Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 25 octobre 2007 à 9h30
Simplification du droit — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi de nos collègues députés s'inscrit dans une démarche de simplification entreprise depuis quelques années avec, notamment, l'adoption des lois du 2 juillet 2003 et du 9 décembre 2004 et avec la création en 2006 de la Direction générale de la modernisation de l'État.

Cette approche est tout à fait souhaitable tant l'inflation législative - et nous devons en accepter notre part de responsabilité - ne cesse de croître et de complexifier notre droit. Combien de fois n'avons-nous pas doublé, triplé, voire au-delà, le nombre d'articles d'un projet de loi par voie d'amendements ?

L'adage selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » devient difficilement opposable à nos concitoyens, à tel point que le Conseil constitutionnel, à juste raison, a élevé au rang de principe à valeur constitutionnelle l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi.

Étant, comme notre excellent rapporteur Bernard Saugey et quelques autres collègues de notre assemblée, membre du Conseil d'orientation de la simplification administrative, le COSA, j'attache une particulière attention à ce sujet. Je me réjouis que le député Etienne Blanc, président de cet organisme, et deux de ses collègues aient repris sous forme de proposition de loi un certain nombre de mesures de simplification qui avaient été examinées par le COSA l'an dernier et dont plusieurs figuraient déjà dans un projet de loi déposé par le précédent gouvernement en juillet 2006, mais qui n'avaient pu être examinées avant la fin de la précédente législature.

Cette proposition de loi reprend également, ainsi que Bernard Saugey l'a souligné, des propositions de simplification relatives aux collectivités locales, qui émanent de la commission présidée par le préfet Michel Lafon, aux travaux de laquelle j'ai également participé.

Par conséquent, si la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a l'air d'un « catalogue à la Prévert » par le nombre et la diversité de ses dispositions, elle n'en est pas moins le fruit d'un travail de fond et appelle d'autres projets du même type.

Cet effort de toilettage, de codification, d'abrogation est indispensable, mais il faut que, parallèlement, nous arrivions à modifier certaines attitudes et comportements au niveau tant de l'administration que du législateur.

Il serait souhaitable de veiller à édicter des lois et des règlements clairs et précis, qui ne viennent pas se superposer à d'autres dispositions ou empiéter sur l'un ou l'autre des domaines partagés, rendant ainsi notre droit inintelligible et confus.

Nous sommes tous ici d'accord pour adopter des lois de simplification mais, au demeurant, celles-ci sont parfois une source de complexités. Le risque existe que, sous prétexte de vouloir simplifier notre droit, nous édictions des lois fourre-tout. En nous réfugiant sous la bannière de la simplification, nous risquons d'aboutir à des textes ressemblant à ces fameuses lois « portant diverses dispositions », dont les effets sont souvent très éloignés de ceux qui sont escomptés d'une loi de simplification et qui sont même responsables de la complexification de notre législation.

Je me demande si un certain nombre des amendements déposés sur ce texte ne relèvent pas plutôt de cette catégorie. On peut, par exemple, comme l'a fait M. Saugey, se demander si cette proposition de loi est bien le véhicule législatif le mieux adapté pour traiter du droit funéraire ou de la visioconférence.

Je veux saluer à cette occasion la proposition formulée par notre rapporteur de différer ces dispositions, ce qui n'enlève rien à leur intérêt. J'espère d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement entendra notre message afin que la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur sur le droit funéraire soit inscrite très prochainement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Si des modifications législatives peuvent simplifier le quotidien des citoyens, la législation funéraire comme la visioconférence constituent des sujets à part entière qui méritent d'être traités isolément. Décider d'avoir recours à la visioconférence, c'est en soi modifier la manière de rendre la justice et, dans une certaine mesure, modifier les rapports entre la justice et les citoyens. Il s'agit d'un vrai sujet qui mériterait sûrement un débat plus large que celui auquel donne lieu une loi de simplification.

Je voudrais également rappeler que la simplification du droit ne passe pas que par la loi mais aussi par le règlement, les procédures et l'organisation administratives, vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État. Il faut donc veiller à ce que la simplification n'existe pas que sur le papier, mais soit bien effective. Avec la meilleure volonté du monde, on peut penser que l'on simplifie et aboutir, en réalité, à une situation plus complexe.

Pour illustrer mon propos, je vais prendre l'exemple du décret du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives, pris en application de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre, qui a créé une nouvelle commission départementale de la nature, des paysages et des sites, la CDNPS, censée remplacer trois anciennes commissions : la commission des sites, perspectives et paysages, la commission départementale des carrières et le comité de suivi Natura 2000.

L'intention était sans aucun doute louable, sauf que cette nouvelle commission, compte tenu de la diversité des tâches qu'elle allait devoir traiter, a été organisée en plusieurs formations spécialisées.

Je vous en indique quelques-unes : la formation spécialisée dite « de la nature » est notamment chargée d'émettre un avis, dans les cas et selon les modalités prévues par les dispositions législatives ou réglementaires, sur les projets d'actes réglementaires et individuels portant sur les réserves naturelles, les biotopes, la faune et la flore, le patrimoine géologique. Elle constitue également une instance de concertation pour la gestion du réseau Natura 2000. Ce n'est déjà pas mal, mais il ne s'agit que de la première formation spécialisée !

La deuxième est dite « des sites et paysages ». Elle est notamment chargée de prendre l'initiative des inscriptions et des classements de site, d'émettre un avis sur les projets relatifs à ces classements et inscriptions ainsi que sur les travaux en sites classés et d'émettre les avis prévus par le code de l'urbanisme. Elle veille également à l'évolution des paysages et peut être consultée sur les projets de travaux les affectant. Elle émet aussi un avis sur les projets de zones de développement de l'éolien.

La troisième formation spécialisée, dite « de la faune sauvage captive », est notamment chargée d'émettre un avis, dans les cas et selon les modalités prévus par les dispositions législatives ou réglementaires, sur les établissements hébergeant des animaux d'espèces non domestiques autres que les espèces de gibier dont la chasse est autorisée... Rassurez-vous, je n'irai pas jusqu'au bout !

La quatrième formation spécialisée, dite « des carrières », élabore le schéma départemental des carrières et se prononce sur les projets de décisions relatifs à celles-ci.

La cinquième formation spécialisée, dite « de la publicité », se prononce, dans les cas et selon les modalités prévus par les dispositions législatives ou réglementaires, sur les questions posées par la publicité, les enseignes et pré-enseignes. Je m'arrête là !

Grâce à cette nouvelle commission censée en remplacer trois autres au nom de la simplification, dans le département de la Marne, par exemple, alors qu'il nous fallait auparavant trouver neuf élus communaux pour l'ensemble des trois anciennes commissions, il nous faut maintenant en trouver vingt-deux pour compléter les cinq formations spécialisées de cette commission qui devait simplifier la vie de nos élus ! Et encore, nous n'avons pas de formation spécialisée « montagne », ...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion