Les discriminations aboutissent à rejeter des individus, à les exclure du système normal, à les reléguer dans un sous-statut en les différenciant du reste de la société. En cela, le rôle du législateur est nécessairement d’œuvrer à leur disparition, parce que cela permet l’émergence d’une société pacifiée et réconciliée.
La difficulté de la tâche qui nous incombe est à la mesure, notamment, de la complexité des processus discriminatoires. Pour lutter efficacement contre les discriminations, il faut pouvoir les caractériser, les nommer et les définir. Or, si le modèle est similaire d’une discrimination à l’autre, son objet peut changer du tout au tout. Dès lors, il devient difficile d’établir une liste précise des discriminations possibles tant leur variété peut étonner.
Cette liste est pourtant fondamentale. Sans elle, il est difficile de faire condamner les pratiques discriminatoires, puisque l’on aura tôt fait de nous répondre que la pratique visée ne correspond nullement à une discrimination réelle.
Pour sortir de cette impasse, il convient donc d’établir une liste souple pouvant évoluer avec le temps. Ainsi, il sera possible de l’enrichir si l’on constate de nouvelles pratiques.
C’est précisément ce qui se produit aujourd’hui. Des observations fines tendent à montrer que la provenance géographique des candidats à un poste constitue parfois un critère de sélection alors qu’il traduit une discrimination pure et simple.
Nombreux sont les témoignages de personnes cherchant un métier qui affirment masquer leur adresse réelle par crainte de ne pouvoir décrocher un entretien. Ces personnes confient avoir déjà eu des réflexions désobligeantes sur leur lieu de résidence de la part d’employeurs potentiels qui estiment que les agissements d’une minorité doivent nécessairement caractériser l’ensemble des habitants du quartier visé. Pour éviter toute stigmatisation, bien souvent les personnes en quête d’un emploi rusent en indiquant d’autres adresses que la leur.
En d’autres termes, venir d’une cité constitue un handicap supplémentaire pour certains candidats dans leur recherche d’emploi. Avant même de juger la personne sur place en fonction de ses diplômes, de sa prestance, de son aptitude à effectuer le travail, on préfère écarter ceux qui n’ont pas le bonheur de vivre dans un espace dit habituel.
Nous ne pouvons pas accepter ces pratiques ni de tels discours, qui ghettoïsent encore davantage des territoires peu favorisés de notre pays. C’est avec fermeté qu’il faut répondre en faisant de la discrimination géographique un délit.