Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 6 novembre 2007 à 16h00
Partenariat entre le groupe des etats d'afrique des caraïbes et du pacifique et la communauté européenne — Adoption de deux projets de loi

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État :

Je ne cherche pas forcément à vous convaincre, madame Michaux-Chevry, mais j'évoque cet exemple pour vous montrer qu'il y a non pas de l'indifférence, mais au contraire un véritable engagement.

Nous avons d'ailleurs obtenu des engagements fermes de la Commission dans le secteur du sucre. Des mesures de sauvegarde efficaces s'appliqueront jusqu'en 2015 aux départements d'outre-mer, que vous avez eu raison de défendre tout à l'heure avec fougue. Les discussions se poursuivent aussi sur le commerce de la banane dans le cadre des négociations avec la Caraïbe.

Je puis également vous assurer que la prise en compte des besoins particuliers des producteurs des départements d'outre-mer sera déterminante dans la position de la France dans la phase finale des négociations.

Pourquoi l'Association des États de la Caraïbe, l'AEC, n'est-elle pas partie prenante à la négociation de l'accord de partenariat économique avec la Caraïbe ? S'agissant de cette région, la Commission négocie avec le CARIFORUM, qui, contrairement à l'AEC, est une organisation qui vise à l'intégration économique de ses membres. Au sein du CARIFORUM, la CARICOM vise à constituer un marché commun alors que l'AEC vise à développer la coopération entre les pays de cette région.

Je comprends néanmoins parfaitement l'intérêt qu'il y a, en particulier pour ses membres associés - dont la France au titre des départements d'outre-mer français, qui ne sont pas membres du CARIFORUM -, à informer l'AEC des développements de la négociation avec la CARICOM. À cet égard, il me paraît légitime que cet échange d'informations puisse avoir lieu dans les meilleurs délais possibles, par exemple à l'occasion d'une prochaine session de négociations dans la région.

Enfin, je vous rappelle que les conclusions du Conseil relatives au partenariat entre l'Union européenne et la Caraïbe, adoptées le 10 avril 2006, soulignent l'identité irremplaçable de la région des Caraïbes, le rôle de premier plan qu'elle joue dans le cadre du groupe des États ACP, le rôle important du CARIFORUM ainsi que les liens étroits que cette région entretient avec certains États membres, via notamment les départements français d'outre-mer.

Madame la sénatrice, nous prenons à coeur vos préoccupations, même si nous n'arrivons pas aux mêmes conclusions que vous s'agissant des accords de Cotonou.

Monsieur Hue, voter les deux textes qui sont aujourd'hui soumis au Sénat ne signifie pas nécessairement - vous l'avez d'ailleurs souligné, madame Cerisier-ben Guiga, en faisant la part des choses - approuver les APE.

Pour autant, je ne veux pas esquiver le débat sur les APE.

La position de la France n'est pas nouvelle : nous sommes favorables aux APE, tout en considérant que la négociation doit se poursuivre sur les conditions de leur mise en oeuvre.

Les APE répondent à quatre objectifs.

Premièrement, ils visent à stimuler la croissance économique des pays ACP en développant leur compétitivité. Ces États, pas plus que nous, ne se placent pas dans la perspective d'une simple démarche d'assistance : ils souhaitent aussi pouvoir bénéficier pleinement de leurs atouts. D'ailleurs, certains d'entre eux sont demandeurs, sous certaines conditions, de ces APE. D'un pays à l'autre, d'un groupe de pays à l'autre, les points de vue sont extrêmement variés. Mais, dans l'ensemble, ils ne rejettent pas massivement cette démarche. Certains, qui voient dans les APE l'occasion de leur développement, ont déjà commencé à négocier de manière positive leur signature.

Deuxièmement, les APE visent à promouvoir le développement des régions. J'évoquais d'ailleurs à l'instant l'intégration régionale.

Troisièmement, ils visent à améliorer les politiques sociales et à lutter contre la pauvreté. Ainsi, ces accords n'ont pas la compétitivité pour seule fin ; ils se veulent équilibrés.

Quatrièmement, enfin, ils visent à fixer un accord commercial respectant les règles de l'Organisation mondiale du commerce, qui est aussi partie prenante à ces discussions.

Aujourd'hui, la question n'est pas de savoir si l'ouverture commerciale des pays les plus pauvres est en elle-même le moteur de leur développement. La réponse est clairement négative. On sait en effet que ce dont souffre avant tout l'économie de ces pays, notamment les pays africains, c'est d'une offre inexistante ou insuffisamment compétitive, aussi bien sur les marchés locaux que régionaux et internationaux. Cette question de la qualité et de la compétitivité de l'offre renvoie à tout un ensemble de problèmes récurrents : infrastructures défaillantes ; crédits aux entreprises inexistants ou très chers ; capacités de formation insuffisantes ; technologies anciennes et peu performantes. C'est une démarche tous azimuts qu'il faut engager.

Où en est la négociation en cours ? Elle n'est pas forcément simple tous les jours ! Nous avons évoqué ces questions lors de la réunion informelle des ministres chargés du développement, qui s'est tenue il y a quelques semaines à Madère, et à laquelle assistaient les commissaires européens Louis Michel et Peter Mandelson. Avec quelques autres pays européens tels que le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et les pays d'Europe du Nord, nous avons rappelé que nous étions favorables à cette démarche et que nous en étions solidaires. En outre, nous avons fait part de notre volonté de discuter pied à pied pour que cette négociation réussisse. En effet, elle doit être l'occasion pour la société civile et pour les représentants des opérateurs économiques, qu'ils soient producteurs agricoles, artisans ou industriels, de remettre sur la table certaines options d'ouverture commerciale.

Pour ces pays, l'accès au marché mondial est souvent plus que problématique. À cet égard, leur intégration régionale est pour eux un défi et une chance. Cette intégration conditionne la réussite des APE, dont elle constitue aussi l'un des objectifs.

Certes, le combat n'est pas gagné d'avance, mais nous ne pouvons pas rejeter cette perspective d'un revers de la main.

Enfin, les pays les moins avancés ne pourront bénéficier des échanges que si leurs capacités de production commerciale s'améliorent.

Les APE constituent aussi une solution de rechange aux échecs d'un certain nombre d'accords commerciaux. Elle ne pourra être efficace en termes de développement que si elle s'inscrit dans une vraie dynamique non seulement de concertation, de transparence et de gestion des transitions, mais aussi de recherche de cohérence dans les politiques. C'est pour nous un vrai défi, mais nous devons accepter de nous engager dans cette démarche.

Enfin, madame Cerisier-ben Guiga, en dépit de quelques points de désaccord, vous partagez le souci du Gouvernement et de M. le rapporteur de rendre le FED plus efficace. Nous discutons actuellement avec le commissaire Louis Michel afin d'améliorer la prévisibilité des décaissements. Sur ce point, ce que vous avez dit est juste et votre critique est fondée. Néanmoins, comme me le soufflait M. le rapporteur, la situation s'améliore. Mais je reconnais qu'il faudra veiller à ce que les délais soient plus courts.

La France est attentive à ce que la mise en oeuvre des APE prenne en considération la question du développement, notamment à travers un véritable volet d'accompagnement. C'est sur le contenu de ce dernier que portent aujourd'hui de nombreuses discussions avec la Commission. Je puis vous dire que je me suis personnellement engagé dans ce dialogue.

Je conviens avec vous, et avec d'autres dans cet hémicycle, que les APE ne doivent pas être exclusivement des accords de libre-échange. Comme leur nom l'indique, ce sont aussi des accords de partenariat, dont le but est le développement intégré des pays signataires. Tel est en tout cas l'esprit dans lequel nous abordons cette négociation importante et difficile.

Concernant la politique africaine de la France, vous avez fait allusion à la « pause » que j'ai évoquée en commission dans l'augmentation de la part française d'aide au développement, ajoutant que les engagements annoncés naguère par le président Jacques Chirac ne seraient tenus ni aujourd'hui ni demain. Je serais tenté d'ajouter qu'ils ne l'ont été ni hier ni avant-hier. Sur ce point, nous pouvons tous balayer devant nos portes respectives et, en ce qui me concerne, successives. Nous avons tous fait preuve d'insuffisance.

Certes, il est important de déterminer quelle part de notre PNB nous consacrerons à l'aide publique au développement à l'horizon de 2015, puisque nous nous plaçons dans une démarche multilatérale. Cet objectif est un moteur et un levier. Nous ne remettons pas en cause le taux de 0, 7 %. En revanche, il n'est pas interdit de réfléchir sur ce que doit recouvrir cet objectif dans les années à venir. Du point de vue de la France, il serait peut-être souhaitable qu'on prenne en compte tous les domaines de notre présence, notamment en Afrique, qui n'entrent pas tous dans le calcul de ce taux.

Dans bien des domaines, qu'il s'agisse de coopération militaire ou de coopération civile, notre engagement est sans doute perfectible, mais il ne faiblit pas. Il n'est que de voir notre implication dans la négociation du 10e FED.

Je suis pleinement en phase avec les objectifs de changement dans la politique africaine de la France qui ont été énoncés à plusieurs reprises par le Président de la République, que ce soit il y a quelque temps à Cotonou, plus récemment à Dakar ou, en septembre, aux Nations unies, où je me trouvais. Cette démarche est bien sûr empreinte de réalisme : nous ne négligeons pas nos intérêts bien compris, non plus que nous ne tournons le dos aux amis de la France. Ce pragmatisme de bon aloi, qui a toujours eu cours, se veut résolument novateur quant aux choix à faire et aux critères à privilégier.

Nous voulons être davantage présents dans un certain nombre de pays, à l'instar de quelques-uns de nos voisins européens. Nous voulons moderniser nos outils, ce que nous avons la possibilité de faire actuellement dans le cadre de la revue générale des politiques publiques. Nous voulons également, dans la solidarité, promouvoir le principe de responsabilité, principe dont il est d'ailleurs question dans les débats sur l'accord de partenariat ; c'est ce qu'attendent nos amis africains.

Aussi, je ne peux vous laisser dire que nous nous plaçons dans une continuité ronronnante. Nous sommes conscients que le monde a changé et que nos politiques de coopération en général et avec l'Afrique en particulier - et cela vaut aussi pour notre politique en matière de francophonie - doivent prendre en compte les attentes nouvelles de nos partenaires et leurs évolutions.

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