Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 25 octobre 2007 à 9h30
Simplification du droit — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en 1991 déjà, dans son rapport public, le Conseil d'État déplorait la logorrhée législative et réglementaire, ainsi que l'instabilité chronique et parfois sans cause des normes.

Nous sommes bien forcés de constater que ces critiques sont aujourd'hui plus que jamais d'actualité, pour ne pas dire très vivaces, et que les différentes réformes tentées n'ont rien changé. Ainsi, en 2000, ce sont plus de 8 000 lois et quelque 120 000 décrets qui ont été recensés dans les différents corpus législatifs.

L'inflation législative est un phénomène cumulatif qui est plutôt néfaste. Au fil du temps, les lois se superposent et se stratifient ; certaines, devenues totalement inutiles, subsistent.

Aussi, un dépoussiérage est sans doute le bienvenu, même si les lois les plus obsolètes sont aussi celles qui sont les moins invoquées et donc les moins gênantes.

En réalité, simplifier le droit est une opération bien plus complexe et profonde que la simple abrogation de lois devenues folkloriques. Notre corpus juridique a atteint au cours des dernières décennies un tel degré de complexité qu'il est devenu à bien des égards inaccessible.

Pourtant, les principes d'intelligibilité et d'accessibilité ont acquis une valeur constitutionnelle par une décision du Conseil constitutionnel de 1999. Dans son rapport annuel de 2006 sur la sécurité juridique et la complexité du droit, le Conseil d'État a souligné qu'une « fracture juridique » menaçait notre État de droit.

Malgré cela, ce phénomène d'inflation législative n'est pas prêt de se résorber puisque, en moyenne, ce sont près de 70 lois, 50 ordonnances et 1 500 décrets qui voient le jour chaque année.

Deux hypothèses sont avancées pour expliquer cette complexification à outrance du droit : d'une part, la multiplication des sources de droit, qui engendre des flux et des strates, et crée ainsi une grande confusion ; d'autre part, la complexité de la règle écrite à caractère général, qui peut favoriser l'instabilité de notre droit.

Les répercussions de cette inflation législative sont graves : la complexité juridique peut désorienter les citoyens dans leur vie quotidienne, affecter le fonctionnement des institutions et entraver les administrations dans l'exécution de la norme.

La simplification du droit est donc un enjeu majeur, complexe, qui nécessite de procéder à des réformes de fond.

Lors de sa désignation à la fonction de président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, notre collègue député M. Jean-Luc Warsmann a annoncé qu'il ouvrait « un grand chantier de simplification » et a proposé aux membres de cette commission d'y participer en prenant appui sur les propositions formulées par nos concitoyens sur le site Internet dédié à cette réforme. Face à de tels engagements, nous ne pouvons qu'être déçus du résultat.

Dans le premier article de ce texte, les auteurs de la proposition affirment leur détermination à travers la phrase suivante : « L'autorité administrative est tenue [...] d'abroger [...] tout règlement illégal. » Mais quelles seront les sanctions si cette autorité administrative ne procédait pas à l'abrogation ? Aucune précision n'est apportée. Dès lors, nous pouvons être certains que cet article ne restera qu'une bonne intention et qu'il n'aura aucune application concrète.

Les articles suivants balayent un ensemble de sujets sans rapport les uns avec les autres. Certains permettent quelques simplifications administratives tandis que d'autres, au contraire, rendent certaines procédures plus opaques. C'est le cas de l'article 3 : il supprime la sanction financière infligée aux familles qui ne procèdent pas aux examens de santé obligatoires pour leurs enfants, mais il ne propose rien de précis pour faire respecter cette obligation.

Le comble est atteint à l'article 11, qui instaure de nouvelles dispositions n'ayant aucun rapport avec la simplification de la loi. Cet article traite en effet de l'utilisation des nouvelles technologies dans les procès judiciaires, notamment par l'extension du recours à la visioconférence. L'organisation même de notre système judiciaire est ici remise en cause.

La complexité et la densité de notre corpus juridique nécessitent une réforme de très grande envergure ; une simple loi ne saurait suffire.

Simplifier le droit, c'est optimiser au maximum les conditions d'élaboration, de discussion et d'application de la loi.

Simplifier le droit, c'est permettre aux parlementaires de mener au mieux leur travail d'investigation, de réflexion et de proposition.

En réalité, c'est chaque année que nous devrions adopter une loi de simplification législative en y associant, après les modifications nécessaires, le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État, le Médiateur de la République et les citoyens eux-mêmes. Ces derniers attirent en effet souvent notre attention sur l'absurdité de telle ou telle disposition votée et sur des situations inextricables.

Le Parlement examine toujours plus de lois, dans des délais de plus en plus restreints - la déclaration d'urgence devient presque la norme -, au cours de débats toujours plus courts. On aboutit donc à une situation paradoxale : plus le Parlement examine de lois, plus il est dépossédé.

Aujourd'hui, nous examinons cette proposition de loi relative à la simplification du droit. Demain, nous examinerons un projet de loi sur les chiens dangereux et une proposition de loi relative à la sécurité des manèges. Comme le disait le constitutionnaliste Guy Carcassonne, « tout sujet du vingt heures est virtuellement une loi. »

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