Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de cet amendement est l’occasion pour vous de prouver à notre assemblée que vous êtes attentifs aux droits humains, notamment à ceux des plus fragiles, à savoir les mineurs. Vous devriez faire preuve d’ouverture et l’accepter, ainsi que le précédent.
En l’état actuel du droit, les mineurs étrangers isolés qui ne sont pas admis sur notre territoire peuvent être refoulés à l’issue d’un placement en zone d’attente. Ce régime est dérogatoire au droit commun.
La législation française prohibe en effet toutes les formes d’éloignement forcé à l’égard des mineurs, qu’il s’agisse de mesures administratives – une expulsion – ou judiciaires – une interdiction du territoire français. Les enfants maintenus en zone d’attente sont donc traités comme des étrangers adultes !
Ce dispositif n’a pas d’équivalent dans les États européens qui connaissent des flux migratoires entrants comparables à ceux de la France. Très souvent, vous faites référence à l’Europe, notamment à l’Allemagne et au Royaume-Uni. Or ces deux pays ne recourent pas au placement en zone d’attente pour les mineurs étrangers isolés. Ils ne leur refusent pas non plus l’entrée sur leur territoire.
En 2008, sur environ 1 000 mineurs étrangers isolés arrivés à l’aéroport de Roissy, 341 ont été expulsés ou ont poursuivi leur voyage vers une autre destination.
Cette pratique n’est pas acceptable car, selon le Conseil d’État, la décision de renvoyer un mineur étranger isolé vers son pays d’origine peut porter « atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et doit être regardée comme contraire à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ».
Par ailleurs, les mineurs étrangers isolés placés en zone d’attente sont parfois éloignés vers des pays où ils n’avaient fait que transiter – de tels cas sont connus –, sans bénéficier des garanties suffisantes permettant de leur assurer qu’ils ne seront pas exposés à des exactions et qu’ils seront pris en charge à leur arrivée. Ce faisant, les autorités françaises mettent ces enfants en situation de danger.
Une telle pratique est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, dans un arrêt du 12 octobre 2006, a considéré qu’une « situation d’extrême vulnérabilité » est « un élément qui est déterminant et que celui-ci prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal ».
Soucieux de garantir le respect des droits de l’enfant, nous proposons d’interdire l’expulsion des mineurs étrangers isolés placés en zone d’attente. Le présent amendement vise à permettre d’organiser la protection de ces migrants en prenant en considération leur intérêt supérieur, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant.
Il n’est pas dans notre intention d’autoriser de façon absolue tous les mineurs étrangers isolés à séjourner en France. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant peut en effet dicter une décision de retour dans le pays d’origine.
Nous souhaitons laisser du temps aux autorités compétentes pour qu’elles puissent évaluer sereinement les dangers auxquels les mineurs étrangers isolés risquent d’être confrontés en cas de retour dans le pays où ils ont leur résidence habituelle. En cas d’éloignement, les autorités devraient également s’assurer que la procédure est menée avec l’accord du mineur et qu’elle prend en considération prioritairement son projet de vie.