Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 3 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 6

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Pour qui veut bien étudier les lois sur les étrangers, il apparaît que l’ensemble qu’elles constituent est devenu illisible : d’année en année, se sont ajoutées des dispositions censées répondre à des événements ponctuels, et le présent article 6 est une nouvelle illustration de ce phénomène, ainsi que cela a été très justement indiqué.

Il concerne donc la création de zones d’attente ad hoc et tend à transposer l’article 18 de la directive « retour », lequel pose un certain nombre de conditions très précises puisqu’il autorise la création de zones d’attente provisoires « lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur la capacité des centres de rétention d’un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire ». Cette situation exceptionnelle autorise alors, aux termes de la directive, un allongement des délais de contrôle juridictionnel et de garantie des droits.

Or la transposition qui est opérée au travers de l’article 6 ne respecte ni la lettre ni l’esprit de la directive. Celle-ci mentionne un nombre « exceptionnellement élevé » d’étrangers quand le projet de loi évoque un « groupe d’au moins dix étrangers » : ce n’est pas tout à fait la même chose !

Le projet de loi ne fait pas non plus référence à la notion de « charge lourde et imprévue » mentionnée par la directive, non plus qu’à l’urgence requise.

Voilà donc un texte qui rend permanentes les zones temporaires puisqu’elles pourront être constituées à tout moment, en n’importe quel point frontalier, ou presque. Cela revient, dès lors, à banaliser la privation de liberté en tant que « mode de gestion ordinaire de l’immigration », comme le notait d’ailleurs la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son avis du 6 janvier dernier.

La rétention en zone d’attente est bien un régime de privation de liberté. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 février 1992, l’a clairement indiqué, considérant, à propos du maintien en zone de transit, que conférer « à l’autorité administrative le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l’autorité judiciaire d’intervenir dans les meilleurs délais, » était contraire à la Constitution.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, notre groupe souhaite la suppression de l’article 6.

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