Intervention de Louis Mermaz

Réunion du 3 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 9

Photo de Louis MermazLouis Mermaz :

Nous sommes toujours, hélas ! dans la même logique funeste. En effet, l’article 9 vise à interdire au juge – s’il était possible de lui passer les menottes, vous ne vous en priveriez pas !– de fonder l’élargissement d’une personne retenue en zone d’attente sur le fait qu’elle présente toutes les possibilités de représentation. Pourtant, jusqu’à présent, cela était évident : qu’il s’agisse des instances européennes ou françaises, il avait toujours été considéré que les choses devaient se passer ainsi.

Les alinéas 4 et 5 de l’article 9 reviennent sur une jurisprudence constante de la Cour de cassation – oui, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur : la Cour de cassation – qui considère que, le maintien en zone d’attente n’étant qu’une faculté, l’étranger présentant des garanties de représentation peut exécuter le refus d’entrée dont il fait l’objet sans être privé de liberté.

Cette disposition vise, là encore, à instaurer une toute-puissance, sans aucun contrôle, de la police aux frontières et à revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation.

Le Gouvernement tenterait donc, une fois de plus, de contrecarrer les pouvoirs du juge judiciaire saisi de requêtes en prolongation du maintien en zone d’attente. En effet, même s’il constate qu’il n’y a pas de risque à laisser entrer la personne sur le territoire, dès lors que celle-ci justifie d’un billet de retour, d’une réservation hôtelière, d’une somme d’argent en espèces ou encore de la présence de membres de sa famille en France, le juge ne pourra plus fonder une décision de refus du maintien en zone d’attente sur cette seule constatation. Il lui sera donc désormais impossible de fonder un refus de prolongation sur la seule base de l’existence de garanties solides de représentation.

Le 2° de cet article a pour but de mettre un terme à une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Cette dernière considère qu’en toute hypothèse le maintien en zone d’attente au-delà du délai de quatre jours déjà utilisé par l’administration n’est qu’une faculté pour le juge des libertés et de la détention. Ce dernier peut ainsi, sans préjuger de la légalité de la décision administrative refusant l’entrée sur le territoire, refuser le maintien en zone d’attente dès lors que l’étranger présente des garanties de représentation.

La IIe chambre civile a, par exemple, considéré qu’en retenant qu’un étranger possédait un billet de retour – ou tout autre élément que j’ai indiqué –, le juge n’avait fait qu’apprécier la garantie de représentation de l’intéressé, sans remettre en cause l’application de la décision administrative.

Cette situation est source de difficultés pour l’administration. En effet, à la différence du régime de la rétention administrative, dans lequel l’étranger peut, lorsque le juge refuse la prolongation du placement en centre de rétention administrative, être assigné à résidence dans l’attente de son départ, le refus du maintien en zone d’attente autorise automatiquement l’étranger à entrer sur le territoire sous le couvert d’un visa de régularisation de huit jours. De ce fait, le refus d’autoriser la prolongation du maintien en zone d’attente a de facto pour effet de faire échec au refus d’entrée sur le territoire opposé par l’administration.

D’après les informations communiquées par le Gouvernement en 2009, 27, 59 % des demandes de prolongation de maintien en zone d’attente ont été refusées en raison des garanties de représentation présentées par l’étranger.

Le 2° du présent article a pour but de revenir sur cette jurisprudence de la Cour de cassation en inscrivant dans la loi le principe selon lequel l’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente.

Bref, c’est toujours la même chose : moins de pouvoirs pour le juge et moins de garanties pour la personne retenue !

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