Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 3 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 10

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Après la purge des nullités, voici la sélection des vices de procédure.

Comme je l’ai souligné, il est prévu, à l’article 8, que l’on ne puisse soulever d’irrégularité qu’à la première audience. L’article 10 ajoute que cette irrégularité ne peut entraîner de remise en liberté que si elle est « substantielle » et porte atteinte aux droits de l’étranger. L’article 10 limite donc les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités qu’il constate par la remise en liberté de la personne maintenue en zone d’attente.

On introduit de fait une hiérarchie entre les irrégularités, en tout cas si elles sont formelles, suivant qu’elles auraient un caractère substantiel ou non.

Puisque nous sommes dans la sémantique depuis quelques heures, comme mon collègue Louis Mermaz, j’aimerais que l’on nous précise le sens des mots et leur portée en droit. Je m’interroge sur le placement du curseur pour définir le caractère « substantiel » de l’irrégularité. À mes yeux, toute irrégularité est grave.

Par ailleurs, le juge ne peut prendre en compte que les irrégularités qui porteraient atteinte aux droits de l’étranger, les autres devant être mises de côté. Concrètement, cela signifie que l’étranger devra justifier devant le juge de cette « atteinte aux droits », notion éminemment subjective, pour pouvoir obtenir l’annulation de la procédure. Vous donnez à l’étranger une charge de la preuve supplémentaire : prouvez-nous non seulement que vous avez été victime d’une irrégularité, mais qu’elle a aussi gravement porté atteinte à vos droits !

Cet article soulève des problèmes de fond et de forme.

On voit clairement la manœuvre : empêcher le juge judiciaire de libérer les étrangers pour vice de forme. Le Président de la République vitupère sans cesse les juges. Ce texte, s’il est voté, lui donnera satisfaction !

Il faut encadrer tout le monde : les juges, les avocats, les journalistes, les médias audiovisuels… Mais enfin, dans quelle société vivons-nous ? Il n’y a plus de contre-pouvoirs, plus de corps intermédiaires !

Il est vrai que les juges ne font qu’appliquer la loi, la loi qui est faite avant tout pour défendre les personnes et non pour les acculer. Ces vices de forme, faut-il le rappeler, sont des violations de la loi et des libertés constitutionnelles des individus. Il ne s’agit donc pas de simples erreurs de tampon administratif, de virgules oubliées et de points de suspension négligés. Il s’agit d’erreurs bien plus graves : nous parlons ici de libertés individuelles.

J’estime que cette combinaison de dispositions viole l’esprit et la lettre de l’article 66 de la Constitution. Chers collègues, soyons collectivement raisonnables avant que le Conseil constitutionnel ne le soit pour nous !

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