Intervention de David Assouline

Réunion du 3 février 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 3 bis

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

On s’énerve, on essaie de se convaincre sur cette question. Vous n’arrivez pas à comprendre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pourquoi elle est très importante pour nous.

Dans un premier temps, monsieur le rapporteur, vous avez justifié l’extension de la déchéance de la nationalité par le fait que les crimes commis sont tellement odieux que ceux à qui on a fait l’honneur d’octroyer la nationalité française doivent savoir qu’elle peut leur être retirée. Vous avez encore l’illusion qu’une telle mesure peut être dissuasive. Nous sommes tous intervenus sur ce sujet. Personne n’est convaincu que le risque d’être déchu de la nationalité française pourrait être plus dissuasif que celui d’être condamné à perpétuité.

Ensuite, vous dites que cela ne laisse pas de trace. Nous essayons de vous convaincre que non seulement cette mesure ne sera pas efficace, mais que, d’un point de vue pédagogique et symbolique, elle sera néfaste pour notre société.

Au cours de la discussion générale hier, j’ai raconté une anecdote personnelle, que je vais répéter aujourd'hui. J’ai récemment participé à un débat télévisé avec Jacques Myard, député UMP, sur la déchéance de la nationalité. Alors que chacun avançait ses arguments, je lui ai dit qu’il était, comme moi, un représentant de la nation, de la République, mais que j’étais, moi, d’origine marocaine et que j’avais été naturalisé. Pensait-il, lui ai-je demandé, que nous étions aussi français l’un que l’autre ? Il n’a pas voulu me répondre. Nous étions en direct à la télévision, je lui ai posé quatre fois la question, il n’a jamais répondu !

Si un représentant UMP de la nation n’arrive pas à répondre à ma question, c’est parce qu’il a peur de mécontenter l’électorat auquel il s’adresse, qui ne me considère peut-être pas comme un Français comme les autres puisque je suis naturalisé. Sinon, cela lui serait facile de répondre à ma question. Je vous invite, mes chers collègues, à vous rendre sur les blogs, à regarder ladite émission. Vous verrez, c’est édifiant ! J’étais stupéfait.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, comprenez ce que nous vous disons : le message que vous envoyez flatte ceux qui pensent ainsi ou pour qui le fait d’être un Français d’origine étrangère pose problème.

Si M. Myard a du mal à me répondre, imaginez comment sont considérés ceux qui ne sont ni députés ni sénateurs !

Vous ne pouvez pas ignorer les conséquences des brèches que vous ouvrez. Elles font des dégâts dans les consciences de tous nos concitoyens. Alors qu’il faudrait les élever, vous cédez à la facilité : « Ah, mon bon monsieur, ce criminel a tué un gendarme, mais les socialistes ne veulent pas qu’il soit déchu de la nationalité française ! » Tout le monde trouvera cela odieux, naturellement, comme à l’époque du débat sur la suppression de la peine de mort. Il faut pourtant parfois faire preuve d’audace : aujourd'hui, plus grand monde ne remet en cause la suppression de la peine de mort, en tout cas pas la majorité des Français.

Comprenez donc notre propos, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et cessez de vous réfugier derrière des arguties qui ne passent pas !

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