L'objet de cet amendement est de supprimer le régime particulier que les députés ont octroyé à l'élevage, à savoir les dispositions spécifiant que celui-ci fait partie des secteurs dans lesquels les organismes dont les statuts ne satisfont pas à la condition de transfert de propriété peuvent, s'ils mettent à disposition de leurs membres les moyens nécessaires, être reconnus comme organisations de producteurs, en application de l'article L. 551-1 du code rural.
En fait, de quoi s'agit-il ?
Monsieur le ministre, j'ai pris une part active, vous le savez, à la préparation d'au moins deux lois agricoles fondamentales, la loi du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole et la loi du 28 décembre 1966 sur l'élevage.
A cette époque, les opposants à ces deux textes étaient les mêmes que ceux qui sont visés aujourd'hui par le deuxième alinéa du b) du 1° de l'article 14. Les familles de pensée, les intérêts économiques sont en effet les mêmes.
L'agriculture est diverse, mais nous avions choisi d'organiser la filière de la viande. Or la filière de la viande bovine n'est toujours pas organisée. Je connais la stabilité des prix de la viande pour le consommateur. J'ai en effet longtemps été l'administrateur d'une entreprise qui détient 20 % des parts de ce marché.
La différence entre la variabilité des prix pour le consommateur et celle des prix des mercuriales, s'agissant notamment de la viande en vif, est sans commune mesure. Nous avons affaire à des agents économiques dont l'objectif n'est pas l'organisation de la filière. Le producteur - le maillon le plus faible de la chaîne - subit fatalement une forte pression Nous souhaitons donc le protéger.
Les filières agricoles où la formation du revenu des producteurs est la plus facile - elles sont souvent jalousées - ont des décennies d'existence en économie contractuelle. La filière de la betterave a ainsi 71 ans, celle des céréales a 49 ans.
L'organisation d'une filière n'est pas possible sans économie contractuelle acceptée. Les agents économiques qui font un tel effort ont droit, aux termes de la loi, à une reconnaissance particulière. C'est l'objectif des groupements de producteurs, impliqués par ailleurs dans des filières interprofessionnelles différentes suivant les objectifs. Je n'entrerai pas dans le détail.
Les organismes dont il est question dans l'alinéa que je souhaite supprimer ne permettront ni une avancée en termes d'organisation des marchés ni une valorisation de la filière. Je ne veux pas être complice d'une telle tromperie !
Les fermetures d'abattoirs publics, bien que nécessaires d'un point de vue économique, continueront d'être retardées ; les dépôts de bilan, avec leurs cohortes de producteurs impayés et de manifestations justifiées des producteurs, se multiplieront, le tout dans un climat où ne domine pas la transparence fiscale.
On entend souvent l'argument selon lequel 50 % de la viande passerait par ces circuits. C'est vrai et faux à la fois. Un peu plus de 70 % de la viande est actuellement vendu par la grande distribution. Il ne faut pas oublier que la viande de boeuf dont on parle, c'est de la vache. Cette filière est organisée ; une autre cherche son organisation et ne la trouve pas. On voit donc se dessiner la filière de demain : 70 % de la viande passera par la grande distribution.
Veuillez pardonner la passion avec laquelle je défends cet amendement, monsieur le ministre, mais nous examinons un projet de loi d'orientation agricole. Ce n'est donc pas le moment de se tromper, s'agissant d'un secteur aussi important et aussi méritant que celui de l'élevage.
Tous les producteurs ont le droit de constituer des groupements, mais chacun doit alors avoir les mêmes contraintes, les mêmes charges.
La vérité doit être rétablie.