Intervention de David Assouline

Réunion du 11 mai 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

D’ailleurs, c’est ce discours qui nous affaiblit. Ce qui nous renforce, c’est de montrer de la confiance, de l’ouverture et de l’audace face à nos défis, dont celui des migrations internationales, qui est aujourd’hui complexe et nécessite d’abord de la générosité et du pragmatisme.

Voilà pour le cadre général. Pour le reste, nous pouvons nous féliciter que les effets d’annonce ayant justifié cette loi, avec le discours de Grenoble du Président de la République et, notamment, la question de la déchéance de la nationalité ou de la déclaration volontaire, aient été aujourd'hui mis de côté tant ils étaient insupportables. Je salue la majorité actuelle et le Gouvernement d’avoir compris que, là, on commençait à toucher à des principes essentiels à notre vie en commun.

Vous avez voulu, dites-vous, renforcer les dispositifs pour les moderniser ou les adapter à des situations nouvelles concernant l’immigration irrégulière, afin de conforter l’immigration légale. Or vous savez que ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous dites que l’immigration légale est un problème. Nous pouvons en discuter, mais convenez au moins que vous avez changé de discours, que vous allez plus loin.

En effet, ce ne sont pas les immigrés en situation irrégulière que visait M. Wauquiez lors de ses récentes déclarations concernant les minima sociaux ! Au mépris de notre appartenance à l’Union européenne, de nos lois, mais aussi de la réalité de la charge qu’est supposée représenter l’immigration pour notre pays, il a annoncé que les étrangers en situation légale devraient attendre cinq ans avant de bénéficier de prestations sociales. Or, en la matière, toute discrimination à leur égard est interdite en France.

En outre, comme Mme Assassi l’a rappelé, les étrangers installés légalement dans notre pays participent à hauteur de 60 milliards d’euros environ aux contributions, par l’impôt et les cotisations sociales, et n’en reçoivent que 48 milliards. Par conséquent, 12 milliards d’euros ne sont pas « consommés » par les étrangers – si je puis m’exprimer ainsi –, compte tenu de la structure particulière de cette population d’un point de vue sociologique. Il n’est donc pas juste de continuer à les présenter comme une charge sociale.

Vous essayez encore, au travers de ce projet de loi, de faire croire qu’il pourrait y avoir un blocus total. Au motif que certaines personnes tentent de contourner les règles, vous renforcez les difficultés, la stigmatisation, la limitation des droits humains pour toutes les autres, jusqu’à ce droit fondamental qu’est le droit à la santé !

Outre que vous faites fausse route, vous n’en profiterez jamais politiquement. Vous trouverez toujours quelqu’un pour tout remettre en cause en dénonçant de possibles contournements de la loi. À courir derrière cela, vous faites le lit de celle qui paraît dicter aujourd’hui vos évolutions politiques.

J’espère que, pendant cette année électorale, vous ne proposerez pas d’autres textes de loi en continuant à nous dire qu’il faut aller plus loin, parce que, avec la question du juge des libertés et de la détention, le délai d’attente et le droit à la santé, on touche déjà le fond !

J’espère également que le Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, ne vous suivra pas sur les dérives qu’a pointées Mme Bariza Khiari dans la discussion générale.

Sur le fond, bien souvent, vous savez que nous avons raison mais vous voulez instrumentaliser le sujet pour en faire un argument électoral. Monsieur le ministre, de par votre parcours, vous avez la réputation d’être pragmatique. En la matière, vous le savez, pour le bien de notre société, pour l’efficacité même de la politique migratoire, il faut faire preuve de pragmatisme et non d’idéologie.

Les Français aspirent à un consensus à propos de l’autre, de l’étranger et des immigrés en général, afin que leurs vrais problèmes quotidiens, à savoir le chômage, les injustices sociales, l’éducation, l’avenir de leurs enfants, le logement, reviennent au cœur de la politique.

Le parcours législatif de ce projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité touchant à sa fin, nous pouvons au moins espérer que le temps consacré à ces thèmes présentés comme des problèmes majeurs s’achèvera bientôt.

Je veux me souvenir des paroles fortes et argumentées du Président de la République sur l’Union pour la Méditerranée et la nécessité de dépasser les relations du passé, notamment les rapports coloniaux que nous avons pu entretenir dans cette partie du monde, pour travailler en confiance sur de nouvelles bases.

Votre politique migratoire, ce thème mis au cœur de l’actualité rejaillissent, même lorsqu’ils ne concernent que les immigrés en situation irrégulière, non seulement sur l’ensemble des immigrés, qui sont stigmatisés, mais aussi sur l’image de la France dans la Méditerranée, dont la volonté d’écrire une nouvelle page de relations profondes ne paraît pas du tout sincère.

Pour toutes ces raisons, mon groupe appelle à voter contre les conclusions de cette commission mixte paritaire. Au-delà des quelques petites avancées que nous avons relevées, nos débats n’auront pas été vains s’ils servent à préparer une autre politique migratoire, respectueuse des êtres humains. §

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