pour durcir le droit de séjour des étrangers, nous serions bien avisés de questionner notre modèle d’intégration. Car l’immigration, et il est triste de devoir le rappeler comme si cela n’était pas une évidence, a toujours été source de richesse, évidemment culturelle mais aussi matérielle.
Elle a souvent été nécessaire pour augmenter les capacités productives de nos sociétés en faible croissance démographique, et pourrait bien devenir indispensable dans le futur.
Elle doit donc cesser d’être envisagée sous l’angle de la défiance, qui devient bien vite réciproque, et doit s’organiser autour des modalités de vie en commun, à l’antithèse de cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 283.
Cet amendement va exactement dans le même sens que celui qui a été présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il traduit notre souhait d’une meilleure organisation par l’Office français de l’immigration et de l’intégration des sessions de formation obligatoire dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration.
Nous demandons que l’Office prenne en compte, dans ses structures et ses modules, les contraintes des publics auxquels il délivre des formations.
Si nous déposons cet amendement, ce n’est absolument pas pour mettre en cause le travail des responsables et des salariés de l’Office français de l’immigration et de l’intégration qui se donnent beaucoup de mal pour assumer leurs missions.
Cependant, il se trouve que, dans un certain nombre de cas, les personnes concernées ne peuvent pas suivre les formations qu’elles sont contraintes de suivre, en raison du simple fait qu’elles travaillent.
Nous demandons que l’on veuille bien prendre en considération cette question concrète et que l’organisation des sessions de formation prenne en compte la situation des salariés d’origine étrangère qui travaillent.
Le deuxième point de cet amendement concerne la maîtrise de la langue française, qui constitue un facteur important dans l’intégration. C’est pourquoi nous proposons d’insérer dans le code du travail la reconnaissance d’un droit à la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue pour les étrangers.
En effet, comme il y a un droit pour tous les salariés à la formation professionnelle, on pourrait considérer que pour un certain nombre de salariés d’origine étrangère qui doivent rapidement acquérir la connaissance de la langue française, cet enseignement du français fait partie des obligations de la formation professionnelle. Ce sont donc des propositions très pragmatiques.
Les auteurs des amendements de suppression contestent certains des ajouts opérés par le présent article dans les dispositions de l’article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, relatif au refus de renouvellement des titres de séjour de l’étranger qui n’a pas satisfait aux stipulations du contrat d’accueil et d’intégration.
Est notamment contesté le contrôle de l’assiduité de l’étranger aux formations qui lui sont délivrées. Cependant, les dispositions de l’article 5 ne créent pas sur ce point une règle nouvelle ; il s’agit seulement d’une explication de ce que peut recouvrir le non-respect des stipulations du contrat d’accueil et d’intégration.
Le manque d’assiduité peut d’ores et déjà justifier le non-renouvellement du titre de séjour de l’intéressé. J’ajoute que l’autorité administrative n’a pas de compétences liées en la matière et qu’elle distingue, sous le contrôle du juge, l’absentéisme injustifié et celui qui s’explique par de justes motifs.
À ce titre, l’Office français de l’immigration tient compte des difficultés matérielles des intéressés pour l’organisation de ses formations. En conséquence de quoi, la commission des lois a émis un avis défavorable.
Je reprendrai les mêmes arguments que M. le rapporteur, en précisant, une nouvelle fois, que les moyens financiers mis en œuvre pour assurer ces formations, linguistiques notamment, s’élèvent à près de 50 millions d’euros : il me semble donc normal et légitime que l’assiduité des stagiaires soit contrôlée, eu égard à l’importance de ces moyens ; il serait même illogique que nous ne fassions pas preuve d’une certaine exigence en contrepartie. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, car ces critères doivent être pris en compte dans le cadre du renouvellement du titre de séjour.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 32 rectifié bis, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Je remercie le service de la séance d’avoir accepté que je procède à la rectification de cet amendement, qui s’est substitué en outre à l'amendement n° 33 rectifié bis.
Je ne demande pas la suppression totale de cet article 5, parce qu’il me semble que l’alinéa 1 n’appelle pas d’observations particulières ; en revanche, je demande la suppression des alinéas 2 à 4, qui modifient l’article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Permettez-moi d’évoquer les souvenirs de mon expérience personnelle : la jurisprudence du Conseil d’État, qui procède à une interprétation stricte des textes, a toujours permis à un préfet d’accorder un titre de séjour, après examen de la situation de l’étranger, s’il estime que des motifs humanitaires le justifient. Il revient donc au préfet d’analyser la situation dans son intégralité. Or il me semble que la rédaction de l’article 5, compte tenu de cette jurisprudence, est redondante et n’apporte strictement rien.
Quant au contrat d’accueil et d’intégration, je dois dire que, lorsque j’étais encore en activité, je l’avais mis en place avant même qu’il n’existe ; je n’étais d’ailleurs pas la seule, et de nombreux préfets examinaient point par point la situation des étrangers présentant des demandes de titre de séjour. Nous appliquions la procédure du contrat d’accueil et d’intégration sans le savoir… et sans le dire. Aujourd’hui, il est de pratique constante et courante que, lors de la signature du premier contrat, mais aussi au moment du renouvellement du titre de séjour, chaque situation soit examinée de façon détaillée.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que ces étrangers vivent souvent des situations très difficiles, très douloureuses. Ce qui peut être facile pour une personne qui dispose d’un logement fixe, maîtrise parfaitement la langue française et se rend avec assiduité à son travail ou à des cours de formation, ne l’est pas toujours pour un étranger, qui vit dans des conditions plus difficiles. Il appartient donc, me semble-t-il, à l’autorité administrative, compte tenu de l’examen de la situation auquel elle doit procéder, de décider des conditions de renouvellement de ces contrats. Dans ces conditions, les dispositions de ces alinéas me semblent superfétatoires.
L’amendement n° 493, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
stipulation du contrat d’accueil
insérer les mots :
et d’intégration
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement n° 284 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
I bis. - Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Office français de l’immigration et de l’intégration a une obligation de moyen relative aux formations et aux prestations dispensées dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration. Les formations se déclinent sur tout le territoire. Les modalités de leur organisation tiennent compte des obligations auxquelles sont astreints les signataires du contrat, notamment l’exercice d’un travail, les temps de déplacement ou l’entretien d’enfants à charge. »
I ter. - Après le 13° de l’article L. 6313-1 du code du travail, il est inséré un 14° ainsi rédigé :
« 14° Les actions de formations linguistiques prévues par le contrat d’accueil et d’intégration tel que défini aux articles L. 311-9 à L. 311-9-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
I quater. - Au second alinéa de l’article L. 6111-2 du code du travail, après le mot : « française », sont insérés les mots : « et les formations linguistiques prévues dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration tel que défini aux articles L. 311-9 à L. 311-9-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Madame la présidente, il ne vous aura pas échappé, car je connais votre vigilance, que j’ai défendu cet amendement n° 284 rectifié – effectuant une légère confusion que je regrette ! – en présentant l’amendement n° 283. Je sollicite donc votre bienveillance, pour considérer que l’explication que j’ai fournie pour l’amendement n° 283 vaut aussi pour l’amendement n° 284 rectifié !
L’amendement n° 284 rectifié est largement satisfait par le droit en vigueur ou la pratique suivie par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Il vise, d’une part, à compléter les obligations auxquelles l’OFII est tenu dans l’organisation des formations prévues dans le contrat d’accueil et d’intégration signé par l’étranger et, d’autre part, à intégrer les formations linguistiques dispensées dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration à celui de la formation professionnelle.
Sur le premier point, l’obligation de moyens et l’accès aux formations sur tout le territoire sont d’ores et déjà garantis, puisque le budget de l’OFII consacré à ses actions s’élève à 45 millions d’euros et que l’OFII compte 870 agents regroupés dans 51 directions territoriales. L’organisation des formations est prévue pour s’adapter aux contraintes légitimes que certains étrangers peuvent faire valoir.
Sur le deuxième point, outre le fait que les articles L. 6111-2 et L. 6313-1 du code du travail visent déjà les actions de lutte contre l’illettrisme et l’apprentissage de la langue française, il est préférable de ne pas confondre les dispositifs de formation professionnelle, financés par l’employeur, et ceux du contrat d’accueil et d’intégration, financés par l’État au titre de sa politique d’intégration.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
Sur l’amendement n° 32 rectifié bis, l’avis de la commission est également défavorable.
Madame Escoffier, supprimer le contrat d’accueil et d’intégration constituerait un recul préjudiciable aux immigrés eux-mêmes. Cela reviendrait à leur dénier la possibilité d’apprendre le français et de réaliser un bilan de compétence professionnelle, ce que vous ne souhaitez évidemment pas. Se familiariser avec nos lois, qui plus est dans le cadre des prestations organisées et financées par l’État, engager le processus d’intégration, en France, dès l’arrivée de l’immigrant et, depuis 2007, dans le pays d’origine, a indéniablement constitué une grande avancée que beaucoup de pays européens observent avec attention. Depuis le début de la mise en œuvre de ce dispositif, plus d’un demi-million de personnes ont bénéficié du contrat d’accueil et d’intégration. Il serait donc difficile d’imaginer que nous renoncions à ces acquis, c’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l'amendement n° 32 rectifié bis
L’amendement n° 493 de la commission reçoit un avis favorable ; en revanche, en ce qui concerne l’amendement n° 284 rectifié, les explications de la commission sont conformes à la position du Gouvernement, qui émet donc un avis défavorable.
Je prie M. le ministre de m’excuser si je me suis mal fait comprendre, mais j’ai défendu l’amendement n° 32 rectifié bis, car j’avais retiré l’amendement n° 33 rectifié bis, qui n’avait plus d’objet. Il est bien clair que, pour moi, le contrat d’accueil et d’intégration doit être maintenu et j’en souligne d’ailleurs l’intérêt. En revanche, il ne me paraît pas bon d’y revenir au moment du renouvellement du titre de séjour.
Je n’ai peut-être pas très bien suivi le processus de rectification des amendements, mais il me semble que mes explications restent malgré tout valables.
Je confirme que l’avis de la commission sur l’amendement n° 32 rectifié bis est défavorable.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement est adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 5 est adopté.
L’amendement n° 285, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 211-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
II. - La perte de recettes résultant pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement vise à supprimer l’article L. 211-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et donc la taxe affectée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII ; nous compensons par ailleurs la perte qui en résulterait pour cet organisme.
Je rappelle que, selon le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les personnes qui se proposent d’accueillir des étrangers souhaitant séjourner en France dans le cadre d’une visite familiale ou privée – c’est louche ! – doivent solliciter auprès de la mairie du lieu d’hébergement la délivrance d’une attestation d’accueil. Lors de cette délivrance, ces personnes doivent acquitter une taxe dont le produit est versé à l’OFII : c’est un droit de timbre, en quelque sorte.
Le montant de cette taxe – dont le principe est un peu paradoxal, puisqu’elle pèse sur la personne qui accepte d’héberger un étranger qui souhaite venir en France – était initialement fixé à 15 euros, puis il est passé à 30 euros en 2007. Comme les caisses sont de plus en plus vides, la loi de finances pour 2008 a fait passer cette taxe à 45 euros pour financer la création du contrat d’accueil et d’intégration et la mise en place de l’évaluation de la maîtrise du français, dont nous avons déjà débattu. La revalorisation de cette taxe était aussi rendue nécessaire par la baisse progressive de la subvention de fonctionnement de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, l’ANAEM, organisme qui a précédé l’OFII.
En 2011, curieusement, s’est produit un mouvement inverse : ladite taxe est redescendue à 30 euros. Nous ne savons pas très bien pourquoi, mais le Gouvernement a dû considérer que le montant de cette taxe était relativement élevé.
Quant à nous, nous considérons qu’il n’est pas acceptable de faire supporter par des gens qui assument un devoir d’hospitalité envers des étrangers une taxe censée compenser la baisse de la subvention de l’OFII. Nous proposons donc de supprimer cette taxe.
La taxe perçue au profit de l’OFII représente 45 euros par attestation d’accueil délivrée. Elle compte pour 3, 5 % des recettes totales de l’OFII et 8, 7 % de ses dépenses de formation.
Compte tenu des prestations offertes par l’OFII au primo-arrivant, elle ne paraît pas constituer une charge excessive. C’est en tout cas ce qu’a considéré la commission des lois. L’avis est donc défavorable.
Supprimer la taxe perçue en faveur de l’OFII lors de la demande de validation d’une attestation d’accueil aurait évidemment des conséquences en termes de financement de l’organisme.
La loi de financement pour 2011, je le rappelle, a déjà opéré un rééquilibrage des contributions au profit de l’OFII en augmentant certaines taxes pour en alléger d’autres, dont celles qui s’appliquent aux attestations d’accueil. Ainsi, cette taxe a été réduite de 45 euros à 30 euros, dans le but de prendre en compte les ressources souvent modestes des personnes souhaitant accueillir des membres de leur famille à l’occasion des congés ou d’un événement familial.
Nous ne souhaitons pas aller plus loin aujourd’hui. En tout cas, nous ne souhaitons pas supprimer cette taxe purement et simplement, comme vous le proposez, monsieur Yung.
L’avis est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 286, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du Titre II du livre Ier du code civil est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Du parrainage républicain
« Art. 62 -2. - Tout citoyen français peut demander à l'officier d'état civil de sa commune de résidence de célébrer son parrainage républicain.
« Pour un enfant mineur, le père ou la mère de l'enfant peut demander à l'officier d'état civil de la commune de résidence de l'enfant de célébrer ce parrainage. L'accord des deux parents est nécessaire.
« L'officier d'état civil est tenu de célébrer publiquement le baptême, et ce dans le délai de trois mois à compter de la demande du parrainage. »
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement vise à instaurer et, au fond, à codifier le parrainage républicain, que nous considérons comme étant une belle institution.
Comme vous le savez, mes chers collègues, il existe un baptême républicain pour les enfants et un parrainage républicain pour les adultes, ce dernier permettant d’ailleurs de faciliter l’intégration.
Je connais plusieurs mairies dans lesquelles on pratique le parrainage républicain. L’étranger entrant dans la communauté nationale dispose d’un référent volontaire, qui peut l’aider à mieux s’intégrer dans la cité.
Les attendus qui accompagnent le texte de l’amendement étant assez clairs, je ne les commenterai pas.
Je précise néanmoins que ce parrainage républicain n’a jamais bénéficié d’un encadrement législatif et que, par conséquent, il peut varier selon le bon ou mauvais vouloir des élus. Ceux-ci refusent même parfois de le pratiquer, n’en ayant jamais entendu parler.
De plus, n’étant fondée sur aucun texte, la cérémonie est elle-même soumise à la libre inspiration des élus, qui, souvent, lui donnent un caractère solennel en faisant un discours sur les valeurs républicaines.
Enfin, le parrainage républicain n’est pas un acte d’état civil et n’est pas inscrit sur les registres d’état civil.
C’est pourquoi nous vous proposons de codifier le parrainage républicain pour apporter notre pierre à la politique d’intégration.
Il est défavorable, au motif qu’il n’y a pas de lien direct entre cet amendement et le texte que nous examinons aujourd’hui.
Cet amendement tend à consacrer dans le code civil l’existence du parrainage républicain.
On peut comprendre le souhait de certains, toutes familles politiques confondues d’ailleurs, de donner davantage de relief à cette cérémonie qui manifeste l’une des valeurs essentielles de notre République, la fraternité. Cette cérémonie, si elle est célébrée dans le respect de la République et de ses symboles, peut faire sens pour tous nos citoyens.
Toutefois, je ne suis pas persuadé que telle soit véritablement l’intention des auteurs de cet amendement…
M. Philippe Richert, ministre. On peut se demander s’il n’est pas davantage question d’offrir une tribune aux familles d’étrangers en situation irrégulière afin de faire échec à l’application de la loi.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
La démarche correspondrait donc plus à une instrumentalisation du parrainage républicain, dont les illustrations sont malheureusement régulières, et ne peut recevoir l’aval du Gouvernement.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.