Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 25 octobre 2007 à 9h30
Simplification du droit — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

... estimait, tout comme Montesquieu : « Il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires ».

La loi doit être claire, intelligible, stable et cohérente. Trop difficile de compréhension, la règle est souvent mal appliquée, ou pas appliquée du tout. Le second risque inhérent à la complexité de notre droit est celui de la fragilité de la règle édictée.

Bien souvent, cette complexité pèse sur les plus faibles. Elle est également très coûteuse pour l'État, et il y a, à cet égard, une importante possibilité de gain de productivité.

Il nous faut donc réagir et poursuivre notre effort de simplification déjà engagé sous la précédente législature. Il faut inverser la tendance et mettre un terme à cette dérive.

Simplifier, c'est aussi réhabiliter la force de la règle de droit. La loi est l'expression du peuple souverain, qui la connaît non pas pour la subir, mais parce que, par la voix démocratique de ses représentants, il en est l'auteur.

Pourtant, la loi n'est plus une évidence à la portée de la compréhension : trop de lenteurs, trop de textes atteignent la force de la loi et finissent parfois par la tuer.

Plusieurs voies ont été ouvertes au cours de la précédente législature pour simplifier notre droit et donc contribuer à rétablir l'autorité de la loi.

Deux lois de simplification ont été adoptées, en 2003 et en 2004. Elles ont permis de simplifier de nombreux domaines du droit par la technique de l'habilitation du Gouvernement à prendre des mesures par voie d'ordonnances.

Certaines de ces ordonnances ont simplifié des procédures administratives, d'autres ont abrogé des dispositions devenues obsolètes, d'autres enfin ont permis l'entrée en vigueur ou la refonte de sept codes.

Par ailleurs, un troisième projet de loi de simplification du droit a été déposé au Sénat en 2006, mais n'a pu être inscrit à l'ordre du jour.

La proposition de loi de nos collègues députés relative à la simplification du droit s'inscrit dans cette volonté de réduire la complexité du droit français. Elle répond à une aspiration forte et partagée par tous : simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens, alléger le carcan administratif et réglementaire qui pèse sur eux et libérer ainsi l'initiative individuelle et collective, freinée bien trop souvent par des procédures à la fois trop complexes et trop lourdes.

Cette proposition de loi témoigne de la volonté du Parlement de prendre ses responsabilités devant l'exigence de simplification du droit.

L'article 1er constitue une innovation importante, car il tend à obliger l'autorité administrative, sous peine de voir sa responsabilité engagée, à abroger les dispositions illégales et devenues sans objet.

Il s'agit là d'une véritable avancée, qui peut nous entraîner très loin si les citoyens et les juridictions administratives décident de s'emparer de la faculté qui leur est ainsi donnée de procéder eux-mêmes au toilettage des normes illégales ou désuètes.

La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise comporte en outre des mesures phares qui intéressent directement nos concitoyens.

S'inspirant directement des propositions du Médiateur de la République, ce texte vise à simplifier les démarches administratives des particuliers, en ouvrant la possibilité, pour les concubins et les personnes liées par un pacte civil de solidarité, de représenter une partie devant les juridictions d'instance et de proximité, en prévoyant un allégement des formalités concernant les examens postnataux, en instaurant la suppression du certificat prénuptial ou encore celle du récépissé de déclaration fiscale en matière de succession.

Les simplifications concernent également les entreprises, avec la suppression d'un doublon dans la déclaration de la taxe d'apprentissage et celle de la déclaration de participation au financement de la formation professionnelle pour les entreprises de moins de dix salariés.

S'agissant des collectivités territoriales, le texte reprend les propositions émises par le préfet Michel Lafon dans son rapport remis en mars 2007.

Ainsi, il est prévu d'assouplir les conditions du recours à l'emprunt par les centres communaux d'action sociale, d'élargir et de préciser le champ des délégations à l'exécutif local en matière de marchés publics. En outre, il est proposé de supprimer la consultation du conseil général pour la création ou la dissolution des syndicats de communes.

Nos collègues députés ont décidé, par ailleurs, d'étendre le recours à la visioconférence à toutes les audiences civiles. Si ce dispositif a pu prêter à débat, il correspond bien, toutefois, à l'esprit du texte, puisqu'il constitue une mesure de simplification des règles de procédure. Ce dispositif moderne, déjà utilisé pour les procédures pénales, permettrait de faciliter l'accès à la justice, en simplifiant les démarches des justiciables, des auxiliaires de justice, des magistrats et des personnels des greffes.

Ce texte constitue également un signal fort dans la mesure où il prévoit l'abrogation de 126 lois obsolètes, devenues sans objet.

D'application directe, les mesures proposées vont dans le bon sens. La commission des lois du Sénat nous présentera, par la voix de son excellent rapporteur, Bernard Saugey, des amendements ayant pour objet d'enrichir le texte adopté par nos collègues députés.

Je me félicite notamment, même si ce n'est pas le cas de tout le monde, de la proposition faite par M. le rapporteur de rendre possible la saisine directe par les citoyens du Médiateur de la République. Le rôle du Médiateur au service de l'État de droit est unanimement reconnu. Cette avancée permettrait de répondre aux exigences de rapidité et de proximité que requiert le traitement de nombreux dossiers, et éviterait de fastidieuses, pour ne pas dire courtelinesques, régularisations a posteriori.

Nous faisons aujourd'hui oeuvre utile. Simplifier le droit est un acte essentiel et nécessaire. Il s'agit d'assurer aux citoyens une plus grande sécurité juridique. Il s'agit de garantir, au nom de l'économie, une plus grande souplesse. Il s'agit de rationaliser le travail de l'administration. Il s'agit, enfin, d'améliorer le fonctionnement de nos institutions.

Ce texte constitue une étape. Le mouvement ne doit pas s'arrêter là, il convient de poursuivre et d'amplifier cet effort de simplification. À cet égard, nous prenons acte et nous nous félicitons, monsieur le secrétaire d'État, de la discussion prochaine d'une grande loi visant à la simplification juridique que nous appelons de nos voeux.

J'évoquerai enfin le droit funéraire, pour dire que je fais miens les propos tenus par mon collègue Jean-Pierre Sueur. Nous espérons vivement, bien entendu, que la proposition de loi portant sur ce thème adoptée à l'unanimité par le Sénat sera bientôt inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Quant aux discussions sur la nature législative ou réglementaire de ce sujet, j'observerai que si le statut de la dépouille mortelle ou celui des cendres de la personne décédée, dans le cas d'une crémation, ne relève pas du pouvoir législatif, on peut alors se demander quel peut bien être le champ de compétence du Parlement !

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