Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 3 février 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 3 bis

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis très émue par les propos de Mme Nathalie Goulet et j’apprécie la position collective du groupe de l’Union centriste sur cette question.

Nous voici devant le chiffon rouge que vous agitez devant les parlementaires socialistes pour tenter de noyer le débat. Ce projet de loi est, dans son ensemble, une atteinte aux droits des étrangers, aux valeurs de notre République, et l’on ne saura se focaliser sur la seule déchéance de la nationalité pour masquer d’autres dispositions très préoccupantes. Je pense notamment aux mariages dits gris ou bien à la zone d’attente clé en main qui traduit un recul net du droit.

La déchéance de la nationalité n’est donc malheureusement pas un cas isolé. La naturalisation est un processus complexe qui suppose l’adhésion à nos valeurs et la volonté de s’intégrer à notre société. Il me semble pour le moins curieux qu’une fois ce cap passé il faille encore faire ses preuves. Ce texte montre qu’un naturalisé n’est visiblement jamais réellement français.

Somme toute, nous sommes d’accord sur le fait qu’il est particulièrement abject de commettre un meurtre et, fait aggravant, sur un représentant des forces de l’ordre. Toutefois, je ne peux manquer de m’interroger sur le sens profond de cette disposition.

Pourquoi opérer une distinction entre le meurtre d’un représentant des forces de l’ordre par un Français dit de souche et celui qui aurait été commis par un Français naturalisé ? Estimez-vous que l’un de ces crimes est, par essence, plus grave que l’autre ?

Cette distinction n’a pas de sens, le crime est tout aussi condamnable dans un cas que dans l’autre ! Aussi, les personnes le commettant devraient être frappées des mêmes peines.

Redisons-le, cette différence dans la nature des peines n’est pas conforme à la Constitution. On ne peut prévoir un traitement distinct entre les Français naturalisés depuis moins de dix ans et les autres.

Admettez le caractère étrange de cette proposition. Un Français naturalisé depuis neuf ans et cinq mois aurait éventuellement une peine supplémentaire au travers de la déchéance de la nationalité alors qu’un Français naturalisé depuis dix ans et trois mois ne risquerait rien, et ce pour un même crime !

Quelle logique sous-tend votre propos ?

Pour nous tous, la nation est un bien précieux. Depuis 1870, nous sommes les promoteurs d’un modèle national reposant sur le « vivre ensemble » plus que sur l’histoire. Ernest Renan considérait, selon une célèbre formule, que la nation est un « plébiscite de tous les jours ».

C’est parce que nous avons envie d’avancer ensemble que nous sommes membres de la communauté nationale. Cependant, chers collègues, on voit mal comment ce plébiscite peut exister quand une partie de la nation possède un statut précaire.

Au regard de la loi, ces personnes ne seront pas des Français comme les autres. La suspicion sur leur statut n’est pas acceptable. Les naturalisés français sont déjà suspectés de double allégeance, à cela s’ajoutera la précarité de leur statut.

Certes, vous nous affirmez que cette disposition n’aurait concerné que sept personnes depuis 1998, et que, dès lors, la précarité est bien relative au vu du faible nombre de personnes concernées.

Doit-on mettre à bas notre modèle national, attaquer les fondements mêmes de la République pour sept individus qui, français ou non, passeront une bonne partie de leur vie en prison ?

Les événements de l’été dernier furent graves, leur exploitation politique l’est plus encore. Nos représentants dépositaires de l’ordre public méritent mieux que des effets de manche pour assurer leur protection.

Réfléchissez-y : arrêter la politique du chiffre, qui constitue pour eux un stress constant et qui les conduit à travailler dans des conditions extrêmes, serait sans doute plus efficace pour améliorer leurs relations avec la population et redorer leur blason. Commençons par leur donner les moyens de travailler, ne leur assignons pas d’objectifs ubuesques et nous contribuerons plus efficacement au respect de leur fonction.

Enfin, je veux faire une observation plus générale sur le projet de loi.

Je m’étonne que des textes importants fassent l’objet de la procédure accélérée et que seuls les textes sur la sécurité et l’immigration aient droit à la procédure normale et donc aux navettes parlementaires. C’est comme si l’on voulait instiller dans l’esprit de nos concitoyens les thèmes habituels de la prochaine campagne électorale.

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