Intervention de Éric Besson

Réunion du 25 octobre 2007 à 9h30
Simplification du droit — Adoption d'une proposition de loi

Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser M. Éric Woerth, ministre budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui, retenu à l'Assemblée nationale par l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, m'a demandé de le remplacer ce matin.

Dans un temps où la complexité va en croissant, la simplification est un enjeu républicain essentiel parce qu'elle facilite la vie de chacun et contribue au civisme de tous, parce qu'elle renforce l'efficacité de l'action publique et soutient l'activité économique.

C'est pourquoi le Gouvernement se félicite de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi.

Après le travail efficace des députés, je tiens d'emblée à remercier l'ensemble des sénateurs qui s'impliquent sur ce dossier de la simplification, et plus particulièrement, bien sûr, le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, ainsi que le rapporteur de ce texte, Bernard Saugey.

Qu'est-ce que « simplifier » ? C'est à la fois mieux légiférer, réduire les formalités et rationaliser l'action administrative.

Cela veut dire rendre notre droit cohérent et lisible, aussi bien pour les usagers que pour les administrations qui l'appliquent.

Cela veut dire faciliter la vie quotidienne de nos concitoyens, dans le respect de la sécurité juridique et de l'égalité de traitement.

Cela veut dire, enfin, rationaliser les structures administratives, pour les rendre plus efficaces et plus économes de l'argent public.

Simplifier n'est pas une démarche accessoire de l'action des pouvoirs publics, une démarche à laquelle on se livrerait de temps en temps, au coup par coup. La simplification est au coeur de l'activité législative, comme elle doit être au coeur de l'activité administrative !

L'intelligibilité du droit, qui participe de la simplification, est d'ailleurs un impératif constitutionnel, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, parce qu'elle conditionne la qualité et la pertinence de nos réglementations, qu'elle garantit la diffusion ainsi que la compréhension du droit, donc son application effective, et qu'elle répond à une des lois fondamentales du service public, celle de l'adaptation permanente de ses missions et de son fonctionnement aux besoins de nos concitoyens.

Un droit juste, un droit au service de l'intérêt général, est toujours un droit simple et un droit efficace, c'est-à-dire un droit qui réglemente au mieux avec le minimum de moyens. C'est également un droit économe, à la fois du temps des citoyens, du temps des agents publics et de l'argent des contribuables.

Nous voulons un État simple parce que nous voulons un État juste, un État parcimonieux, un État efficace.

La simplicité du droit et l'économie des procédures sont d'autant plus nécessaires aujourd'hui qu'elles sont au coeur de la compétitivité des entreprises et de l'attractivité de notre pays comme elles sont au coeur de la qualité de vie de nos concitoyens.

Elles sont nécessaires pour que les entreprises se consacrent à fond à leur tâche d'innovation et de conquête des marchés, pour que davantage d'entreprises se créent ou s'implantent sur notre territoire, pour que nos concitoyens évoluent dans la sécurité juridique et qu'ils entretiennent des relations de confiance avec les pouvoirs publics.

Une organisation ne s'adapte et ne prospère que si elle fait constamment retour sur elle-même. Cette rétroaction est tout aussi importante que l'action. Cette rétroaction, l'État doit se l'appliquer en permanence à lui-même.

La simplification est une démarche de fond, au même titre que la création de normes, et doit être une préoccupation constante du législateur et des administrations.

C'est pourquoi nous voulons, comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que la démarche de simplification devienne systématique : il faut que nous soyons plus réactifs, plus réguliers. Je reviendrai ultérieurement sur ce point.

Nous devons d'abord mieux légiférer.

Depuis des années, la Cour des comptes, le Conseil d'État, les organes de contrôles, dénoncent l'inflation de normes. Trop de normes tue la norme. Trop de normes décourage le civisme. Trop de normes altère le fonctionnement de notre économie et de notre société.

Notre pays est réputé pour sa qualité de vie. Alors, étendons cette qualité de vie à notre rapport au droit !

La maîtrise de la production normative est un impératif. Elle concerne aussi bien le passé que l'avenir.

Elle concerne le passé parce que nombre de lois et de décrets deviennent caducs avec le temps. Ce texte supprime ainsi cent vingt-six lois obsolètes, dont l'intitulé de certaines d'entre elles a fait le bonheur des éditorialistes. Il montre aussi, et surtout, que ce travail de toilettage n'est pas assez fréquent. Pour le renforcer, l'article 1er de la proposition de loi impose à l'administration l'obligation d'abroger des dispositions réglementaires illégales ou sans objet.

Quant à l'avenir, il est indispensable que le législateur mette en place des outils pour améliorer la qualité de la norme et en réduire la quantité.

Beaucoup d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, souhaitent que les études d'impact préalables soient généralisées. Vous vous en doutez, je partage pleinement ce point de vue. Je souhaite que la réforme institutionnelle permette la mise oeuvre de l'évaluation préalable des lois.

Les attributions de mon secrétariat d'État, chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, témoignent de la volonté du Président de la République et du Premier ministre de gouverner autrement, avec le triple souci de préparer notre pays aux défis à venir, de donner aux citoyens une action publique offrant le meilleur rapport entre le coût et l'efficacité, et de permettre au Parlement de disposer, de la part du Gouvernement, des informations utiles à son travail de rédaction de la loi et de contrôle de l'action publique.

M. Éric Woerth propose, en outre, de mettre en place un indice de complexité des lois, à l'instar de ce qui existe déjà en Belgique ou en Australie, et que cet indice soit calculé pour chaque projet ou proposition de loi qui viendra en discussion devant les assemblées. À nous de trouver rapidement, ensemble, des solutions novatrices.

Simplifier, c'est aussi réduire les formalités que doivent accomplir nos concitoyens.

Aujourd'hui, 91 % des Français estiment que les démarches administratives sont trop lourdes, et près de 93 % d'entre eux jugent que leur allégement doit être un objectif prioritaire du Gouvernement.

Cette priorité, c'est la nôtre. Nous prenons donc quatre engagements.

Le premier est d'alléger les démarches administratives au maximum, en réduisant les informations demandées au strict nécessaire et en supprimant les pièces justificatives inutiles.

Le deuxième est de supprimer toutes les démarches redondantes, inutiles ou obsolètes.

Le troisième est de réexaminer toutes les procédures pour les rendre plus efficaces et, notamment, de revoir l'organisation des services administratifs pour réduire les délais de traitement.

Le quatrième est d'utiliser pleinement les nouveaux outils offerts par les techniques de l'information et de la communication.

Ces engagements, nous nous y conformons d'emblée dans cette proposition de loi avec la suppression de l'obligation de déclaration spécifique de la taxe d'apprentissage. Cette mesure s'appliquera immédiatement, dès la déclaration que devront remplir les entreprises en janvier 2008.

Plus de 2 200 000 déclarations de taxe d'apprentissage aux services fiscaux seront ainsi supprimées. Ce seront plus de 2 millions d'heures de travail économisées pour les entreprises.

Globalement, on peut estimer que l'ensemble des dispositions de cette proposition de loi libérera plus de 3 millions d'heures de travail dans les entreprises et chez les particuliers.

Pour les services publics, 300 000 heures seront dégagées, qui pourront être consacrées à des fonctions à plus grande valeur ajoutée comme l'accueil et le conseil des usagers.

Puis, nous voulons aussi changer de méthode parce que la simplification s'adresse d'abord aux usagers.

Depuis trop longtemps, les mesures de simplification sont identifiées par l'administration seule. Il faut aller au-delà, écouter d'abord nos concitoyens et anticiper mieux leurs attentes.

Nous avons donc lancé une consultation permanente des usagers afin de recueillir leurs idées et leurs propositions de suppression, de simplification et d'amélioration des démarches administratives. Un site est dès à présent opérationnel à l'adresse internet suivante : « modernisation.gouv.fr ».

Enfin, je vous l'ai dit, nous voulons que la simplification devienne une démarche permanente. C'est pourquoi nous nous engageons à ce que, chaque année, un projet de loi de simplification vous soit présenté.

Dès le début de l'année 2008, un nouveau texte sera déposé sur le bureau des assemblées. Il sera alimenté par plusieurs sources, à savoir par les travaux de réduction des charges administratives engagés avec les ministères dès le mois de juillet dernier, par les propositions des usagers et par les mesures issues de la révision générale des politiques publiques.

Nous souhaitons que ces projets de loi soient préparés en lien étroit avec le Parlement. C'est une condition essentielle de réussite. Une structure de concertation existe pour cela - le conseil d'orientation de la simplification administrative, le COSA - mais elle doit être dynamisée.

Conformément au souhait exprimé par votre rapporteur, Bernard Saugey, nous avons entrepris de renouveler sa composition autour d'un « noyau dur » composé de parlementaires des deux assemblées. Pour être force de proposition sur tous les sujets de simplification, il devra également pouvoir consulter les experts concernés. Enfin, ce comité doit devenir un lieu de rencontre privilégié entre les usagers et les services de l'administration.

En conclusion, je souhaite aborder la question de nos structures administratives et, pour l'illustrer, vous donner un exemple des efforts que nous poursuivons. Il concerne les commissions administratives consultatives, qui sont près de 750. Sont-elles toutes indispensables ? Probablement non. Nous voulons réduire leur nombre. Des dispositions ont déjà été prises sur ce point, mais le calendrier fixé - juin 2009 - est trop lointain. Nous allons donc accélérer ce travail.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, simplifier, c'est agir. Notre monde évolue ; ce qui était nécessaire ou adapté à un moment donné ne l'est plus nécessairement le moment suivant. C'est pourquoi le Parlement comme le Gouvernement doivent y consacrer du temps et de l'énergie. C'est ce que nous faisons aujourd'hui avec cette proposition de loi. C'est ce que nous ferons ensemble, sans relâche, tout au long de cette législature.

Nous vous donnons rendez-vous au printemps 2008 pour poursuivre cette action au travers d'un projet de loi plus vaste de simplification.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion