Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 10 juin 2010 à 14h30
Réseaux consulaires — Article 11

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Même si notre discussion se déroule dans un climat apaisé, il n’en demeure pas moins que cet article 11 fait débat, car il nous met face à une contradiction majeure.

Sous prétexte, officiellement, d’encourager la compétition, la concurrence, le libre choix du consommateur, on va au contraire amenuiser l’offre de produits disponibles, instaurer des monopoles locaux, réduire le nombre de magasins en favorisant les grandes enseignes.

Le projet initial du Gouvernement nous paraissait équilibré. Il maintenait les MIN, les marchés d’intérêt national, mais assouplissait davantage leur fonctionnement, ouvrant ainsi la voie, s’agissant des grossistes, à un système de dérogation moins rigide.

Il avait, en outre, été validé par la Commission européenne et reçu l’aval aussi bien des marchés d’intérêt national que des producteurs et des détaillants.

Contrairement à ce qu’il en est pour les CCI, le consensus sur les marchés d’intérêt national était, lui, bien établi.

L’Assemblée nationale a néanmoins décidé de supprimer le périmètre de référence des MIN pour permettre l’installation de grossistes en n’importe quel point du territoire.

Les marchés d’intérêt national ne constituent pas une entrave à la concurrence ; bien au contraire, ils la favorisent. Tous les grossistes d’un même produit sont les uns à côté des autres et cela permet la réunion de toutes les conditions pour une saine concurrence. La proximité de vendeurs de produits similaires garantit en effet des prix bas et empêche les ententes. À l’inverse, si l’on décloisonne les MIN, on va voir se multiplier des petits grossistes en divers points des agglomérations ; ils contrôleront un marché local qui leur sera soumis et pourront y pratiquer les prix qu’ils souhaitent.

Le schéma est déjà connu avec la grande distribution, qui pratique une politique semblable sur le territoire français.

J’ajoute que les marchés d’intérêt national sont bien fournis en produits divers et nombreux. On y compte plus de 4 000 références, ce qui garantit un débouché pour de nombreux produits, favorisant une agriculture de qualité, soucieuse de présenter des produits non normés, moins banals.

Au contraire, les petites structures se concentrent sur un plus faible nombre de produits, à peine 350. Il s’agit donc de produits normés, correspondant à une certaine demande, mais n’assurant pas la diversité.

Alors qu’on essaie de promouvoir des produits de qualité, différents, sortant des sentiers battus de l’agriculture industrielle, voilà qu’on vient dans le même temps favoriser une uniformisation des produits dans la distribution ! Comment croire que la disparition des marchés d’intérêt national favorisera une agriculture plus diverse et responsable ? C’est, de toute évidence, l’inverse qui va se produire !

Cet article, tel qu’il est rédigé, pose problème, car il constitue non une aide, mais un frein à la concurrence. Pis, il ne protège pas le consommateur. L’avantage majeur des MIN vient en effet de ce qu’ils sont soumis à un contrôle très étroit de la part des autorités sanitaires. La concentration en un même lieu favorise à bien des égards des contrôles fréquents et stricts. À l’inverse, il sera beaucoup plus difficile de contrôler l’ensemble des grossistes s’ils sont répartis sur tout le territoire, à moins bien sûr d’augmenter le nombre de vétérinaires, d’agents de sécurité sanitaire, etc. J’ai cependant l’impression que vous n’y êtes pas prêts, chers collègues de la majorité, au vu des politiques de rigueur et de restriction budgétaire que vous préconisez…

Aussi, vous êtes en train d’affaiblir les protections du consommateur au lieu de les renforcer.

Les MIN sont, de plus, des espaces structurants du territoire, qui participent au développement économique. Ils sont des pôles d’emplois, dans la logistique, la maintenance, le commerce, etc. Ils ont donc une fonction essentielle dans la vitalité économique de certains secteurs des villes. Ne nous y trompons pas : affaiblir les MIN ne sera pas une opération neutre, ni en termes d’emplois ni en termes de dynamique territoriale.

Les questions d’aménagement du territoire recoupent aussi des questions d’esthétique paysagère, et je sais que vous y êtes sensible, monsieur le secrétaire d'État. Notre collègue Jean-Pierre Sueur avait déposé une proposition de loi relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes pour mettre un terme à cette défiguration complète de nos territoires. L’objectif semble susciter un relatif consensus. Pourtant, en facilitant la dissémination des petits grossistes sur le territoire métropolitain, on va davantage contribuer à la multiplication de ces « verrues » urbaines, espaces uniformes en tous points du territoire national, sans identité, sans saveur, plutôt qu’à leur résorption.

Je résume : l’amendement Vautrin entrave la saine concurrence, annule nombre de protections indirectes dont bénéficie le consommateur, fragilise le tissu entrepreneurial français ainsi que les territoires où il est implanté, contribue à enlaidir encore davantage les entrées de villes.

Je crois que ces raisons suffisent amplement pour appeler au retour au texte initial. Il est quand même surprenant que ce soit l’opposition qui demande à la majorité de soutenir le Gouvernement !

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