Intervention de David Assouline

Réunion du 3 février 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 3 bis

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Au cours de la discussion générale, j’ai eu l’occasion d’exprimer fortement mon sentiment personnel sur cette question. Je veux maintenant revenir sur les principaux arguments qui ont été échangés ici.

Vous dites qu’il faut une loi, car il faut adapter notre droit et régler des problèmes concrets. Pourtant, personne ne peut raisonnablement soutenir ici que la mesure prévue à l’article 3 bis, qui ne touchera que quelques individus au mieux, changera quoi que ce soit à la régulation des flux migratoires ou à l’intégration, sujets qui sont censés être traités par ce texte.

Ce sujet n’avait jamais été brandi par l’UMP, ni même par ses ancêtres. Il faut dire que, depuis 1945, en France, les partis se sont constitués sur un socle commun fondamental : ne pas créer deux catégories de Français.

Finalement, vous ouvrez une brèche : l’origine étrangère restera indélébile et on pourra toujours la rappeler en supprimant la nationalité française. Une telle mesure, comme cela a déjà été dit, était associée au gouvernement de Vichy, dont l’idéologie était une rupture totale avec la République et même un déni de République.

Votre dispositif n’aura aucune utilité. En fait, il est purement symbolique. Les symboles en politique servent à envoyer des messages et à éduquer. Or le message que vous envoyez, c’est qu’il y existe deux catégories de Français. Déjà que l’on stigmatisait les étrangers, maintenant on rappellera aussi leur origine étrangère à certains Français !

Peut-être pensez-vous que c’est ainsi qu’on combat la montée du parti national-populiste, le Front national. Mais vous vous trompez sur toute la ligne ! J’en veux pour preuve que cette idée n’a jamais figuré dans votre programme, alors qu’elle est depuis toujours inscrite dans le sien. Vous la lui avez empruntée. Je vous rappelle quand même que le Front national, lui, va encore plus loin, puisqu’il demande que cette sanction soit appliquée à tous ceux qui ont été condamnés à six mois ferme, ce qui représenterait des milliers de personnes.

Je vous le dis : la seule façon de combattre le Front national, c’est de créer un cordon sanitaire républicain. Il nous faut lutter contre cette tentation de trouver des boucs émissaires, même si je sais que cette pratique est vieille comme le monde. Après tout, c’est humain – on a tous en soi du bon et du mauvais –, quand ça va mal, quand il y a une crise sociale, il est plus facile de rejeter sur l’autre toute la responsabilité.

Pensez-vous que, lorsqu’un crime qui aura ému l’opinion publique sera commis par un Français d’origine étrangère, vous répondrez : « On a la mesure, il va être déchu de sa nationalité ». Je sais que vous n’y croyez pas une seconde. Imaginez-vous également qu’un criminel suffisamment dangereux, fou, hors norme, hors morale, pour tuer un magistrat ou un policier va se dire : « je risque la perpétuité mais, surtout, d’être déchu de ma nationalité, alors, j’arrête » ?

Votre texte n’aura aucune efficacité préventive. Il est là uniquement pour le symbole.

La façon de reconquérir tous ces électeurs tentés par les discours faciles où l’on cherche les raisons de sa mauvaise situation chez l’autre, c’est de mener un combat d’éducation, d’information pour les élever, sinon on tombe dans le populisme.

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