Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les relations de coopération entre l'Europe et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique sont aussi anciennes que la construction européenne elle-même : en 1959, le premier Fonds européen de développement était mis en oeuvre pour cinq ans, avant même la conclusion, en 1964, de la convention de Yaoundé.
Ce cadre de coopération a été redéfini plusieurs fois, par les différentes conventions de Yaoundé, puis de Lomé, enfin, le 23 juin 2000, par l'accord de Cotonou, conclu pour une durée de vingt ans et révisable tous les cinq ans.
Les évolutions marquées par l'accord de Cotonou résident dans le renforcement de la dimension politique du partenariat, dans l'élargissement de ce dernier à de nouveaux acteurs, dans l'introduction d'un système de gestion de l'aide plus rationnel, davantage soucieux de la performance, et dans l'élaboration d'un régime commercial compatible avec les règles de l'OMC. Sur ce dernier point, la négociation est toujours en cours et se heurte à la faible intégration économique des pays concernés, dont certains craignent de perdre des recettes douanières.
L'Europe a beaucoup à attendre d'une véritable insertion du Sud dans la mondialisation. Elle se trouve en effet face à une alternative : soutenir le développement du Sud ou gérer une frontière ingérable.
La France a beaucoup à attendre de cette coopération entre l'Europe et l'Afrique : la tâche n'est pas à la hauteur de ses seuls moyens. Elle y contribue toutefois fortement : avec environ 650 millions d'euros par an, le Fonds européen de développement occupe le premier rang de nos contributions multilatérales de développement et représente à ce titre un élément structurant de l'aide française.
Prévue par le texte de l'accord de Cotonou, la première révision quinquennale, qui fait l'objet du premier projet de loi, a été conclue à Bruxelles le 23 février 2005.
Sans bouleverser l'économie générale de l'accord, cette révision en complète la dimension politique par l'introduction de clauses relatives notamment - M. le secrétaire d'État l'a souligné - à la prévention des activités de mercenaires, à la promotion de la justice internationale, ainsi qu'à la lutte contre le terrorisme, les armes de destruction massive et la prolifération.
Elle tend également à améliorer la flexibilité du volet de coopération en assouplissant l'accès aux ressources du Fonds européen de développement. Les parlements nationaux des États ACP, les acteurs non étatiques, les collectivités locales mais aussi les États non membres du groupe ACP dans le cadre de la coopération régionale pourront ainsi bénéficier de crédits du FED.
Le fonctionnement de la facilité d'investissement de la Banque européenne d'investissement est révisé également, dans le sens d'une plus grande souplesse.
La révision de l'accord comporte enfin, en annexe, un engagement de la Communauté européenne à maintenir son effort d'aide au même niveau que pour le 9e FED, majoré des effets de l'inflation, de la croissance et de l'élargissement.
Le détail de l'engagement financier de la Communauté n'était pas encore connu à la date de l'adoption de l'accord modifiant l'accord de Cotonou, le débat n'étant pas encore tranché sur l'intégration éventuelle du FED dans le budget communautaire, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État.
Le Fonds européen de développement doit en effet à l'héritage de l'histoire, ainsi qu'à la volonté française de préserver la part de l'Afrique dans l'aide communautaire, d'être financé en dehors du budget communautaire par les contributions des États membres selon une clé de contribution spécifique renégociée tous les cinq ans. Pour favoriser le « bouclage » des négociations en 2000, la France a ainsi accepté d'être le premier contributeur, avec une clé de contribution de 24, 3 %, nettement plus élevée que sa participation d'alors au budget communautaire.
Le poids budgétaire de cet engagement mais aussi les reproches adressés au fonctionnement du FED concernant, notamment, l'accumulation des reliquats ont conduit notre pays à plaider pour l'intégration du FED dans le budget communautaire, ce qui aurait abaissé la clé de contribution française à 15, 9 %.
Lors des négociations sur les perspectives financières, la budgétisation du FED n'a pas été acceptée, en raison, surtout, de l'opposition de nos partenaires britanniques, qui auraient vu leur contribution augmenter fortement.
Le second projet de loi qui nous est soumis vise, par conséquent, à autoriser l'approbation de l'accord, signé à Bruxelles le 17 juillet 2006, instituant le 10e FED pour la période 2008-2013.
Le montant du 10e FED a été fixé à 22, 682 milliards d'euros.
Sur ce montant, la France a obtenu de ramener sa clé de contribution de 24, 3 % à 19, 55 %, et passera ainsi au deuxième rang des contributeurs, derrière l'Allemagne. Elle continuera cependant à s'acquitter d'une surcotisation significative de 3, 65 %.
L'engagement de la France représente 4, 4 milliards d'euros, soit, en moyenne annuelle, 739 millions d'euros.
Si la pause que nous observons en 2008 sur les crédits d'aide au développement devait se poursuivre, ce montant représenterait 37 % des crédits d'aide au développement du ministère des affaires étrangères et près d'un quart des crédits budgétaires d'aide au développement.
À l'évidence, notre contribution au FED réduit considérablement nos marges de manoeuvre bilatérales en matière d'aide au développement ainsi que les capacités d'adaptation de notre aide à des thématiques nouvelles. Elle traduit un engagement très clair en faveur des dispositifs multilatéraux mais a contribué à faire reculer le rang de la France parmi les bailleurs bilatéraux de nombre de nos partenaires africains.
S'ajoute à ce montant le reliquat du 9e FED. Alors que les États membres préparent l'entrée en vigueur du 10e FED, les paiements sur le 9e FED commencent à peine et devraient représenter pour la France quelque 2 milliards d'euros après 2008.
Cette accumulation d'engagements non suivis de paiements avait conduit notre collègue Mme Paulette Brisepierre, dans son rapport budgétaire, à alerter le Sénat sur « l'épée de Damoclès budgétaire » que représentait, pour nos finances publiques, la perspective d'une accélération des décaissements du Fonds européen de développement.
Cette accélération, nous y sommes désormais confrontés : sous l'effet, notamment, du développement de l'aide budgétaire globale et des fonds sectoriels, les paiements sur le FED sont passés de 1, 8 milliard d'euros à 3, 8 milliards d'euros entre 2001 et 2006, et la contribution française est passée de 268 millions d'euros en 1999 à près de 700 millions d'euros en 2007.
Pour les années à venir, les prévisions de la Commission, certes souvent volontaristes, portent la contribution française à plus de 800 millions d'euros.
De tels montants auraient pour effet de modifier considérablement la structure de notre aide, au détriment d'une aide bilatérale qui a trop souvent fait office de variable d'ajustement de nos contraintes budgétaires.
Monsieur le secrétaire d'État, la démarche que vous avez engagée avec votre homologue allemand auprès de la Commission pour obtenir le lissage des contributions françaises est donc tout à fait nécessaire.
Il s'agit, pour notre pays, de tenir ses engagements européens de façon supportable tant pour ses finances publiques que pour ses engagements à l'égard de ses partenaires bilatéraux.
Tout en recommandant l'adoption de ces deux projets de loi, la commission des affaires étrangères souhaite, dans la perspective de la prochaine révision quinquennale, que le Gouvernement poursuive ses efforts pour ramener la contribution française à un niveau plus proche de celui de ses autres engagements européens.
Le réexamen des perspectives financières, en 2008 et en 2009, offre une opportunité pour rouvrir le dossier de l'intégration du FED dans le budget communautaire, auquel la commission des affaires étrangères réaffirme son attachement.