Séance en hémicycle du 3 février 2011 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • discrimination
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  • irrégularité
  • l’étranger
  • séjour

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Photo de Jean-Léonce Dupont

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 5.

Articles additionnels après l'article 5

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 287, présenté par MM. Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise, Gillot, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet, avant le 31 décembre 2011, un rapport sur la non-scolarisation importante en Guyane et ses effets sur les finances des collectivités.

La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

La Guyane est un territoire où se posent avec une très forte acuité les questions liées à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. La mission sénatoriale d’information sur les DOM estimait dans son rapport « le nombre d’étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire des DOM à environ 59 000 » et jugeait que, « à elle seule, la Guyane représente les deux tiers de ce volume, avec 40 000 étrangers en situation irrégulière estimés, soit environ 20 % de la population du département ».

Les élus doivent faire face à cette immigration et relever un certain nombre de défis, parmi lesquels l’intégration inévitable de ces nouvelles populations. Dans cette perspective, l’accès à l’éducation pour tous est une condition préalable.

On le sait bien : l’éducation est un vecteur indispensable de socialisation. Or, en dépit du caractère obligatoire de la scolarisation, avec ou sans papiers, on constate en Guyane un fort taux de non-scolarisation d’enfants de parents sans papiers arrivés du Brésil, du Surinam ou des Caraïbes.

L’observatoire de la non-scolarisation dénombrait plus de 3 000 enfants non inscrits à l’école dans le département de la Guyane, qui comptait 26 454 élèves de primaire en 2009. La HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, a d’ailleurs mis en évidence certains problèmes et pointé du doigt plusieurs collectivités qui ne respectaient pas la loi en la matière. Toutefois, le problème est plus complexe.

Il apparaît que l’un des premiers obstacles à la scolarisation reste la construction de nouveaux établissements scolaires. Or les collectivités territoriales, dont les finances sont exsangues, éprouvent de plus en plus de difficultés à faire face aux besoins croissants de nouvelles constructions scolaires.

Je rappelle que la population scolaire, notamment dans le premier degré, a doublé en dix ans. Dans certaines parties du territoire, en particulier dans l’ouest, le taux de croissance annuel est de 4 % à 5 %, voire de 8 % pour certains établissements situés près de Saint-Laurent du Maroni.

L’importance de ce problème, qui avait été abondamment soulignée par la mission sénatoriale sur les DOM, rend nécessaire la remise d’un rapport présentant des mesures efficaces pour garantir à tous les enfants de Guyane une scolarisation normale et régulière, telle qu’elle devrait exister partout dans la République française.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je conçois tout à fait que le sujet abordé ici soit important et difficile. Toutefois, en ce qui concerne les rapports demandés au Gouvernement, la commission des lois a une jurisprudence constante : plutôt que de réclamer des documents supplémentaires, elle préfère que soient sollicitées directement les missions de contrôle traditionnelles du Parlement.

J’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer

Monsieur le sénateur, il s'agit là, en effet, d’un problème important pour la Guyane. Ce département, vous le savez mieux que moi, est confronté à une forte poussée démographique, liée en particulier à l’immigration, qui suscite bien des difficultés.

J’ai pu constater, lors de mon dernier déplacement à Saint-Laurent du Maroni, que la scolarisation des enfants posait un véritable problème en Guyane ; il est exact qu’un effort particulier doit être accompli dans ce domaine.

C’est la raison pour laquelle, vous le savez, nous avons inscrit dans le budget pour 2011 des crédits de plus de 5 millions d’euros pour permettre aux collectivités de construire les établissements scolaires nécessaires.

Au travers de votre amendement, vous demandez la réalisation d’un rapport supplémentaire. Toutefois, monsieur le sénateur, cette question peut tout à fait être abordée dans le cadre de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’outre-mer.

De même, puisque vous faites le lien entre ce problème et les finances des collectivités locales en outre-mer, je vous rappelle qu’un rapport demandé sur ce thème par différentes missions parlementaires doit être examiné prochainement par la représentation nationale.

Dès lors, plutôt que de réclamer un rapport de plus, je crois que vous pourriez aborder cette question dans le cadre des travaux de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’outre-mer, à laquelle appartient d'ailleurs votre collègue Georges Patient. Cette démarche serait plus opportune car, à l’évidence, la disposition que vous proposez ne semble pas nécessaire au regard des mécanismes d’évaluation qui ont déjà été mis en place.

Je vous invite donc à retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Monsieur Antoinette, l'amendement n° 287 est-il maintenu ?

(Non modifié)

La première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 225-102-1 du code de commerce est complétée par les mots : « et en faveur de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la diversité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 290, présenté par Mme Khiari, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, MM. Guérini et Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

discriminations

insérer les mots :

directes et indirectes

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En répondant hier aux orateurs qui s’étaient exprimés dans la discussion générale, et notamment à David Assouline, M. Hortefeux regrettait que nous ne parlions pas des personnes en situation régulière présentes sur notre sol. Voici justement une série d’amendements qui visent celles-ci, ainsi que les discriminations dont elles sont encore trop souvent l’objet.

Nous estimons qu’il est louable de vouloir inciter les entreprises à travailler sur ces questions complexes et difficiles. Néanmoins, si nous souhaitons être efficients, autant faire preuve de la plus grande rigueur. Or l’article 5 bis est trop imprécis, me semble-t-il.

Quand on évoque la lutte contre les discriminations, on pense régulièrement aux discriminations directes, c'est-à-dire qui sont constatables assez aisément et qui concernent les restrictions d’accès à l’emploi. À titre d’exemple, le tri des CV selon la couleur de peau ou le genre constitue une discrimination directe ; en agissant ainsi, on empêche une personne cherchant un emploi de défendre sa candidature devant un recruteur. C’est une entrave à l’embauche directe.

Ces discriminations sont connues, désormais, et la nécessité d’œuvrer à leur disparition fait l’objet d’un relatif consensus. Il est vrai qu’il est difficile de les nier, tant un simple testing permet de les mettre en évidence.

Toutefois, il est d’autres types de discriminations qui sont plus subtiles et plus discrètes, mais non moins préoccupantes dans leurs conséquences humaines et sociales : les discriminations indirectes.

De fait, il s’agit là non plus de restreindre l’accès à l’emploi des personnes visées, mais de freiner leur progression, que ce soit pour les postes à occuper ou pour les salaires dans l’entreprise. Cette pratique a été popularisée sous le doux vocable de « plafond de verre ». Les femmes en furent les premières victimes, mais elles sont loin d’en avoir le monopole.

Les discriminations indirectes sont tout autant problématiques que celles qui sont directes. Elles minent les personnes qui en souffrent, en leur donnant l’impression que leur travail n’est pas suffisamment reconnu et que leur place dans l’entreprise fait débat. Elles sont d’autant plus cruelles que, si l’employé peut avoir l’impression d’être discriminé, il lui est difficile de le prouver.

En effet, ces discriminations demandent une observation fine, sur le long terme, des carrières des personnes visées et de l’évolution de leurs salaires. Les dernières affaires jugées mettaient en évidence des discriminations menées sur trente ans de carrière.

L’ampleur des dossiers à constituer et la difficulté de réunir toutes les preuves possibles font que nombre de cas en restent au stade du sentiment de discrimination et ne sont pas portés devant les tribunaux. Il nous semble nécessaire de remédier à cette situation en sensibilisant les entreprises à cette question. Il s’agit là d’un premier stade indispensable avant la mise en place de sanctions fermes et dissuasives destinées à faire cesser ces pratiques.

Il nous paraît donc plus judicieux de mentionner dans le projet de loi les deux types de discriminations, directes et indirectes, pour affirmer la volonté du législateur de traiter l’ensemble du problème et de veiller à l’attention équivalente des entreprises à ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement. En effet, cette précision rédactionnelle nous paraît totalement inutile, dès lors que le terme générique de « discrimination » doit être entendu dans tous les sens possibles, qu’il s’agisse de pratiques directes ou indirectes.

Par conséquent, nous maintenons l’avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Comme l’a souligné M. le rapporteur, cette disposition nous paraît inutile : mentionner les discriminations directes ou indirectes n’apporterait rien de plus au texte.

Madame la sénatrice, je vous propose donc de retirer votre amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 289, présenté par Mme Khiari, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, MM. Guérini et Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

de la diversité

par les mots :

des diversités

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le présent article pèche par une rédaction partielle. En effet, l’usage du singulier pour le mot « diversité » prête à confusion et ouvre la voie à une interprétation très restrictive de son sujet d’étude.

Trop souvent, on utilise le terme « diversité » pour signifier « diversité ethnoculturelle » et renvoyer les entreprises à la nécessité de prendre en compte dans leur recrutement les personnes issues de l’immigration.

C’est là une interprétation fâcheuse, car la promotion des diversités recouvre des champs d’application bien plus vastes, comme nous le montrerons. Le présent article semble lui aussi donner dans ce travers, puisqu’il est issu d’un texte portant sur l’immigration et l’intégration. Autant dire que le prisme ethnoculturel est fortement sollicité et que l’on semble ici vouloir le privilégier aux dépens des autres.

En ce sens, nous aurions préféré que cet article figure dans un texte portant sur la lutte contre les discriminations en général. En effet, une telle configuration aurait difficilement autorisé une interprétation limitée.

Madame la ministre, puisque vous semblez vouloir faire figurer dans un tel projet de loi cette obligation d’un rapport sur les actions des entreprises en faveur de la promotion des diversités, autant faire en sorte que ce document soit le plus complet possible et ne ressemble pas à une formalité remplie trop rapidement.

Certes, l’intégration des personnes issues de l’immigration est une question essentielle, qui doit faire l’objet d’une attention importante des acteurs publics. Toutefois, parler de diversité, notamment dans les entreprises, c’est mettre l’accent sur un domaine d’action très vaste, qui comprend tant la dimension ethnoculturelle que les questions du genre, du handicap, de la préférence sexuelle, entre autres.

Ces questions se recoupent, parce que les processus discriminatoires à l’œuvre dans chacune de ces catégories sont similaires et renvoient à une problématique semblable : l’intégration de la différence.

Dès lors, il nous semble plus judicieux d’user du pluriel et d’évoquer les diversités plutôt que d’en rester à un usage du singulier qui pourrait laisser croire que la seule diversité visée est ethnoculturelle.

D’une part, il convient en effet d’avoir une approche globalisante, qui ne laisse personne de côté. D’autre part, on voit mal ce qui pourrait justifier une particularisation de la diversité ethnoculturelle par rapport aux autres. Puisque les processus discriminatoires sont semblables, il apparaît logique de les considérer globalement.

Aussi, nous suggérons de remplacer le mot « diversité » au singulier par le mot « diversités » au pluriel, de manière à inciter les entreprises à traiter de l’ensemble de ces questions, plutôt que d’en avoir une interprétation limitative. C’est l’ensemble des thématiques qu’il convient de traiter.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission a émis un avis défavorable.

L’explication est de même nature que pour l’amendement précédent : les concepts et les termes généraux s’écrivent traditionnellement au singulier. La notion de diversité renvoie bien à toutes les formes de diversités, sans distinction.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le terme « diversité » peut englober toutes les diversités. Cependant, je peux comprendre, madame la sénatrice, votre volonté d’élargir le concept de diversité à toutes les situations.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’a pas d’objection particulière à opposer à cet amendement, auquel il donne un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je voterai bien volontiers cet amendement. D’abord, je ne vois pas ce qu’il change. Ensuite, dans la mesure où nous avons été appelés à voter un texte sur les outre-mer, pourquoi ne ferions-nous pas de même pour les diversités ?

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 288, présenté par Mme Khiari, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, MM. Guérini et Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le sixième alinéa du même article sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Des informations erronées ou lacunaires, susceptibles d'induire une mauvaise appréciation sur les activités et les risques de l'entreprise, sont fautives et engagent la responsabilité des dirigeants et du conseil d'administration. Ces fautes sont sanctionnées par le juge et, pour les sociétés cotées, par l'Autorité des marchés financiers.

« Lorsque le rapport annuel ne comprend pas les mentions prévues par le présent article ou des informations inexactes, les associations minoritaires d'actionnaires visées à l'article L. 225-120, les syndicats professionnels visés à l'article L. 2132-3 du code du travail, le comité d'entreprise et les associations agréées de protection de l'environnement au plan national au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, peuvent demander au tribunal d'enjoindre sous astreinte au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, de leur communiquer ces informations, de supprimer les informations inexactes, de compléter le rapport annuel avant l'assemblée générale et de procéder à une nouvelle diffusion auprès des actionnaires. Cette mesure peut être ordonnée par le président du tribunal statuant en référé en application de l'article L. 238-1 du code de commerce. »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

C’est avec satisfaction que le groupe socialiste constate qu’un combat qu’il mène depuis longtemps se voit aujourd’hui couronné de succès.

Nous avons fait mention à de multiples reprises de la nécessité d’imposer aux entreprises une réflexion sur les discriminations et les moyens de lutter contre ces pratiques par le biais, notamment, d’une obligation de remettre un rapport annuel traitant de ces questions et d’autres thèmes sociaux. Ce rapport faisait ainsi office de bilan social de l’entreprise, lui permettant de cibler des domaines où elle se trouvait en retrait.

Longtemps, vous avez considéré avec une nuance de mépris tous les amendements que nous déposions sur ce thème lors des discussions de textes ayant trait à des questions proches, comme si nous étions de doux rêveurs cherchant à empêcher nos braves entreprises de travailler correctement. Voici que vous nous rejoignez ; il était plus que temps !

Cependant, notre joie est teintée d’amertume. Le choix de ce véhicule législatif pour porter le présent article n’est guère judicieux. Alors que la tendance forte de ce projet de loi est de réduire encore davantage les droits des étrangers, de rendre toujours plus difficile leur présence sur notre territoire, il est curieux d’y voir figurer un encart incitant les entreprises à être soucieuses de lutter contre les discriminations. Certes, nous souscrivons à cette disposition car elle va dans le bon sens, mais c’est une bien maigre consolation face à tant de recul.

Cela est d’autant plus vrai que rien dans la rédaction actuelle ne vient sanctionner les entreprises en cas de non-remise, ou de réalisation incomplète ou erronée, du rapport.

À croire qu’il suffirait que ce dernier soit mentionné dans la loi pour qu’il soit automatiquement rédigé. Nous savons tous pourtant que certains acteurs économiques sont peu sensibles à la lutte contre les discriminations.

Sans possibilité de sanctions, cette mesure restera lettre morte dans la plupart des cas alors que la lutte contre les discriminations, véritables morts sociales, doit être une priorité pour notre pays. Nous ne pouvons avoir l’égalité pour devise sur le fronton de nos mairies et laisser perdurer un traitement inégal des personnes.

Des mesures simples s’imposent, comme ce bilan social incluant une dimension de lutte contre les discriminations, ainsi que vous le préconisez.

Cependant, nous considérons qu’il faut aller plus loin en leur donnant un caractère contraignant. On ne peut constamment s’en remettre à la bonne volonté des acteurs. Une loi ne prévoyant pas de possibilité de sanction est purement déclaratoire. Il est difficile de l’accepter.

Aussi, nous proposons qu’en l’absence de rapport, les personnes physiques ou morales ayant intérêt à agir puissent contraindre l’entreprise à s’exécuter, faute de quoi elle pourrait être l’objet de sanctions.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement, qui vise à créer une sanction en cas de défaut d’information dans le rapport annuel, présente un vrai risque d’inconstitutionnalité, faute de définir avec précision le champ de la sanction et la peine encourue.

Par ailleurs, s’il pourrait être effectivement justifié, pour les informations les plus sensibles, de prévoir des sanctions pénales ou de conférer au juge un vrai pouvoir d’injonction, il convient, pour les autres informations, de s’appuyer tout simplement sur les mécanismes internes de responsabilités des dirigeants à l’égard de l’assemblée générale des actionnaires.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

On peut considérer que cet amendement est effectivement hors du champ de ce projet de loi et relève davantage de l’organisation interne des entreprises. En outre, il ne me semble pas que cet aspect relève vraiment du rôle de l’Autorité des marchés financiers.

Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 5 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 291 rectifié, présenté par Mme Khiari, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, MM. Guérini et Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l'article L. 1132-1, après les mots : « nom de famille », sont insérés les mots : «, de son lieu de résidence » ;

2° Le chapitre III du titre III du livre Ier de la première partie est complété par un article L. 1133-5 ainsi rédigé :

« . - Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l'égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

II. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 225-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « de leur lieu de résidence, » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « du lieu de résidence, » ;

2° L'article 225-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l'égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Les discriminations aboutissent à rejeter des individus, à les exclure du système normal, à les reléguer dans un sous-statut en les différenciant du reste de la société. En cela, le rôle du législateur est nécessairement d’œuvrer à leur disparition, parce que cela permet l’émergence d’une société pacifiée et réconciliée.

La difficulté de la tâche qui nous incombe est à la mesure, notamment, de la complexité des processus discriminatoires. Pour lutter efficacement contre les discriminations, il faut pouvoir les caractériser, les nommer et les définir. Or, si le modèle est similaire d’une discrimination à l’autre, son objet peut changer du tout au tout. Dès lors, il devient difficile d’établir une liste précise des discriminations possibles tant leur variété peut étonner.

Cette liste est pourtant fondamentale. Sans elle, il est difficile de faire condamner les pratiques discriminatoires, puisque l’on aura tôt fait de nous répondre que la pratique visée ne correspond nullement à une discrimination réelle.

Pour sortir de cette impasse, il convient donc d’établir une liste souple pouvant évoluer avec le temps. Ainsi, il sera possible de l’enrichir si l’on constate de nouvelles pratiques.

C’est précisément ce qui se produit aujourd’hui. Des observations fines tendent à montrer que la provenance géographique des candidats à un poste constitue parfois un critère de sélection alors qu’il traduit une discrimination pure et simple.

Nombreux sont les témoignages de personnes cherchant un métier qui affirment masquer leur adresse réelle par crainte de ne pouvoir décrocher un entretien. Ces personnes confient avoir déjà eu des réflexions désobligeantes sur leur lieu de résidence de la part d’employeurs potentiels qui estiment que les agissements d’une minorité doivent nécessairement caractériser l’ensemble des habitants du quartier visé. Pour éviter toute stigmatisation, bien souvent les personnes en quête d’un emploi rusent en indiquant d’autres adresses que la leur.

En d’autres termes, venir d’une cité constitue un handicap supplémentaire pour certains candidats dans leur recherche d’emploi. Avant même de juger la personne sur place en fonction de ses diplômes, de sa prestance, de son aptitude à effectuer le travail, on préfère écarter ceux qui n’ont pas le bonheur de vivre dans un espace dit habituel.

Nous ne pouvons pas accepter ces pratiques ni de tels discours, qui ghettoïsent encore davantage des territoires peu favorisés de notre pays. C’est avec fermeté qu’il faut répondre en faisant de la discrimination géographique un délit.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement vise à interdire les discriminations fondées sur le lieu de résidence de la personne. C’est en effet un sujet important.

Il prend en compte la forme de discrimination détournée que constitue, pour certains employeurs, le fait d’écarter les candidats à un poste en raison de leur lieu de résidence, en estimant que ce dernier donne une indication sur leur niveau social, leur origine ou leur nationalité.

Cependant, l’objectif visé semble déjà satisfait par le droit en vigueur : la pratique décrite tombe d’ores et déjà sous le coup des dispositions de l’article L. 225–1 du code pénal dans la mesure où il s’agit d’une discrimination fondée sur l’origine de la personne, puisque la mention du lieu de résidence ne sert qu’à donner une indication stigmatisante sur sa condition sociale ou son origine.

En outre, il est des cas où le lieu de résidence du candidat à un poste peut constituer un critère pertinent pour privilégier une candidature, sans qu’entrent en compte l’origine sociale ou la nationalité de l’intéressé.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

J’ajoute à ce que vient de dire M. le rapporteur que la notion de « lieu de résidence » est trop imprécise et laisse place à une appréciation subjective.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 293, présenté par MM. Yung, Rebsamen, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 30 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf le cas de fraude manifeste dont la preuve incombe à l'autorité administrative, la nationalité française d'une personne titulaire d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport est réputée définitivement établie. »

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n° 293 et 294, car ils sont issus d’une réflexion résultant de la même expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

'amendement n° 294, présenté par MM. Yung, Rebsamen, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 30 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La première délivrance d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport certifie l'identité et la nationalité de son titulaire. Les mentions relatives à l'identité et à la nationalité inscrites sur ces derniers font foi jusqu'à preuve du contraire par l'administration.

« L'alinéa précédent est applicable aux demandes de renouvellement de carté d'identité et de passeport en cours d'instruction, ainsi qu'aux recours administratifs et contentieux pour lesquels une décision définitive n'est pas encore intervenue. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C’est notamment notre expérience de sénateurs représentant les Français établis hors de France qui nous a conduits à formuler cette proposition.

En effet, près de la moitié des dossiers que nous suivons concernent des cas de refus de renouvellement de carte d’identité ou de passeport, ou de doutes émis concernant ces titres, en particulier dans les consulats, en considération de critères éminemment variables, comme le nom ou le lieu de naissance.

Les consulats demandent alors aux personnes concernées, la plupart du temps déjà titulaires d’une carte d’identité ou d’un passeport, de produire un certificat de nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C’est alors une croisade sans espoir ni retour. Pour l’établissement de ce document, ces personnes doivent s’adresser au greffe du tribunal d’instance du premier arrondissement de Paris et au célèbre « Château des rentiers » – rue du Château des rentiers –, où, dans un tonneau des Danaïdes sans fond, quasiment toutes les demandes disparaissent. Parfois, une réponse arrive au bout de deux ans, mais de façon très aléatoire.

Ainsi, des personnes sont privées de la possibilité de renouveler leur titre, simplement parce qu’un fonctionnaire un peu méfiant se tenait au guichet le jour où elles ont présenté leur demande de renouvellement.

Le problème est connu, et je pense que mes collègues interviendront dans le même sens. Le président de la commission des lois y est d’ailleurs bien sensibilisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

D’ailleurs, Christian Cointat, Yves Détraigne et moi-même avions rédigé voilà quelques années un rapport d’information sur la question. Mais tous les rapports disparaissent dans les tiroirs, et rien ne se passe !

Je dois cependant à la vérité de dire qu’il y a un peu moins d’un an, le ministre de l’intérieur et le ministre des affaires étrangères de l’époque avaient adressé une circulaire commune aux consulats et aux préfectures, rappelant aux fonctionnaires qu’il n’y avait pas lieu de demander un certificat de nationalité à ceux qui présentaient une carte d’identité ou un passeport régulièrement établis.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C’est un principe simple, et cette circulaire a été suivie de quelques effets, mais son incidence reste ponctuelle et marginale.

Par conséquent, nous proposons de graver dans le marbre de la loi deux dispositions. La première, très claire, visée par l’amendement n° 293, est ainsi libellée : « Sauf le cas de fraude manifeste dont la preuve incombe à l’autorité administrative, la nationalité française d’une personne titulaire d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport est réputée définitivement établie. »

La seconde, présentée par l’amendement n° 294, est la suivante : « La première délivrance d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport certifie l’identité et la nationalité de son titulaire. Les mentions relatives à l’identité et à la nationalité inscrites sur ces derniers font foi jusqu’à preuve du contraire. » Cette mesure est destinée à faciliter les demandes de renouvellement de carte d’identité et de passeport.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La charge de la preuve de la nationalité incombe à celui dont la nationalité est en cause. Par exception, l’intéressé doté d’un certificat de nationalité est présumé avoir cette nationalité, jusqu’à preuve contraire.

L’amendement n° 293, qui a déjà été présenté lors de la discussion sur la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, tend à remplacer une présomption simple par une présomption irréfragable, qui ne pourrait plus être contestée. Une telle présomption est contraire à l’esprit des dispositions de l’article 30 du code civil.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.

L'amendement n° 294 est un amendement de repli qui vise à substituer une présomption simple à la présomption irréfragable prévue à l’amendement n° 293.

Cependant, la disposition en cause relève plutôt du domaine réglementaire et elle est satisfaite par l’article 2 du décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification administrative et suppression de la fiche d’état civil. Cet article prévoit en effet d’ores et déjà que la carte nationale d’identité et le passeport prouvent la nationalité de leur titulaire dans ses relations avec l’administration.

Les difficultés qui subsistent tiennent à une mauvaise application de la réglementation, à laquelle M. le garde des sceaux, lors de la discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, s’est engagé, au nom du Gouvernement, à porter remède.

Sur le fond, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 294. Toutefois, il serait utile que Mme la ministre apporte des éclaircissements sur ce point.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le certificat de nationalité française possède une force probante pour démontrer qu’une personne a la nationalité française.

Nous avons bien conscience des difficultés qui peuvent survenir, notamment au moment du renouvellement des cartes nationales d’identité et des passeports. Un décret a été pris au mois de mai 2010 et une circulaire qui vient d’être complétée par une deuxième circulaire a été adressée à l’ensemble des préfets pour rappeler la nécessité d’alléger les procédures.

Par conséquent, il n’y pas de raison de donner suite aux amendements n° 293 et 294. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je crois que l’on progresse.

Monsieur Yung, vous évoquez le cas des Français établis hors de France. Mais cela concerne tous les Français nés à l’étranger !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En effet, vous connaissez les problèmes que connaissent ces derniers, qui dépendent des services de l’état civil de Nantes.

Et en plus, il est souvent demandé un certificat de nationalité française

Madame la ministre, nous avions fait état de tous ces problèmes dans un rapport – les rapports de la commission des lois n’ont pas vocation à finir au fond d’un tiroir ! – et avions formulé des recommandations pour améliorer la situation.

Toutes ces procédures dépendent du tribunal d’instance du premier arrondissement de Paris.

Un extrait de naissance est demandé aux Français qui établissent pour la première fois un passeport ou une carte nationale d’identité ou qui, au moment du passage des anciens titres aux nouveaux, ont demandé le renouvellent de ces documents.

Je peux évoquer mon cas personnel : on a failli me demander un certificat de nationalité, parce que mon nom n’avait pas une consonance très familière. Rassurez-vous, cela m’est complètement égal.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

C’est moins répandu que Dupont ou Durand !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est un nom du Gâtinais, que les agents des services de l’état civil ne connaissent pas forcément et qui leur semble étranger.

Madame la ministre, le problème, c’est que nos concitoyens attendent quelquefois deux ans ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

... ou trois ans, pour obtenir un certificat de nationalité française, ce qui leur interdit pendant ce délai d’avoir un passeport ou une carte nationale d’identité.

C’est absurde ! C'est la raison pour laquelle nous avions d’abord demandé que cette procédure relève du tribunal d’instance de Nantes. Mais celui-ci semble avoir des problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Des problèmes d’effectifs ! Voilà ce qui se passe quand on remplace un fonctionnaire sur deux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Non, c’est un problème de magistrats ! Pourtant, leur nombre a augmenté !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Mais pas dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la ministre, nous touchons au cœur du problème ! Pour nos concitoyens qui attendent dix-huit mois un document, la situation est insupportable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

N’ayant pas de passeport, ils ne peuvent bien évidemment pas voyager !

Nous avons alerté le garde des sceaux, qui a pris un engagement, comme l’avait fait son prédécesseur et, avant lui, le prédécesseur de son prédécesseur ! Nous commençons à trouver le temps long. Il faut régler ce problème qui est terrible pour nos concitoyens, qu’il s’agisse des Français établis hors de France ou de ceux qui sont nés à l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cela ne résoudra pas le problème ! Juridiquement, ce n’est pas possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je peux citer l’exemple d’une personne, dans mon département, à qui l’on a demandé un certain nombre de documents, notamment un extrait de naissance, alors qu’elle était née dans un village à la frontière russo-polonaise qui aujourd'hui n’existe plus. Il a fallu une demi-page dans Ouest-France révélant que l’on refusait à un ancien déporté survivant un passeport pour que le préfet revoie son jugement.

J’entends bien les arguments de M. le président de la commission des lois et je suis sensible aux efforts de nos collègues. Toutefois, si nous prenions une décision en la matière, peut-être parviendrions-nous à régler cette question d’une façon plus rapide et plus humaine. Je rappelle que le problème concerne des individus qui, à un moment ou à un autre, ont détenu un passeport ou une carte nationale d’identité. C’est bien là tout le problème ! C’est au moment où ils ont voulu procéder à leur renouvellement que l'administration a émis des doutes sur les documents initialement délivrés.

À ce moment-là, nous devons nous poser la question de la présomption ! À mon sens, elle doit profiter au citoyen. Il revient à l'administration de se débrouiller pour rassembler les preuves nécessaires au renouvellement des documents en question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Je soutiendrai, moi aussi, ces deux amendements, car la situation est absolument intolérable et inadmissible. Cela fait longtemps que nous en parlons.

J’ai d’ailleurs interrogé Brice Hortefeux à ce sujet au cours de la discussion générale. Il m’a répondu qu’une nouvelle circulaire avait été signée avant-hier, le 1er février. Malheureusement, nous savons que les préfectures ne tiennent pas compte des circulaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Nous pouvons tous citer des exemples totalement ubuesques ; j’en ai des dizaines ! Des reportages sur le sujet ont été diffusés, il y en a eu un sur France 2 encore récemment. Pour autant, les choses n’avancent pas.

Je ne fais pas partie de la commission des lois, mais je comprends la position de son président. Cependant, j’insiste : par principe, nous devons donner un signal fort. Peut-être la commission mixte paritaire ne maintiendra-t-elle pas les dispositions que tendent à insérer ces amendements ; il n’en demeure pas moins que nous ne pouvons supporter plus longtemps des agissements qui témoignent d’une suspicion inadmissible envers des personnes de nationalité française ayant eu le malheur de naître hors de nos frontières.

Je terminerai en relatant le cas d’un ancien élu, Croix de guerre, commandeur de la Légion d’honneur, à qui l’on a demandé de faire la preuve de sa nationalité. Imaginez sa réaction ! Décidément, non, cette situation n’est plus acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mes chers collègues, je vous supplie de ne pas voter l'amendement n° 293, qui tend à instaurer une présomption irréfragable, c'est-à-dire impossible à contester. Cela signifie que les fraudeurs eux-mêmes échapperaient à la sanction !

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Voilà !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si l’amendement n° 294 est très imparfait et n’apporterait pas de solution satisfaisante, il est tout de même moins mauvais que le premier. Certes, on peut faire ce que l’on veut, que l’on soit juriste ou non. Mais, monsieur Yung, je vous suggérerais de retirer l'amendement n° 293. Il restera l’autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je le maintiens, monsieur le président !

Pour répondre aux objections de M. le président de la commission des lois, je me demande s’il ne serait pas possible de modifier l’amendement n° 293, en supprimant le premier membre de phrase : « Sauf le cas de fraude manifeste dont la preuve incombe à l’autorité administrative, ».

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La présomption est irréfragable ! Elle ne souffre aucune exception !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Le président de la commission des lois a parfaitement expliqué la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous ne pouvons pas rester sans rien faire.

Mes chers collègues, si, comme nous, sénateurs représentant les Français établis hors de France, vous étiez tous les jours confrontés à ces difficultés, qui engendrent de véritables drames humains, vous réagiriez non pas d’une manière juridique mais d’une manière politique. Car, là, c’est une affaire politique !

Si nous voulons que ce projet de loi, qui durcit les conditions pour les immigrés, soit bien perçu par les plus de deux millions de Français établis hors de France, il faut tout de même faire un geste envers eux, qui sont tout à fait sérieux et responsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Il faut tout faire pour débloquer leur situation. Imaginez un instant la douleur de quelqu’un qui veut renouveler un passeport ou une carte nationale d’identité et qui, pour toute réponse, s’entend dire qu’il s’appelle d’une drôle de façon, qu’il n’est sûrement pas français et qu’une erreur a dû survenir. C’est abominable. On touche à l’essence même de la citoyenneté. Par conséquent, on ne peut pas rester sans réagir.

Cela dit, l'amendement n° 293 me pose un problème dans la mesure où il tend à préciser que la nationalité est « définitivement établie ». L’adverbe « définitivement » ne me convient pas. S’il est retiré, je voterai cet amendement

En tout état de cause, je voterai l'amendement n° 294, parce qu’il faut lancer un signal fort. Comme l’a rappelé fort justement Joëlle Garriaud-Maylam, les circulaires, c’est très bien, c’est mieux que rien, mais nombreux sont ceux qui ont tendance à les ignorer. En outre, on le sait, les circulaires ont une vie très courte, alors que la loi, elle, dure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mes chers collègues, je comprends très bien votre volonté d’agir. Je veux bien que l’on distingue les juristes des politiques ! Mais alors, nous pouvons aussi bien nous en aller…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme Bariza Khiari. On ne peut rien faire sans vous !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je dis cela à l’intention de mon excellent ami Christian Cointat. C’est vrai que nous sommes parfois des empêcheurs de danser en rond !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Entre la commission des lois et la commission des finances, on ne peut plus rien faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais si, on fait beaucoup !

En l'occurrence, mes chers collègues, je vous propose de demander que le Sénat se prononce en priorité sur l'amendement n° 294, qui me semble plus applicable. Son adoption rendrait l'amendement n° 293 sans objet.

Monsieur le président, je vous soumets donc cette demande de priorité, au nom de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Quel est l’avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Je comprends qu’il faille trouver un juste équilibre pour aider nos concitoyens qui se trouvent dans une situation insupportable.

Certes, une circulaire n’a pas la force d’une loi, mais la dernière circulaire ne date que du 1er février ! En outre, on prend un risque trop grand en proposant un autre dispositif. Il faut faire attention aux possibilités de fraude.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Nous sommes face à un sujet trop complexe pour le traiter ainsi.

Je maintiens donc l’avis défavorable du Gouvernement sur les amendements n° 293 et 294.

Cela dit, le Gouvernement émet un avis favorable sur la demande de priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La priorité est de droit.

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 294.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je souhaite réagir à l’intervention de M. Christian Cointat.

Nous partageons l’émotion de nos collègues face aux tracasseries absolument insupportables que peuvent subir nos concitoyens français. Toutefois, monsieur Cointat, vous demandez que nous accomplissions en quelque sorte un geste en faveur des Français établis hors de France ou nés à l’étranger pour mieux leur faire accepter l’ensemble des difficultés que créera ce texte aux étrangers et aux immigrés.

Franchement, mon cher collègue, ce n’est pas agir dans le souci de l’intérêt général ! De tels propos sont étonnants dans la bouche d’un parlementaire, dont on attend plutôt qu’il obéisse aux principes. Vraiment, monsieur Cointat, j’aurais aimé que vous invoquiez d’autres arguments.

Nous, nous nous intéressons à l’intérêt de nos concitoyens et de la France, et nous déployons toute notre énergie pour éviter les tracasseries supplémentaires. Votre idée selon laquelle les contraventions à la loi doivent être endiguées par le renforcement de législation rend la situation insupportable, non pas pour les quelques fraudeurs mais pour les millions de citoyens qui ne fraudent pas. En ce qui concerne les immigrés, c’est exactement la même chose. Parce qu’il faut empêcher les fraudes, on ajoute une loi supplémentaire, une loi qui rend la vie des étrangers en situation régulière insupportable quand ils veulent faire refaire un papier ou prouver qu’ils habitent en France alors qu’ils ont un contrat de travail depuis tant d’années.

Je voudrais que l’ensemble de l’hémicycle soit autant ému par les tracasseries que subissent les Français quand ils doivent faire la preuve de leur nationalité que par les étrangers qui veulent pouvoir vivre tranquillement sans être considérés en permanence comme des fraudeurs.

Je voulais faire cet éclaircissement pour appeler l’ensemble de mes collègues à plus d’ouverture et de générosité envers ceux pour qui nous légiférons.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 bis.

Dans ces conditions, vous retirez l'amendement n° 293, monsieur Yung ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je suis sensible à l’argument de mon collègue Christian Cointat et je suis prêt à modifier l’amendement n° 293 en supprimant le terme « définitivement ». Je comprends les problèmes que son maintien pourrait poser juridiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Franchement, les préoccupations que vous avez exprimées sont largement satisfaites par l'amendement n° 294. D’ailleurs, vous avez dit vous-même que l’un de ces amendements était de repli par rapport à l’autre.

Je vous rappelle qu’il faut faire très attention à ce que l’on fait parce qu’il y a aussi des milliers de gens qui se voient privés de leur identité du fait d’usurpations ou de fraudes. C’est un fait. Votre dispositif, qui a été voté par le Sénat, me paraît tout à fait suffisant puisque, dès lors que la première délivrance de document a été faite, on ne peut plus revenir dessus. Restons-en là pour ce soir ; je vous supplie de retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous étiez contre les deux tout à l’heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 293 est retiré.

Titre II

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la zone d’attente

Après le premier alinéa de l’article L. 221-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il est manifeste qu’un groupe d’au moins dix étrangers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres situés à proximité d’une frontière maritime ou terrestre, la zone d’attente s’étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu’au point de passage frontalier le plus proche. »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Nous assistons à un véritable ballet au banc du Gouvernement digne du Châtelet, probablement parce que les ministres veulent se passer et se repasser le mistigri. Nous ne savons pas qui nous verrons mardi… Nous finirons par voir tout le Gouvernement !

Le 17 février 2001, l’East Sea échoue sur les côtes varoises. Le Préfet crée la première zone d’attente ad hoc à proximité. Le tribunal administratif de Nice annule cet arrêté, cette zone d’attente ne pouvant pas exister puisque, d’après les lois en vigueur, elle devait être à proximité ou dans une gare ferroviaire, un port ou un aéroport. M. Sarkozy étant alors ministre de l’intérieur, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité va tenir compte de ce que le Préfet s’était trouvé, à son corps défendant, dans l’illégalité pour prévoir que l’on pourrait désormais créer des zones d’attente à proximité des lieux de débarquements.

En janvier 2010, 123 Kurdes ayant échoué sur les rivages de Corse n'ont pas été placés en garde à vue mais ont été dirigés sur un gymnase, qui a donc fonctionné comme une zone d'attente de facto. Une fois ces personnes transférées dans des centres de rétention administrative sur le continent, trois juges des libertés et de la détention considèrent, appliquant les lois en vigueur, qu’elles ont été, de ce fait, privées illégalement de liberté.

L'article 6 vise donc à légaliser cette privation de liberté, dénoncée par les juges des libertés et de la détention, de personnes connaissant une situation similaire et crée des zones d'attente « sur mesure » pour que les préfets ne soient pas, à l’avenir, dans l’illégalité. Il se trouve que ces zones d’attente, dites ad hoc, vont compromettre l’exercice des droits des personnes retenues. Ces personnes ont en effet le droit d’avertir ou faire avertir le conseil de leur choix, leur consulat ou un membre de leur famille résidente en France, refuser d'être expatriées avant l'expiration du délai d'un jour franc, bénéficier de l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec leur conseil, quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. En effet, l'étranger placé en zone d'attente, un lieu privatif de liberté, est considéré comme n'étant pas présent sur le territoire français. Il ne bénéficie donc, au début, d’aucune des garanties de droit commun et peut ainsi être refoulé à tout moment.

En l'état actuel de la législation, les règles sont différentes selon que l'on se trouve en zone d'attente ou sur le territoire français.

En zone d'attente, deux cas sont possibles.

En cas de demande d'asile, les personnes peuvent être privées de liberté le temps de l'examen du caractère « manifestement infondé » de leur demande par le ministère de l'immigration, et cela peut prendre 26 jours. Si leur demande est rejetée, elles peuvent être renvoyées dans leur pays de provenance ou d’origine, sans pouvoir déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, sauf si elles déclenchent un recours suspensif dans le délai de 48 heures auprès du tribunal administratif du ressort.

L’adoption d’une telle disposition, en l’occurrence l'article 6 dont nous discutons, aura donc un impact négatif sur le respect du droit d’asile puisque l’on sait que la procédure d’asile à la frontière actuellement en vigueur dans les aéroports, les ports et les gares, est utilisée par l’administration comme un filtre. J’ai pu constater que quelqu’un qui arrive, par exemple à Roissy, et qui dit j’arrive parce que ma famille a été massacrée, parce que je suis persécuté mais ne prononce pas la formule « je demande à bénéficier du droit d’asile » peut se voir refuser ce même droit, sur le principe qu’on peut par là même considérer qu’il ne l’a pas demandé. Dans l’état où les personnes arrivent, vous voyez ce que cela peut avoir comme conséquence…

Dans le cas où les personnes en zone d’attente ne sollicitent pas l’asile, il peut leur être notifié un refus d'entrée exécutoire d'office sauf si la personne demande à bénéficier d'un jour franc – encore faut-il qu’elle comprenne ce que cela signifie – mais sans possibilité d'un recours suspensif. On sait de ce droit qu'il n'est ni systématique, ni effectif puisque c'est l'étranger qui doit exprimer clairement sa volonté de refuser d'être rapatrié avant l'expiration de ce jour franc. Trop souvent, on fait en sorte qu’il ne demande pas à bénéficier du jour franc.

En revanche, les personnes interpellées sur le territoire français et qui demandent l'asile sont dans une situation plus favorable. La demande se fait auprès de la préfecture, puis de l'OFPRA, qui examinera sur le fond leur demande d'asile sous le contrôle de la cour nationale du droit d'asile. Ces personnes sont admises à séjourner provisoirement, en étant logées dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Si elles sont sur le territoire sans titre de séjour et qu'elles sont arrêtées, il est possible de leur notifier une mesure d'éloignement pour séjour irrégulier qui lui, en revanche, peut faire l'objet d'un recours suspensif et urgent devant le tribunal administratif.

Tout lieu du territoire national devenant potentiellement une zone d'attente, cette nouvelle nature « provisoire et disséminée » des zones d'attente entravera ainsi toute possibilité de contrôle effectif et indépendant des associations, maintiendra les étrangers dans l'ignorance de leurs droits et ne leur permettra pas de faire appel à des personnes qui pourraient les aider.

Dans l'article 7 du projet, des dispositions sont prévues pour rendre encore plus difficile l’exercice du droit de ces personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le président, puisque vous avez eu l’élégance de ne pas interrompre notre collègue Louis Mermaz, qui a parfaitement expliqué cet article 6, je vais renoncer à mon temps de parole sur article.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je voudrais ajouter à cette explication absolument complète un argument se rapportant aux conventions européennes.

La notion de groupe d’étrangers a été précisée à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un groupe d’au moins dix étrangers. La directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres prévoit la possibilité d’une zone d’attente spécifique mais la réserve à l’arrivée d’un nombre exceptionnellement élevé d’étrangers. C’est conforme à votre logique puisque vous décidez de légiférer pour l’arrivée de cent personnes. Or, dans la décennie, il n’y a eu que deux cas d’arrivée de cent personnes, et cela vous a conduit à vouloir légiférer.

Pourquoi décidez-vous arbitrairement, selon moi en contradiction avec la directive européenne, que le groupe « exceptionnellement élevé » doit être de dix personnes ? Pourquoi pas vingt ? Pourquoi pas trente personnes ? Je pense que cela peut nous mettre en contradiction avec Schengen.

Nous vous demandons donc d’arrêter d’ajouter des restrictions aux restrictions, en limitant les droits, en créant des situations tout à fait exceptionnelles. C’est quasiment une législation d’exception que vous mettez en place pour régler quelques problèmes qui sont apparus les années passées. Je vous le dis très franchement, vous avez une vision encore plus restrictive que l’ensemble des pays européens en la matière.

Je voudrais revenir sur la question de l’asile. J’ai entendu hier M. Hortefeux insister sur une explosion absolument phénoménale des demandeurs d’asile, particulièrement en France, qui justifiait qu’on apporte encore de nouvelles restrictions. Alors, je veux tout de même rappeler quelques chiffres.

La France est l’un des pays qui reçoit le plus grand nombre de demandes d’asile. Elle le doit à sa tradition, à son positionnement géographique, à ce qu’elle représente aux yeux du monde. C’est un fait ! Les États-Unis sont dans une situation similaire.

Je me suis intéressé au pourcentage d’acceptation de ces demandes d’asile, pour voir s’il fallait vraiment encore restreindre, si la législation actuelle n’était pas déjà suffisante. Or la France est loin derrière d’autres pays : elle refuse respectivement 31 % et 51 % de demandes de plus que les États-Unis et le Canada ; même l’Allemagne notifie moins de refus que nous !

On peut toujours chercher à nous effrayer en prétendant qu’il y a trop de demandes. Mais ce n’est pas le problème. Avec la législation actuelle, notre pays ne dispose-t-il pas déjà des moyens de rejeter plus de demandes que d’autres pays comme les États-Unis, le Canada, l’Allemagne ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Apparemment, si !

Et vous voulez aller plus loin encore, comme s’il était nécessaire de renforcer le droit en la matière dans un sens plus restrictif !

Je crois que, de votre fait, la France est en train de perdre l’image qu’elle avait conquise aux yeux des peuples en termes de droit d’asile.

Qui peut croire que la France court le risque d’être envahie par une vague d’immigration par le biais de la demande d’asile politique ? Franchement, ce n’est pas le sujet !

À une époque, sur le fondement du droit français, on aurait très bien pu considérer – comme vous avez tous l’air de le faire désormais ! – que les Tunisiens vivaient sous le joug d’une oppression politique absolue, d’une privation totale de liberté et qu’à ce titre ils auraient pu bénéficier de l’asile. Mais personne n’en parle ! Aujourd’hui, on se focalise sur le cas des Afghans.

Vraiment, qu’on arrête de restreindre toujours davantage, qu’on cesse d’être aussi frileux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 34 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L’amendement n° 112 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 296 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Pour qui veut bien étudier les lois sur les étrangers, il apparaît que l’ensemble qu’elles constituent est devenu illisible : d’année en année, se sont ajoutées des dispositions censées répondre à des événements ponctuels, et le présent article 6 est une nouvelle illustration de ce phénomène, ainsi que cela a été très justement indiqué.

Il concerne donc la création de zones d’attente ad hoc et tend à transposer l’article 18 de la directive « retour », lequel pose un certain nombre de conditions très précises puisqu’il autorise la création de zones d’attente provisoires « lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur la capacité des centres de rétention d’un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire ». Cette situation exceptionnelle autorise alors, aux termes de la directive, un allongement des délais de contrôle juridictionnel et de garantie des droits.

Or la transposition qui est opérée au travers de l’article 6 ne respecte ni la lettre ni l’esprit de la directive. Celle-ci mentionne un nombre « exceptionnellement élevé » d’étrangers quand le projet de loi évoque un « groupe d’au moins dix étrangers » : ce n’est pas tout à fait la même chose !

Le projet de loi ne fait pas non plus référence à la notion de « charge lourde et imprévue » mentionnée par la directive, non plus qu’à l’urgence requise.

Voilà donc un texte qui rend permanentes les zones temporaires puisqu’elles pourront être constituées à tout moment, en n’importe quel point frontalier, ou presque. Cela revient, dès lors, à banaliser la privation de liberté en tant que « mode de gestion ordinaire de l’immigration », comme le notait d’ailleurs la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son avis du 6 janvier dernier.

La rétention en zone d’attente est bien un régime de privation de liberté. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 février 1992, l’a clairement indiqué, considérant, à propos du maintien en zone de transit, que conférer « à l’autorité administrative le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l’autorité judiciaire d’intervenir dans les meilleurs délais, » était contraire à la Constitution.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, notre groupe souhaite la suppression de l’article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 112.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Comme cela a été fort bien dit précédemment, avec cet article 6, il nous est proposé d’innover en créant des zones d’attente ad hoc pour les groupes d’au moins dix étrangers arrivant sur notre territoire.

Actuellement, les zones d’attente se situent dans un port, un aéroport, une gare internationale ou à proximité d’un autre lieu de débarquement. Déterminées par arrêté préfectoral, elles permettent de créer des lieux d’enfermement en fonction des arrivées des migrants.

D’ores et déjà, le critère de détermination de ces zones est celui des besoins de la police des migrants. Malgré cette souplesse, qui nuit aux droits et à la protection des primo-arrivants, l’article 6 introduit une nouvelle adaptation, laquelle fait suite à l’arrivée, en janvier 2010, de 123 Kurdes en Corse : le régime juridique de la procédure de placement en zone d’attente n’ayant pas pu leur être appliqué, sous peine d’irrégularité, ils ont tous dû être libérés.

Le présent article organise un régime dérogatoire puisque les zones d’attente sont constituées de fait, sans que l’autorité administrative ait à prendre une décision, du moment que cela concerne l’arrivée récente d’un groupe d’au moins dix migrants en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres. Un groupe de dix migrants est ainsi abusivement considéré comme constituant une immigration massive.

En clair, tout lieu du territoire situé à dix kilomètres de la frontière deviendrait une zone d’attente potentielle, du seul fait de la présence d’étrangers.

Nous nous opposons évidemment à la création de nouvelles zones d’attente. Ce sont autant de lieux d’enfermement supplémentaires pour les étrangers, sans encadrement suffisant, et qui portent atteinte aux droits et aux libertés des primo-arrivants, notamment de celles et ceux qui sont en quête de protection.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 296 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet article ressortit, selon nous, à la partie de la législation que l’on pourrait qualifier d’« autonome », c’est-à-dire celle qui n’est pas du tout exigée par la transposition des directives.

Rien ne justifie d’assouplir les conditions permettant la création de ces zones d’attente ad hoc – ou « sac à dos », pour reprendre une expression scoute –, si ce n’est la volonté du Gouvernement d’empêcher l’accès au séjour de migrants présents sur le territoire français. Ce n’est pas acceptable.

Ainsi, le nombre de dix qui est mentionné dans cet article ne correspond pas à la notion d’afflux massif telle qu’elle est définie par le droit communautaire. En outre, la proposition de notre rapporteur de limiter à vingt-six jours la durée d’existence d’une zone d’attente spéciale constitue sans doute un effort louable, mais peut être aussi interprétée comme un allongement de la durée de maintien en zone d’attente.

Le plus grave, c’est probablement l’atteinte au droit constitutionnel d’asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les personnes placées en zone d’attente ad hoc pourraient, certes, solliciter l’admission au séjour au titre de l’asile, mais elles seraient soumises à la procédure spéciale de l’asile à la frontière, qui consiste en un simple examen de la recevabilité de la demande. Cette dernière procédure a d’ailleurs fait l’objet d’un avis négatif de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

En cas de rejet de leur demande, les candidats à l’asile ainsi placés en zone d’attente peuvent être expulsés sous réserve d’exercer un recours suspensif auprès du juge administratif dans un délai de quarante-huit heures, sans qu’ils puissent déposer une demande d’asile auprès de l’OFPRA. Comment un représentant de l’OFPRA pourrait-il d’ailleurs être présent puisque ces zones sont créées dans des conditions tout à fait exceptionnelles ?

Quand on est somalien et qu’on se trouve dans une telle situation, quarante-huit heures, ce n’est vraiment pas beaucoup pour préparer un recours !

Les personnes placées en zone d’attente et qui ne solliciteraient pas l’asile pourraient, elles, se voir notifier un refus d’entrée, exécutoire d’office.

Enfin, les dispositions de l’article 6 ne sont guère acceptables pour les mineurs étrangers isolés, qui pourraient être enfermés dans ces zones d’attente spéciales. Nous sommes nombreux – peut-être même unanimes – à le reconnaître.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 6 a pour but de permettre aux autorités de faire face à des situations exceptionnelles. L’exemple le plus récent a été cité : il s’agit du débarquement d’une centaine de migrants kurdes sur une plage de Corse-du-Sud en janvier 2010.

La commission des lois a précisé le dispositif de ces zones d’attente ad hoc : de telles zones ne pourront être créées qu’à proximité d’une frontière maritime ou terrestre et pour une durée strictement limitée au temps nécessaire à l’examen de la situation des migrants, plus précisément pour une durée maximale de vingt-six jours.

Il importe de souligner que les étrangers maintenus dans une telle zone bénéficieront évidemment de l’ensemble des droits reconnus en zone d’attente, notamment celui de demander leur admission sur le territoire au titre de l’asile. Sur ce point, monsieur Yung, la décision est, certes, prise dans des circonstances particulières puisque l’OFRA n’est pas physiquement présente, mais celle-ci est systématiquement consultée par les services de l’administration et son avis est suivi dans la quasi-totalité des cas.

Les inquiétudes exprimées ne paraissent donc pas fondées en l’état du droit applicable et au regard de la gestion des situations actuelles. En tout état de cause, il faut le souligner, la directive « retour » n’est pas applicable aux étrangers maintenus en zone d’attente.

Sur le dispositif des zones d’attente ad hoc, la commission a, me semble-t-il, apporté des précisions suffisantes pour parvenir à un dispositif équilibré. En conséquence, elle émet un avis défavorable sur les trois amendements de suppression de l’article 6.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Pour compléter les propos de M. le rapporteur, je préciserai que l’article 6 vise, en réalité, non pas à introduire un régime dérogatoire, mais à élargir et renforcer le dispositif tel qu’il a été prévu par la loi de juillet 1992, afin d’éviter l’annulation de certaines procédures.

En tout état de cause, le cadre juridique est exactement le même que pour les autres zones d’attente. Les migrants concernés verront l’ensemble de leurs droits, sans exception, respectés puisque le préfet établira ces nouvelles zones d’attente temporaires sous le contrôle du juge administratif. Le juge des libertés et de la détention sera amené à intervenir dans les mêmes conditions que pour une zone d’attente fixe. Enfin, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté aura accès à ces zones d’attente temporaires.

Il n’y a donc pas de raison de donner suite à ces amendements, sur lesquels le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Il convient de souligner que cette disposition est, comme l’a rappelé Louis Mermaz, le fruit d’une situation exceptionnelle et particulière et de dire une nouvelle fois qu’elle revêt des aspects dangereux.

Premièrement, la notion de groupe n’est pas clairement définie. La directive évoque un « nombre exceptionnellement élevé » de personnes. En quoi dix personnes constitueraient-elles un groupe exceptionnellement nombreux ? Comme l’ont relevé nos collègues, il est fait ici une interprétation quelque peu biaisée du texte de la directive.

Deuxièmement, les articles relatifs à la zone d’attente sont particulièrement confus et créent une indistinction entre la zone d’attente et les territoires. De telles dispositions, si elles étaient adoptées, porteraient gravement atteinte au droit des personnes.

Il faut surtout rappeler que la création de la zone d’attente conduirait à rendre moins effectif le droit d’asile, ce qui serait contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment à sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993.

Nous estimons donc que la création de cette zone « clé en main » n’est pas une bonne initiative et qu’elle pose plus de problèmes de définition qu’elle n’en résout.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Lors du débat sur la protection temporaire, les sénateurs de l’opposition avaient souhaité que le gouvernement français puisse invoquer une disposition communautaire afin de faciliter l’accueil de personnes étrangères arrivant en grand nombre sur notre territoire et de permettre à la solidarité européenne de jouer pleinement.

Lorsque cette situation s’est produite dans le Calaisis, on nous a répondu que ces personnes n’étaient pas assez nombreuses, alors même que des étrangers se sont présentés par centaines dans la région au cours des dernières années, et même des derniers mois.

Et voilà qu’aujourd’hui on fabrique des zones d’attente pour dix personnes qu’on a trouvées dans un rayon de dix kilomètres ! C’est dire tout l’arbitraire de cette disposition.

M. Richard Yung applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 34 rectifié, 112 et 296 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n° 151 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Tous quatre sont présentés par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 300 est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, les articles L. 811-1 à L. 811-8 s'appliquent. »

L’amendement n° 299 est ainsi libellé :

Alinéa 2

Au début de cet alinéa, ajouter les mots :

Dans une situation exceptionnelle,

L’amendement n° 298 est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

groupe d'au moins dix

par les mots :

nombre exceptionnellement élevé d'

L’amendement n° 297 est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter ces quatre amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ces quatre amendements sont effectivement liés et s’inscrivent dans la droite ligne de notre précédente discussion.

L’amendement n° 300 vise à permettre le déclenchement du mécanisme de la protection temporaire, prévu par la directive du 20 juillet 2001 lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers vient d’arriver en France. En droit interne, la mise en œuvre de ce mécanisme est prévue aux articles L. 811-1 à L. 811-8 du CESEDA.

Contrairement au placement en zone d’attente, l’attribution de la protection temporaire apporte des garanties aux étrangers, qui se voient délivrer un document provisoire de séjour assorti, le cas échéant, d’une autorisation provisoire de travail. Ils bénéficient également d’un droit de séjour d’un an renouvelable, dans la limite de trois ans. Par ailleurs, la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance du statut de réfugié.

Nous pensons que cette solution est bien plus respectueuse du droit.

J’en viens à l’amendement n° 299.

D’après l’exposé des motifs du présent projet de loi, l’assouplissement des conditions de création d’une zone d’attente vise à répondre à des situations exceptionnelles. Or les dispositions de l’article 6 ne font pas ressortir le caractère exceptionnel de l’extension de la zone d’attente. Par conséquent, nous proposons de limiter la possibilité de créer des zones d’attente ad hoc en reprenant dans la loi les termes de la directive « retour », qui conditionne explicitement les mesures dérogatoires au droit commun à une situation exceptionnelle.

Par ailleurs, l’article 6 permet la création d’une zone d’attente en cas d’arrivée sur le territoire d’« un groupe d’au moins dix étrangers ». Cette notion, introduite à l’Assemblée nationale – cela n’étonnera personne ! –, n’a aucun fondement juridique.

En outre, il est quelque peu paradoxal de fixer à dix le nombre d’étrangers à partir duquel on peut considérer qu’il y a une arrivée massive de personnes. Dans le Calaisis, on nous a expliqué qu’un nombre d’immigrants supérieur à cent n’était pas exceptionnel. Cette notion est donc vraiment à géométrie variable !

Afin de surmonter cette contradiction, nous proposons, par l’amendement n° 298, de reprendre dans la loi les termes de l’article 18 de la directive « retour », qui conditionne explicitement les mesures dérogatoires au droit commun à la présence d’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers. Vous voyez que nous sommes respectueux des directives européennes !

L’amendement n° 297 porte sur l’aspect géographique.

Le rapporteur a précisé la délimitation spatio-temporelle des zones d’attente ad hoc. Cependant, il a maintenu la possibilité de transformer en zone d’attente spéciale « un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres », alors que, en l’état actuel du droit, les zones d’attente s’étendent des points d’embarquement et de débarquement – que le mode de transport soit le bateau, le train ou l’aéronef – aux points de contrôle frontaliers. Il souhaite ainsi « permettre aux autorités de prendre en compte les stratégies déployées par les réseaux de passeurs pour déjouer le dispositif de contrôles aux frontières ».

En soi, c’est certainement une bonne idée. Cependant, concrètement, l’entrée en vigueur de telles dispositions pourrait avoir pour conséquence de transformer en zones d’attente spéciales des régions entières, telles que le Calaisis ou la côte de la mer du Nord. Une telle extension des zones d’attente poserait des problèmes insurmontables.

Faute d’être parvenus à supprimer le principe des zones d’attente ad hoc, nous proposons de réduire la possibilité de créer ces lieux de privation de liberté, en supprimant les mots « ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres ».

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’amendement n° 300 vise à lier la création des zones d’attente ad hoc au dispositif de la protection temporaire.

Cet amendement soulève une difficulté certaine. Il convient en effet de ne pas confondre, d’une part, l’arrivée en France, en dehors d’un point de passage frontalier, d’un nombre important d’étrangers dont la situation doit être examinée au regard du droit à l’entrée et au séjour des étrangers, et, d’autre part, les afflux massifs de personnes déplacées en raison d’un conflit, qui peuvent relever des dispositions sur la protection temporaire ou, en tout état de cause, de celles relatives à l’asile.

S’agissant de la protection temporaire, l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées doit être constatée par une décision du Conseil de l’Union européenne, prise sur proposition de la Commission européenne.

Les deux dispositifs relèvent donc de logiques juridiques différentes, étant entendu que le dispositif des zones d’attente ad hoc n’a aucunement vocation à empêcher la mise en œuvre du mécanisme de la protection temporaire lorsque les conditions de son déclenchement sont réunies.

La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 299 vise à préciser qu’une zone d’attente ad hoc ne peut être créée que pour répondre à une situation exceptionnelle.

Il me paraît nécessaire de préciser ici que le dispositif des zones d’attente ad hoc a bien vocation à n’être appliqué qu’à titre exceptionnel : lorsqu’un groupe important d’étrangers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, il est en effet nécessaire de permettre aux autorités d’examiner leur situation dans un cadre juridique clair.

À cet égard, l’amendement déposé par nos collègues n’ajoute rien au dispositif prévu par le projet de loi et la commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 298 vise à remplacer la notion de « groupe d’au moins dix étrangers » par celle de « nombre exceptionnellement élevé d’étrangers ». Cette discussion a eu lieu en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cependant, la notion de « nombre exceptionnellement élevé d’étrangers » crée une incertitude qui ne peut que fragiliser les procédures. Que veut dire au juste cette expression ? De notre point de vue, mieux vaut en rester à un seuil de dix étrangers, qui n’est peut-être pas pleinement satisfaisant, mais qui présente l’avantage de la clarté.

Je rappelle par ailleurs que le dispositif des zones d’attente ad hoc n’est pas soumis au respect de la directive « retour », qui n’est applicable qu’à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, et non à leur entrée sur le territoire.

La commission des lois a donc émis un avis défavorable.

Enfin, concernant l’amendement n° 297, il nous a paru nécessaire de conserver la notion de « lieux distants d’au plus dix kilomètres » afin de permettre aux autorités de prendre en compte les stratégies qui peuvent être déployées par les réseaux de passeurs, ceux-ci tentant de contourner par tous les moyens, nous le savons, les dispositifs de contrôle aux frontières.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le dispositif de protection temporaire prévu par les auteurs de l’amendement n° 300 ne me semble pas adapté à l’objectif de l’article 6.

S’agissant des amendements n° 299, 298 et 297, ils visent à mettre en place des critères plus subjectifs que ceux, précis et clairs, qui sont définis à l’article 6.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 298.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je suis quelque peu déçu de voir que les efforts opiniâtres de notre collègue Richard Yung pour proposer des amendements de repli, des solutions, des dispositions susceptibles d’être acceptées par les uns et les autres, ne sont finalement sanctionnés que par des avis défavorables. En gros, tout ce qu’on trouve à répondre, c’est : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

Je voudrais néanmoins insister sur les conséquences de tout ce dispositif.

Nous avons le sens des responsabilités et nous voyons bien que, face à une situation véritablement exceptionnelle, il est permis d’imaginer – comme le prévoit une directive européenne – une réponse exceptionnelle.

Cependant, le dispositif que vous cherchez à faire adopter ici est totalement imprécis. Vous jugez préférable de préciser que le groupe d’étrangers doit être composé d’au moins dix personnes. Mais, avec ces collections de dix personnes, vous ne faites rien d’autre que de généraliser la zone d’attente ! Tout point du territoire pourra désormais devenir une zone d’attente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

À tout le moins, beaucoup de points du territoire.

De même, vous créez des tribunaux ou des « para-tribunaux » à côté de chaque centre de rétention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ainsi, les zones d’attente se trouveront un peu partout, comme il y aura des ersatz de tribunal un peu partout.

Voilà qui correspond tout de même à une certaine conception de la société, à une certaine conception du droit, à une certaine conception de l’accueil, à une certaine conception du respect des droits des personnes, notamment du droit d’asile.

On s’engage ainsi dans une logique de généralisation d’institutions à caractère flou, ad hoc, opportunistes : pour les besoins de la cause, il suffira de trouver dix personnes. Et l’on est en train de défaire un état de droit qui s’appuyait sur des lieux déterminés, ayant des fonctions déterminées, répondant à des impératifs précis.

C’est votre choix ; nous verrons comment le dispositif se mettra en œuvre…

En tout cas, les membres du groupe socialiste tiennent à exprimer avec force qu’ils sont bien entendu opposés à une telle conception. Ils regrettent en outre l’intransigeance avec laquelle les multiples amendements présentés par Richard Yung et notre groupe pour essayer de trouver des améliorations au dispositif ont été refusés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

Après le premier alinéa de l’article L. 221-4 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de maintien simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s’effectue dans les meilleurs délais possibles, compte tenu du nombre d’agents de l’autorité administrative et d’interprètes disponibles. De même, dans ces mêmes circonstances particulières, les droits notifiés s’exercent dans les meilleurs délais possibles. »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

L’article 7 peut être considéré comme le frère jumeau du précédent.

Cet article vise à rendre régulières, par un régime dérogatoire, des privations de liberté de plusieurs heures, hors de tout cadre, en zone d’attente.

Il prévoit en effet : « En cas de maintien simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s’effectue dans les meilleurs délais possibles, compte tenu du nombre d’agents de l’autorité administrative et d’interprètes disponibles. De même, dans ces mêmes circonstances particulières, les droits notifiés s’exercent dans les meilleurs délais possibles ». Bien malin qui pourra nous dire combien de temps tout cela va prendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Un certain temps… Comme le refroidissement du fût du canon !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Ici encore, le Gouvernement va de dérive en dérive et cherche à légitimer et à renforcer des pratiques administratives arbitraires déjà utilisées en demandant au législateur de légaliser ce qui se faisait jusqu’alors illégalement. En effet, un certain nombre d’articles que nous examinons à présent visent simplement à régulariser des illégalités qui sont commises semaine après semaine, et depuis fort longtemps.

Le phénomène n’est pas nouveau : déjà, aux termes de la « loi Sarkozy » de 2003, l’étranger n’était plus informé « immédiatement », mais seulement « dans les meilleurs délais ». Cette fois-ci, comme si cela ne suffisait pas, les termes « dans les meilleurs délais » ont été remplacés par les termes « dans les meilleurs délais possibles »… Molière est décidément un auteur encore très actuel !

Le Gouvernement propose ainsi au législateur d’adopter une règle dérogatoire en matière de notification des droits en zone d’attente ; voilà ce que signifie une telle disposition ! C’est l’exception !

L’article mentionne les cas de « maintien simultané en cette zone d’attente d’un nombre important d’étrangers », ce qui est fréquent à Roissy. Là, c’est encore plus grave, car encore plus de latitude est donnée à l’administration quant aux obligations qu’elle doit pourtant respecter.

C’est bien un régime d’exception qui se met en place, dans une véritable police des étrangers.

Heureusement que la notification des droits des personnes privées de liberté est une garantie essentielle, qui est au cœur du contrôle du juge de la liberté individuelle, et que la Cour de cassation est très exigeante sur ce point ! On peut donc penser qu’il y a là un fort risque d’inconstitutionnalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. le rapporteur et Mme la ministre semblent penser que le salut est dans le nombre dix. Les formules proposées par M. Yung ont été considérées comme inappropriées parce que trop vagues, et ils ont proclamé que le droit ne saurait être vague.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, de deux choses l’une : ou vous ne pensez pas ce que vous dites – et je ne peux le croire ! –, ou vous le pensez ; c’est l’hypothèse que je retiens. Dès lors, vous ne pouvez que plaider pour la suppression de l’article 7 !

En effet, s’il était conservé dans sa rédaction actuelle, ce serait un monument à faire visiter aux générations futures comme l’exemple même de ce qui peut être fait au sein de l’édifice juridique pour pulvériser le droit et de la façon dont le non-droit peut s’insinuer partout !

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, après avoir insisté sur le fait que dix c’était dix, et non pas neuf ou onze, que ce chiffre était clair, précis, explicite, vous défendez un article qui prévoit : « En cas de maintien simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers »… Louis Mermaz a eu bien raison d’évoquer Molière !

Pouvez-vous nous dire à quoi correspond précisément « un nombre important » ?…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

À partir de combien de personnes a-t-on affaire à un « nombre important » de personnes ? Cent ? Deux cents ? Mille ? Cinquante ? Trois mille ? Dites-nous un peu, madame la ministre, ce que c’est qu’un « nombre important » !

L’article 7 dispose en outre que « la notification des droits mentionnés au premier alinéa s’effectue dans les meilleurs délais possibles… » : autant dire qu’il n’y a plus de délai ! La notification peut donc éventuellement ne jamais s’effectuer !

Je poursuis : « … compte tenu du nombre d’agents de l’autorité administrative […] disponibles »…

Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quand on voit l’émoi suscité par des déclarations faites ce matin même… Quand on entend des magistrats expliquer que ce serait très bien de mettre telle ou telle mesure en œuvre, mais que le budget du ministère de la justice étant ce qu’il est…

Madame la ministre, prenez les chiffres de ce budget et mettez-les en regard de cette formule : « compte tenu du nombre d’agents de l’autorité administrative et d’interprètes disponibles »…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Sans compter les moments où les agents sont en grève !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je proposerai que nous gravions cet article en lettres d’or dans l’hémicycle. C’est tellement beau !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. Bientôt, ici, nous aurons des ministres disponibles dans les meilleurs délais possibles !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je continue : « De même, dans ces mêmes circonstances particulières, les droits notifiés s’exercent dans les meilleurs délais possibles. » Mais lorsqu’on parle de « circonstances particulières », on n’est guère avancé : en fait, cela veut dire « dans n’importe quelle circonstance ». L’adjectif « particulier » est aussi imprécis que l’adjectif « significatif ».

Bref, la loi s’appliquerait dans des « circonstances particulières » et « dans les meilleurs délais possibles », c’est-à-dire éventuellement jamais !

Dans ces conditions, madame la ministre, je propose que nous disposions une fois pour toutes que la loi est à dimension variable, qu’elle s’applique de manière tout à fait conjoncturelle et aléatoire, en fonction des disponibilités et des circonstances particulières, et que nous cessions de légiférer.

Disons-le : si quelqu’un, dans cet hémicycle, vote l’article 7, il portera atteinte à la dignité du législateur. Si nous votons cette disposition, qui est un chef-d’œuvre de non-loi, nous renonçons à notre tâche et à notre office, comme disait encore Jean-Baptiste Poquelin !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Jean-Pierre Sueur, avec le talent oratoire qu’on lui connaît, a montré l’impossibilité d’appliquer en droit des termes aussi imprécis et des notions aussi conjoncturelles. Et cet article me paraît d’autant plus inapplicable qu’en ce moment même on est en train de réécrire les dispositions relatives à la garde à vue !

Avec cette liberté laissée à la puissance publique de remplir ou non des obligations, nous sommes dans la plus complète approximation et, à l’évidence, ce texte court le risque d’être remis en cause par le Conseil constitutionnel ou par la Cour européenne des droits de l’homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 35 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 113 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 301 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Je dirai simplement que je reprends à mon compte les arguments qui viennent d’être avancés sur le caractère aléatoire des dispositions de l’article 7.

Je relève cependant qu’il ressortait des observations formulées par notre rapporteur et par vous-même, madame la ministre, lors de l’examen de l’article 6, que la notification des droits et les droits notifiés seraient complètement respectés. Or il vient d’être brillamment démontré qu’il n’en serait rien.

J’ajouterai seulement que, au cas où cet article serait malheureusement maintenu, il conviendrait de l’amender sur la forme. Pour ma part, je me référerai non pas à Poquelin, mais à mon ami le grammairien Grevisse…

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

… pour dire qu’il est regrettable que, dans un texte présenté par le Gouvernement, ait été mis le « s » du pluriel au mot « possible », qui a ici, selon moi, valeur adverbiale. Il me semblerait tout à fait dommageable qu’un texte de loi se trouvât entaché d’une telle faute. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 113.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

M. Jean-François Voguet. On voit ici que tout est possible !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

L’article 7 s’inscrit dans la lignée du précédent : après l’extension des zones d’attente, il s’agit maintenant d’affaiblir davantage les droits, qui n’étaient pourtant déjà guère importants, des étrangers maintenus dans ces zones.

L’étranger placé en zone d’attente était informé, dans les meilleurs délais, qu’il pouvait avoir l’assistance d’un médecin ainsi que d’un interprète et qu’il pouvait communiquer avec toute personne de son choix.

Désormais, « en cas de maintien simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers », le délai d’information n’est plus le meilleur, mais seulement le meilleur possible compte tenu du nombre d’agents de l’autorité administrative et du nombre d’interprètes disponibles.

Déjà, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité avait supprimé l’obligation d’une information immédiate pour la remplacer par une information dans les meilleurs délais.

Pourtant, ces délais d’information sont justifiés par le fait qu’avant placement en zone d’attente l’étranger se trouve dans une situation non régie par le droit. Il est important d’y mettre fin dans les plus brefs délais pour maintenir les garanties essentielles des étrangers privés de liberté.

Ce ne sont manifestement pas ces critères qui ont motivé la rédaction de cet article. Il s’agit au contraire de limiter les invalidations de procédure de maintien en zone d’attente par le juge judiciaire et de permettre à l’autorité administrative de mener la procédure comme bon lui semble.

Pourtant, une modification législative ne saurait permettre à l’administration de manquer à l’impératif de notification immédiate des droits par tous les moyens nécessaires, y compris en termes d’effectifs : rien ne peut entériner une privation de liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 301.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

En vertu de la loi du 26 novembre 2003, les étrangers maintenus en zone d’attente ne se voient plus notifier leurs droits « immédiatement », mais « dans les meilleurs délais ».

Les dispositions de l’article 7 visent à assouplir encore davantage les conditions dans lesquelles s’effectue la notification des droits ainsi que les conditions dans lesquelles s’exercent ces droits en cas de « maintien simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers ».

Ces dispositions, qui sont, hélas ! dans la logique de l’article 6, ne sont pas acceptables, car elles tendent à fragiliser les garanties essentielles dont devrait pourtant bénéficier tout étranger privé de liberté.

Si elles entraient en vigueur en l’état, il pourrait s’écouler une longue période pendant laquelle le migrant, placé dans une zone « fictive » – car ce n’est pas le territoire français – dite « d’attente », serait privé de l’ensemble de ses droits entre le moment de son interpellation et celui de son placement dans cette zone. Il serait ainsi exposé à un quasi-vide juridique et donc, éventuellement, au risque de l’arbitraire auquel certains membres de l’administration seraient tentés de le soumettre.

Dans l’étude d’impact, le Gouvernement évoque la « nécessité d’une approche pragmatique pour la notification et la prise d’effet des droits ». C’est Diafoirus ! Rien qu’à lire cette phrase, j’en reste pantois ! « Une approche pragmatique » : voilà encore une notion juridique qui en fera frémir plus d’un, à commencer par notre ami Jean-Pierre Sueur !

La création de ce régime dérogatoire n’a aucune autre justification que la volonté du Gouvernement de réduire le risque d’invalidation par le juge des libertés et de la détention du maintien en zone d’attente.

C’est donc un texte contre les juges – on a d’ailleurs vu ce qui se passait à Nantes –…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

…et contre les immigrés !

Ces dispositions sont d’autant plus inacceptables qu’elles pourraient s’appliquer, par une sorte de dilution, à toutes les zones d’attente, et non pas seulement aux zones d’attente ad hoc.

Compte tenu de l’imprécision des critères conditionnant leur mise en œuvre, de la baisse des effectifs – 200 agents en moins, nous dit-on, à Roissy –, du manque de formation des personnels, de la pénurie de moyens, l’application systématique du régime dérogatoire, accompagnée d’un développement de l’arbitraire, est à craindre. Et elle l’est d’autant plus, d’ailleurs, que le Président de la République, que M. Sueur a entendu aujourd'hui à Orléans, n’a pas du tout l’air décidé à donner davantage de moyens aux administrations pour assurer leur fonctionnement !

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, chers collègues de la majorité, de supprimer les dispositions de l’article 7. Vous ne le ferez peut-être pas, mais au moins aurons-nous l’honneur de vous avoir demandé de le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ces amendements de suppression appellent un avis défavorable.

Dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a en effet jugé que les dispositions prévoyant une notification des droits « dans les meilleurs délais » prescrivaient une information « qui, si elle ne peut être immédiate pour des raisons objectives, doit s’effectuer dans le plus bref délai possible ».

L’article 7 du projet de loi ne fait que décliner cette notion retenue par le Conseil constitutionnel de « raisons objectives » permettant de justifier, dans des cas exceptionnels, un report dans la notification des droits à l’étranger maintenu en zone d’attente.

Faut-il préciser qu’en toute hypothèse la notion de « meilleurs délais » continuera à s’apprécier in concreto, en fonction des circonstances de l’espèce et des difficultés concrètes rencontrées par l’administration ?

J’ajoute que, pour éviter toute ambiguïté, la commission a apporté quelques améliorations rédactionnelles à cet article.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Alors que les amendements déposés sur l’article 6 visaient, on l’a vu, à rendre cet article inapplicable, les auteurs des trois amendements de suppression de l’article 7 critiquent l’imprécision de l’expression « dans les meilleurs délais ».

Or, M. le rapporteur l’a rappelé, il s’agit de termes utilisés en droit et l’on peut faire confiance aux juges : je rappelle que les zones d’attente temporaires sont tout de même placées sous l’autorité de deux juges, qui auront le souci de faire respecter le droit des personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne vois pas en quoi cela répond à nos questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Tout à l’heure, on a opposé la rigueur juridique à une nécessité politique pourtant reconnue. S’agissant maintenant de l’article 7, je dois le dire, il ne me paraît pas frappé au coin d’une absolue rigueur juridique. Sa rédaction relève d’une approche presque poétique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

…mais son dispositif traduit néanmoins une idée que je partage. Je ne voterai donc pas les amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Cela ne m’empêche pas de regretter que la rédaction ne soit pas un peu plus rigoureuse sur le plan juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Cela étant, je me tourne vers Mme Escoffier pour lui dire que je crois que le « s » au mot « possibles » est tout à fait volontaire, car chacun sait que ce possible a de multiples facettes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

On m’a dit, lorsque je suis arrivée dans cette assemblée, que la précision y était la règle et que toutes les expressions au sens trop aléatoire, en particulier le mot « notamment », devaient être bannies des textes. Or la lecture de l’article 7 me donne le sentiment que tout ce que j’ai appris depuis quelque six ans – déjà ! – tombe à l’eau.

« Un nombre important », « meilleurs délais possibles », « disponibles » : tout est flou dans cet article. J’en appelle donc à M. Hyest : lui qui, d’habitude, veille à ce que la loi soit précise, concise, claire, pourra peut-être me rassurer, car tous ces termes me semblent aller vers beaucoup plus d’arbitraire et beaucoup moins de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’inconvénient, avec les amendements de suppression, c’est qu’ils sont examinés avant les amendements suivants. Or je signale que la commission a déposé un amendement qui supprime le mot « possibles » : on revient donc à la formule : « dans les meilleurs délais ».

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Eh bien oui, mes chers collègues, nous avons travaillé, et nous allons répondre à certaines des objections qui ont été faites. Mais je m’étonne que d’éminents membres de la commission des lois, qui ont participé à tous nos travaux, ne se souviennent pas de ce que nous avons fait.

Je signale par ailleurs qu’il y avait dans le texte initial un « notamment » que la commission a supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous défendez donc le droit vaporeux ! C’est nouveau !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur Hyest, cet amendement de la commission ne changera pas grand-chose. Vous faites preuve, en général, de beaucoup plus de rigueur. Très souvent même, au nom de la rigueur, vous balayez d’un revers de main des rédactions un peu trop vagues à votre goût.

Vous proposez de supprimer le mot « possibles » dans l’expression « dans les meilleurs délais possibles », …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… mais « dans les meilleurs délais », ce n’est pas beaucoup plus précis.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Même si l’on enlève le mot « possibles », il est sous-entendu, car l’impossible, par définition, n’est pas possible !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Tout à l'heure, vous teniez à ce que le nombre de personnes soit précisé. Eh bien, faites donc preuve ici du même souci de précision !

Si tout est imprécis, qu’il s’agisse des fonctionnaires disponibles ou des délais, c’est parce qu’il faut laisser le champ à un arbitraire !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La décision dans certains délais, par exemple, ne sera plus un droit ni une donnée contrôlable. Tout dépendra du bon vouloir et du pouvoir de la personne qui prendra la décision.

Nous ne pouvons pas accepter cela dans la loi ! Vous ne pouvez pas justifier une telle imprécision ni donner un tel pouvoir à ceux qui interpréteront le texte, dans une situation et à un moment donnés, alors qu’il s’agit de droits aussi fondamentaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Nous nous heurtons à une difficulté pratique. Nous ne parvenons pas à maîtriser ni à encadrer juridiquement cette situation.

Il s’agit d’une zone de non-droit qui n’est pas sur notre territoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il n’empêche que l’on envisage qu’il n’y ait pas de fonctionnaires disponibles ni d’interprètes disponibles et, de surcroît, les délais ne sont pas précisés ! Le texte est tout de même difficilement lisible !

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je veux bien soutenir la position de la commission et je ne mets pas en doute le travail qui a été accompli. Mais avouez que la lecture et la compréhension de ce texte ne sont pas évidentes. Acceptez au moins que nous ayons des difficultés à comprendre comment les choses vont se passer concrètement pour les gens qui seront contrôlés. On se demande comment ils pourront exercer leurs droits dans des conditions aussi peu claires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

On leur répondra « dans les meilleurs délais » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 35 rectifié, 113 et 301.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 302, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

important

par les mots :

exceptionnellement élevé

La parole est à M. Louis Mermaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Il s’agit d’un amendement de repli. Nous ne pratiquons pas la politique du pire et nous cherchons donc à adoucir quelque peu la situation qui est ainsi faite aux personnes, car leur sort nous tient à cœur.

La rédaction imprécise de la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 7 fait craindre que le régime dérogatoire en matière de notification des droits ne devienne la règle. Nous l’avons dit, les termes « un nombre important d’étrangers » nous semblent vagues, donc dangereux. Ils pourraient, en effet, être interprétés par l’administration, ou par certains dans l’administration, de manière abusive.

Les dispositions prévues à l’article 7 pourraient être mises en œuvre dès que le nombre d’étrangers maintenus en zone d’attente sort de l’ordinaire.

Depuis de nombreuses heures, nous ne cessons de nous élever contre l’imprécision d’un texte dont on pourra faire tout et n’importe quoi. La possibilité d’interpréter et de tordre ce texte de guimauve est tout à fait redoutable. L’interprétation sera plus importante que le texte lui-même ! C’est, au fond, un refus de légiférer, en se contentant de déclarations générales !

Afin de prévenir un tel risque, nous proposons de reprendre dans la loi au moins les termes de l’article 18 de la directive « retour », qui est d’ailleurs loin de nous satisfaire puisque tous les députés européens de gauche ont voté contre. Cet article 18 conditionne les mesures dérogatoires au droit commun à la présence d’« un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers ».

Certes, cela manque encore de précision. Mais, tout le monde en conviendra, la formule « exceptionnellement élevé » fait référence à un groupe de plus de dix personnes !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Les auteurs de l’amendement proposent de faire référence à un « nombre exceptionnellement élevé d’étrangers » plutôt qu’à un « nombre important d’étrangers », s’agissant des dispositions justifiant un report du délai de notification et d’exercice des droits.

La notion de « nombre exceptionnellement élevé » risque d’être trop restrictive.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je vous rappelle, par ailleurs, que la directive « retour » n’est pas applicable aux zones d’attente.

Ce qui importe le plus, c’est la situation de fait, et c’est elle qui permettra de déterminer la solution à apporter. L’arrivée de cinquante personnes dans un secteur isolé, dépourvu de structures administratives, pose un problème. Un tel groupe représente un nombre important d’étrangers pour ce type de territoire. En revanche, l’arrivée de cinquante personnes dans un lieu équipé et doté d’une structure d’accueil, comme Roissy, ne pose pas de problème.

J’attire votre attention sur le fait qu’il appartiendra à l’administration de faire état des difficultés concrètes rencontrées pour justifier tout délai dans la notification des droits.

Pour répondre à la question soulevée tout à l’heure, je reviendrai sur le nombre d’agents et d’interprètes disponibles par rapport au nombre d’étrangers maintenus en zone d’attente.

Dans ces zones d’attente, tous les droits prévus pour les étrangers sont ouverts et tous les moyens sont mis en place. Que ce soit bien clair : il n’existe pas de système dérogatoire. Vous pouvez examiner tous les textes et même les « tordre », pour reprendre le mot de M. Mermaz, vous ne trouverez pas une phrase confirmant votre analyse.

Par ailleurs, ces zones d’attente sont établies sous le contrôle de la juridiction administrative, sur l’intervention, le moment venu, du juge des libertés et de la détention. Il ne s’agit donc pas d’une zone de non-droit !

La commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Même analyse et même avis, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 494 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer deux fois le mot :

possibles

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

J’espère que cela fera plaisir : nous allons supprimer les « possibles » !

L’objectif est d’établir une coordination avec les modifications introduites à l’article 38 lors de l’examen du projet de loi en commission. L’adjectif « possibles » n’ajoute rien à la notion de « meilleurs délais ». Il faut donc le supprimer les deux fois où il apparaît dans cet article.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Nous avons indiqué notre opposition au contenu de l’article 7, qui s’attaque, en quelques mots, aux droits des étrangers placés en zone d’attente lors des opérations de reconduite à la frontière.

L’amendement de la commission des lois présente un caractère rédactionnel apparent, mais, finalement, il s’avère particulièrement éclairant sur le contenu réel de l’article.

Voici en effet que la commission des lois nous invite à retirer dans le texte de cet article le mot « possibles » s’agissant des « meilleurs délais ». Cette suppression, implicitement, nous prouve au moins que les conditions de fonctionnement des zones d’attente, telles qu’elles existent et a fortiori telles que l’on se prépare à les mettre en place, sont de qualité et de niveau tellement variables que l’on ne peut être sûr à tout coup que les ressortissants étrangers qui y seront placés pourront bénéficier de la nécessaire information sur leurs droits et de l’opportunité qui peut leur être offerte de les mettre en œuvre.

En effet, dès lors qu’il est question de « meilleurs délais possibles », on va rapidement se retrouver en présence de cas où l’on pourrait faire valoir, devant le juge administratif appelé à statuer sur le maintien ou non en zone d’attente d’un ou de plusieurs ressortissants étrangers, que, faute d’avoir trouvé un interprète parlant la langue de tel ou tel, on n’a pu l’informer complètement et correctement de ses droits. Cela, en fonction de la jurisprudence, pourrait suffire à maintenir les personnes incriminées en zone d’attente ou conduire à prendre à leur encontre toute disposition visant notamment à leur faire quitter le territoire français.

Devons-nous laisser subsister dans la loi ce qui procède du mauvais coup porté à une jurisprudence administrative qui, bien souvent, revient sur la forme des mises en zone d’attente au seul motif de l’insuffisance des informations dispensées aux personnes concernées ?

La commission des lois, dans sa prudence rédactionnelle, ne fait que nous révéler toute la perversité d’un article qui, d’une certaine manière, vise à accorder aux seules autorités de police la primauté sur toute autre considération en matière de droit de séjour sur le territoire français.

Plutôt qu’un État trop directement policier, elle préfère finalement adopter un langage plus policé pour mieux faire passer le recul imposé au droit, en général, et à la liberté de circulation et d’établissement, en particulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je ne parviens pas à comprendre la signification de la formule « dans les meilleurs délais ». Faut-il comprendre vingt-quatre heures, quarante-huit heures ou bien s’agit-il du temps nécessaire pour procéder à l’expulsion, pour trouver un avion le plus vite possible, ou encore d’un délai suffisamment court pour ne pas trouver un interprète ou un avocat ?

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Il faut avoir le courage de le dire ! Qu’est-ce qui vous empêche de nous donner une limite précise ?

L'amendement est adopté.

L'article 7 est adopté.

L’article L. 222-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation du maintien en zone d’attente ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la seconde prolongation. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Avec l’article 8, nous sommes au début du processus qui vise à limiter le contrôle du juge judiciaire et que l’on retrouve notamment dans l’article 10.

Nous voici devant les premiers fondements du système de « purge des nullités » que vous souhaitez mettre en place s’agissant des étrangers. Cet article vise en effet à déclarer irrecevable d’office tout moyen d’irrégularité soulevé après la première audience, à moins que ladite irrégularité ne soit postérieure à l’audience. En d’autres termes, le vice de procédure n’est valable qu’en première audience et plus en seconde.

L’article 3 bis faisait des naturalisés des Français de seconde zone ; voici maintenant que l’article 8 fait des étrangers des justiciables de seconde zone !

Il est toujours intéressant de voir que vous appelez progrès et pragmatisme la violation des droits et le déni de justice. Chacun ses mots ! Les nôtres ont le mérite de réellement désigner la chose par son nom.

Pourtant, la rétention des étrangers est la seule procédure civile où il y ait privation de liberté. Aussi, la défense de leurs droits et les moyens qui doivent y être affectés mériteraient que l’on respecte tous les arguments qui peuvent être avancés par la défense au fur et à mesure de la procédure et non que l’on néglige leurs droits les plus élémentaires.

La prolongation du maintien en zone d’attente n’est qu’une faculté. Si cette dernière est choisie, l’étranger a le droit de pouvoir se défendre normalement.

Ces dispositions sont la preuve manifeste d’une défiance de ce gouvernement à l’égard des juges judiciaires qui, constatant qu’une irrégularité violant les droits de l’étranger aurait été commise, seraient toutefois dans l’obligation de feindre de ne pas la voir et de s’interdire de la constater pour ordonner la mise en liberté sur ce fondement.

Le juge ne saurait négliger quelque chose qui tombe sous le sens pour la seule raison que cette irrégularité n’aurait pas été invoquée dès le premier passage devant le juge.

Cette disposition néglige les conditions de travail des avocats, ce qui la rend d’autant plus cynique. Les avocats ayant connaissance de la procédure judiciaire très peu de temps avant les audiences, ils sont fréquemment conduits à soulever en appel des moyens de nullité : ils ne le font pas avant, et vous le savez fort bien !

Détaillons un peu cette procédure, pour que vous ne puissiez le nier. La première audience doit actuellement avoir lieu dans les quarante-huit heures. La personne placée en rétention est rarement en mesure de préparer efficacement sa défense, ne serait-ce qu’en raison de la barrière de la langue, d’une méconnaissance du droit et de conditions matérielles et psychologiques souvent difficiles.

Je doute que quiconque puisse déclarer que l’on prépare efficacement sa défense en rétention.

L’avocat prend souvent connaissance du dossier une heure avant l’audience. Il n’a donc pas réellement le temps de l’approfondir et d’obtenir des informations qui permettraient de détecter une erreur de procédure. C’est pourquoi cette disposition est particulièrement grave.

Pis, cet article va à contre-courant des règles fixées par le code de procédure civile et de la jurisprudence qui en découle. Pour vous en convaincre, relisez l’article 561, qui définit l’objet de l’appel : « L’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ».

En d’autres termes, il est pour le moins surprenant qu’un deuxième jugement ne puisse remettre en cause le premier, de surcroît sur des éléments nouveaux.

Relisez également l’article 563 du code de procédure civile : « Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».

Comment pouvez-vous revenir sur des dispositions aussi claires ?

Nous savons que beaucoup de procédures sont annulées pour irrégularités, notamment lors des arrestations. Assurément, ce texte facilitera la tâche de l’administration puisqu’il rendra les annulations pour vice de forme plus difficiles à obtenir. Or c’est bien souvent après coup que l’on s’aperçoit que les droits n’ont pas été notifiés ou que le contrôle du titre de séjour qui a provoqué l’arrestation n’était pas régulier.

Notre Constitution protège les personnes contre les abus de pouvoir. La seule justification que l’on peut trouver pour limiter un droit constitutionnel, c’est le cas où l’on tente de le concilier avec d’autres droits constitutionnellement protégés. Dans la situation présente, je ne vois pas quel droit constitutionnel est mis en avant pour justifier la limitation des droits de la défense et l’atteinte au droit à un procès équitable.

Louis Mermaz évoquait un texte contre les juges et les immigrés. Pour ma part, je parlerai d’un billard à trois bandes : c’est un texte contre les juges, contre les immigrés et contre les avocats.

Le Conseil constitutionnel, saisi sur ce point, risque fort de censurer cette disposition, dont notre groupe demande la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 36 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 114 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 303 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Je ne vais pas davantage retenir l’attention du Sénat, car je souscris totalement aux propos de Mme Khiari.

Pour les mêmes raisons que celles qu’elle a exposées, je demande également la suppression de l’article 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 114.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Nous nous opposons à cet article, qui restreint le pouvoir du juge des libertés et de la détention ainsi que les droits de la défense.

L’étranger est maintenu les quatre premiers jours en zone d’attente. Au-delà, son maintien peut être prolongé d’une durée de huit jours par le juge des libertés et de la détention. Une fois ce délai écoulé, l’administration peut de nouveau demander une prolongation de huit jours.

Cet article introduit une nouvelle disposition : les irrégularités relatives au maintien de l’étranger en zone d’attente doivent être invoquées au cours de la première audience de prolongation de la détention et ne peuvent plus l’être au cours de la seconde audience, sous peine de nullité.

Pourtant, le rôle du juge des libertés et de la détention ne se limite pas à la prolongation du délai sur demande de l’administration. Il veille également à ce qu’il n’y ait pas eu d’atteinte aux droits fondamentaux des étrangers placés en zone d’attente et à ce que la procédure suivie soit conforme. Si tel n’est pas le cas, il peut invalider la procédure, ce qui débouche sur l’admission de l’étranger sur le territoire français.

Les délais et l’instruction étant très brefs, introduire une nullité des actes précédant la première prolongation lors de l’instruction de la deuxième constitue une régression importante des droits des étrangers. En outre, cet article tend à protéger l’impunité de l’administration en réduisant autant que faire se peut le pouvoir de contrôle du juge des libertés et de la détention sur ces actes. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 303.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous n’aimons vraiment pas cet article, qui vise à « purger les nullités ».

Décidément, le juge est de plus en plus encadré. Non seulement, on repousse de deux à cinq jours la durée pendant laquelle l’administration peut maintenir l’étranger en rétention sans son intervention, mais on lui dit également que d’autres feront le travail et surtout comment il doit faire le sien.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Selon notre conception de la justice, les jugent doivent être libres et se prononcer en leur âme et conscience.

On voit bien à quoi conduit votre volonté d’introduire des critères indiquant ce qu’il a le droit de faire ou non, ce qu’il peut juger ou non. Derrière tout cela, il y a un impératif d’accélération.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le souci de faciliter l’administration de la justice ne saurait en aucun cas justifier ce genre de mesure, qui apparaît déplacée dans un État de droit. Je pense que le Conseil constitutionnel se penchera sur la question.

Par ailleurs, la « purge des nullités » est une procédure issue du droit civil. Elle n’est pas adaptée à la procédure de maintien en zone d’attente, qui met en jeu la liberté individuelle et oppose l’administration et un migrant. Elle fragilisera l’exercice des droits des étrangers.

Il est à craindre en effet que, compte tenu du délai particulièrement bref dont dispose l’étranger pour organiser sa défense, des irrégularités n’aient pas été repérées et invoquées lors de la première audience. Or le droit, c’est le droit, même si cela chagrine quelque peu l’actuel ministre de l’intérieur !

Les dispositions de l’article 8 apparaissent donc contraires à l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 8 du projet de loi vise à inscrire un principe de « purge des nullités » entre la première et la seconde audience de prolongation devant le juge des libertés et de la détention. Il ne concerne pas l’appel, contrairement à l’article 12, que la commission des lois a supprimé.

Cet article 8 est conforme à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui considère, s’agissant de la rétention, que les conditions de l’interpellation d’un étranger ne peuvent plus être discutées à l’occasion de la seconde prolongation.

Cette position se justifie par la raison d’être de la seconde audience de prolongation, qui a pour unique objet d’examiner les motifs pour lesquels, douze jours après son placement en zone d’attente, l’étranger n’a été ni rapatrié ni admis sur le territoire pour y solliciter l’asile. D’ailleurs, la seconde prolongation ne peut être autorisée qu’à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l’étranger de faire échec à son départ.

Dans un souci de sécurisation des procédures et d’unification des jurisprudences, ce qui n’est pas négligeable, la commission a approuvé l’article 8, qui vise à inscrire dans le projet de loi cette position constante de la Cour de cassation. C’est pourquoi elle est défavorable à ces trois amendements de suppression.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Une fois de plus, je m’adresse au Gouvernement pour lui demander pourquoi il fait preuve d’une telle méfiance à l’égard du juge, pourquoi il a peur du juge des libertés et de la détention. Est-ce son indépendance qui le conduit à remettre en cause certains principes tels que le principe d’appréciation ou celui d’individualisation ?

Lorsqu’on a un minimum de respect pour l’état de droit, ce genre d’article est tout à fait inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comme nous sommes enfermés dans cet hémicycle depuis de nombreuses heures, certains d’entre nous n’ont peut-être pas pu suivre l’actualité. Pourtant, elle n’est pas sans lien avec notre débat.

Aujourd’hui même, les magistrats ont été gravement mis en cause par le Président de la République. Cette nouvelle provocation, qui a mis le milieu judiciaire en émoi, je ne peux m’empêcher de la rapprocher de cette méfiance envers les juges telle qu’elle apparaît dans ce projet de loi.

Ils sont dans votre collimateur, tout comme les avocats. Vous voyez en eux des obstacles ou des freins à l’efficacité, votre maître mot. Voilà pourquoi plusieurs des articles que nous venons d’examiner créent un flou qui offre une large marge d’interprétation de l’administration, tandis que le juge, lui, voit son pouvoir d’intervention restreint.

Cette pratique me fait penser à certains régimes où les juges sont strictement encadrés et où une très grande place est laissée à l’arbitraire de l’administration. Je n’en dirai pas plus…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je vous invite vraiment à réfléchir. Repensez à toutes les dispositions que nous avons examinées depuis hier et à toutes celles que nous examinerons la semaine prochaine : on n’y trouve que des restrictions, des peurs. Vous les justifiez en disant que c’est pour empêcher des détournements, des fraudes. Finalement, nous ne sommes plus totalement dans une société confiante, ouverte et démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne serais pas intervenu si M. le rapporteur n’avait pas fait état de la jurisprudence de la Cour de cassation.

La CIMADE nous indique que l’article 8 du projet de loi est à contre-courant des règles fixées par le code de procédure civile et de la jurisprudence qui en découle.

L’article 561 du code de procédure civile définit l’objet de l’appel : « L’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’article 563 du même code dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ». C’est la loi et elle est parfaitement claire !

L’article 565 du même code affirme le principe suivant : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Dans un arrêt de principe du 1er juillet 2009, qui n’a certainement pas échappé à votre sagacité, monsieur le président de la commission, la Cour de cassation a précisé la définition du périmètre de la notion d’exception, notamment de procédure : « Mais attendu qu’ayant relevé que le moyen concernait l’exercice effectif des droits de l’étranger dont le juge devait s’assurer, de sorte qu’il ne constituait pas une exception de procédure au sens de l’article 74 du code de procédure civile, le premier président en a justement déduit que, bien que n’ayant pas été soulevé devant le juge des libertés et de la détention, il convenait d’y répondre ; que le moyen n’est pas fondé ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, quel est votre sentiment à propos de cet arrêt du 1er juillet 2009 ? Cette jurisprudence s’impose-t-elle ou est-elle nulle et non avenue ?

Je pense que vos réponses à ces questions permettront d’éclairer le vote du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Sueur, ce que vous dites est parfaitement exact, mais s’applique à l’appel, c'est-à-dire à l’article 12, que la commission a supprimé.

On peut toujours tout déformer, mais la jurisprudence de la Cour de cassation concerne bien l’article 8 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je ne suis pas sûr de faire partie de ceux qui s’emportent le plus ! Ce sont d’ailleurs souvent ceux qui parlent le plus fort qui reprochent aux autres d’élever parfois un peu la voix.

Si vous parlez de l’article 12, monsieur Sueur, nous sommes d’accord. C’est bien pourquoi la commission des lois a supprimé cet article

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je ne peux que confirmer ce qu’a excellemment dit le président de la commission.

La jurisprudence que vous avez évoquée, monsieur Sueur, concerne l’article 12 et la procédure d’appel. Sur ce point, la commission des lois a pris une position extrêmement claire en supprimant l’article 12. Ainsi, l’effet dévolutif de l’appel fait que le magistrat d’appel pourra apprécier les nullités.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

S’agissant de l’article 8, la situation est nettement différente. Il s’agit en effet du prolongement du maintien en zone d’attente. La Cour de cassation a précisé à ce propos que, au moment de la prolongation du maintien en zone d’attente, les nullités non soulevées au moment de la première prolongation étaient purgées.

Il ne s’agit pas de transcrire dans ce texte une volonté de bloquer les magistrats : la jurisprudence de la Cour de cassation – il s’agit donc de décisions prises par des magistrats – est intégrée au texte. Il est impossible de nous accuser de vouloir museler les juges puisque nous intégrons dans la loi une position qu’eux-mêmes ont définie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Oui, mais la CIMADE considère que cela s’applique à l’article 8. La seconde audience ressemble beaucoup à un appel et il n’est pas illogique de l’aborder avec le même état d’esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 36 rectifié, 114 et 303.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 8 est adopté.

L’article L. 222-3 du même code est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, après le mot : « statue », sont insérés les mots : « dans les vingt-quatre heures de sa saisine ou, lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent, dans les quarante-huit heures de celle-ci » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente. »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Nous sommes toujours, hélas ! dans la même logique funeste. En effet, l’article 9 vise à interdire au juge – s’il était possible de lui passer les menottes, vous ne vous en priveriez pas !– de fonder l’élargissement d’une personne retenue en zone d’attente sur le fait qu’elle présente toutes les possibilités de représentation. Pourtant, jusqu’à présent, cela était évident : qu’il s’agisse des instances européennes ou françaises, il avait toujours été considéré que les choses devaient se passer ainsi.

Les alinéas 4 et 5 de l’article 9 reviennent sur une jurisprudence constante de la Cour de cassation – oui, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur : la Cour de cassation – qui considère que, le maintien en zone d’attente n’étant qu’une faculté, l’étranger présentant des garanties de représentation peut exécuter le refus d’entrée dont il fait l’objet sans être privé de liberté.

Cette disposition vise, là encore, à instaurer une toute-puissance, sans aucun contrôle, de la police aux frontières et à revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation.

Le Gouvernement tenterait donc, une fois de plus, de contrecarrer les pouvoirs du juge judiciaire saisi de requêtes en prolongation du maintien en zone d’attente. En effet, même s’il constate qu’il n’y a pas de risque à laisser entrer la personne sur le territoire, dès lors que celle-ci justifie d’un billet de retour, d’une réservation hôtelière, d’une somme d’argent en espèces ou encore de la présence de membres de sa famille en France, le juge ne pourra plus fonder une décision de refus du maintien en zone d’attente sur cette seule constatation. Il lui sera donc désormais impossible de fonder un refus de prolongation sur la seule base de l’existence de garanties solides de représentation.

Le 2° de cet article a pour but de mettre un terme à une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Cette dernière considère qu’en toute hypothèse le maintien en zone d’attente au-delà du délai de quatre jours déjà utilisé par l’administration n’est qu’une faculté pour le juge des libertés et de la détention. Ce dernier peut ainsi, sans préjuger de la légalité de la décision administrative refusant l’entrée sur le territoire, refuser le maintien en zone d’attente dès lors que l’étranger présente des garanties de représentation.

La IIe chambre civile a, par exemple, considéré qu’en retenant qu’un étranger possédait un billet de retour – ou tout autre élément que j’ai indiqué –, le juge n’avait fait qu’apprécier la garantie de représentation de l’intéressé, sans remettre en cause l’application de la décision administrative.

Cette situation est source de difficultés pour l’administration. En effet, à la différence du régime de la rétention administrative, dans lequel l’étranger peut, lorsque le juge refuse la prolongation du placement en centre de rétention administrative, être assigné à résidence dans l’attente de son départ, le refus du maintien en zone d’attente autorise automatiquement l’étranger à entrer sur le territoire sous le couvert d’un visa de régularisation de huit jours. De ce fait, le refus d’autoriser la prolongation du maintien en zone d’attente a de facto pour effet de faire échec au refus d’entrée sur le territoire opposé par l’administration.

D’après les informations communiquées par le Gouvernement en 2009, 27, 59 % des demandes de prolongation de maintien en zone d’attente ont été refusées en raison des garanties de représentation présentées par l’étranger.

Le 2° du présent article a pour but de revenir sur cette jurisprudence de la Cour de cassation en inscrivant dans la loi le principe selon lequel l’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente.

Bref, c’est toujours la même chose : moins de pouvoirs pour le juge et moins de garanties pour la personne retenue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 115 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 304 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 115.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

M. Mermaz vient de rappeler avec talent le contenu de cet article et les raisons de son caractère dangereux. On restreint les possibilités d’appréciation du juge. Si on ne lui passe pas les menottes, on le tient au moins en laisse !

D’abord, je crois au caractère bénéfique de la limitation à quarante-huit heures.

Ensuite, prévoir que le seul fait que l’étranger présente des garanties de représentation n’est pas suffisant pour motiver le refus de prolongation est contraire à une jurisprudence constante. En effet, il semble que ce soit souvent ce qui justifie le refus des juges.

Après tout, le fait d’être en centre de rétention n’est pas normal puisque l’étranger n’est pas coupable. Pourtant, il est bel et bien privé de liberté. S’il présente toutes garanties de représentation, conformément au droit en vigueur, il n’y a aucune raison pour qu’il soit maintenu en zone d’attente.

En fait, vous voulez empêcher l’étranger se trouvant en zone d’attente d’en sortir ! Il vaudrait mieux le dire plutôt que de chercher des subterfuges et d’enfreindre, ce faisant, le droit en vigueur.

Il faut des motifs graves pour priver quelqu’un de liberté ! Nous pourrions débattre à l’infini sur ce que signifie la rétention. En tout cas, il s’agit bien d’une privation de liberté. En ce sens, au-delà d’un certain nombre de caractéristiques, les centres de rétention sont des prisons !

Considérer que l’on doit à tout prix maintenir les étrangers dans ces centres, mêmes lorsque les intéressés présentent toutes garanties de représentation, cela aggrave considérablement les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 304.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les dispositions prévues aux alinéas 1 et 2 de l’article 9 visent à obliger le juge des libertés et de la détention à statuer dans un délai de vingt-quatre heures sur la prolongation du maintien en zone d’attente. M. le rapporteur a fait adopter un amendement tendant à allonger ce délai de vingt-quatre heures lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent.

Ces dispositions nous posent problème. En effet, le maintien en zone d’attente décidé par l’autorité administrative est d’une durée de quatre jours, soit une durée équivalente à celle de la garde à vue dans les affaires liées à des infractions terroristes ou commises en bande organisée. Le délai accordé au juge permettrait donc de priver de liberté un étranger pendant une période maximale de six jours. Or une telle durée serait manifestement excessive et contraire à la jurisprudence constitutionnelle.

Il convient donc de maintenir le droit en vigueur, qui prévoit que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention est rendue « sans délai ».

S’agissant des dispositions prévues aux alinéas 3 et 4 de l’article 9, elles ne sont pas plus acceptables, ainsi que l’a expliqué Mme Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement propose d’inscrire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le principe selon lequel l’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation du maintien en zone d’attente. Ces dispositions tendent à limiter les pouvoirs de décision du juge judiciaire. Le Gouvernement souhaite ainsi remettre en cause une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la prolongation du maintien en zone d’attente n’est qu’une faculté.

On cherche donc, une fois de plus, à dire aux juges ce qu’ils doivent faire ! On porte en outre atteinte aux droits des personnes concernées. En effet, le délai va devenir très long et les étrangers pourront être privés des libertés et des droits qui doivent être les leurs pendant six jours, soit, en l’espèce, une longue période.

Pour ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 9.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Les dispositions de l’article 9 visent, d’une part, à préciser le délai dans lequel statue le juge des libertés et de la détention. Il vient d’être rappelé que nous avons donné vingt-quatre heures supplémentaires à ce magistrat pour qu’il puisse prendre sa décision ; cela est de nature à accroître ses pouvoirs et à lui permettre de mieux envisager la situation de l’étranger.

D’autre part, les dispositions considérées prévoient que l’existence de garanties de représentation ne peut, à elle seule, justifier un refus de prolongation du maintien en zone d’attente.

Sur ce dernier point, j’attire votre attention sur les difficultés que suscite la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière. En effet, le fait de refuser la prolongation du maintien en zone d’attente d’un étranger au seul motif que celui-ci justifie de garanties de représentation a pour effet de faire automatiquement échec au refus d’entrée sur le territoire opposé par l’administration puisque l’étranger est alors autorisé à entrer sur le territoire alors qu’il n’y est pas autorisé juridiquement. Or la décision de l’administration peut être tout à fait fondée.

Les modifications apportées par l’article 9 me paraissent apporter une clarification plutôt opportune des rôles de chacun.

Pour ces raisons, l’avis de la commission des lois est défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je souhaite dénoncer un certain amalgame.

En effet, la privation de liberté – dans des délais tout à fait disproportionnés et démesurés, allant au-delà de la durée d’une garde à vue, y compris de la garde à vue visant des personnes suspectées de terrorisme – nous rappelle qu’une fois encore un amalgame est fait entre le sans-papier et le délinquant, voire le terroriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 115 et 304.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 305 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mmes Tasca, Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots ;

dans les vingt-quatre heures de sa saisine

par les mots :

dans un délai raisonnable

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement vise à imposer au juge des libertés et de la détention de statuer dans un « délai raisonnable ».

Ce principe est issu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, dans plusieurs arrêts, a reconnu l’obligation de rendre la justice dans ce délai raisonnable.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Mes chers collègues, j’attire de nouveau votre attention sur le fait que les dispositions de l’article 9 ont justement pour but de préciser le délai dont dispose le juge pour statuer sur la prolongation du maintien en zone d’attente, les textes étant extrêmement imprécis sur ce point. Une telle clarification est, de notre point de vue, bienvenue puisque le délai sera désormais clairement établi.

En outre, la commission a souhaité laisser au juge des libertés et de la détention la possibilité de disposer de vingt-quatre heures supplémentaires lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent, afin de lui permettre de se prononcer et d’exercer son devoir de contrôle de la liberté et de la détention dans les meilleures conditions possibles, ce qui est incontestablement un élément important.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 10, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Les alinéas 3 et 4 de l’article 9 visent à insérer un troisième alinéa à l’article L. 222-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Or cet ajout remet en cause une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui fait du maintien en zone d’attente une simple faculté lorsque l’étranger présente des garanties de représentation.

Nous constatons une nouvelle fois la méfiance dont fait l’objet le juge judiciaire, cette disposition visant à contrecarrer ses pouvoirs lorsqu’il est saisi de requêtes en prolongation du maintien en zone d’attente.

Même lorsqu’il constate l’absence de risque à laisser entrer la personne sur le territoire, celle-ci justifiant d’un billet de retour, d’une réservation hôtelière, d’une somme d’argent en espèces ou encore de la présence de membres de sa famille en France, le juge ne pourra fonder une décision de refus du maintien en zone d’attente sur cette seule constatation.

Pourtant, le juge judiciaire évalue l’ensemble des éléments qui lui sont présentés par l’administration, d’une part, et par l’étranger, d’autre part. Dans le cadre de cette évaluation, il peut notamment tenir compte des garanties de représentation de l’étranger, mais ces éléments ne sont ni impératifs, ni exhaustifs. Il s’agit là d’un critère parmi d’autres et aucunement d’une exigence telle que celle qui est prévue en matière de rétention administrative.

Le juge judiciaire peut aussi écarter le motif invoqué par l’administration et tiré des contraintes liées à l’organisation du départ, même dans le cas où l’étranger ne dispose pas de garanties de représentation.

À la lumière de ces jurisprudences, nous demandons la suppression de ces alinéas.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous nous sommes déjà expliqués sur les fondements de cette disposition : avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Après l’article L. 222-3 du même code, il est inséré un article L. 222-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 222 -3 -1. – Une irrégularité formelle n’entraîne la mainlevée de la mesure de maintien en zone d’attente que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Cet article concerne les irrégularités susceptibles d’être invoquées pour faire échec à un maintien en zone d’attente.

L’Assemblée nationale avait adopté la rédaction suivante : « Une irrégularité n’entraîne la mainlevée de la mesure de maintien en zone d’attente que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

La commission des lois du Sénat a apporté une modification, que nous allons essayer de peser, un peu comme on pesait les substances au Moyen-Âge : « Une irrégularité formelle n’entraîne la mainlevée de la mesure de maintien en zone d’attente que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

Cet article, dans le fond, tend à inscrire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le principe selon lequel les irrégularités « formelles » non substantielles ne peuvent fonder un refus de prolongation du maintien en zone d’attente. À quelle autorité faudra-t-il donc s’adresser pour savoir ce que sont ces irrégularités formelles non substantielles ? À la Curie romaine ? À des sages ? À des féticheurs ?…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Pourquoi pas ? Ou à l’Académie des sciences !

La commission des lois du Sénat ayant eu cette idée lumineuse de préciser qu’il devait s’agir d’irrégularités « formelles », j’espère que le rapporteur nous éclairera sur cette question.

Pour notre part, nous demandons la suppression de cet article et proposons donc de maintenir les pouvoirs d’appréciation du juge des libertés et de la détention lors des audiences de prolongation du maintien en zone d’attente.

Le fait que la commission des lois du Sénat ait ajouté « formelles » ne change rien à l’objectif du Gouvernement, toujours le même : limiter le contrôle du juge judiciaire et encadrer ses pouvoirs. Le but visé est clairement de l’empêcher de libérer les étrangers pour vice de forme, comme on vient de le voir à l’article 9.

La discussion sera sans fin pour distinguer ce qui est formel de ce qui ne l’est pas et, parmi ces irrégularités formelles elles-mêmes, celles qui porteraient atteinte ou non aux droits des étrangers. On n’y comprend rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

En quoi consistent des irrégularités purement formelles et ne portant pas atteinte aux droits de l’étranger ? Quels seront les critères ? Qui en décidera ? Cela va susciter un invraisemblable contentieux ! Comment définir ce qui est « substantiel » quand il s’agit des droits d’une personne ?

On nous dit par exemple que, si le document ne porte pas le nom de l’interprète, l’irrégularité est formelle et ne doit pas être prise en compte. En revanche, s’il n’y a pas eu d’interprète, l’irrégularité est totale et entraîne la nullité de la procédure ; de même pour l’absence d’une signature sur un procès-verbal.

Mais ces vices de forme, substantiels ou non, sont des violations de la loi et des libertés constitutionnelles des individus, quand bien même ils ne concerneraient qu’un simple tampon administratif. Heureusement que la peine de mort a été abolie ! Cela fait frémir !

Tout est dit sur la philosophie qui sous-tend ce texte quand on lit dans le rapport que « le projet de loi comporte des dispositions destinées à renforcer la sécurité juridique des procédures d’éloignement » ! Je plains les fonctionnaires, je plains les magistrats. Faut-il plaindre ce pauvre gouvernement ? Drôle de société que celle qui préfère protéger les procédures – et quelles procédures ! – plutôt que les hommes…

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Après la purge des nullités, voici la sélection des vices de procédure.

Comme je l’ai souligné, il est prévu, à l’article 8, que l’on ne puisse soulever d’irrégularité qu’à la première audience. L’article 10 ajoute que cette irrégularité ne peut entraîner de remise en liberté que si elle est « substantielle » et porte atteinte aux droits de l’étranger. L’article 10 limite donc les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités qu’il constate par la remise en liberté de la personne maintenue en zone d’attente.

On introduit de fait une hiérarchie entre les irrégularités, en tout cas si elles sont formelles, suivant qu’elles auraient un caractère substantiel ou non.

Puisque nous sommes dans la sémantique depuis quelques heures, comme mon collègue Louis Mermaz, j’aimerais que l’on nous précise le sens des mots et leur portée en droit. Je m’interroge sur le placement du curseur pour définir le caractère « substantiel » de l’irrégularité. À mes yeux, toute irrégularité est grave.

Par ailleurs, le juge ne peut prendre en compte que les irrégularités qui porteraient atteinte aux droits de l’étranger, les autres devant être mises de côté. Concrètement, cela signifie que l’étranger devra justifier devant le juge de cette « atteinte aux droits », notion éminemment subjective, pour pouvoir obtenir l’annulation de la procédure. Vous donnez à l’étranger une charge de la preuve supplémentaire : prouvez-nous non seulement que vous avez été victime d’une irrégularité, mais qu’elle a aussi gravement porté atteinte à vos droits !

Cet article soulève des problèmes de fond et de forme.

On voit clairement la manœuvre : empêcher le juge judiciaire de libérer les étrangers pour vice de forme. Le Président de la République vitupère sans cesse les juges. Ce texte, s’il est voté, lui donnera satisfaction !

Il faut encadrer tout le monde : les juges, les avocats, les journalistes, les médias audiovisuels… Mais enfin, dans quelle société vivons-nous ? Il n’y a plus de contre-pouvoirs, plus de corps intermédiaires !

Il est vrai que les juges ne font qu’appliquer la loi, la loi qui est faite avant tout pour défendre les personnes et non pour les acculer. Ces vices de forme, faut-il le rappeler, sont des violations de la loi et des libertés constitutionnelles des individus. Il ne s’agit donc pas de simples erreurs de tampon administratif, de virgules oubliées et de points de suspension négligés. Il s’agit d’erreurs bien plus graves : nous parlons ici de libertés individuelles.

J’estime que cette combinaison de dispositions viole l’esprit et la lettre de l’article 66 de la Constitution. Chers collègues, soyons collectivement raisonnables avant que le Conseil constitutionnel ne le soit pour nous !

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 37 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 116 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 306 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

À l’étude de l’évolution de la législation concernant le droit des étrangers, on s’aperçoit que, chaque fois, on a essayé de clarifier des situations qui étaient très complexes, très confuses. Or les dispositions que nous sommes en train d’inscrire dans la loi ne font qu’ajouter à cette confusion.

Je n’irai pas plus loin dans mes explications : l’article qui nous est proposé tend à rendre encore plus complexe un droit qui l’est déjà énormément ; il donnera lieu à des contentieux sans fin. C'est la raison pour laquelle nous y sommes très fortement opposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 116.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Si cet article était malheureusement adopté, les irrégularités formelles durant la privation de liberté des étrangers placés en zone d’attente ne permettraient plus d’y mettre fin, si ce n’est dans les cas où elles présenteraient un caractère substantiel et porteraient atteinte aux droits de l’étranger.

L’enjeu d’un tel article réside dans la limitation des mainlevées du maintien en zone d’attente.

Actuellement, la Cour de cassation estime qu’en matière de mesures privatives de liberté – et le maintien en zone d’attente en est une – les irrégularités doivent être considérées avec la plus grande rigueur. Ainsi, en matière de rétention d’un étranger, il n’appartient pas à celui-ci de fournir la preuve du préjudice. C’est le juge qui doit s’assurer que l’intéressé a été pleinement informé de ses droits et a été en mesure de les faire valoir.

De plus, toute irrégularité porte potentiellement atteinte aux droits de la personne privée de liberté, et c’est ce que consacre la Cour de cassation en matière pénale.

Un tel article tend à revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui apporte pourtant les protections nécessaires aux personnes privées de leur liberté.

Il est indispensable que la procédure soit respectée. Parce qu’elle garantit l’effectivité des droits accordés aux étrangers maintenus en zone d’attente, son irrégularité ne doit pas rester sans effets.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 306.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Beaucoup ayant déjà été dit, je reviendrai simplement sur les difficultés d’interprétation que posent les termes « irrégularité formelle et substantielle », afin de comprendre ce qu’ils signifient.

Le défaut de mise à disposition d’interprète constitue, on le comprend, une irrégularité de fond. Une erreur dans l’orthographe du nom de l’interprète correspond, on le comprend aussi, à une irrégularité formelle non substantielle.

Mais quid, par exemple, du cas où un interprète ourdou a été fourni à un Tamoul ? Est-ce là une irrégularité formelle substantielle ou une irrégularité de fond ? Pour ma part, je ne sais pas faire la différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je pense – cela a été indiqué, je n’y insiste pas – que vous ouvrez un champ infini à la contestation et à la chicanerie devant tous les tribunaux de France et de Navarre. Il s’agit là d’un mauvais texte, qui affaiblit la loi et crée une hiérarchie des causes de nullité de la procédure selon la gravité supposée de leurs conséquences. Ce n’est pas habituel dans le système juridique français.

Je n’en dis pas plus, mais réfléchissons-y !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 10 du projet de loi vise à inscrire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile l’adage « pas de nullité sans grief ».

La commission considère que ces dispositions ne devraient pas avoir pour effet de remettre en cause la jurisprudence de la Cour de cassation sur la charge de la preuve : puisqu’il s’agit d’une mesure privative de liberté, toute irrégularité porte potentiellement atteinte aux droits de la personne privée de liberté. Il appartient donc à l’administration ou au juge, et non à la personne concernée, de démontrer que l’irrégularité commise n’a pas fait grief à l’étranger.

En outre, la commission des lois a souhaité préciser que seules étaient concernées par le présent article les irrégularités « formelles », telles que celles qui sont susceptibles de concerner la rédaction d’un procès-verbal, et non les irrégularités de fond portant sur l’exercice des droits reconnus à l’étranger.

Elle émet par conséquent un avis défavorable sur les amendements identiques n° 37 rectifié, 116 et 306.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai maintenant l’amendement n° 495, car il tend à régler une partie des problèmes qui viennent d’être évoqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’appelle donc en discussion l'amendement n° 495, présenté par M. François-Noël Buffet, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

présente un caractère substantiel et

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

À la distinction entre formalités substantielles et non substantielles, la commission a préféré celle entre irrégularités formelles et non formelles qui vise de façon plus explicite les seules formalités procédurales – rédaction du procès-verbal, notamment –, à l'exclusion des irrégularités affectant la mesure de privation de liberté.

Par cohérence et dans un souci de clarification, l’amendement n° 495 a donc pour objet de supprimer toute référence aux irrégularités présentant un caractère substantiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques n° 37 rectifié, 116 et 306, ainsi que sur l’amendement n° 495 ?

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Gouvernement émet bien évidemment un avis défavorable sur les amendements identiques n° 37 rectifié, 116 et 306.

J’en viens à l’amendement n° 495, présenté par la commission des lois. Le Gouvernement, bien que préférant l’adjectif « substantiel » – c’est celui qu’utilise la Cour de cassation –, reconnaît bien volontiers que les termes « formel » et « non substantiel » sont proches. En conséquence, il s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur les amendements n° 37 rectifié, 116 et 306.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’aimerais, madame la ministre, que vous vous exprimiez plus longuement, afin de clarifier un certain flou juridique. M. le rapporteur, lui, prend la peine de nous rassurer lorsqu’il estime un peu outranciers ou paranoïaques les meccanos que nous imaginons.

Nous avons la conviction que les dispositions présentes vont créer des contentieux et que le juge aura des difficultés à prendre une décision. Nous souhaiterions, par conséquent, que les débats de la Haute Assemblée permettent au moins d’éclairer ce dernier. Pour cela, il faudrait que vous nous donniez plus d’explications, lesquelles feraient foi en cas de difficulté d’interprétation de la loi.

En général, les membres du Gouvernement nous fournissent gracieusement les explications que nous réclamons fréquemment, afin que nous cessions toute supputation.

En la circonstance, madame la ministre, vous ne nous dites rien, et je ne pense pas que M. le rapporteur puisse vous remplacer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 37 rectifié, 116 et 306.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté.

L'article 10 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 203 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 221 -5. - Un mineur ne peut être placé en centre de rétention, ni être séparé de ses parents ou de ses collatéraux. »

La parole est à M. Jean-François Voguet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Les mineurs étrangers doivent bénéficier d’une attention particulière, quelle que soit la procédure engagée à leur encontre, du fait même de leur condition de mineur, laquelle les place dans une position particulièrement vulnérable.

Les conditions d’accueil en centre de rétention administrative sont singulièrement dégradantes et sont dénoncées par de nombreuses organisations : en raison de la surpopulation et de l’absence d’intimité, on peut parler de « lieux déshumanisés ». Ceux-ci sont, en outre, des lieux de privation de liberté. La banalisation du placement des enfants dans ces centres prévu par le présent projet de loi est particulièrement dangereuse, d’autant que la durée maximale de ce dernier sera également renforcée.

Ce placement a plusieurs fois déjà été considéré comme un traitement inhumain et dégradant, au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ce projet de loi prévoit pourtant qu’il sera possible d’enfermer les enfants durant des périodes pouvant atteindre jusqu’à quarante-cinq jours, au mépris de l’intérêt supérieur des enfants. La directive Retour préconise pourtant un tel placement « en dernier ressort ».

Le présent amendement vise donc à interdire le placement de mineurs en centre de rétention et leur séparation de leurs parents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 309 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger mineur non accompagné d'un représentant légal ne peut être renvoyé. »

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de cet amendement est l’occasion pour vous de prouver à notre assemblée que vous êtes attentifs aux droits humains, notamment à ceux des plus fragiles, à savoir les mineurs. Vous devriez faire preuve d’ouverture et l’accepter, ainsi que le précédent.

En l’état actuel du droit, les mineurs étrangers isolés qui ne sont pas admis sur notre territoire peuvent être refoulés à l’issue d’un placement en zone d’attente. Ce régime est dérogatoire au droit commun.

La législation française prohibe en effet toutes les formes d’éloignement forcé à l’égard des mineurs, qu’il s’agisse de mesures administratives – une expulsion – ou judiciaires – une interdiction du territoire français. Les enfants maintenus en zone d’attente sont donc traités comme des étrangers adultes !

Ce dispositif n’a pas d’équivalent dans les États européens qui connaissent des flux migratoires entrants comparables à ceux de la France. Très souvent, vous faites référence à l’Europe, notamment à l’Allemagne et au Royaume-Uni. Or ces deux pays ne recourent pas au placement en zone d’attente pour les mineurs étrangers isolés. Ils ne leur refusent pas non plus l’entrée sur leur territoire.

En 2008, sur environ 1 000 mineurs étrangers isolés arrivés à l’aéroport de Roissy, 341 ont été expulsés ou ont poursuivi leur voyage vers une autre destination.

Cette pratique n’est pas acceptable car, selon le Conseil d’État, la décision de renvoyer un mineur étranger isolé vers son pays d’origine peut porter « atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et doit être regardée comme contraire à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ».

Par ailleurs, les mineurs étrangers isolés placés en zone d’attente sont parfois éloignés vers des pays où ils n’avaient fait que transiter – de tels cas sont connus –, sans bénéficier des garanties suffisantes permettant de leur assurer qu’ils ne seront pas exposés à des exactions et qu’ils seront pris en charge à leur arrivée. Ce faisant, les autorités françaises mettent ces enfants en situation de danger.

Une telle pratique est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, dans un arrêt du 12 octobre 2006, a considéré qu’une « situation d’extrême vulnérabilité » est « un élément qui est déterminant et que celui-ci prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal ».

Soucieux de garantir le respect des droits de l’enfant, nous proposons d’interdire l’expulsion des mineurs étrangers isolés placés en zone d’attente. Le présent amendement vise à permettre d’organiser la protection de ces migrants en prenant en considération leur intérêt supérieur, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Il n’est pas dans notre intention d’autoriser de façon absolue tous les mineurs étrangers isolés à séjourner en France. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant peut en effet dicter une décision de retour dans le pays d’origine.

Nous souhaitons laisser du temps aux autorités compétentes pour qu’elles puissent évaluer sereinement les dangers auxquels les mineurs étrangers isolés risquent d’être confrontés en cas de retour dans le pays où ils ont leur résidence habituelle. En cas d’éloignement, les autorités devraient également s’assurer que la procédure est menée avec l’accord du mineur et qu’elle prend en considération prioritairement son projet de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je pense que l’amendement n° 203 rectifié comporte une confusion. En effet, ses auteurs visent le placement de mineurs en centre de rétention tout en faisant référence à l’article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif aux mineurs isolés en zone d’attente. Or ces deux types de placements obéissent à des règles différentes.

L’amendement n° 203 rectifié tend à interdire le placement des mineurs en centre de rétention qui est d’ores et déjà impossible.

Au surplus, pour ce qui concerne les mesures d’éloignement dont peuvent faire l’objet des mineurs accompagnant leurs parents, je rappelle que le code précité n’empêche pas l’éloignement de parents d’enfants mineurs et que l’administration s’efforce de ne pas séparer les enfants de leurs parents, ce qui rend inévitable parfois, malheureusement, la présence d’enfants en centre de rétention. Toutefois, cette situation n’est pas visée par le dispositif de l’amendement.

En conséquence, la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 309 rectifié vise à interdire le renvoi dans son pays d’un mineur isolé qui n’a pas été autorisé à entrer sur le territoire et qui se trouve donc en zone d’attente.

Le droit positif prévoit d’ores et déjà que les mineurs dans une telle situation se voient désigner un administrateur ad hoc, qui les assiste durant leur maintien en zone d’attente et assure leur représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’administrateur ad hoc doit être désigné sans délai.

Par ailleurs, en cas de danger pour le mineur, le juge pour enfants peut prendre l’ensemble des mesures de protection qu’il estime utiles.

Le droit apporte donc déjà de nombreuses garanties aux mineurs isolés qui se présentent à la frontière.

L’amendement n° 309 rectifié est trop systématique. De surcroît, son adoption risquerait d’encourager les filières de passeurs, pour lesquelles, on le sait, tous les moyens sont bons pour faire entrer des étrangers sur notre territoire.

La commission émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Tout d’abord, monsieur Assouline, je me suis exprimée longuement sur un certain nombre d’amendements, notamment lorsqu’une précision complémentaire devait être apportée. En revanche, il ne m’a pas semblé utile de répéter les propos de M. le rapporteur ; je ne vois pas ce que cela aurait apporté au débat !

J’en viens plus précisément aux amendements n° 203 rectifié et 309 rectifié.

Je vous rappelle que la protection des mineurs concernés par le dispositif est une préoccupation constante du Gouvernement. Il n’est pas question de déroger à ce principe, y compris en matière de mesures d’éloignement. D’ailleurs, comme vous le savez, un mineur ne peut pas être placé en rétention à titre individuel.

Cependant, les enfants peuvent accompagner leurs parents lorsque ceux-ci font l’objet d’un placement en rétention. Les familles sont alors dirigées vers des centres spécialisés, qui sont aménagés dans le respect de normes exigeantes.

Quoi qu’il en soit, il n’y a aucune violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la Convention internationale des droits de l’enfant. Il était, me semble-t-il, utile de le préciser.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Non, mais ils sont très proches.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l'amendement n° 309 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Il arrive parfois que les jeunes concernés ne sachent pas s’exprimer dans notre langue et que l’on ne connaisse pas leur âge. Ce sont alors les services médicaux qui déterminent si la personne est mineure ou non. Or, selon certains services de l’Assistance publique, la méthode utilisée à cette fin – il s’agit d’un bilan osseux – ne serait pas toujours fiable et ses résultats auraient besoin d’être confirmés par des examens complémentaires.

C’est donc un véritable problème, et je crois qu’il faut mener une réflexion sur le sujet. En tout cas, je tenais à attirer l’attention du Gouvernement et de la Haute Assemblée sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Madame Hermange, j’ai déposé un amendement sur le sujet que vous venez d’évoquer. J’espère que je pourrai compter sur votre soutien lorsque nous l’examinerons…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En tout cas, nous, nous vous soutiendrons, madame Boumediene-Thiery.

Je souhaite remercier Mme Hermange d’avoir soulevé un tel problème.

Pour ma part, j’ai interpellé à maintes reprises les gouvernements successifs sur la question des évaluations osseuses. À chaque fois, on m’a répondu qu’une réflexion sur le sujet s’imposait, mais qu’il fallait continuer d’utiliser la méthode employée, pourtant sujette à caution. La situation n’a guère évolué…

Mais, aujourd'hui, puisque nous discutons des mineurs, l’occasion nous est donnée de nous poser les véritables questions. Quels moyens d’évaluation faut-il retenir ? La méthode utilisée ne devrait-elle pas être abandonnée compte tenu du nombre d’erreurs qu’elle a provoquées ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 90, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 222-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’étranger est maintenu à disposition de la justice dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je le reprends au nom de la commission, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis donc saisi d’un amendement n° 515, présenté par M. François-Noël Buffet, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 90.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement est important.

En fixant au juge des libertés et de la détention un délai de vingt-quatre heures, pouvant éventuellement être porté à quarante-huit heures, pour statuer, l’article 9 du projet de loi lui permettra de ne plus rendre son ordonnance sans délibérer, afin, éventuellement, de prendre le temps de mener les investigations qui lui paraîtraient nécessaires.

Le présent amendement vise à indiquer que, pendant ce temps, et jusqu’au prononcé de l’ordonnance, l’étranger est maintenu à la disposition de la justice dans des conditions définies par le procureur de la République. C’est une précision qui me semble utile.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de précision.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 117 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 308 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 751-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mineur isolé ne peut être éloigné avant d'avoir rencontré l'administrateur ad hoc qui lui a été désigné. »

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 117.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Cet amendement a pour objet d’introduire une protection renforcée des mineurs étrangers placés en zone d’attente.

Alors que 40 % d’entre eux restent moins de vingt-quatre heures dans la zone avant d’être éloignés, ils ne peuvent pas faire valoir les protections juridiques qui leur ont pourtant été accordées, notamment la rencontre avec un administrateur ad hoc qui les informe de leurs droits et les représente juridiquement. Eu égard aux actuels délais, l’administrateur n’a pas le temps d’être désigné avant que le mineur soit refoulé.

Pourtant, l’administrateur a pour rôle d’améliorer la situation juridique du mineur isolé, qui se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière. Le droit commun doit être appliqué à tous, et l’administrateur, qui en est en l’espèce le garant, ne devrait en aucun cas pouvoir être évincé.

C’est pourquoi nous souhaitons introduire une obligation dans la loi : le mineur ne peut pas être éloigné sans avoir rencontré l’administrateur ad hoc.

Ce qui doit primer, c’est le respect des droits humains, et non l’efficacité d’une procédure de refoulement précipitée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 308 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Conformément à l’article L. 221-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, lorsqu’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal qui n’est pas autorisé à entrer en France est placé en zone d’attente, le procureur de la République, saisi par la police de l’air et des frontières, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc pour assurer sa représentation dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives au maintien en zone d’attente.

Ce dispositif, qui a été créé en 2002, connaît de nombreux dysfonctionnements préjudiciables aux droits des mineurs étrangers isolés.

Un administrateur ad hoc n’est pas présent au moment de la notification au mineur du refus d’entrée qui lui est opposé et de son placement en zone d’attente.

En outre, ces administrateurs sont souvent victimes d’obstruction policière et doivent engager une course contre la montre lorsqu’ils essaient d’empêcher l’éloignement d’un mineur vers un pays où celui-ci serait exposé à des risques.

Dans ces conditions, nombre de mineurs étrangers isolés sont expulsés sans même avoir pu contester leur placement en zone d’attente, ainsi que leur expulsion.

Nous craignons que ces difficultés – elles existent déjà ! – ne s’accentuent en cas de création d’une zone d’attente spéciale. Ces inquiétudes sont partagées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, qui, dans un avis très critique en date du 5 juillet dernier, a affirmé ceci : « Du fait de la mobilité des zones d’attentes ad hoc, les difficultés rencontrées pour désigner un administrateur ad hoc qualifié dans les meilleurs délais, comme l’exige la loi, vont être démultipliées et la représentation des mineurs risque d’être inexistante. »

Afin de garantir le respect des droits des mineurs étrangers isolés, nous proposons d’insérer un article additionnel après l’article 10 pour poser le principe selon lequel ceux-ci ne peuvent pas être éloignés avant d’avoir rencontré un administrateur ad hoc. Franchement, c’est bien le moins que nous puissions faire !

Certains nous disent qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, le droit des mineurs garantissant déjà la désignation de l’administrateur. Soit ! Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas ajouter dans le projet de loi une disposition précisant que le mineur isolé ne peut pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement avant d’avoir rencontré un administrateur ad hoc ?

Aujourd'hui, certains mineurs n’ont même pas le temps de rencontrer une telle personne. Ce fait justifie que vous acceptiez notre amendement, mes chers collègues.

La précision que nous proposons d’ajouter dans le projet de loi ne déforme en rien ce qui existe déjà, mais elle donnerait du crédit aux propos de ceux qui nous invitent à ne pas nous inquiéter pour les mineurs étrangers…

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ces deux amendements identiques concernent les mineurs isolés présents sur le territoire national.

Or, aux termes des articles L. 511–4 et L. 521–4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mineurs isolés ne peuvent pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement. Le dispositif souhaité par les auteurs de ces deux amendements est donc satisfait par le droit en vigueur.

M. le président de la commission des lois acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Toutefois, j’observe qu’il y a une contradiction entre le dispositif et l’objet de l’amendement n° 117.

En effet, l’exposé des motifs de cet amendement vise le cas des mineurs isolés placés en zone d’attente, c’est-à-dire n’ayant pas été autorisés à entrer sur le territoire.

Là encore, les dispositions de l’article L. 221–5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoient – cela vient d’être évoqué – la présence et la désignation sans délai de l’administrateur ad hoc durant le maintien en zone d’attente. C’est donc ce dernier qui assure la représentation du mineur dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 117 et 308 rectifié.

Les amendements ne sont pas adoptés.

(Supprimé)

À la seconde phrase de l’article L. 222-5 et à la deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 222-6 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six ».

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Cet article concerne l’appel suspensif du parquet.

Il est proposé de donner davantage de temps au ministère public pour contester des décisions de remise en liberté ou de maintien en zone d’attente prononcées par le juge des libertés et de la détention. L’article 11 porte ainsi de quatre heures à six heures le délai dont dispose le parquet pour demander un appel suspensif de la décision de remise en liberté par le juge des libertés et de la détention.

Cette prolongation est valable tant pour le maintien en zone d’attente prévu par l’article 11 qu’en matière de placement en rétention administrative ; nous le verrons lors de l’examen de l’article 44.

Concrètement, une telle procédure, qui est ancienne, consistait à limiter les décisions des juges ayant pour effet de remettre les étrangers en liberté.

À nos yeux, rien ne justifie que le délai imparti au ministère public pour former un appel suspensif auprès du président de la cour d’appel contre une décision de refus de maintien en zone d’attente prise par un juge des libertés et de la détention soit porté à six heures, contre quatre actuellement. En réalité, il s’agit, une nouvelle fois, d’une volonté de mettre ce dernier magistrat sous contrôle et de limiter ses prérogatives !

Ce n’est pas étonnant. Comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, le présent projet de loi est imprégné d’un esprit de défiance à l’égard du juge judiciaire, accusé d’être laxiste, de relâcher trop souvent les étrangers et d’empêcher le Gouvernement d’atteindre ses objectifs chiffrés d’expulsion. Voilà donc une nouvelle manifestation de défiance vis-à-vis du juge judiciaire et une tentative de réduire l’indépendance du juge, en général !

L’effet suspensif n’a d’effectivité que dans un sens, celui permettant le maintien en rétention de l’étranger, dont les garanties une fois de plus sont affaiblies.

L’article 11 renforcera encore une disposition déjà fortement défavorable aux droits de l’étranger, puisque le caractère suspensif de l’appel est réservé exclusivement au procureur, sans que l’étranger puisse user, via son avocat, d’une disposition symétrique en cas de décision qui lui serait défavorable, c'est-à-dire la prolongation de sa détention. Pourtant, l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance mettant fin à son maintien en zone d’attente peut voir cette ordonnance faire l’objet d’un appel suspensif de la part du procureur de la République. C’est dire à quel point il n’y a pas égalité des armes.

C’est contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui exige, notamment, l’égalité des armes entre parties, l’égalité des parties en termes de moyens de recours. Or en faisant passer de quatre à six heures le délai au cours duquel le procureur peut demander l’effet suspensif, vous aggravez encore cette inégalité qui porte atteinte au principe même d’un procès équitable.

On peut faire beaucoup de reproches à l’Europe, mais force est de reconnaître que, en matière de droit de l’homme, elle est souvent en avance sur la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 38 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 118 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 307 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 38 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

J’ajouterai deux arguments à ceux qui viennent d’être développés.

Premièrement, l’allongement du délai imparti au parquet pour former un appel suspensif créera stress et inquiétude pour l’étranger, ce qui n’est pas acceptable.

Deuxièmement, les avocats seront dans l’obligation de réagir encore plus rapidement.

Ces deux lourdes conséquences justifient pleinement la suppression de l’article 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 118.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Nous proposons de maintenir le délai de quatre heures dont le ministère public dispose pour former un appel suspensif après la décision du juge des libertés et de la détention de ne pas maintenir l’étranger en zone d’attente.

Rien ne saurait justifier qu’un tel délai passe à six heures. Quatre heures suffisent largement au parquet pour fournir une demande motivée.

L’allongement du délai facilitera le recours à la procédure en cause, qui est utilisée pour neutraliser une décision favorable à l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 307.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’article 11 tend à faire passer de quatre à six heures le délai pendant lequel le procureur de la République peut relever appel d’une décision de refus de maintien en zone d’attente.

Comme mes collègues l’ont souligné, l’allongement du délai facilitera l’usage par le parquet de cette arme redoutable, qui permet de neutraliser une décision favorable à l’étranger.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 11 renforcent encore, au détriment de l’étranger, l’inégalité résultant déjà du fait que l’appel suspensif est réservé au seul procureur de la République. Elles sont donc contraires au principe d’égalité des armes posé par la Convention européenne des droits de l’homme.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’actuel délai de quatre heures laissé au parquet pour former un appel suspensif à l’encontre d’une décision de refus de maintien en zone d’attente ne paraît pas suffisant pour permettre au ministère public d’accomplir les diligences nécessaires. En effet, la demande du parquet doit être motivée. Or, celui-ci étant rarement présent aux audiences devant le juge des libertés et de la détention, il doit, avant de faire appel, obtenir communication du dossier, en prendre connaissance et motiver sa demande. L’allongement à six heures du délai permettant de faire valoir le caractère suspensif de l’appel améliorera sans doute les conditions dans lesquelles le juge est amené à intervenir.

Toutefois, madame le ministre, pour être efficace, une telle mesure devrait être accompagnée d’une circulaire invitant le ministère public à être présent de façon plus systématique aux audiences devant le juge des libertés et de la détention, et des moyens spécifiques devront êtres alloués à cette tâche.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Je souhaite rassurer M. le rapporteur : bien évidemment, la circulaire qu’il demande sera publiée. Cela étant, l’ambition qui sous-tend l’article 11 est de permettre une décision motivée pour que la procédure de l’appel suspensif soit plus largement utilisée, car, actuellement, celle-ci ne concerne que 6 % des cas.

J’ajoute que l’article 11, comme bon nombre de dispositions du présent projet de loi, relève des préconisations et des travaux de la commission présidée par Pierre Mazeaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix les amendements identiques n° 38 rectifié, 118 et 307.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 11 est adopté.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 270, présenté par M. J. Gautier, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre II du titre II livre II du même code est complétée par un article L. 222-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 222 -6 -1. - À peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité formelle antérieure à la décision du premier juge ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel. »

La parole est à M. Jacques Gautier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Compte tenu des éléments d’information fournis par M. le président de la commission et par M. le rapporteur lors de l’examen de l’article 8, je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 270 est retiré, et l’article 12 demeure supprimé.

Le troisième alinéa de l’article L. 211-2 du même code est ainsi rédigé :

« 2° Conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendants de ressortissants français et partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 496, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il s’agit d’un amendement de coordination. Les dispositions prévues à l’article 12 bis relatives aux visas de long séjour ont vocation à figurer dans le chapitre du projet de loi portant sur les titres de séjour plutôt que dans celui qui est consacré aux zones d'attente. Dans un souci de clarté formelle, il est donc proposé de transformer l’article 12 bis en un article additionnel après l'article 21 ter.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Dans la mesure où le déplacement des dispositions de l’article 12 bis vers un autre chapitre du projet de loi semble tout à fait fondé, le Gouvernement est favorable à cet amendement de coordination.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, l'article 12 bis est supprimé.

Chapitre II

La carte de séjour temporaire portant la mention « carte bleue européenne »

I. – L’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° À l’étranger titulaire d’un contrat de travail visé conformément au 2° de l’article L. 5221-2 du code du travail, d’une durée égale ou supérieure à un an, pour un emploi dont la rémunération annuelle brute est au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence, et qui est titulaire d’un diplôme sanctionnant au moins trois années d’études supérieures délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’État dans lequel cet établissement se situe ou qui justifie d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi. Un arrêté du ministre chargé de l’immigration fixe chaque année le montant du salaire moyen annuel de référence.

« Elle porte la mention “carte bleue européenne”.

« Par dérogation aux articles L. 311-2 et L. 313-1, cette carte de séjour a une durée de validité maximale de trois ans et est renouvelable. Dans le cas où le contrat de travail est d’une durée égale ou supérieure à un an et inférieure à trois ans, la carte de séjour temporaire portant la mention “carte bleue européenne” est délivrée ou renouvelée pour la durée du contrat de travail.

« Le conjoint, s’il est âgé d’au moins dix-huit ans, et les enfants entrés mineurs en France dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l’article L. 311-3, d’un étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention “carte bleue européenne” bénéficient de plein droit de la carte de séjour mentionnée au 3° de l’article L. 313-11.

« L’étranger qui justifie avoir séjourné au moins dix-huit mois dans un autre État membre de l’Union européenne sous couvert d’une carte bleue européenne délivrée par cet État obtient la carte de séjour temporaire portant la mention “carte bleue européenne”, sous réserve qu’il remplisse les conditions mentionnées au premier alinéa et qu’il en fasse la demande dans le mois qui suit son entrée en France, sans que soit exigé le respect de la condition prévue à l’article L. 311-7.

« Son conjoint et ses enfants tels que définis au quatrième alinéa du présent 6° lorsque la famille était déjà constituée dans l’autre État membre bénéficient de plein droit de la carte de séjour temporaire prévue au 3° de l’article L. 313-11 à condition qu’ils en fassent la demande dans le mois qui suit leur entrée en France, sans que soit exigé le respect de la condition prévue à l’article L. 311-7.

« La carte de séjour accordée conformément aux quatrième et sixième alinéas du présent 6° est renouvelée de plein droit durant la période de validité restant à courir de la “carte bleue européenne”.

« Le conjoint, titulaire de la carte de séjour mentionnée au 3° de l’article L. 313-11 bénéficie de plein droit, lorsqu’il justifie d’une durée de résidence de cinq ans, du renouvellement de celle-ci indépendamment de la situation du titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention “carte bleue européenne” au regard du droit de séjour sans qu’il puisse se voir opposer l’absence de lien matrimonial.

« Il en va de même pour les enfants devenus majeurs qui se voient délivrer de plein droit la carte de séjour mentionnée au 3° de l’article L. 313-11 lorsqu’ils justifient d’une durée de résidence de cinq ans. »

II. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 119, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, avec votre permission je présenterai également les amendements n° 120, 121 et 122.

Les articles 13, 14, 15 et 16 du présent projet de loi visent à transposer la directive 2009/50/CE du 25 mai 2009 dite « directive Carte bleue ».

Tant que les étrangers rapportent plus qu’ils ne coûtent, car les « cerveaux » recrutés sont bien trop souvent sous-payés par rapport aux nationaux, ils sont les bienvenus. À titre d’exemple, le salaire des médecins étrangers, à travail égal, est inférieur de 30 % à 50 % à celui des nationaux. Cette situation est scandaleuse.

Ce prisme d’analyse économique est, en réalité, la caution rationnelle et technicienne d’une politique d’immigration choisie à laquelle nous sommes fermement opposés.

Parce que les marchés fonctionnent plus sur des complémentarités que sur des substitutions, le marché du travail s’est toujours spontanément adapté aux flux d’immigrants et a été capable d’absorber ces derniers. Le seul effet de l’immigration choisie est de discriminer les migrants sur des bases faussement économiques.

Lorsqu’il est question d’immigration, vous agitez, en brandissant les charges ou les coûts déraisonnables, le spectre d’une menace pour nos emplois et nos systèmes sociaux.

Cependant, il est avéré que les migrants rapportent plus qu’ils ne coûtent à notre système. La preuve en est que, malgré les six textes précédents durcissant les conditions d’entrée des étrangers adoptés depuis 2003, le taux de chômage n’a pas baissé pour autant !

Nous l’avons précisé au début de ce débat, l’immigration coûte à la France 47, 9 milliards d’euros, mais les immigrés reversent au budget de l’État près de 61 milliards d’euros.

Les exonérations fiscales accordées aux entreprises, afin de « favoriser l’emploi », coûtent environ 4, 1 milliards d’euros à l’État et ne rapportent rien, puisque le taux de chômage n’a cessé d’augmenter. Il n’a même jamais atteint son niveau actuel depuis dix ans.

En 1984, les économistes Bob Hamilton et John Whalley ont estimé qu’une libéralisation intégrale des mouvements migratoires conduirait à doubler le PIB mondial.

Comme le prouve une étude de la Banque mondiale publiée en 2006, une augmentation de 1 % de la population active engendre une croissance du PIB de 1, 25 %. En fait, l’idée est relativement simple : pour les pays d’accueil, l’arrivée des migrants a un effet comparable à celui d’un accroissement de la population.

Le concept d’immigration choisie, dont les articles 13, 14, 15 et 16 se font l’écho, n’est donc qu’une manipulation idéologique de premier ordre, qui nie les réalités humaines. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de ces textes.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La création d’une carte bleue européenne vise à transposer en droit positif, conformément à une exigence constitutionnelle, la directive du 25 mai 2009.

Sur le fond, j’indique que ce titre de séjour permettra d’accroître l’attractivité du territoire européen pour les travailleurs qualifiés. Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point dans le cadre de la discussion générale, et il n’y a pas lieu d’y revenir.

J’indique que la directive susvisée doit beaucoup au travail réalisé par la France, lorsqu’elle présidait l’Europe, pour harmoniser les politiques migratoires sur le territoire européen.

La commission est donc défavorable aux amendements n° 119, 120, 121 et 122.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de six amendements, présentés par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 310 est ainsi libellé :

Alinéa 4, première et seconde phrases

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

quatre

L’amendement n° 312 est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

enfants

insérer les mots :

majeurs à charge ou

L'amendement n° 311 est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

« Celle-ci est délivrée au plus tard dans les six mois suivant la date de dépôt de la demande. À défaut, un récépissé de demande de titre de séjour est délivré aux membres de la famille. »

L'amendement n° 313 est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le conjoint titulaire de la carte de séjour mentionné au 3° de l'article L. 313-11 bénéficie de plein de droit, lorsqu'il justifie d'une durée de résidence de trois ans, du renouvellement de celle-ci indépendamment de la situation du titulaire de la carte de séjour temporaire carte bleue européenne au regard du droit de séjour, sans qu'il puisse se voir opposer l'absence de lien matrimonial.

L'amendement n° 314 est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le calcul de ces cinq années de résidence prend en compte les durées des séjours effectués en France et dans un ou plusieurs autres États membres.

L'amendement n° 315 est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le conjoint titulaire de la carte de mentionnée au 3° de l'article L. 313-11 bénéficie de plein droit du renouvellement de celle-ci indépendamment de la situation du titulaire de la carte de séjour carte bleue européenne au regard du droit de séjour, sans qu'il puisse se voir opposer l'absence de lien matrimonial en cas de rupture de la vie commune consécutive à des violences conjugales.

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L’article 13 vise à créer une nouvelle carte de séjour temporaire, appelée « carte bleue européenne », copiée sur la carte verte américaine, mais clairement moins généreuse et moins attractive : la carte bleue européenne a une durée de validité de trois ans, alors que la carte verte américaine ouvre un droit de résidence de dix ans ; la carte bleue européenne permet au bout de cinq ans de devenir résident de longue durée, alors que la carte verte offre la possibilité de demander la citoyenneté américaine au bout de cinq ans.

Les amendements que nous avons déposés visent à améliorer le dispositif proposé.

L’amendement n° 310 tend à porter à quatre ans la durée de validité maximale de la carte bleue, car une validité de trois ans n’est pas suffisante.

L’esprit et la finalité de la directive Carte bleue consistent à rendre l’Union européenne plus attractive pour les travailleurs hautement qualifiés des pays tiers, afin que ceux-ci participent au développement de son économie. Le programme de la Haye, adopté par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne en 2004, a reconnu le rôle déterminant de l’immigration légale dans le développement économique de l’Europe, mais cette reconnaissance ne s’est pas vraiment traduite dans la réalité.

S’il existe une compétition mondiale, notamment entre l’Europe et les États-Unis, pour attirer cette élite migratoire, cette concurrence existe également entre les États membres de l’Union européenne. Aussi nous semble-t-il plus judicieux d’offrir les conditions les plus favorables possibles, dans le cadre fixé par la directive. L’amendement n° 310 tend donc à porter de trois à quatre ans la durée de la carte bleue.

L’amendement n° 312 vise à intégrer les enfants majeurs à charge dans le dispositif de la carte bleue, car l’absence de prise en compte de ces enfants parmi les bénéficiaires de la carte de séjour « vie privée et familiale » va à l’encontre de l’objet de la directive 2009/50/CE qui est « de faciliter l’admission des travailleurs hautement qualifiés et de leur famille ».

Les critères à réunir afin d’obtenir la carte bleue européenne sont extrêmement sélectifs. En effet, il faut justifier d’un diplôme de l’enseignement supérieur obtenu au terme d’au moins trois années d’études ou de cinq années d’expérience sur un poste hautement qualifié ; il faut également disposer d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche ferme pour un emploi hautement qualifié d’une durée d’au moins un an et percevoir un salaire annuel s’élevant, actuellement, à 4 000 euros environ. Les élus seront donc peu nombreux !

Puisque ce dispositif concerne un très petit nombre de personnes, je ne vois pas quelle difficulté il y aurait à permettre à leurs enfants majeurs à charge d’obtenir un titre de séjour temporaire.

L’amendement n° 311 tend à améliorer les conditions de délivrance de la carte bleue. Le choix du Gouvernement de ne pas soumettre la famille du titulaire d’une carte bleue européenne à la procédure du regroupement familial, alors que la directive précitée prévoit non pas cette exception mais seulement des aménagements, nous semble aller dans le bon sens. En effet, pouvoir s’installer avec sa famille en France, sans trop de difficultés ni de complications, est de nature à rendre notre pays plus attractif.

On peut toutefois regretter de voir se mettre en place un système à deux vitesses avec, d’une part, des procédures allégées pour « l’élite migratoire » que représenteront les titulaires de la carte bleue européenne – des personnes qui gagnent environ 4 000 euros par mois – et, d’autre part, des immigrants moins fortunés.

Je tiens également à souligner la situation difficile que vivent les couples dits « mixtes » – c’est-à-dire, en fait, binationaux. L’attitude soupçonneuse du Gouvernement à leur égard s’illustre encore une fois avec l’article 21 ter relatif aux mariages gris, mais nous y reviendrons !

L’amendement n° 311 tend donc à fixer à six mois le délai au terme duquel le titre de séjour doit être délivré aux membres de la famille, afin de faciliter le regroupement familial. À défaut, un récépissé de demande de titre de séjour devra être remis.

L’amendement n° 313 a pour objet d’apporter une quatrième amélioration : il vise à aligner les conditions exigées des conjoints des titulaires de la carte bleue européenne sur celles qui sont demandées aux conjoints de Français ou à ceux de ressortissants étrangers.

L’amendement n° 314 vise à préciser que les cinq années de résidence exigées des conjoints de titulaires de la carte bleue européenne pour obtenir le titre de séjour « vie privée et familiale » peuvent avoir été effectuées en France, mais aussi dans d’autres États membres de l’Union européenne. En effet, puisqu’il s’agit d’une carte européenne, cette proposition semble assez cohérente.

Enfin, l’amendement n° 315 concerne le cas des séparations conjugales pour cause de violences. Nous proposons que les conjoints de Français ou de ressortissants étrangers entrés sur le territoire dans le cadre du regroupement familial bénéficient de la possibilité de renouvellement de leur carte de séjour en vertu des articles L. 313-12 et L. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Nous voulons ainsi couvrir les personnes victimes de violences conjugales et faciliter le renouvellement de la carte bleue indépendamment de leur statut familial, dans la mesure où la vie familiale peut avoir été brisée par ces violences.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 7 de la directive du 25 mai 2009 prévoit que la carte bleue européenne peut avoir une durée de validité comprise entre un an et quatre ans.

La durée de trois ans choisie par le Gouvernement permet d’harmoniser la durée de validité de ce nouveau titre avec celle des titres « salarié en mission » et « compétences et talents ». Elle s’inscrit donc en cohérence avec les dispositifs d’ores et déjà existants. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 310.

En l’état du texte, l’article 13 prévoit d’accorder, de plein droit, une carte de séjour « vie privée et familiale » au conjoint et aux enfants entrés mineurs en France du titulaire d’une carte bleue européenne. Les auteurs de l’amendement n° 312 proposent d’étendre le champ de ces dispositions aux enfants majeurs à charge du titulaire de la carte bleue.

Sur le fond, la commission des lois n’y voit pas d’inconvénient, car une telle extension paraît de nature à favoriser l’attractivité de ce nouveau titre. Elle souhaite toutefois connaître l’avis du Gouvernement.

Quant à l’amendement n° 311, l’article 13 prévoit que le conjoint et les enfants entrés mineurs en France du titulaire d’une carte bleue européenne bénéficient de plein droit d’une carte de séjour « vie privée et familiale ». En outre, en vertu de l’article 17 bis du présent projet de loi, la durée de validité de ce titre sera, par exception au droit commun, identique à celle de la carte bleue européenne. Nos collègues proposent de préciser que ce titre est délivré dans un délai maximal de six mois.

Cette précision ne paraît pas relever du domaine législatif : les modalités de délivrance de ce titre pourront tout à fait être définies par voie réglementaire. Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable.

La directive du 25 mai 2009 créant la carte bleue européenne instaure un droit au séjour autonome pour le conjoint et les enfants du titulaire d’un tel titre de séjour. L’amendement n° 313 tend à abaisser de cinq ans à trois ans le seuil à partir duquel s’acquiert ce droit au séjour autonome.

La commission estime qu’il n’est pas souhaitable de faire droit à cette demande. En effet, le projet de loi prévoit déjà des dispositions très favorables, puisque le conjoint a vocation à bénéficier d’un titre de séjour d’une durée égale à celle de la carte bleue européenne. La commission émet donc un avis défavorable.

L’article 13 du projet de loi instaure un droit au séjour autonome pour les conjoints et enfants du titulaire d’une carte bleue européenne à partir de cinq années de résidence. Les auteurs de l’amendement n° 314 proposent de tenir compte, pour le calcul de ces cinq années de résidence, des années passées dans un ou plusieurs autres États membres de l’Union européenne.

Cette possibilité est expressément ouverte au paragraphe 7 de l’article 15 de la directive du 25 mai 2009 ; il est donc juridiquement possible de l’introduire dans notre droit. Quant à l’opportunité de permettre l’acquisition d’un droit au séjour autonome pour des personnes ayant peut-être résidé moins de cinq ans en France, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Si cet amendement devait être adopté, je précise toutefois qu’il conviendrait de le rectifier pour l’insérer après l’alinéa 10 de l’article 13, afin de viser également les enfants du titulaire de la carte bleue, plutôt qu’après l’alinéa 9.

Enfin, l’amendement n° 315 tend à instaurer le renouvellement automatique du titre de séjour du conjoint d’un étranger titulaire d’une carte bleue européenne, d’une carte « salarié en mission » ou d’une carte « compétences et talents », lorsque la vie commune a été rompue du fait de violences conjugales.

En l’état du droit, le renouvellement du titre de séjour est d’ores et déjà automatique lorsque le conjoint, victime de violences conjugales, bénéficie d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales. En dehors de cette hypothèse, le préfet peut accorder le renouvellement du titre de séjour lorsque la vie commune a été rompue du fait de violences conjugales. Enfin, le conjoint aura un droit au séjour autonome à partir de cinq années de résidence.

Le droit en vigueur étant déjà très protecteur, la commission n’estime pas utile d’aller au-delà. En conséquence, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Sur l’amendement n° 310, le Gouvernement partage la position de la commission et émet un avis défavorable.

Par ailleurs, je tiens à préciser que les enfants majeurs à charge des titulaires de la carte bleue européenne pourront recevoir un titre de séjour en fonction de leur situation individuelle : la précision que tend à apporter l’amendement n° 312 ne semble donc pas utile et le Gouvernement émet un avis défavorable.

Un décret fixera le délai de remise du titre de séjour à six mois. Sur le fond, le Gouvernement est d’accord avec les auteurs de l’amendement n° 311, mais cette fixation relève bien du domaine réglementaire. Il émet par conséquent, comme la commission, un avis défavorable.

Il est également défavorable à l’amendement n° 313.

Il s’en remet, comme la commission, à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 314.

Enfin, pour les mêmes raisons que celles qu’a exprimées M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 315.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l’amendement n° 312.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J’avoue que je comprends mal la position du Gouvernement : selon lui, le cas de figure visé est déjà prévu et devra trouver une solution « en fonction des situations individuelles ». Cela signifie-t-il que l’on examinera la situation de chaque enfant à charge avant de se prononcer sur la possibilité de leur délivrer un titre de séjour ? Si tel est le cas, la procédure, déjà très bureaucratique, sera inutilement alourdie. Il serait beaucoup plus simple de décider que les enfants majeurs à charge sont couverts en principe, ce qui rendrait la carte bleue plus attractive, car telle est notre seule préoccupation !

Je regrette d’ailleurs que la commission et le Gouvernement aient émis des avis défavorables sur la quasi-totalité de ces amendements, qui visent uniquement à rendre la carte bleue plus favorable.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Monsieur Yung, acceptez-vous de procéder à la rectification de l’amendement n° 314 suggérée par M. le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis donc saisi d’un amendement n° 314 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le calcul de ces cinq années de résidence prend en compte les durées des séjours effectués en France et dans un ou plusieurs autres États membres.

Je le mets aux voix.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l’amendement n° 315.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 13 est adopté.

(Non modifié)

I. – Au second alinéa de l’article L. 311-8 du même code, les mots : « mention “salarié” ou “travailleur temporaire” » sont remplacés par les mots : « mention “salarié”, “travailleur temporaire” ou “carte bleue européenne” ».

II. – À la dernière phrase du quatrième alinéa de l’article L. 311-9 du même code, la référence : « au 5° » est remplacée par les références : « aux 5° et 6° ».

III. – À la première phrase du 3° de l’article L. 313-11 du même code, les mots : « ou de la carte de séjour temporaire portant la mention “salarié en mission” » sont remplacés par les mots : «, de la carte de séjour temporaire portant la mention “salarié en mission” ou “carte bleue européenne” ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 120, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a déjà été défendu.

Je rappelle que cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 14 est adopté.

(Non modifié)

I. – Après l’article L. 314-8 du même code, il est inséré un article L. 314-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 314 -8 -1. – L’étranger titulaire de la carte de séjour temporaire prévue au 6° de l’article L. 313-10 peut se voir délivrer une carte de résident portant la mention “résident de longue durée-CE” s’il justifie d’une résidence ininterrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur, d’au moins cinq années sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne sous couvert d’une carte bleue européenne, dont, en France, les deux années précédant sa demande de délivrance de la carte de résident.

« Les absences du territoire de l’Union européenne ne suspendent pas le calcul de la période mentionnée à l’alinéa précédent si elles ne s’étendent pas sur plus de douze mois consécutifs et ne dépassent pas au total dix-huit mois sur l’ensemble de cette période de résidence ininterrompue d’au moins cinq années.

« L’étranger titulaire de la carte de séjour temporaire prévue au 6° de l’article L. 313-10 doit également justifier de son intention de s’établir durablement en France dans les conditions prévues à l’article L. 314-8.

« Son conjoint et ses enfants dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l’article L. 311-3, admis en France conformément au 6° de l’article L. 313-10 peuvent se voir délivrer une carte de résident portant la mention “résident de longue durée-CE” dans les conditions prévues à l’article L. 314-8. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 314-14 du même code, après la référence : « L. 314-8 », est insérée la référence : « L. 314-8-1 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 121, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a déjà été défendu.

Je rappelle que cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 15 est adopté.

(Non modifié)

L’article L. 531-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est également de même de l’étranger détenteur d’une carte de séjour temporaire portant la mention “carte bleue européenne” en cours de validité accordée par un autre État membre de l’Union européenne lorsque lui est refusée la délivrance de la carte de séjour temporaire prévue au 6° de l’article L. 313-10 ou bien lorsque la carte de séjour temporaire portant la mention “carte bleue européenne” dont il bénéficie expire ou lui est retirée durant l’examen de sa demande, ainsi que des membres de sa famille. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent alinéa. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 122, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a déjà été défendu.

Je rappelle que cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 16 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 123, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France » sont remplacés par les mots : « Les ressortissants des États membres de l'Union européenne autres que la France, les ressortissants des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres États établis régulièrement en France ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Par le biais de cet amendement, nous voulons aborder la question de l’égalité d’accès des étrangers aux emplois qui leur sont actuellement fermés.

Nous en avons déjà débattu voilà deux ans ; pour autant, la situation n’a pas progressé.

Donner aux étrangers non communautaires, à l’instar des étrangers communautaires depuis la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, la possibilité de concourir aux emplois de l’une des trois fonctions publiques permettrait d’éviter les discriminations à l’embauche dont ils sont l’objet.

À diplôme égal, un étranger non communautaire doit en effet pouvoir accéder aux professions réglementées et à la fonction publique non régalienne, tout comme les Français et les ressortissants communautaires et dans les mêmes conditions que ces derniers.

J’ai bien conscience que nous prenons, avec cet amendement, l’exact contre-pied de la position du Gouvernement, madame la ministre. Mais il faut savoir que la condition de nationalité dans l’accès au marché du travail n’est pas sans effet sur la dynamique de l’emploi des étrangers et sur leur intégration.

Ce sont précisément ces discriminations légales qui, en se propageant dans toute la société, finissent par entraîner des discriminations illégales.

En instituant des distinctions entre Français et étrangers et entre communautaires et non communautaires à l’égard de nombreuses professions, le droit entretient l’idée selon laquelle il serait normal d’opérer des discriminations envers les étrangers, singulièrement quand ils sont extracommunautaires.

La condition de nationalité explique non seulement la structure de l’emploi des étrangers – ils restent cantonnés dans certains secteurs du marché du travail et sont totalement absents de certains autres –, mais également le fait que les étrangers non européens sont deux fois plus touchés par le chômage et l’emploi précaire que les Français et les ressortissants européens.

Ainsi, l’on estime que près de 7 millions d’emplois sont interdits aux étrangers extracommunautaires. Au total, ceux-ci sont exclus, partiellement ou totalement, de 30 % de l’ensemble des emplois.

Dans le secteur privé, environ cinquante professions sont plus ou moins fermées aux étrangers. Mais les emplois dont ils sont exclus se situent, pour la plupart – 5, 2 millions –, dans la fonction publique non régalienne : étatique, hospitalière et territoriale.

Si l’accès au statut de fonctionnaire est refusé aux étrangers extracommunautaires, ceux-ci sont bien souvent recrutés pour effectuer les mêmes tâches en qualité d’auxiliaires ou de contractuels, sous des statuts précaires. Je n’évoquerai pas le cas des médecins étrangers ou de certains maîtres auxiliaires de l’éducation nationale…

Par ailleurs, il est utile de rappeler que des postes de titulaires ont été ouverts aux étrangers extracommunautaires dans les corps de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce sont autant de brèches, qui tendent à démontrer que l’exclusion des étrangers non communautaires de la fonction publique n’est pas figée.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter le présent amendement, qui vise à ouvrir les concours de la fonction publique, sans remettre en cause le statut de cette dernière, aux personnes régulièrement établies en France, c’est-à-dire à celles qui ont été autorisées à résider sur notre sol et à y travailler.

Je précise que seules les missions non régaliennes de l’État sont concernées par ce dispositif, qui exclut donc tous les emplois comportant une participation directe ou indirecte à l’exercice des prérogatives de puissance publique ou relevant de la souveraineté nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’ouverture de la fonction publique aux étrangers communautaires découle de nos engagements européens, dont sont exonérés les pays tiers. La situation est donc claire.

En revanche, un étranger non communautaire peut parfaitement travailler au sein de la fonction publique dans le cadre d’un statut contractuel.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Premier ministre a indiqué, au mois de juillet 2009, qu’il n’était pas dans les intentions du Gouvernement d’aller au-delà des pratiques actuelles s’agissant de la fonction publique.

Quoi qu’il en soit, je suis quelque peu étonnée : une évolution aussi radicale de la fonction publique que celle que proposent les auteurs de l’amendement n° 123 exigerait d’engager une concertation préalable avec les représentants syndicaux de façon à connaître leur position.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

(Supprimé)

Chapitre III

Dispositions diverses relatives aux titres de séjour

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 124, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le Gouvernement présente, avant le 31 décembre 2011, un plan de régularisation des sans-papiers présents sur le territoire français qui justifient d'attaches familiales en France ou détenir une promesse d'embauche ou être inscrits dans un établissement scolaire ou universitaire.

« Les conditions d'application de cet article sont définies par un décret en Conseil d'État. »

La parole est à M. Jean-François Voguet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Nous proposons qu’un plan de régularisation des sans-papiers soit présenté par le Gouvernement, avant la fin de cette année, sur la base de certains critères.

Sont concernés en l’espèce les étrangers présents sur le territoire français et pouvant justifier qu’ils ont des attaches familiales en France, détiennent une promesse d’embauche ou sont inscrits dans un établissement scolaire ou universitaire.

Chacune de ces raisons rend effectivement légitime l’obtention d’un titre de séjour.

Le combat des travailleurs sans-papiers sortis de l’ombre pour exiger leur régularisation et un salaire équitable, celui des parents sous le coup d’une expulsion alors que leurs enfants sont scolarisés ou étudient en France, tous ces combats qui sont soutenus par une mobilisation citoyenne démontrent, si besoin en était, la nécessité de régulariser ces personnes sur la base de critères clairement énoncés. Cela éviterait les décisions arbitraires des préfectures, qui rejettent trop souvent les demandes de régularisation.

Depuis 2003, différentes lois et circulaires ministérielles ont considérablement durci les conditions de séjour des étrangers en France : il est aujourd’hui quasiment impossible pour eux de faire régulariser leur situation.

Si le présent projet de loi est adopté, ce sera pire demain !

Comme vous le savez, mes chers collègues, les étrangers hésitent à se rendre dans les préfectures de peur de se jeter dans la gueule du loup, … sans parler de l’accueil déplorable qu’on leur y fait : interminables files d’attente, obligation de se présenter dès quatre heures ou cinq heures du matin devant le bâtiment pour espérer, sans garantie aucune, déposer son dossier de demande de régularisation. Je pense, notamment, aux préfectures de Bobigny ou de Créteil.

Dans ces conditions, les sans-papiers se retrouvent condamnés à la clandestinité, alors que la plupart d’entre eux sont entrés régulièrement en France.

Cette clandestinité, chacun le reconnaît, profite aux employeurs, qui n’hésitent pas à exploiter ces personnes en toute connaissance de cause, et aux marchands de sommeil qui leur louent des taudis à des prix exorbitants.

Pour éviter que de telles situations ne perdurent et redonner à ces femmes, ces hommes et ces enfants leur dignité, nous estimons qu’il faut régulariser les enfants étrangers scolarisés et leurs parents, tout comme les étrangers détenant une promesse d’embauche ou disposant d’attaches familiales en France. C’est un minimum !

Tel est, mes chers collègues, le sens de l’amendement que nous vous proposons d’adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement est contraire au principe constitutionnel interdisant au Parlement de délivrer des injonctions au Gouvernement. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Gouvernement est fermement opposé à l’idée d’une régularisation massive des étrangers en situation irrégulière. La politique qu’il mène, fondée sur un examen des situations au cas par cas, va dans ce sens. Le Gouvernement ne reviendra pas sur ce point et émet donc un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l’article L. 313-12 est supprimé ;

2° Le dernier alinéa de l’article L. 431-2 est supprimé ;

3° L’article L. 316-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 316 -3. – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. La condition prévue à l’article L. 311-7 du présent code n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.

« Le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin est renouvelé. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 317, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’article 17 AA tend à supprimer deux alinéas de deux articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ces suppressions constituent un véritable recul du droit des femmes.

Aux termes de l’article L. 431-2 du code susvisé, « lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l’arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale.” »

Les associations de défense des droits des femmes sont attachées à cet article dans sa rédaction actuelle, car il permet de libérer efficacement les victimes grâce à l’obtention d’un titre de séjour indépendant.

Le projet de loi tend à revenir sur cette avancée majeure en subordonnant les possibilités de délivrance et de renouvellement des titres de séjour aux victimes de violences conjugales au fait que le juge prononce une ordonnance de protection.

Nous nous étonnons de cette remise en cause du droit acquis, puisque, selon la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, l’ordonnance de protection s’ajoute aux dispositions antérieures et ne les remplace pas.

Je tiens à vous faire part, madame la ministre, de notre profonde incompréhension et de notre indignation face à ce recul, alors même que nous venons de voter, voilà à peine quelques mois, la loi susvisée.

À peine l’année 2010 finie, le Gouvernement oublie ses engagements !

On aurait pu croire que, dès lors qu’il érigeait la lutte contre les violences faites aux femmes en grande cause nationale, il s’engagerait au moins à protéger les victimes au-delà de 2010, même si celles-ci sont étrangères.

Nous dénonçons donc un recul de la protection des victimes de violences conjugales en ce qui concerne la situation des personnes étrangères et souhaitons le maintien du dernier alinéa de l’article L. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

De plus, nous nous opposons à ce que l’accès à la majorité de l’enfant français puisse faire obstacle au renouvellement de la carte de séjour « vie privée et familiale ». L’amendement n° 317 vise donc le maintien dans le code précité du troisième alinéa de l’article L. 313-12.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 129, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Après le mot : « et », la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée : « en accorde le renouvellement ».

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

À l’heure actuelle, le renouvellement des titres de séjour des personnes qui rompent la vie commune à la suite de violences conjugales est laissé à la libre appréciation du préfet.

Mais quel choix une personne étrangère victime de telles violences a-t-elle ? Quitter son conjoint et prendre le risque de perdre son droit au séjour ou rester et subir les coups ?

D’une préfecture à l’autre, les documents requis varient. S’il est nécessaire d’apporter la preuve des violences conjugales par le dépôt d’une plainte et la production de certificats médicaux, les préfectures exigent également, de plus en plus, le prononcé d’un divorce pour faute et d’une condamnation pénale de l’auteur des faits pour décider de renouveler le titre de séjour. Ces documents sont extrêmement longs et difficiles à obtenir.

Par ailleurs, le pouvoir d’appréciation engendre des différences de traitements d’une préfecture à l’autre et a pour conséquence le maintien des personnes étrangères dans un cadre de violence.

Aussi, comme pour la délivrance du premier titre de séjour, le préfet doit non plus utiliser son pouvoir discrétionnaire, mais renouveler le titre de séjour temporaire des personnes étrangères victimes de violences, afin que celles-ci puissent effectivement se protéger de l’auteur des violences, quitter le domicile conjugal, travailler et avoir un logement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 17 AA a pour unique objet de simplifier, à droit constant, le dispositif de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants : les victimes bénéficiant d’une ordonnance de protection se verront automatiquement délivrer ou renouveler leur titre de séjour.

Il regroupe simplement dans un seul article au sein du code susvisé certaines dispositions. La commission a, par ailleurs, procédé à la correction de deux erreurs de référence, qui figuraient dans le texte voté par les députés.

Vos inquiétudes, madame Khiari, n’ont donc pas lieu d’être. Par conséquent, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 317, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 129, quant à lui, vise à permettre un renouvellement automatique du titre de séjour d’une victime de violences conjugales résidant en France dans le cadre du regroupement familial. À l’heure actuelle, la délivrance est de droit lorsque les violences ont précédé l’octroi du premier titre de séjour.

Les dispositions de la loi du 9 juillet 2010 qui permettent de lier ordonnance de protection et délivrance ou renouvellement automatique du titre de séjour de la victime de violences conjugales semblent suffisamment protectrices. Il ne paraît donc pas souhaitable d’aller au-delà, étant entendu – c’est important de le rappeler – que, en cas de procédure pénale ultérieure, le préfet pourra décider du renouvellement du titre de séjour au regard des circonstances de l’espèce.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Gouvernement souhaite également le retrait de l’amendement n° 317. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Par ailleurs, la loi du 9 juillet 2010 prévoit des dispositifs de protection, notamment en cas de violences faites aux femmes. Une évaluation parlementaire, qui sera réalisée dans les mois qui viennent, permettra d’apprécier l’impact de cette loi. Pour cette raison, le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 129.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 126, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

a bénéficié

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

J’espère, mes chers collègues, que vous adopterez cet amendement, simple mais indispensable.

Vous savez, comme moi, que la sémantique est importante – nous l’avons vu abondamment ce soir –, et qu’il convient d’être précis, d’autant que nous traitons en l’espèce du droit au séjour des victimes de violences conjugales.

L’article 17 AA du projet de loi prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en raison des violences commises par son conjoint.

Toutefois, les ordonnances de cette nature ne sont valables que quatre mois. Par conséquent, il convient de modifier la rédaction de cet article, afin de ne pas pénaliser les femmes qui ont bénéficié de tels documents et qui peuvent être en attente de leur renouvellement, notamment en raison des délais d’instruction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 318, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

a bénéficié il y a trois ans maximum

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

S’il supprime, à notre grand regret, une disposition essentielle pour la protection des victimes de violence conjugale, l’article 17 AA en prévoit une autre.

Or, bien que le rapporteur affirme qu’il s’agit d’une simplification à droit constant, nous considérons qu’il y a là un recul face à un droit acquis.

En effet, contrairement à ce qui est actuellement prévu dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il faudra désormais que la victime, pour obtenir de plein droit la délivrance ou le renouvellement de sa carte de séjour, bénéficie d’une ordonnance de protection, cette dernière permettant au juge aux affaires familiales de prendre en urgence et pour une durée maximale de quatre mois l’ensemble des mesures propres à assurer la protection de la victime.

Au travers du présent amendement, nous proposons de prendre en compte dans le dispositif le caractère temporaire et limité de l’ordonnance de protection, soit quatre mois au maximum.

Concrètement, il s’agit de permettre au préfet d’accorder de plein droit un titre de séjour aux personnes victimes de violences qui ont fait l’objet d’une ordonnance de protection voilà trois ans au maximum, et non plus aux seules personnes qui bénéficient à ce moment précis d’une ordonnance de protection.

Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 17 AA est extrêmement réducteur et exclut du dispositif de protection de nombreuses femmes battues.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Les auteurs de l’amendement n° 126 proposent de permettre à une victime de violences conjugales d’obtenir automatiquement la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour dès lors qu’elle a, à un moment donné, bénéficié d’une ordonnance de protection.

Nous comprenons leur intention, tout à fait légitime, mais une telle disposition risquerait de créer des effets inopportuns.

Certes, l’ordonnance de protection est une mesure temporaire, destinée à protéger la victime dans l’urgence. Elle peut d'ailleurs être suivie d’une procédure pénale ; dans ce cas, la victime est susceptible de bénéficier de dispositions protectrices.

Toutefois, la proposition de nos collègues va trop loin, nous semble-t-il, car elle offrirait un droit au séjour quasiment permanent aux victimes de violences conjugales, quelle que soit la date à laquelle leur a été délivrée l’ordonnance de protection et quelle que soit l’issue donnée à la procédure par la justice. Le droit en vigueur paraît déjà suffisamment protecteur.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

De même, pour des raisons identiques, elle est défavorable à l’amendement n° 318.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

En complément des propos de M. le rapporteur, je tiens à préciser que la loi du 9 juillet 2010 possède un pouvoir de protection important, notamment à l’égard des femmes victimes de violences.

Il n’est pas possible de créer, comme le souhaitent les auteurs des amendements que nous examinons, un principe d’automaticité ; il appartiendra aux autorités administratives d’apprécier, en fonction des situations, s’il faut, ou non, émettre le titre de séjour.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne recommencerons pas le débat sur la loi du 9 juillet 2010. Une évaluation de ce texte sera réalisée, dont nous tirerons un certain nombre d’enseignements. Pour le moment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 126 et 318.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 17 AA est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 130, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger, pour lequel il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est victime des infractions mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, bénéficie, s'il le souhaite, d'un délai de réflexion de trois mois pendant lequel il est autorisé à séjourner sur le territoire, afin de lui permettre de se rétablir, de se soustraire à l'influence des auteurs de l'infraction et de décider en connaissance de cause de coopérer ou non avec les autorités compétentes. »

2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant le mention “vie privée et familiale” est délivrée à l'étranger qui coopère avec les autorités publiques concernant les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et à 225-5 à 225-10 du code pénal soumises à son encontre. »

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La condition prévue à l'article 311-7 n'est pas exigée. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Depuis la loi du 24 juillet 2006, l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit la possibilité de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux ressortissants des pays tiers victimes d’atteintes à la dignité humaine qui témoignent ou portent plainte.

Bien sûr, nous nous félicitons de cette amélioration du statut accordé aux victimes qui acceptent de participer aux procédures engagées aux fins de faire cesser les atteintes en question.

Toutefois, je le répète, nous souhaitons d’autres améliorations.

D’une part, nous proposons de réécrire le premier alinéa de l’article L. 316-1 du code susvisé, afin d’aller au-delà de la simple possibilité de délivrer un titre de séjour.

D’autre part, nous suggérons d’instituer un délai de réflexion pour ces victimes, afin de leur permettre de mesurer la réelle portée de leur engagement à coopérer. En effet, celles-ci peuvent, et c’est légitime, craindre des représailles à leur encontre ou envers leurs proches, par exemple si elles participent à l’identification des auteurs des infractions dont elles ont été victimes, et refuser dès lors toute contribution à l’enquête.

L’instauration d’un délai de réflexion de trois mois doit leur permettre de s’engager, ou non, mais de façon éclairée, dans une coopération avec les autorités compétentes.

D’ailleurs, la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée par le Conseil de l’Europe et ratifiée par la France en 2008, réaffirme la nécessité d’offrir un délai de réflexion « lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne concernée est une victime ».

Elle précise : « Ce délai doit être d’une durée suffisante pour que la personne concernée puisse se rétablir et échapper à l’influence des trafiquants et/ou prenne, en connaissance de cause, une décision quant à sa coopération avec les autorités compétentes. Pendant ce délai, aucune mesure d’éloignement ne peut être exécutée à son égard ».

Mes chers collègues, nous vous proposons par conséquent de reconnaître la situation de ces personnes, qui sont avant tout des victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 339 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 316-1 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements n° 339 rectifié et 341 rectifié, qui sont de même facture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’appelle donc en discussion l'amendement n° 341 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au second alinéa de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être délivrée » sont remplacés par les mots : « est délivrée ».

Veuillez poursuivre, monsieur Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ces amendements visent à assurer la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire aux personnes victimes de la traite des êtres humains, c'est-à-dire, essentiellement, de la prostitution ou de l’exploitation de la mendicité – nous observons d'ailleurs des exemples de cette dernière dans les transports en commun.

Actuellement, les mesures prises en matière d’éloignement des victimes sont insuffisantes.

En effet, les personnes qui décident de porter plainte contre l’auteur de tels faits sont maintenues dans une situation de précarité et d’extrême fragilité, alors même que la justice a reçu leur plainte ou reconnu le préjudice qu’elles ont subi. Même s’il existe un dispositif de protection de celles ou ceux qui acceptent de parler, il est très peu utilisé et ne sert pas à grand-chose.

Lorsque la personne victime de la traite humaine ne bénéficie pas d’un titre de séjour, il lui est difficile de se loger, de travailler, en un mot de vivre.

Afin de protéger ces personnes et de leur permettre de se reconstruire, il est essentiel de leur offrir de plein droit un titre de séjour pérenne.

Tel est l'objet de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Les auteurs de l’amendement n° 130 proposent d’offrir un droit de réflexion, assorti d’un droit au séjour de trois mois, aux victimes de la traite des êtres humains avant que celles-ci ne décident, ou non, de s’engager dans une procédure pénale à l’encontre des auteurs des faits.

Les dispositions de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permettent d’ores et déjà de délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à l’étranger victime de la traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui accepte de témoigner dans une telle affaire. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, la victime, ou le témoin, peut se voir délivrer une carte de résident.

Il a donc semblé à la commission des lois que le droit en vigueur était déjà très protecteur. En revanche, les dispositions proposées par nos collègues iraient trop loin, voire risqueraient d’encourager des démarches dilatoires.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 339 rectifié. Ses auteurs proposent de rendre automatique la délivrance d’une carte de séjour à l’étranger qui porte plainte ou témoigne dans une affaire relative à la traite des êtres humains ou au proxénétisme.

À l’heure actuelle, je le rappelle, une telle délivrance relève du pouvoir d’appréciation du préfet. Il est important de conserver cette faculté de l’autorité administrative, faute de quoi nous risquerions de voir apparaître des dépôts de plaintes dilatoires, motivés par la seule recherche d’un titre de séjour.

Par ailleurs, la modification de la partie réglementaire du code précité relève de la compétence du Gouvernement, la loi prévoyant d’ores et déjà la possibilité de délivrer un titre de séjour d’un an à ces victimes.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Enfin, pour des raisons identiques, elle est défavorable à l’amendement n° 341 rectifié.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur les amendements n° 130, 339 rectifié et 341 rectifié.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 338 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, après le mot : « pénale », sont insérés les mots : «, et ce sans condition de nationalité ou de régularité de séjour, ».

II. - Après le 10° de l'article L. 511-4 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un 10°bis ainsi rédigé :

« 10° bis L'étranger qui se présente dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer plainte pour des faits de violences ; ».

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Au travers de cet amendement, nous entendons encourager les personnes qui souhaitent porter plainte à s’engager dans cette procédure.

En effet, il existe un risque réel que les personnes étrangères en situation irrégulière victimes de violences – ce sont les cas que nous avons évoqués tout à l'heure – ne se fassent interpeller lorsqu’elles décident de porter plainte si la police judiciaire a une interprétation restrictive de sa fonction. Il s'agit là d’un problème majeur, dont témoignent certaines affaires récentes.

Or le droit à porter plainte est un principe général, qui constitue une traduction directe du droit d’accès à la justice. Il est donc indispensable d’assurer à toute personne la possibilité de porter plainte, et cela sans condition de séjour ou de nationalité.

Les membres de feu la CNDS, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ont observé que « en faisant primer la situation irrégulière des personnes victimes de violences dépourvues de titres de séjour, celles-ci se voient interdire, de fait, de déposer plainte et de faire sanctionner les auteurs de ces violences, permettant ainsi leur impunité ».

Par ailleurs, les modifications proposées du code susvisé sont nécessaires pour permettre aux personnes étrangères de ne pas être interpellées puis expulsées lorsqu’elles se rendent dans un commissariat ou une gendarmerie pour porter plainte.

Je crois que l’intérêt de la société, ainsi que celui de la police et de la gendarmerie, est de faciliter ce type de dépôt de plainte : c’est ainsi que nous pourrons remonter les filières et démanteler les réseaux qui exploitent la prostitution ou la mendicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il s'agit ici de la lutte contre les violences, pas contre les réseaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cette disposition serait donc tout à fait positive pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 127, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, après les mots : « à la loi pénale », sont insérés les mots : «, et ce sans condition de nationalité ou de régularité de séjour ».

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le rapporteur, je regrette que vous ayez émis un avis défavorable sur l’amendement n° 130. Je constate que vous refusez de vous conformer aux préconisations du Conseil de l’Europe.

Comme l’a souligné M. Yung, si le droit prévoit que « les victimes d’infractions à la loi pénale » peuvent porter plainte, en pratique les officiers de police ont trop souvent une vision restrictive de la définition des victimes, ne retenant que les seules personnes françaises ou titulaires d’une carte de séjour. Telle est la réalité !

Des modifications du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont nécessaires pour permettre aux personnes étrangères de ne pas être interpellées, puis expulsées, lorsqu’elles se rendent dans un commissariat ou une gendarmerie pour porter plainte contre des faits de violence les plaçant en situation de danger.

Ces modifications permettraient de rendre conforme la loi avec l’avis adopté par la Commission nationale de déontologie de la sécurité, à la suite duquel le directeur de cabinet du garde des sceaux a indiqué à l’époque : « l’identification des auteurs d’actes délictueux et l’effectivité du droit reconnu à toute personne de déposer une plainte nécessitent qu’un étranger en situation irrégulière victime d’une infraction pénale, puisse porter plainte dans un service ou une unité de police judiciaire sans risquer de se voir inquiéter et de faire l’objet de poursuites pénales en raison de sa situation administrative ».

De même, dans son avis 2008-85 du 19 octobre 2009, feu la Commission nationale de déontologie de la sécurité observe que « en faisant primer la situation irrégulière, des personnes victimes de violences et dépourvues de titres de séjour, [celles-ci] se voient interdire, de fait, de déposer plainte et de faire sanctionner les auteurs de ces violences, permettant ainsi leur impunité. »

En conséquence, nous serions tous bien avisés de voter le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’amendement n° 338 rectifié vise, en son paragraphe I, à préciser que l’officier de police judiciaire est tenu d’enregistrer la plainte déposée par l’étranger, fût-il en situation irrégulière. C’est également l’objet de l’amendement n° 127.

Le paragraphe II de l’amendement n° 338 rectifié tend à indiquer qu’un étranger qui dépose plainte pour des faits de violence ne peut être éloigné.

Sur le premier point, il va de soi que n’importe quelle personne se présentant au commissariat de police ou à la gendarmerie peut parfaitement déposer plainte et que cette dernière doit être impérativement enregistrée quand bien même le plaignant serait en situation irrégulière.

Sur le second point, il ne paraît pas souhaitable d’indiquer dans la loi que la circonstance, ponctuelle, selon laquelle un étranger s’est présenté pour porter plainte pour des faits de violence peut, à elle seule, entraîner la possibilité générale de prononcer une mesure d’éloignement.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 338 rectifié et 127.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 131, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La carte de séjour temporaire prévue à l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut être délivrée pour un an à un étranger qui justifie d'une démarche de réinsertion, attestée par la participation à un programme de réinsertion, en accord avec les personnes concernées, organisée par les services de l'État ou par une association figurant sur une liste établie chaque année par arrêté préfectoral dans le département concerné, et qui se propose, par son statut, d'aider les victimes.

Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelable à deux reprises dans les mêmes conditions et pour la même durée.

À l'expiration de ce délai, la carte de séjour temporaire peut être renouvelée si l'étranger apporte la preuve qu'il peut vivre de ses ressources propres.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Déjà en 2002 j’avais déposé une proposition de loi comportant une disposition similaire à celle que je vous soumets ce soir, mes chers collègues.

Nous souhaitons aider les personnes prostituées victimes de réseaux mafieux à recouvrer leur dignité en leur reconnaissant le statut de victimes avec les conséquences que ce statut induit.

Les personnes prostituées, majoritairement d'origine étrangère et très souvent soumises à des violences terribles de la part de leurs exploiteurs, peuvent se retrouver rapidement privées de tout droit et de toute dignité humaine. On le sait, la prostitution va de pair avec la violence, l'humiliation, la domination.

Ces personnes sont d'autant plus fragilisées qu'elles ne possèdent pas de papiers et sont à la merci de leur proxénète ou de réseaux de proxénétisme.

La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, en s'attaquant aux personnes prostituées étrangères pour atteindre leur proxénète, n'a fait que les fragiliser davantage en mettant fin à la situation de violence dans laquelle elles se trouvent dans des conditions souvent difficiles et en facilitant leur reconduite à la frontière.

De telles expulsions du territoire sont d'autant plus inacceptables qu'elles peuvent exposer les personnes prostituées à de réels dangers. On en voit des exemples quotidiens dans la presse si l’on y prête attention.

C'est pourquoi nous proposons de délivrer une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an à toute personne prostituée étrangère qui justifie d'une démarche de réinsertion, qu'elle ait ou non s ses exploiteurs, à l’inverse de ce que prévoit la loi de 2003.

Nous considérons en effet contraire à nos principes fondamentaux le fait de conditionner la sécurité d'une personne à une coopération avec les forces de l’ordre ou la justice. On sait d’ailleurs très bien que, dans ce domaine, c’est impossible. D'autant que les personnes prostituées se trouvent dans un état psychologique fragilisé et peuvent hésiter à dénoncer leur proxénète aux services de police.

Ce titre de séjour doit par ailleurs être renouvelable et donner droit à l'exercice d'une activité professionnelle, afin de permettre à ces personnes, autant que possible, de reprendre leur vie en main.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je précise que l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permet d’ores et déjà à une victime de la traite des êtres humains, qui a déposé plainte ou témoigné dans une affaire de proxénétisme ou de traite des êtres humains, de se voir délivrer une carte de séjour temporaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à la victime ou au témoin. Le droit en vigueur offre donc d’ores déjà des dispositions protectrices, voire très protectrices. En outre, l’amendement n° 131 paraît relativement complexe et ne vise pas spécifiquement les victimes de la traite des êtres humains.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Même analyse, même avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 8 février 2011

À quatorze heures trente :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (27, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (239, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 240, 2010-2011).

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

2. Questions cribles thématiques sur l’aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire.

À dix-huit heures :

3. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (27, 2010-2011).

Le soir et, éventuellement, la nuit :

4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat (261, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 262, 2010-2011).

5. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (27, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le vendredi 4 février 2011, à deux heures cinq.