Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 3 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 5 bis

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

En répondant hier aux orateurs qui s’étaient exprimés dans la discussion générale, et notamment à David Assouline, M. Hortefeux regrettait que nous ne parlions pas des personnes en situation régulière présentes sur notre sol. Voici justement une série d’amendements qui visent celles-ci, ainsi que les discriminations dont elles sont encore trop souvent l’objet.

Nous estimons qu’il est louable de vouloir inciter les entreprises à travailler sur ces questions complexes et difficiles. Néanmoins, si nous souhaitons être efficients, autant faire preuve de la plus grande rigueur. Or l’article 5 bis est trop imprécis, me semble-t-il.

Quand on évoque la lutte contre les discriminations, on pense régulièrement aux discriminations directes, c'est-à-dire qui sont constatables assez aisément et qui concernent les restrictions d’accès à l’emploi. À titre d’exemple, le tri des CV selon la couleur de peau ou le genre constitue une discrimination directe ; en agissant ainsi, on empêche une personne cherchant un emploi de défendre sa candidature devant un recruteur. C’est une entrave à l’embauche directe.

Ces discriminations sont connues, désormais, et la nécessité d’œuvrer à leur disparition fait l’objet d’un relatif consensus. Il est vrai qu’il est difficile de les nier, tant un simple testing permet de les mettre en évidence.

Toutefois, il est d’autres types de discriminations qui sont plus subtiles et plus discrètes, mais non moins préoccupantes dans leurs conséquences humaines et sociales : les discriminations indirectes.

De fait, il s’agit là non plus de restreindre l’accès à l’emploi des personnes visées, mais de freiner leur progression, que ce soit pour les postes à occuper ou pour les salaires dans l’entreprise. Cette pratique a été popularisée sous le doux vocable de « plafond de verre ». Les femmes en furent les premières victimes, mais elles sont loin d’en avoir le monopole.

Les discriminations indirectes sont tout autant problématiques que celles qui sont directes. Elles minent les personnes qui en souffrent, en leur donnant l’impression que leur travail n’est pas suffisamment reconnu et que leur place dans l’entreprise fait débat. Elles sont d’autant plus cruelles que, si l’employé peut avoir l’impression d’être discriminé, il lui est difficile de le prouver.

En effet, ces discriminations demandent une observation fine, sur le long terme, des carrières des personnes visées et de l’évolution de leurs salaires. Les dernières affaires jugées mettaient en évidence des discriminations menées sur trente ans de carrière.

L’ampleur des dossiers à constituer et la difficulté de réunir toutes les preuves possibles font que nombre de cas en restent au stade du sentiment de discrimination et ne sont pas portés devant les tribunaux. Il nous semble nécessaire de remédier à cette situation en sensibilisant les entreprises à cette question. Il s’agit là d’un premier stade indispensable avant la mise en place de sanctions fermes et dissuasives destinées à faire cesser ces pratiques.

Il nous paraît donc plus judicieux de mentionner dans le projet de loi les deux types de discriminations, directes et indirectes, pour affirmer la volonté du législateur de traiter l’ensemble du problème et de veiller à l’attention équivalente des entreprises à ces questions.

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