Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 25 octobre 2007 à 9h30
Simplification du droit — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Ainsi, aux audiences solennelles de rentrée des cours d'appel, nous avons droit rituellement aux demandes des magistrats de faire cesser l'inflation législative ; un premier texte est à peine publié qu'un deuxième le modifie et qu'un troisième se profile !

Tout cela relève de la responsabilité du législateur et du Gouvernement. Ne serait-il pas souhaitable, monsieur le secrétaire d'État, de ne plus utiliser la loi comme réponse - parfois la seule - à des événements souvent douloureux qui frappent l'opinion ? Simplifie-t-on le droit lorsque la plus haute autorité de l'État annonce, du perron de l'Élysée, une nouvelle loi sur la récidive alors que la précédente vient d'être adoptée quelques semaines auparavant et que ses décrets d'application ne sont pas encore parus ? Si l'on veut simplifier le droit, il faut assurément rompre avec la pratique constante des lois d'affichage !

Il faut aussi réfléchir à la publication des décrets. Je ne sais pas si M. Balladur et le vaste aréopage qui l'entoure se seront penchés sur cette question. Tout gouvernement, quel qu'il soit, dispose du droit exorbitant de ne pas appliquer la loi votée par le Parlement : il lui suffit pour cela de ne pas publier les décrets d'application. Or, des centaines de décrets ne sont publiés que très longtemps après l'adoption des lois qui y renvoient ; il arrive même qu'ils ne soient jamais publiés.

Une mesure très simple - peut-être M. Balladur et ses collègues y auront-ils songé ? - consisterait à obliger le ministre compétent à venir s'expliquer devant le Parlement en séance publique si un décret d'application n'est pas paru dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Ce serait intéressant ! Dans une telle hypothèse, on ferait peut-être moins de lois, mais en veillant à ce qu'elles soient mieux appliquées.

De la même manière, il serait judicieux de limiter très fortement le recours à la procédure d'urgence. Beaucoup de textes nous sont envoyés après déclaration d'urgence alors que, dans de nombreux cas, cela n'est pas justifié. La procédure d'urgence doit être inscrite dans la Constitution, mais elle est souvent dévoyée. On constate du moins à certaines périodes et sur certains sujets qu'il y a davantage de lois présentées selon la procédure d'urgence que de lois présentées selon la procédure normale de la navette.

Si le Gouvernement déclarait moins souvent l'urgence, nous travaillerions plus de temps sur moins de textes. Notre travail éminent, qui consiste, au cours de toutes les lectures prévues par la Constitution, à peaufiner le texte, à réfléchir aux conséquences pour toutes les citoyennes et tous les citoyens du moindre adjectif, du moindre adverbe - même si certains pourchassent les adverbes -, du moindre mot du texte, serait effectué de manière plus approfondie, dans de meilleures conditions et aboutirait à moins de lois mieux rédigées. Il reste donc beaucoup à faire pour la simplification du droit.

Permettez-moi d'ajouter un mot sur ce qui me paraît une fausse bonne idée : la réalisation d'une étude d'impact avant chaque débat législatif. À une réunion à laquelle il nous avait conviés, l'ancien vice-président du Conseil d'État nous avait présenté un rapport qui décrivait cette étude d'impact comme l'alpha et l'oméga de l'innovation législative. Je suis très réservé sur cette idée, car, immanquablement, l'étude d'impact ouvrira sur le débat politique, dont elle est indissociable.

Prenons les OGM, dont il est question aujourd'hui avec le « Grenelle de l'environnement ». On va nous dire qu'il faut une étude d'impact avant de légiférer. Mais qui réalisera cette étude ? Cela fera déjà l'objet d'un débat ! On pourra toujours prétendre que l'étude d'impact est orientée par tel ou tel présupposé politique. Nous n'avons pas peur du débat politique : c'est notre vocation, elle est tout à fait digne !

En fait, soit le Gouvernement commande l'étude d'impact et on prétendra qu'elle est influencée par les objectifs du Gouvernement, soit l'étude d'impact est confiée à une nouvelle autorité indépendante...

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