Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 6 novembre 2007 à 16h00
Partenariat entre le groupe des etats d'afrique des caraïbes et du pacifique et la communauté européenne — Adoption de deux projets de loi

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord de partenariat entre la Communauté européenne et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, les pays ACP, signé à Cotonou le 23 juin 2000, vise, conformément aux objectifs du millénaire pour le développement, à éradiquer la pauvreté et à promouvoir l'intégration des pays ACP dans l'économie mondiale.

L'accord de Cotonou fait suite aux deux conventions de Yaoundé de 1963 et de 1975 et aux quatre conventions de Lomé couvrant les années 1975-2000. Cet accord, entré en vigueur le 1er avril 2003 pour une durée de vingt ans, a connu sa première révision quinquennale en 2005. C'est la ratification tant de cette révision que de celle de l'accord interne relatif au 10e Fonds européen de développement, ou FED, pour la période 2008-2013 qui est soumise aujourd'hui à votre autorisation.

Le maintien d'une relation forte avec les pays en développement, et particulièrement les plus pauvres d'entre eux, constitue de longue date une priorité de l'action de la France, comme de l'Union européenne. Aujourd'hui plus que jamais, la politique européenne en faveur des pays ACP est un élément important du rôle de l'Union européenne dans la stabilité internationale.

Tout d'abord, permettez-moi de souligner que l'accord de Cotonou révisé crée les conditions d'un dialogue politique plus étroit entre l'Union européenne et les pays ACP. Pour vous en convaincre, je vous donnerai quelques illustrations.

La bonne gestion des affaires publiques est devenue un « élément fondamental » de la relation qu'entretiennent l'Union européenne et les pays ACP, au côté des éléments essentiels qui étaient déjà présents dans le régime résultant des conventions de Lomé. Je pense notamment aux droits de l'Homme, à l'État de droit ou aux principes démocratiques.

L'accent est également mis sur la prévention et la résolution des conflits, sans lesquelles aucun développement durable n'est possible.

L'enjeu des migrations est mieux pris en compte, les pays ACP s'engageant à négocier des accords de réadmission des migrants illégaux, conformément à la politique définie par l'Union européenne au Conseil européen de Tampere.

Enfin, le partenariat est élargi aux acteurs de la société civile, du secteur privé et des autorités locales.

La première révision quinquennale de l'accord de Cotonou, en 2005, a encore approfondi ce dialogue politique. L'accord révisé a été signé à l'occasion du conseil ministériel conjoint réunissant les pays ACP et l'Union européenne, au Luxembourg, le 25 juin 2005. Le dialogue politique entre l'Union européenne et les États ACP s'y trouve encore renforcé.

Ainsi, de nouvelles clauses politiques ont été introduites dans l'accord, à la demande de l'Union européenne, notamment au titre des politiques en faveur de la paix, de la prévention et de la résolution des conflits, portant, en particulier, sur la promotion de la justice internationale, sur la lutte contre le terrorisme et contre les armes de destruction massive. En l'espèce, les États parties se sont engagés à participer à la lutte contre la prolifération dans le cadre des obligations internationales.

Pour leur part, les États ACP ont obtenu une révision des modalités du dialogue politique afin d'encadrer plus clairement les conditions de recours à la procédure de l'article 96, qui peut conduire, dans les cas les plus graves, à la suspension de l'aide européenne.

La révision de l'accord de Cotonou ne comporte aucun engagement chiffré relatif au prochain cadre financier, à partir de 2008, puisque, à la date de sa signature, le Conseil de l'Union européenne n'avait pas encore tranché entre un financement par le budget communautaire ou la poursuite d'un financement hors budget par le FED.

L'exécution du cadre pluriannuel de coopération suppose donc la ratification non seulement de l'accord révisé de Cotonou, mais également de l'accord interne aux États membres instituant le 10e Fonds européen de développement.

À mes yeux, ce FED représente un nouvel élan pour l'aide de l'Union européenne au développement. Désormais, en effet, il constitue, pour l'Union européenne, le cadre pluriannuel de coopération au développement.

L'aide aux pays ACP est un élément essentiel de l'aide publique européenne au développement. L'instrument financier attaché à l'accord de Cotonou pour la période 2008-2013 reste le Fonds européen de développement, c'est-à-dire un fonds spécifique, financé sur la base des contributions des États membres, en dehors du budget général de la Communauté. L'option de la budgétisation de l'aide européenne aux États ACP, proposée par la Commission et soutenue par la France, n'a en effet pas été retenue, dans le contexte de la négociation des perspectives financières pour 2007-2013, en raison de l'opposition de certains États membres. Mais cette option pourra être à nouveau envisagée lors du renouvellement du paquet financier de l'Union européenne en 2013.

La France et les pays membres de l'Union européenne ont donc signé à Bruxelles, le 17 juillet 2006, l'accord interne instituant le 10e FED pour la période 2008-2013. Cet accord interne confirme le niveau d'engagement financier de l'Union européenne en faveur des pays ACP et précise l'adaptation du cadre de coopération

Le montant a été fixé à 22, 7 milliards d'euros. Par rapport au 9e FED - 2002-2007 -, pour lequel le montant s'élevait à 13, 5 milliards d'euros, la somme de 22, 7 milliards d'euros tient compte de l'allongement de la durée d'application de cinq à six ans, ainsi que de la croissance, de l'inflation et de l'élargissement de l'Union européenne. C'est un résultat significatif, alors que l'Union européenne compte désormais, après son cinquième élargissement, des États membres ayant des relations moins traditionnelles avec les pays ACP que la France, notamment.

Dans le cadre du compromis final sur les perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2007-2013, le Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 a fixé la clef de contribution entre les États membres.

La France a obtenu de diminuer sensiblement sa contribution au FED : cette dernière, qui était de 24, 3 % depuis 1995, passera à 19, 55 %, soit une diminution significative. Elle devient ainsi le deuxième État membre contributeur au 10e FED, après l'Allemagne, dont la participation atteint 20, 5 %. La contribution de la France s'élèvera à 4, 4 milliards d'euros, soit une contribution moyenne annuelle de 739 millions d'euros.

Avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, la France a obtenu le maintien du financement par le FED des pays et territoires d'outre-mer, alors que la Commission plaidait en faveur d'un financement par le budget général, solution qui aurait eu pour conséquence de minorer sensiblement la dotation des pays et territoires d'outre-mer. En complément, la part relative des crédits du FED destinés aux pays et territoires d'outre-mer a été préservée, à hauteur de 1, 26 %, soit 286 millions d'euros augmentés de 4 millions d'euros de frais de gestion. Certains États membres contestaient ce montant au motif que le niveau de développement des pays et territoires d'outre-mer est plus élevé que celui des États ACP. Mais nous avons tenu bon.

Le fonctionnement du FED a été réformé en vue d'une meilleure efficacité. La présidence française en 2000, sous la houlette de l'un de mes prédécesseurs, Charles Josselin, y a largement contribué. C'est ainsi que, depuis 2002, la gestion des fonds est déconcentrée au niveau des délégations de la Commission européenne dans les pays ACP. Cette déconcentration a permis d'accélérer les décaissements, lesquels sont passés, entre 2001 et 2006, de 1, 8 milliard d'euros à 2, 8 milliards d'euros par an.

Les crédits sont concentrés sur un nombre restreint de secteurs, notamment la gouvernance, les infrastructures et l'appui à l'intégration économique.

De nouvelles modalités de programmation du FED permettent, dans un souci d'efficacité, d'adapter régulièrement la coopération et les ressources qui lui sont allouées en fonction des besoins et des performances de chaque pays ACP.

L'aide budgétaire, globale ou sectorielle, prend, dans tous les pays où les conditions le permettent, une place plus importante. Le soutien budgétaire, s'il offre aux pays bénéficiaires une meilleure prévisibilité des ressources dont ils pourront disposer, permet également l'instauration entre le bailleur et le bénéficiaire d'un dialogue sur la gouvernance, la gestion des finances publiques et l'atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté. Il est prévu, dans le cadre du 10e FED, qu'une « tranche incitative » vienne récompenser les efforts accomplis dans ce domaine.

Plusieurs modifications ont été apportées par le nouvel accord interne au cadre de coopération actuel, notamment en vue, d'une part, d'assouplir les procédures d'éligibilité aux ressources du FED en faveur des parlements nationaux, des acteurs non étatiques, des collectivités locales et des États non ACP pour faciliter la coopération régionale avec les pays ACP, et, d'autre part, d'accélérer la mise en oeuvre de la facilité d'investissement gérée par la Banque européenne d'investissement, particulièrement en assouplissant les modalités de prise de risque.

La mise en oeuvre des crédits du FED est vitale pour un grand nombre de pays ACP avec lesquels la France entretient depuis longtemps des relations très étroites. Je le vérifie chaque semaine lorsque, sur le terrain, je discute avec leurs responsables politiques et les acteurs des sociétés civiles. Il est donc essentiel que l'accord instituant le 10e FED puisse entrer en vigueur sans délai.

Pour conclure, j'indiquerai que, dans la négociation de l'accord de Cotonou révisé et du 10e FED, la France a joué un rôle important afin d'assurer la continuité de l'engagement européen en faveur des pays ACP mais aussi de promouvoir les adaptations nécessaires à la mise en place d'un véritable partenariat avec ces pays, comme le prochain sommet entre l'Union européenne et l'Afrique, à Lisbonne, devrait le démontrer.

La contribution de notre pays au FED représente une part significative de notre aide publique au développement totale et de sa composante en dons, soit respectivement 8 % et 20 %. Cela doit nous rendre particulièrement vigilants sur la programmation de ces fonds et sur le suivi de la réalisation des projets par la Commission.

Je souhaite que nos postes dans les pays ACP se mobilisent davantage encore dans cette direction afin d'assurer la pleine efficacité de cette aide, et, chaque fois que cela est possible, la pleine visibilité de notre engagement en ce domaine - la France ne pourrait-elle parfois, d'ailleurs, être le chef de file de l'action sur le terrain, comme certains pays savent déjà le faire mieux qu'elle ? -, ainsi, bien sûr, que la bonne articulation de cette aide avec la coopération française bilatérale, qui reste - ceci n'exclut pas cela - au coeur de notre engagement dans ces pays.

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