Intervention de Jean-Étienne Antoinette

Réunion du 3 février 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Articles additionnels après l'article 4

Photo de Jean-Étienne AntoinetteJean-Étienne Antoinette :

Avec cet amendement, je souhaite toucher le cœur d’un problème important en Guyane, celui des Français sans état civil.

II s’agit des amérindiens ou des bushinengués originaires des villages isolés qui ne sont pas déclarés à la naissance. Que propose la République pour offrir à ces populations la possibilité de remplir leur obligation de déclaration des naissances ?

Elle les inscrit dans le droit commun, obligeant ainsi un voyage en pirogue d’une demi-journée, voire de plusieurs journées entières, vers le centre administratif et autant pour le retour. Or les pirogues motorisées qui peuvent effectuer ces trajets sont rares et, si la solidarité des habitants du fleuve remplace les transports publics, les habitants d’Antecum Pata par exemple – un des villages les plus proches de Maripasoula – ne se rendent au chef-lieu de cette commune qu’une fois par semaine pour se ravitailler.

Que dire alors d’autres habitants, comme ceux de Sophie, Repentir ou Dorlin, isolés sur le bras de la rivière du Petit Inini ou celle de Mana, au cœur de communes d’une superficie allant de 10 000 à plus de 18 000 kilomètres carrés ?

La conséquence est une carence générale de déclaration de naissance de la part de ces populations et un grand nombre de difficultés pour voir établir leur identité et leur nationalité lorsque le besoin rend nécessaire cette reconnaissance de la République.

Les autorités, au moins localement, ne sont pas sans ignorer ce problème. Elles utilisent alors la solution que leur offre le droit commun : le jugement déclaratif du tribunal.

Ainsi, le procureur de la République organise des audiences foraines sur le fleuve. Si on peut saluer cette proximité du service public de la justice avec les populations reculées de notre territoire, à l’heure de la restructuration des tribunaux civils et du développement des audiences en visioconférence, cette solution n’est pas concevable.

En effet, elle règle les situations uniquement sur les lieux des audiences foraines ; descendre les fleuves est une chose, mais les villages amérindiens et bushinengués sont dispersés sur tout le domaine du parc, du Maroni jusqu’à l’Oyapock.

Ensuite, ces jugements supplétifs de naissance ne rétablissent dans le droit que les situations déjà créées et aucunement celles à venir. Les familles amérindiennes ou bushinengués ne sont pas incitées à déclarer les naissances, attendant l’hypothétique venue du procureur de la République.

Pourquoi ne pas adapter la législation aux spécificités de notre territoire ? Nous en sommes capables, l’immensité du territoire guyanais est en effet la cause d’une dérogation au régime de la garde à vue, qui peut commencer, pour les infractions liées à l’orpaillage, pas moins de vingt heures après l’arrestation afin de permettre aux gendarmes de ramener à la brigade les personnes interpellées au cœur de la forêt.

La solution que je vous propose offre la possibilité aux habitants isolés de déclarer les naissances en allongeant le délai d’ouverture de cette procédure. Si dans les trois jours de la naissance, un très long voyage en pirogue est une contrainte rédhibitoire, le délai de quinze jours responsabilise les populations de l’intérieur et permet à leurs enfants d’être reconnus, dès leurs premiers jours, par la République.

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