La région d’Île-de-France, par le biais du STIF, a contribué à développer l’offre de transport sur son territoire, au prix d’investissements massifs. Cela vous est insupportable. Vous faites donc le choix, au détour d’un amendement plus que contestable tant sur la forme que sur le fond, de transférer purement et simplement son patrimoine à la RATP.
Au-delà de l’expression d’une volonté inébranlable de remettre la main sur les transports en Île-de-France - voire sur le conseil régional, nous l’avons bien compris -, cet amendement pose un problème de fond. Vous nous martelez sans cesse que Bruxelles interdit les aides d’État, justifiant d’ailleurs ainsi l’ouverture du capital de La Poste, mais, parallèlement, et de façon très surprenante, vous offrez gratuitement à la RATP un patrimoine gigantesque, de plusieurs milliards. Ce double discours est difficile à comprendre !
Ce fameux amendement introduit également un calendrier fixant l’ouverture à la concurrence des métros en 2039, c'est-à-dire dans trente ans ! Que traduit-il donc, sinon votre volonté de faire dire au règlement relatif aux obligations de service public, dit règlement OSP, ce qu’il ne dit pas ? En effet, ce règlement n’impose pas l’ouverture à la concurrence des transports régionaux et urbains, il encadre simplement les formes choisies par les autorités organisatrices.
Comment ne pas faire le lien avec ce que proposait en première lecture notre collègue Hubert Haenel pour les TER, sachant que le député Hervé Mariton souhaitait un échéancier pour leur ouverture à la concurrence ? M. Apparu vient de le rappeler, M. le secrétaire d’État chargé des transports y est favorable.
À cet égard, je vous le rappelle, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, en réponse à une question orale, affirmait que l’objet du règlement OSP n’était pas d’anticiper l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs.
Vous n’avez à la bouche que la « concurrence libre et non faussée », et ce alors même que tous les indicateurs sont au rouge, témoignant ainsi de l’échec du modèle économique libéral. Les conséquences sociales du règne du Marché, que subissent aujourd’hui de plein fouet nos concitoyens, rendent nécessaire et urgente une prise de conscience des erreurs commises, non pas l’accélération de vos réformes.
Dans votre logique, vous créez l’ARAF, nouveau « gendarme » du transport ferroviaire, pour accompagner l’ouverture à la concurrence. Les pouvoirs qui lui sont confiés sont importants, afin de garantir que l’arrivée des nouveaux entrants se fera dans des conditions favorables.
Les autorités de régulation dites indépendantes sont le nouveau modèle de la puissance publique pour garantir transparence et indépendance.
Or la transparence, monsieur le secrétaire d’État, vous l’obtiendrez non pas en permettant à l’État de se désengager et de se défausser de ses responsabilités, mais, bien au contraire, en garantissant des espaces de démocratie. Or vous en êtes très loin ! En effet, vous réduisez massivement le nombre des élus avec la réforme des collectivités territoriales, vous muselez le Parlement par les nouveaux règlements des assemblées, vous supprimez autoritairement la taxe professionnelle… La liste est longue !
La nouvelle autorité disposerait d’un pouvoir réglementaire et d’un pouvoir de sanction.
En ce qui concerne le pouvoir réglementaire, il s’agit d’un pouvoir par délégation, mais, en l’absence de précision de la part de M. le secrétaire d’État, l’homologation est réputée acquise. Sur la forme, c’est une grave atteinte au principe de constitutionnalité du pouvoir réglementaire. Sur le fond, nous estimons que la concentration de ces pouvoirs entre les mains de personnalités qui ne seront pas comptables de leurs actes est absolument scandaleuse.
Par ailleurs, nous renouvelons notre opposition à la prééminence accordée à l’ARAF sur l’EPSF, l’Établissement public de sécurité ferroviaire, réaffirmée à l’article 9 de ce projet de loi, qui indique que le respect des règles de sécurité ne saurait avoir pour effet d’entraver le bon fonctionnement du marché concurrentiel.
Nous continuons de penser que la sécurité ne peut être sacrifiée sur l’autel de la rentabilité économique.
Les débats ont aussi permis d’intégrer dans ce texte, d’une part, la création, au sein de la SNCF, d’une nouvelle direction regroupant les 14 000 agents travaillant pour le compte de RFF et, d’autre part, une gestion spécifique des gares au sein des comptes de la SNCF, alors qu’aucune directive communautaire ne l’impose.
Ce zèle du gouvernement français est encore plus inexplicable au moment où chacun s’accorde à penser que l’existence, dans notre pays, de services publics a permis d’amortir la crise économique que nous traversons.
Pourtant, la logique de votre politique reste toujours la même. Dans un secteur aussi stratégique que celui des transports, on aboutit ainsi au schéma suivant : les collectivités financent, sur leur territoire, les services non rentables, sous peine de les voir supprimés, tandis que, parallèlement, les axes rentables sont ouverts à la concurrence et les partenariats public-privé développés, pour permettre aux géants de l’immobilier de réaliser des profits colossaux.
Quant à l’État, il se désengage. L’aide au transport combiné ne cesse de décroître, passant de 90 millions d’euros en 2002 à 35 millions d’euros en 2009. Les subventions à l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ont diminué de 220 millions d’euros.
La révolution verte prônée par M. Borloo dans cette assemblée pour introduire les débats sur le Grenelle de l’environnement ne sera donc pas au rendez-vous en 2010. À ce titre, la reprise de la dette de RFF n’est toujours pas à l’ordre du jour, même si je me félicite que ce texte prévoie la remise d’un rapport sur cette question au Parlement avant la fin de l’année 2009. Je ne peux qu’inciter le Gouvernement à agir rapidement en ce domaine, car il y a urgence.
Au final, vous l’aurez bien compris, chers collègues, les sénateurs et sénatrices du groupe CRC-SPG ne pourront voter ce texte, qui, conformément à une logique récurrente, démantèle le service public ferroviaire.