Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 3 février 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 2 ter

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Cet article 2 ter pourrait sembler d’ordre purement administratif et anodin. Or son examen ouvre, de fait, le débat sur la déchéance de la nationalité. Il est, en quelque sorte, le premier étage du dispositif de déchéance de la nationalité.

Cet article prévoit en effet qu’une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l’autorité judiciaire ou par déclaration doit déclarer la ou les nationalités qu’il possède déjà, la ou les nationalités qu’il entend conserver en plus de la nationalité française, ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer.

À l’évidence, cette disposition va très au-delà du simple souhait, affiché par le Gouvernement, de collecter quelques éléments statistiques sur la binationalité. Si tel était vraiment le cas, monsieur le ministre, ce dont je suis loin d’être convaincue, pourquoi n’apporter aucune précision ni aucune garantie s’agissant de la collecte et de la conservation des données ?

En réalité, sous couvert de permettre une meilleure appréhension du phénomène de la plurinationalité, cet article a pour objet de renseigner les autorités publiques sur l’existence ou non d’une nationalité de substitution, et ainsi sur la possibilité de prononcer la déchéance de la nationalité française. Ce processus de « traçabilité » des nationalités introduit par l’article 2 ter vise, en définitive, à favoriser l’application du dispositif de déchéance de la nationalité. Cet article est le complément indissociable de l’article 3 bis du projet de loi. Il participe de la politique d’extension et de facilitation de la déchéance de la nationalité.

Nous réprouvons ce choix, car, à nos yeux, l’octroi de la nationalité française est non pas un cadeau révocable, mais l’acquisition d’un statut personnel inscrit dans notre droit. Votre choix d’étendre la déchéance de la nationalité est contraire à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », ainsi qu’à la Convention du Conseil de l’Europe, qui n’autorise pas la déchéance de la nationalité pour des motifs de droit pénal général. La France est tenue par ses engagements internationaux, et il est de la responsabilité du législateur de rappeler haut et fort ces principes, quand le chemin pris par le Gouvernement nous en éloigne.

Opposés à l’extension de la déchéance de la nationalité au droit pénal général, nous souhaitons la suppression de l’article 2 ter, qui est lemarchepied de l’article 3 bis. Nous avons donc déposé un amendement en ce sens.

Je sais que nombreux sont les sénateurs hostiles à ce projet d’extension de la déchéance de la nationalité. Je les invite à voter tout à l’heure notre amendement : ne mettons pas le doigt dans l’engrenage !

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